COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 AVRIL 2023
N° RG 21/00993
N° Portalis : DBV3-V-B7F-UNJO
AFFAIRE :
[G] [H]
C/
Société ELOIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 février 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE
Section : C
N° RG : F 18/01897
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Ghislain DADI
Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [G] [H]
née le 25 mai 1976
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257
APPELANTE
****************
Société ELOIS
N° SIRET : 483 413 258
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 et Me Etienne GUIDON de la SELARL CABINET GUIDON BOZIAN, Plaidant, avocat au barreau de NANCY, vestiaire : 134
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [H] a été engagée en qualité d'assistante administrative, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2016, par la société Elois.
Cette société, spécialisée dans l'assurance de prêts et de personnes, applique la convention collective nationale entreprises de courtage, d'assurances et ou de réassurances. Son effectif était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés.
Convoquée, par lettre remise en main propre du 12 février 2018, à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 22 février 2018, avec mise à pied à titre conservatoire, la salariée a été licenciée par lettre du 6 mars 2018 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:
« En conséquence, par la présente, nous vous informons que nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, licenciement motivé par :
Votre comportement agressif à l'égard de vos collègues de travail.
Ainsi, le vendredi 9 février 2018, vous avez entendu volontairement adopter à l'égard de deux de vos collègues, Mesdames [N] et [Y] un ton agressif, proféré des menaces et tenu des propos particulièrement blessants.
En effet, ce jour là, alors que vos collègues étaient dans l'incompréhension face à votre comportement qui a consisté, une heure avant la fin de votre service, à demander que l'on ne vous demande plus de traiter de mails alors qu il restait encore beaucoup de dossiers à traiter compte tenu de l'absence ce jour là de plusieurs collaborateurs, vous avez tenu les propos suivants à l'égard de Madame [N] :
« toi, tu ne t'en mêles pas, tu ne me parles pas, tu n'es pas ma responsable »; « toi tu n'as rien à me dire, on va aller s'expliquer dehors à 17 heures ».
Ainsi, outre un ton très agressif que vous avez entendu adopter à son égard, vous n'avez pas hésité à la menacer.
Par suite, loin de vous calmer, vous avez agressé votre autre collègue, Madame [Y] en lui disant notamment : « toi t'en mêles pas, je suis ton ainée, tu me dois le respect »; et tenu des propos blessants à son encontre « ta mère t'a mal éduquée, tu es mal élevée ».
Ces propos étaient d'autant plus blessants que vous saviez que Madame [Y] venait, il y a peu, de perdre sa mère.
La violence de vos propos a été telle que Madame [Y], profondément choquée, s'est retrouvée complètement déstabilisée et en pleurs.
Votre comportement est totalement inadmissible, et ce d'autant plus qu'à aucun moment, vous n'avez exprimé le moindre regret, bien au contraire, refusant toute remise en question de votre attitude.
En outre, suite à cet incident du 9 février 2018, nous avons appris de la part de vos collègues de travail que ce n'était malheureusement pas la première fois que vous adoptiez à leur égard un tel comportement agressif.
Ainsi, Madame [N] nous a fait parti des propos injurieux et menaçants que vous n'avez pas hésité à tenir à son égard, notamment « Casses-toi, dégages »
A ce comportement, nous devons également déplorer votre incapacité à tenir le poste d'assistante administrative pour lequel vous avez été engagée.
En effet, vos collègues de travail se plaignent de devoir reprendre vos erreurs dans le traitement des dossiers.
En outre vos erreurs ternissent l'image de sérieux de la Société ELOIS vis à-vis de ses partenaires et ne manque pas de remettre en cause le professionnalisme de l'entreprise.
Ainsi, des courtiers se sont plaints auprès de notre Directeur Commercial, et de notre Responsable Commercial, de votre incapacité à répondre à leurs questions, de leur apporter la réponse appropriée à leurs problématiques :
« Je suis navré mais je ne souhaite plus parler à [G] car elle ne comprend pas mes questions au répond à côté »
« J'ai perdu un dossier car [G] m'a donné de fausses informations que le client n'a pas accepté»;
« J'ai eu des problèmes avec [G] dans des échanges de mails où elle me réclame plusieurs fois des éléments déjà transmis ».
Vos collègues se plaignent également de votre mauvaise gestion des dossiers, et du fait qu'ils sont ainsi obligés de pallier vos carences et de reprendre vos erreurs, ce qui ne manque pas de créer un climat de tension au sein du service.
Enfin, nous devons constater que vous prenez beaucoup plus de temps pour traiter les dossiers que vos collègues, ce qui génère pour eux un surcroît de travail.
Au mois de juillet et d'octobre 2017, nous vous avons fait part de notre mécontentement quant à la qualité de votre travail, et vous avons mis en garde, mais en vain.
En effet, et comme vous l'avez confirmé lors de votre entretien préalable, vous refusez, là encore, toute remise en question.
Pire encore, et alors que vos collègues ont tenté de vous apporter leur aide, vous faites preuve de nonchalance, de manque de professionnalisme et d'absence d'esprit d'équipe, ce qui là encore n'a pas manqué de créer des tensions.
Votre attitude est bien entendu fortement dommageable d la bonne organisation du service.
Ainsi, nous ne pouvons malheureusement que constater qu'en dépit de l'aide qui vous est régulièrement apportée, et des mises au point faites, la qualité de votre travail na cessé de se dégrader, il en est de même de votre comportement, celui-ci étant devenu extrêmement agressif envers vos collègues de travail.
Nous ne pouvons continuer à travailler dans ces conditions, au risque d'une désorganisation du service, et ce d'autant plus que lors de l'entretien préalable, et encore une fois, vous avez refusé toute remise en cause de votre façon de travailler comme de votre comportement.
Les faits, ci-avant rappelés, justifient pleinement votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Votre préavis d'une durée d'un mois débutera à la date de première présentation de cette lettre.
Nous vous informons que nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis, lequel vous sera rémunéré. (...) »
Le 18 juillet 2018, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de requalification de son licenciement, à titre principal, en licenciement nul, à titre subsidiaire, en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 17 février 2021, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section commerce) a :
- dit que le licenciement de Mme [H] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Eloise de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [H] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 31 mars 2021, Mme [H] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 13 décembre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [H] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
statuant à nouveau,
- fixer son salaire moyen brut à la somme de 2 131,50 euros (moyenne 3 derniers mois),
- dire et juger le licenciement nul à titre principal en raison du harcèlement moral et de la discrimination dont elle était victime ainsi que de la violation de ses droits à la défense, et abusif, à titre subsidiaire,
- dire et juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,
- condamner la société Elois à lui payer les sommes suivantes :
. 25 578 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement, abusif,
. 6 394,50 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,
. 25 578 euros au titre des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
- ordonner la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 150,00 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision et dans la limite de 190 jours,
- condamner la société Elois à régler la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, devant l'article 1343-2,
- condamner la société Elois aux dépens d'instance.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Elois demande à la cour de :
- déclarer l'appel irrecevable et mal fondé,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 17 février 2021 en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [H] repose sur une cause réelle et sérieuse, l'a déboutée' de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée' au paiement des entiers dépens,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 17 février 2021 en ce qu'il a débouté la société Elois de sa demande de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [H] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
- condamner Mme [H] aux entiers frais et dépens en cause d'appel.
MOTIFS
Sur la nullité du licenciement
A l'appui de sa demande de nullité du licenciement, la salariée invoque le harcèlement moral et la discrimination dont elle a été victime, ainsi qu'une violation de ses droits à la défense. Elle fait valoir que depuis le début des relations contractuelles en 2016 elle a été victime des agissements de ses collègues, que l'employeur n'a pas pris aucune disposition pour prévenir, et qu'elle a fait l'objet d'un harcèlement moral institutionnel, dont d'autres salariés se sont également plaints, qu'elle a été licenciée sur la base des allégations des salariées qui la harcelaient alors que l'employeur n'a jamais donné crédit à ses propres dires.
Elle fait valoir que l'employeur a refusé de produire lors de l'entretien préalable les preuves détenues à son encontre, l'empêchant ainsi d'exercer ses droits à la défense.
Sur le harcèlement moral et la discrimination
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il appartient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Par ailleurs, selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :
- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,
- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, à l'appui du harcèlement moral et de la discrimination allégués, la salariée invoque avoir été victime de la part de ses collègues, Mmes [N] et [S] [D] de vexations et d'humiliation, ces allégations étant dépourvues de toute offre de preuve, de même que celles relatives à la dégradation de son état de santé, aucun document médical n'étant produit au dossier.
Elle produit le témoignagne d'une salariée qui ne relate aucun fait concernant Mme [H], mais qui décrit uniquement la situation qu'elle-même a vécue au sein de la société, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges.
Ce témoignage ne constitue pas un élément de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral ou une discrimination à l'encontre de Mme [H], qui ne présente aucun élément de fait à l'appui de ses allégations.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et de la discrimination.
Sur la violation des droits de la défense
La salariée soutient que la société a refusé, lors de l'entretien préalable, de lui montrer les 'prétendues preuves des soit-disant fautes' commises par elle, qu'il s'est contenté d'indiquer lors de l'entretien préalable qu'il disposait de ces éléments mais a refusé catégoriquement de les lui montrer, alors qu'il doit les fournir si il les a déjà recueillis. Que s'agissant de données personnelles concernant la salariée, l'employeur a l'obligation de les placer dans le dossier personnel de la salariée, qu'elle ignorait ainsi totalement ce qui lui était exactement reproché et se trouvait dans l'impossibilité et dans l'incapacité de se défendre face aux allégations aussi fantaisistes et surprenantes de son employeur.
L'employeur objecte que la salariée ne conteste pas que, lors de l'entretien préalable, il lui a bien indiqué les motifs de la décision de licenciement envisagée, que sa seule contestation porte sur le fait que l'employeur, lors de cet entretien, ne lui aurait pas montré les pièces du dossier, et plus particulièrement les attestations de ses collègues de travail, alors qu'une telle communication au salarié lors de l'entretien n'est exigée ni par les textes ni par la jurisprudence.
**
L'article L. 1232-2 du Code du travail prévoit que « L'employeur qui envisage de licencier un salarié, le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre
décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.
L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de
la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. »
L'énonciation de l'objet de l'entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à son licenciement et la tenue d'un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d'être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l'exigence de loyauté et du respect des droits du salarié (Soc., 8 mars 2017, pourvoi n°14-20.365, diffusé).
L'article L. 1232-3 du code du travail dispose que « Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié».
Si cet article fait obligation à l'employeur d'indiquer au cours de l'entretien préalable au salarié dont il doit recueillir les explications le motif de la sanction envisagée, il ne lui impose pas de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier la sanction (Soc., 18 février 2014, pourvoi n° 12-17.557, Bull. 2014, V, n° 52).
En l'espèce, les pièces dont la salariée soutient qu'elle a demandé qu'elles lui soient communiquées lors de l'entretien préalable sont constituées par les témoignages nominatifs et précis qui sont produits dans le cadre de la présente procédure de sorte que, étant soumis au débat contradictoire et étant d'ailleurs critiqués par la salariée à l'appui de sa contestation du licenciement, aucune violation de ses droits de la défense n'est caractérisée.
Au surplus, il résulte du courriel que la salariée a adressé à l'employeur le 14 février pour contester la décision de mise à pied notifiée par la lettre la convoquant à l'entretien préalable qu'elle a connaissance des faits objets de cet entretien puisqu'elle indique être 'surprise de la décision que vous avez pris à mon encontre suite aux faits dont j'ai été victime vendredi dernier et dont je vous ai parlé par téléphone (...) je vous ai bien précisé que je souhaitais m'entretenir avec vous notamment ainsi qu'avec les personnes concernées'. Elle admet ainsi qu'elle connaissait donc les faits fondant la procédure disciplinaire engagée par l'employeur.
Enfin, il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'elle ait sollicité, soit directement soit par l'intermédiaire du conseiller qui l'a assistée lors de l'entretien préalable, la communication des attestations déjà détenues par l'employeur lors de cet entretien, étant précisé que la plupart des attestations produites ne comportent pas la date de leur rédaction.
Sa lettre adressée à l'employeur pour contester son licenciement, dans lequel elle évoque le fait que son conseiller ait demandé à voir les pièces, n'établit pas qu'une telle demande ait été effectivement formulée puis rejetée par l'employeur.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont à juste titre débouté la salariée de sa demande de ce chef, et écarté en conséquence sa demande de nullité du licenciement.
Sur le licenciement 'abusif'
La salariée fait valoir que le conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve en retenant que la salariée n'apportait pas d'élément de preuve permettant de démontrer que les reproches faits sont injustifiés, qu'elle n'a jamais eu un comportement agressif à l'égard de ses collègues ni à l'égard de quiconque, que le licenciement invoque des lacunes de la salariée dans la gestion des dossiers sans pour autant invoquer un motif d'insuffisance professionnelle.
L'employeur formule deux griefs à l'appui du licenciement de la salariée :
' Un comportement agressif à l'égard de ses collègues de travail
' Une incapacité à occuper son poste de travail et donc son insuffisance professionnelle
Le premier grief est établi par les nombreuses attestations produites au dossier par l'employeur, dont il n'est pas ici nécessaire de reprendre les termes, et dont il ressort que la salariée a eu un comportement agressif notamment envers deux de ses collègues de travail le 9 février 2018, l'une d'entre elles sortant en pleurs de cet échange au cours duquel, la pointant du doigt, Mme [H] lui a dit qu'elle lui devait le respect et qu'elle avait été mal éduquée par sa mère, récemment décédée.
Le second grief est également établi notamment par ces mêmes attestations, dont il ressort que ce jour-là, la salariée a demandé, une heure avant la fin de sa journée, qu'on ne lui donne plus
de travail et de courriels à traiter. De même le directeur de développement a attesté avoir eu des retours négatifs sur l'accueil téléphonique réservé à ses interlocuteurs par Mme [H], dont le curriculum vitae qu'elle produit indique qu'elle n'est pas restée plus d'une année sur un certain nombre de postes qu'elle a occupés. Contrairement à ce que soutient la salariée, l'employeur établit avoir reçu diverses plaintes sur la qualité du travail de la salariée, notamment celle d'un délégué régional se plaignant de sa 'mécompréhension et/ou de son mauvais traitement des demandes', et que ses lacunes ont entraîné des tensions au sein du service, allant jusqu'à l'altercation du 9 février 2018.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture.
Sur l'exécution déloyale du contrat
La salariée fait valoir que l'employeur n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi dès lors qu'elle a été victime de discrimination et de harcèlement au cours de l'exécution de son contrat de travail, que l'employeur l'a informé lors de l'entretien préalable qu'elle serait licenciée, qu'elle a ainsi été licenciée, ces manquements graves étant constitutifs d'une exécution déloyale du contrat de travail.
Toutefois, d'une part l'existence d'un harcèlement moral et d'une discrimination ont été écartés, d'autre part, les allégations de licenciement verbal sont dépourvues d'offre de preuve.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.
Sur la violation de l'obligation de sécurité
La salariée soutient que la société n'a fait que peu de cas de ses alertes concernant la situation de harcèlement moral dont elle était victime, qu'en effet, en mars 2017, lors de son premier entretien d'évaluation, la salariée a informé son employeur qu'elle était victime de harcèlement et d'injures de la part de Mme [N], qu'en novembre 2017, lors de son deuxième entretien d'évaluation, elle a alerté une nouvelle fois son employeur qu'elle était toujours victime de faits de harcèlement, l'employeur lui répondant « tu crois que je ne suis pas au courant de ce qui se passe au service gestion ' », que la société, bien que consciente de la situation de la salariée, ne réagissait jamais.
Toutefois, ces allégations sont là encore dépourvues de toute offre de preuve de la matérialité des alertes qu'elle prétend avoir adressées à son employeur, de sorte que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il y a lieu de condamner Mme [H] aux dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'à verser à la société Elois la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [H] de ses demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE Mme [H] à payer à la société Elois la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [H] aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président