COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 MARS 2023
N° RG 21/01090
N° Portalis DBV3-V-B7F-UN6Z
AFFAIRE :
[L] [M] épouse [U]
C/
Société LIGNES ET COURBES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY PONTOISE
Section : I
N° RG : F 20/00084
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Agnès CITTADINI
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [L] [M] épouse [U]
née le 8 août 1989 à [Localité 6]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Agnès CITTADINI de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: C2185
APPELANTE
****************
Société LIGNES ET COURBES
N° SIRET : 379 536 055
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Joëlle BERENGUER GUILLON de la SELEURL SOCIALEX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0524 et Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 620
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [U] a été engagée par la société Lignes et Courbes, en qualité de dessinatrice projeteuse, par contrat de travail à durée déterminée le 16 avril 2018, puis par contrat à durée indéterminée le 28 juillet 2018 à temps complet.
Cette société est spécialisée dans conception, la réalisation et l'installation d'espaces intérieurs en bois et PVC haut de gamme, sur mesure à destination de professionnels et de particuliers. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de moins de 10 salariés. Elle applique la convention collective des ETAM du bâtimentde la région parisienne.
La co-gérance de la société est assurée par M. [C] [Y] et M. [Z] [G], beau-frère de ce dernier.
La salariée percevait une rémunération brute mensuelle de 2 438,69 euros (moyenne des 12 derniers mois de salaire).
Par lettre du 25 juillet 2019, la salariée a informé les deux co-gérants qu'elle envisageait de quitter ses fonctions et de mettre fin à son contrat de travail par une rupture conventionnelle.
Par lettre du le 19 août 2019, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable fixé le 26 août 2019 en vue de définir les principes et modalités d'une éventuelle rupture conventionnelle.
La salariée a été en arrêt de travail du 22 août 2019 au 06 septembre 2019.
Le 5 septembre 2019, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur. Dans une longue lettre, la salariée y décrit le comportement de M. [Y], co-gérant de la société, en invoquant des faits de harcèlement sexuel et harcèlement moral:
' (...)
J'ai été victime d'agissements de harcèlement sexuel qui me conduisent par la présente à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts.
Dès le début de la relation contractuelle, j'ai constaté que les remarques déplacées de M. [Y] étaient monnaie courante.
Il se permettait ainsi de me tenir des propos tels que ' si on embauche [A], il n'aura pas d'aussi jolies robes que toi' ou ' vous êtes de belles plantes' en parlant de [S] [E] et de moi. (...)
Si dans un premier temps, il m'a semblé préférable de signer une rupture conventionnelle car [C] m'a à demi-mot menacée de pouvoir me nuire, je considère désormais qu'il n'est pas possible que son comportement, qui relève du harcèlement, puisse se solder par un départ négocié.
En effet et pour rappel, les agissements de harcèlement sexuel et de harcèlement moral sont interdits par le code du travail.(...)
J'ai été la cible de propos et de comportement à connotation sexuelle de la part de M. [Y] qui n'a pas cessé entre le 12 juillet et le 25 juillet de me poser des questions sur ma vie privée et sexuelle et sur celle de ma collègue [S], propos qui ont considérablement créé une situation intimidante, hostile et offensante à mon égard, au point que je sois contrainte de quitter l'entreprise en moins de 15 jours. ( ...)
De même, le caractère harcelant du comportement de M. [Y] et ses remontrances injustifiées sur mon travail alors que l'entreprise n'avait jamais eu à s'en plaindre auparavant, pourraient être qualifiées de harcèlement moral. (...)
Il m'est dans ce contexte, impossible de signer une rupture conventionnelle qui doit normalement intervenir en dehors de toute situation de violence avec son l'employeur. (...)'.
Afin que ces atteintes cessent, je suis contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.'.
Le 9 septembre 2019, Mme [U] a adressé cette même lettre au procureur de la République du tribunal de grande instance de Pontoise aux termes duquel elle l'informe de son souhait de déposer plainte pour des faits de harcèlement sexuel et harcèlement moral de la part de M. [Y].
Mme [U] a saisi l'inspection du travail de faits de harcèlement sexuel.
Par lettres des 24 et 25 septembre 2019, l'employeur a adressé à la salariée les documents de fin de contrat et a contesté les accusations portées à l'encontre de M. [Y].
Le 24 février 2020, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise aux fins de requalification de sa prise d'acte en licenciement et en paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 16 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise (section industrie) a :
- qualifié la rupture du contrat de travail de Mme [U] par prise d'acte aux tort exclusifs de l'employeur en démission,
- débouté Mme [U] de ses demandes,
- débouté la société Lignes et Courbes de ses demandes,
- dit que chaque partie conformément à l'article 700 du code de Procédure Civile supporteront leurs frais engagés,
- dit n'y avoir lieu a exécution provisoire de la présente décision,
- mis les dépens de l'instance à la charge de Mme [U].
Par déclaration adressée au greffe le 9 avril 2021, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 13 décembre 2022.
En cours de délibéré, sur autorisation de la cour, l'employeur a produit l'avis de classement sans suite délivré par le parquet du tribunal judiciaire de Pontoise le 11 janvier 2023 au motif que l'infraction n'apparaît pas suffisamment constituée ou caractérisée.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [U] demande à la cour de :
- la dire et la juger bien fondée en son appel,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a déboutée, à titre principal, de ses demandes tendant à requalifier la prise d'acte en un licenciement, à dire et juger ce licenciement nul, et à lui allouer des dommages et intérêts pour licenciement nul, en ce qu'il l'a déboutée, à titre subsidiaire, si la nullité du licenciement ne devait pas être retenue, de ses demandes tendant à dire et juger ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, à écarter le montant maximal d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il l'a déboutée, à titre infiniment subsidiaire, si l'inconventionnalité du barème ne devait pas être retenue, de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, de réparation de l'entier préjudice de carrière, financier et moral subi par la perte de son emploi,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés incident sur préavis, de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, d'indemnité légale de licenciement, de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié au harcèlement sexuel dont elle a été victime, de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité, d'indemnité de requalification sur le fondement des dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail, d'article 700 du code de procédure civile, de remise d'un certificat de travail, d'une attestation destinée au Pôle emploi, d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir,
d'intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et de capitalisation des intérêts,
et, statuant à nouveau,
à titre principal,
- requalifier sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement,
- dire et juger le licenciement nul en vertu des dispositions de l'article L. 1153-4 du code du travail,
en conséquence,
- condamner la société Lignes et Courbes à lui payer la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
à titre subsidiaire,
si le conseil ne devait pas retenir la nullité du licenciement,
- dire et juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- dire et juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,
en conséquence,
- condamner la société Lignes et Courbes à lui payer la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre infiniment subsidiaire,
dans l'hypothèse où, par extraordinaire, la cour ne retiendrait pas l'inconventionnalité du barème d'indemnisation issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017 aux règles de droit international du travail qui priment sur le droit interne,
- condamner la société Lignes et Courbes à lui verser la somme de :
. 4 877,38 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
. 13 122,62 euros en réparation de l'entier préjudice de carrière, financier (comprenant notamment un préjudice retraite) et moral subi par la perte de son emploi,
en tout état de cause,
- condamner la société Lignes et Courbes à lui payer les sommes suivantes :
. 2 438,69 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 243,86 euros au titre des congés payés incidents,
. 2 438,69 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,
. 898,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 5 000 euros en réparation du préjudice moral lié au harcèlement sexuel dont elle a été victime,
. 5 000 euros en réparation du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité,
. 2 438,69 euros à titre d'indemnité de requalification sur le fondement des dispositions de l'article L.1245-2 du code du travail,
. 4 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger la société Lignes et Courbes mal fondée en son appel incident,
en conséquence,
- débouter la société Lignes et Courbes de sa demande nouvelle tendant à sa condamnation au paiement d'une indemnité compensatrice d'un montant de 2 438,69 euros correspondant à un mois de préavis,
- débouter la société Lignes et Courbes de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- ordonner la remise de fiches de paie conforme, d'un certificat de travail conforme et d'une attestation destinée au Pôle emploi conforme, sous astreinte de 50 euros par document et pour jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,
- dire que la cour se réservera le droit de liquider l'astreinte,
- condamner la société Lignes et Courbes aux entiers dépens,
- dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,
- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1154 du code civil.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 janvier 2022 , auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Lignes et Courbes demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses fins, moyens et prétentions,
- y faire droit,
à titre principal,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise du 16 mars 2021 en ce qu'il a : . jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de Mme [U] datée du 5 septembre 2019 doit être qualifiée et porter les effets d'une démission, . débouté Mme [U] de toutes ses demandes au titre de :
* dommages et intérêts pour licenciement nul,
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* dommages et intérêts en réparation du préjudice de carrière, financier et moral subi par la perte de son emploi,
* indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
* dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
* indemnité légale de licenciement,
* dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié au harcèlement sexuel,
* dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
* indemnité de requalification sur le fondement de l'article L.1245-2 du code du travail,
* l'article 700 du code de procédure civile,
* la remise de fiches de paie conformes, d'un certificat de travail conforme et d'une attestation Pôle emploi conforme, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard,
* intérêts et capitalisation des intérêts,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, condamner Mme [U] à payer la somme 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [U] à payer une indemnité réparatrice d'un montant de 2 438,69 euros à la société Lignes et Courbes au titre de l'indemnité de préavis non effectué,
- condamner Mme [U] aux entiers dépens, y compris d'appel,
à titre subsidiaire, si la prise d'acte est requalifiée en licenciement nul,
- limiter l'indemnité pour licenciement nul à 6 mois de salaires soit la somme de 14 633 euros,
- si la cour entend prononcer une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, limiter à juste proportion le montant accordé,
à titre plus subsidiaire, si la prise d'acte est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- limiter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 0,5 mois de salaires soit la somme de 1 219 euros conformément à l'article L.1235-3 du code du travail auquel il est demandé à la cour de ne pas déroger,
- si la cour entend prononcer une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, limiter à juste proportion le montant accordé,
en tout état de cause,
en cas de requalification de la prise d'acte du contrat en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
- débouter Mme [U] de ses demandes au titre des :
. dommages et intérêts en réparation du préjudice de carrière, financier et moral subi par la perte de son emploi,
. dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
. dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié au harcèlement sexuel,
. dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
. indemnité de requalification sur le fondement de l'article L.1245-2 du code du travail,
. intérêts et capitalisation des intérêts.
MOTIFS
Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
La salariée souligne que faute pour l'employeur d'avoir énoncé pour quelle tâche occasionnelle et non durable le contrat à durée déterminée a été conclu, le contrat est réputé à durée indéterminée. La salariée ajoute que le poste qu'elle a occupé était lié à une activité normale et permanente de la société qui n'a pas recouru à ses services pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire.
L'employeur réplique que le seul fait pour l'employeur d'indiquer que le contrat est conclu pour faire face à un surcroît d'activité ou un accroissement temporaire d'activité constitue une définition précise du motif du contrat sans qu'il soit nécessaire pour l'employeur de préciser dans la contrat la nature des tâches à accomplir.
* *
En vertu des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, qui ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans des cas déterminés par la loi et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
L'article L. 1242-2 prévoit également qu'un contrat à durée déterminée peut être conclu dans les cas suivants :
1° Remplacement d'un salarié en cas :
a) d'absence,
b) de passage provisoire à temps partiel,
c) de suspension de son contrat de travail,
d) de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail,
e) d'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer,
2° Accroissement temporaire d'activité,
3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou par accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois,
4° Remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d'une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l'activité de l'entreprise à titre professionnel et habituel ou d'un associé non salarié d'une société civile professionnelle, d'une société civile de moyens ou d'une société d'exercice libéral,
5° Remplacement du chef d'une exploitation agricole ou d'une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d'un aide familial d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l'article L. 720-10 du même code dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'exploitation agricole ou de l'entreprise ;
La mention dans un contrat de travail à durée déterminée qu'il est conclu pour faire face à un accroissement temporaire d'activité constitue le motif précis exigé par le code du travail (cf. Soc., 28 septembre 2005, pourvoi n° 04-44.823, Bull. 2005, V, n° 271 publié).
En cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée (Soc.,15 septembre 2010, pourvoi n09-40.473, Bull. 2010, V, n°179).
Au cas présent, le contrat de travail de la salariée fait mention que la salariée a été engagée en qualité de dessinatrice projeteuse ' pour accroissement temporaire d'activité '.
Toutefois, l'employeur n'indique pas ce que recouvre cette situation et ne justifie pas de la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée ni si la demande à l'origine du contrat à durée déterminée constituait une tâche occasionnelle, précisément définie et non durable, tel qu'un projet ou un appel d'offres en particulier, et que ledit contrat répondait ainsi aux exigences de la loi.
Par voie d'infirmation du jugement, il convient de requalifier ce contrat en contrat à durée indéterminée et d'allouer au salarié la somme, non critiquée par l'employeur en son calcul, de 2 438,69 euros à titre d'indemnité de requalification.
Sur la rupture
La prise d'acte est un acte par lequel le salarié prend l'initiative de rompre son contrat de travail en imputant la responsabilité de cette rupture à son employeur, en raison de manquements de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Il appartient au salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail de démontrer les manquements reprochés à l'employeur. A l'appui de la prise d'acte, le salarié est admis à invoquer d'autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.
A l'appui de sa prise d'acte, la salariée invoque des faits de harcèlement sexuel qui se sont déroulés en juillet 2019, tous contestés par l'employeur. Elle indique que si elle a pris l'initiative de la rupture, celle-ci s'analyse en un licenciement imputable à l'employeur résultant de ses manquements à ses obligtions légales notamment celle pour l'employeur de garantir la santé et la sécurité de ses salariés, ce qui inclut la prévention des actes de harcèlement sexuel.
A titre principal, la salariée forme une demande de nullité du licenciement en raison des faits de harcèlement sexuel et en tout état de cause pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour relevant toutefois ici que cette demande subsidiaire n'est fondée sur aucun quelconque autre manquement.
Aux termes de l'article L.1153-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
Selon l'article L.1153-2 dans sa rédaction applicable au litige, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article L.1153-1, y compris dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés.
Il résulte des dispositions des articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement sexuel , il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement (Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-24.320).
Enfin, la caractérisation de faits de harcèlement sexuel en droit du travail, tels que définis à l'article L. 1153-1, 1° du code du travail, ne suppose pas l'existence d'un élément intentionnel (Soc., 25 mars 2020, pourvoi n° 18-23.682 publié).
Au cas présent, il ressort de ces dispositions que la salariée fonde sa demande sur l'article 1153-1 1° précité.
La salariée soutient que le faisceau d'indices qu'elle rapporte permet de présenter des éléments laissant présumer l'existence de faits de harcèlement sexuel en raison de :
- son discours clair, précis et constant,
- des nombreux textos produits démontrant que M. [Y] s'est intéressé ' de près' à sa vie privée et sexuelle,
- des confidences qu'elle a faites à son entourage à propos de ses conditions de travail,
- la dégradation de son état de santé à la suite de ces agissements,
- son attitude face à ces agissements en adéquation avec la gravité des faits qu'elle a subis, ses démarches étant cohérentes.
Il ressort de l'ensemble des pièces du dossier les premiers faits suivants :
- les échanges de SMS entre la salariée et M. [Y] sont cordiaux, parfois familiers ( la salariée : ' c'était pour la blonde', ' et oui, t'as vu quand on veux Lol' , ' Pouahhhh je prends un 2 ème apéro pour la peine!', ' St [C], tu as le goût du risque ou de l'exotisme') voire d'ordre personnel alors que ce dernier a été amené à interroger la salariée sur la santé de ses enfants ou sur l'articulation entre sa vie personnelle et professionnelle pour se rendre à des rendez-vous chez des clients ou des fournisseurs,
- la reprise de la société à moyen terme par la salariée et Mme [S] [E] a été évoquée par les deux-cogérants,
- souhaitant organiser un anniversaire ' surprise' en septembre 2019 pour son épouse, le mari de la salariée a demandé par SMS du 11 juillet 2019 à M. [Y] si la salariée pouvait être en congé du vendredi après-midi au lundi inclus,
- une partie des personnels de la société était réunie chez M. [Y], dont la salariée, le vendredi 19 juillet à l'occasion de l'anniversaire de [X] [K], menuisier, M. [G], co-gérant étant en congés annuel depuis le 12 juillet 2019.
La situation s'est ensuite dégradée lorsque, quelques jours plus tard, trois salariés annonçaient qu'ils quittaient l'entreprise, dont Mme [U], Mme [S] [E] et [X] [K], et les faits se présentent selon la chronologie suivante :
- la salariée et M. [Y] ont une conversation d'ordre personnel dans l'entreprise le 12 juillet 2019, l'AVTF ( l'association européenne contre les violences faites aux femmes au travail) ayant noté dans la fiche de compte rendu téléphonique de premier appel de Mme [U] le 19 août 2019 : ' en fin de journée, on a discuté de nos vies. Je lui ai dit que j'avais des doutes sur mes sentiments envers mon mari; que quelqu'un me tournait autour,que j'étais perturbée. J'ai perdu 45 kilos en un an, nouvelle image de moi. Il me demande si je voulais tromper mon mari. J'ai répondu qu'il n'en était pas question mais j'étais étonnée qu'il me demande ça. Il m'a demandé si j'avais toujours des relations sexuelles avec mon mari. Ca a commencé à me gêner. (...),
- un entretien s'est tenu le 25 juillet 2025 dont le déroulement est décrit différemment par les parties, la salariée affirmant que M. [Y] l'a contrainte à signer une lettre de démission, (pièce n° 20 S), il n'est en revanche pas contesté que les intéressés ont abordé la situation de la salariée à propos d'un baiser qu'elle a échangé avec un autre salarié, [X] [K],
- par lettre manuscrite du 25 juillet 2019, la salariée a informé les deux co-gérants de ce qu'elle envisageait de quitter ses fonctions et de mettre fin à son contrat de travail par une rupture conventionnelle,
- M. [Y] a organisé le 25 juillet 2019 une 'confrontation' entre Mme [U] et [X] [K] pour évoquer l'échange d'un baiser dans les bureaux,
- par courriel du 26 juillet 2019, la salariée a informé une architecte, avec laquelle elle avait précédemment échangé le 27 juillet 2019 à propos d'un chantier, qu'elle a 'dû quitter la société Lignes et Courbes',
- par courriel du 26 juillet 2019, la salariée a demandé à M. [Y] de lui restituer sa lettre de démission remise la veille ' sous la contrainte',
- en réponse le 30 juillet 2019, M. [Y] a proposé à la salariée de la rencontrer le 19 août 2019 pour discuter de cette situation, il indique notamment que l'entetien du 25 juillet 2019 a été provoqué par la salariée et qu'ils ' sont revenus sur les faits qui te sont reprochés (...) Et c'est en analysant les conséquences de la situation à laquelle tu as contribuée que tu as fini par me dire ' je n'ai pas d'autre choix que de vous présenter ma démission.',
- la salariée a contesté la version de M. [Y] par courriel du 30 juillet 2019,
- par lettre du 31 juillet 2019 adressée à la société Lignes et Courbes et intitulée 'rétraction suite à lettre de démission', la salariée a confirmé sa présence au rendez-vous fixé le 19 août 2019.
Dans ce contexte, la salariée produit au dossier les témoignages et échanges de SMS suivants :
- [X] [K], qui a quitté la société après le 25 juillet 2019, indique : ' le jeudi 25 juillet 2019, M. [Y] m'a mis à la porte pour une raison non valable (...)', et explique que M. [Y] l'a interrogé à plusieurs reprises entre le 18 et le 25 juillet à propos du comportement de Mme [U] et Mme [S] [E] en soirée, et lui a demandé de ' faire des aveux' à propos d'un ' bisou' échangé avec Mme [U] dans les bureaux. Le témoin ajoute que M. [Y] lui a reproché d'avoir fait ' des avances' à sa fille à son domicile lors de la soirée du 17 juillet 2019, le témoin précisant que plusieurs salariés se sont retrouvés en fin de journée pour évoquer les faits de la journée et que Mme [U] a ' avoué que ça faisait deux semaines que [C] lui posait énormément de questions sur sa vie privée et celle de [S] et avait un comportement étrange avec elle.',
- M. [D], menuisier ayant démissionné le 19 août 2019, relate que M. [Y] lui a demandé ce jour-là s'il se souvenait de la journée au cours de laquelle Mme [U] et [X] [K] étaient ensemble au bureau d'études, M. [Y] ayant ' sous-entendu que, d'après lui, ils réalisaient un acte sexuel (...) [C] suspectait une histoire entre [X] et [L].',
- le 24 juillet 2019, Mme [U] et Mme [S] [E], qui ne témoigne pas au dossier, ont échangé en fin de soirée de nombreux SMS qui abordent l'entretien qui s'est tenu entre Mme [S] [E] et M. [Y] notamment à propos de relations existantes entre Mme [U] et [X] [K], et de leur comportement lors d'une soirée qui s'est déroulée le 28 juin 2019 à [Localité 5] entre plusieurs salariés de l'entreprise,
- un échange de SMS de la salariée avec son mari, non datés, et dans l'un d'eux la salariée lui anonce ' il m'a demandé de démissionner.',
- des SMS échangés avec plusieurs salariés, M. [D] déjà cité et M. [R], et non datés qui évoquent la saisine de l'inspection du travail et de l'AVFT par la salariée.
La salariée produit en outre des attestations de membres de sa famille, d'amis, d'anciens collègues, d'anciens clients, de son actuel employeur , de ses nouveaux collègues et d'une naturopathe, qui reprennent les confidences de la salariée, tout en témoignant de sa probité morale mais qui ne constituent pas des témoignages suffisamment probants des faits qui se sont déroulés dans l'entreprise en juillet 2019, quand bien même il en ressort également que la salariée a présenté de manière constante ces événements.
La salariée a été en arrêt de travail du 22 août au 6 septembre 2019 pour un ' syndrôme anxio- dépresssif et le docteur [T] certifie le 17 décembre 2019 que la salariée a présenté depuis la fin du mois de juillet une anxiété réactionnelle.
En synthèse, si la salariée n'établit pas que M. [Y] a tenu des propos à connotation sexuelle ou portant sur son apparence ou celle de sa collègue, Mme [S] [E] et si salariée n'a fait mention dans aucun de ses messages ou lettres, tant à son l'employeur ou à ses collègues, voire son conjoint en juillet 2019, de l'existence de tout propos ou comportements à connotation sexuelle répétés à son encontre , il ressort de l'ensemble des éléments qu'elle produit que M. [Y] a manisfesté un comportement intrusif à son encontre, à connotation isexuelle.
En effet, l'employeur entre le 20 et le 25 juillet 2019, a posé des questions que la salariée qualifie de ' questions malsaines' (cf. Sa lettre de rétractation de démission du 31 juillet 2019) à ses collègues de travail relatives à la vie privée de la salariée, a tenu des propos déplacés la concernant en invoquant une éventuelle relation amoureuse avec un de ses collègues.
La salariée présente ainsi des faits matériellement établis qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel au sens de l'article L.1153-1 1° précité.
Il incombe par conséquent à la société Lignes et Courbes de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement sexuel.
Au préalable, la cour relève que la saisine de l'inspection du travail par la salariée n'a pas été suivie d'effet, aucun élément n'étant produit à ce titre par la salariée au dossier, et que sa plainte près le procureur de la République a fait l'objet d'un classement sans suite.
L'employeur communique également au dossier des attestations de deux salariés et de M. [G], co-gérant, qui témoignent ne pas avoir constaté des actes de harcèlement sexuel à l'encontre de Mme [U] ou avoir été témoins de gestes ou actes déplacés.
Ces témoignages sont corroborés par d'autres attestations de personnes qui ont été professionnellement en contact direct avec la salariée en présence de M. [Y].
A ces attestations, s'ajoutent de très nombreux témoignages en faveur de M. [Y] d'anciens salariés, de connaissances professionnelles, d'amis et de membres de sa famille qui témoignent de son intégrité morale.
Mais surtout, M. [R], dans une seconde attestation, relate que Mme [U] lui a expliqué le motif de son départ le 25 juillet 2019 en ces termes : ' Je quitte Lignes et Courbes, [C] m'a obligée à faire ma lettre de démission, j'ai discuté avec [S] de ma vie privée, elle lui a rapporté notre conversation et il se sert de ça pour me renvoyer et il m'accuse d'avoir une liaison avec [X]. En clair, il me fait passer pour une pute'.
M. [R] relate qu'en raison de l'annonce du départ le 25 juillet 2019 de trois salariés, il a demandé à ses collègues de venir à son domicile et il lui a été dit, sans que M. [R] ne précise le nom des salariés qui se sont exprimés, que ' la vie privée de [L] ne regarde que [L]. [L] a dit que [C] lui aurait fait des allusions déguisées, [L] a décliné son offre. [C] a essayé de leur faire avouer à [X] et à [L] qu'ils avaient eu une relation'.
M. [W], employé dont la salariée a produit les échanges de SMS déjà cités, indique n'avoir jamais été témoin d'aucun gestes ou propos déplacés de la part de M. [Y] et qu'il a été informé par Mme [U] qu'elle ne 'comptait pas en rester là via les conversations whatsapp avec son épouse'.
Enfin, M. [G] relate l'inquiétude qu'il a partagée avec M. [Y] en juillet 2019 avant son départ en vacances relative à la proposition de transmission de l'entreprise à Mme [U] et Mme [S] [E] et qu'il ne lui a pas 'paru anormal' qu'ils se préoccupent de ' ce type de situation', évoquant le changement d'attitude de Mme [U], de Mme [S] [E], de [X] [K] et M. [D].'.
Ces éléments confirment que M. [Y] a agi dans le cadre d'une démarche professionnelle tendant à connaître les relations existantes entre les salariés de la société qu'il dirigeait, de sorte que ces agissements ne sont pas constitutifs du harcèlement sexuel allégué.
L'employeur établit par des éléments précis qu'il a mené une enquête interne sur le comportement de Mme [E] et de Mme [U] et s'est également interrogé sur l'existence d'une relation intime entretenue entre Mme [U] et [X] [K], ses décisions étant ainsi justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement sexuel.
La prise d'acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail s'analyse donc en une démission de la salariée.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et de sa demande de nullité du licenciement.
Sur l' obligation de sécurité en matière de protection de la santé et la sécurité
La salariée indique que le comportement de M. [Y], exerçant des fonctions de responsable d'établissement doit être considéré comme un détournement des pouvoirs octroyés à l'employeur, normalement dans un objectif de bon fonctionnement de l'entreprise. Elle expose que les faits dont elle a été victime sont également dus à la passivité de la société qui n'a pris aucune mesure pour les éviter et qu'il y a lieu de reconnaître l'existence d'une préjudice distinct du préjudice moral directement lié au faits de harcèlement moral constitué par le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. Elle ajoute que ces manquements sont d'autant plus graves que le harcèlement est perpétré par l'employeur lui-même.
L'employeur objecte que la demande est sans objet puisque si manquement il y a, il serait de la faute du dirigeant qui est accusé, ce qui n'est pas le cas, la salariée ne démontrant de surcroît aucun préjudice.
D'une part, il a été précédemment retenu que le dirigeant de la société, M. [Y], n'a commis aucun fait de harcèlement sexuel à l'encontre de la salariée. La demande de la salariée ne peut donc aboutir faute de manquement caractérisé de l'employeur. D'autre part, et en tout état de cause, la salariée n'établit l'existence d'aucun préjudice, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.
Sur l'indemnité correspondant au préavis non exécuté
L'employeur expose que la prise d'acte de la salariée produit les effets d'une démission qui justifie que la salariée lui verse une indemnité correspondant au préavis qu'elle n'a pas exécuté.
Il explique qu'il résulte des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile que parties peuvent soumettre à la cour d'appel des nouvelles prétentions si celles-ci sont l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises aus premiers juges, la salariée sollicitant le rejet de cette demande mais n'a pas développé de moyen à ce titre dans la motivation de ses conclusions.
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Toutefois l'article 566 prévoit que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Force est de constater que cette demande qui n'avait pas été formulée en première instance ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, l'employeur ayant uniquement sollicité le débouté de toutes les demandes de la salariée et ne présentant à titre reconventionnel qu'une demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dès lors, l'employeur n'établit pas que cette nouvelle demande est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de ces prétentions initiales.
Cette demande sera donc déclarée irrecevable en cause d'appel.
Sur les autres demandes
La créance salariale portera intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation. Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.
Il convient en outre d'ordonner à l'employeur de remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Enfin, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de condamner l'employeur aux dépens de première instance.
L'employeur sera également condamné aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il déboute Mme [U] de sa demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et met les dépens de l'instance à la charge de Mme [U].
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société Lignes et Courbes à payer à Mme [U] la somme de 2 438,69 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
DIT que les intérêts au taux légal courront à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation à comparaître à l'audience de conciliation pour la créance salariale,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
ORDONNE à la société Lignes et Courbes de remettre à Mme [U] un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte,
DÉCLARE irrecevable, comme nouvelle en appel, la demande de la société Lignes et Courbes d'indemnité correspondant au préavis non exécuté,
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société Lignes et Courbes à verser à Mme [U] une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Lignes et Courbes aux dépens de première instance et d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président