COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80U
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 MARS 2023
N° RG 21/00991
N° Portalis DBV3-V-B7F-UNIT
AFFAIRE :
Association PRESENCE 2000
C/
[A] [V]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 février 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY-PONTOISE
Section : AD
N° RG : F 18/00354
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Maeva VANBERGUE
Me Florenne GARCIA
Copie numérique adressée à :
Pôle Emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Association PRESENCE 2000
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Maeva VANBERGUE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 161
APPELANTE
****************
Madame [A] [V]
née le 6 novembre 1960 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Florenne GARCIA, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 17
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [V] a été engagée en qualité d'auxiliaire de vie, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à compter du 31 mai 2003, par l'association Présence 2000.
Cette association, spécialisée dans l'aide à domicile, applique la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010. Son effectif était, au jour de la rupture, plus de 10 salariés.
La salariée percevait une rémunération brute mensuelle de 950,13 euros.
Le 2 février 2015, la salariée a fait l'objet d'un avertissement en raison de l'absence d'utilisation du boîtier permettant d'enregistrer ses heures de début et de fin d'intervention.
La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 20 septembre 2015 au 1er juillet 2016.
Par lettre du 4 août 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 18 août 2016.
Elle a été licenciée par lettre du 31 août 2016 pour faute grave dans les termes suivants :
« Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :
Depuis le 22 juillet 2016, vous ne vous êtes plus présentée sur votre lieu de travail et vous n'avez justifié aucune de vos absences bien que nous ayons tenté à maintes reprises de vous contacter, et malgré notre courrier du 28 juillet 2016.
Compte tenu de vos fonctions, vous n'êtes pas sans savoir que cette absence injustifiée est gravement préjudiciable au fonctionnement de l'Association.
Ces faits constituent une faute grave. Nous sommes donc contraints de mettre fin à votre contrat de travail, votre attitude rendant impossible la poursuite de votre activité professionnelle au sein de notre Association ».
Le 3 septembre 2018, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise aux fins de faire reconnaître l'existence d'un harcèlement moral, de contester le bien-fondé de son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 19 février 2021, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise (section activités diverses) a :
- mis hors de cause M. [T] [B], es qualité de commissaire à l'exécution du plan, l'association Présence 2000 étant redevenue in bonis,
- condamné l'association Présence 2000 à verser à Mme [V] les sommes nettes suivantes :
. 11 400 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,
. 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la condamnation prononcée emporte intérêts au taux légal à compter du jugement en ce qu'elle concerne une créance indemnitaire,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,
- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de l'association Présence 2000.
Par déclaration adressée au greffe le 31 mars 2021, l'association Présence 2000 a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 10 janvier 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l'association Présence 2000 demande à la cour de
- déclarer recevables les conclusions récapitulatives du 12 décembre 2022,
- infirmer le jugement rendu le 19 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Pontoise en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [V] les sommes suivantes :
. 11 400 euros au titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
. 1 500 euros au titre de de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- juger que les accusations de harcèlement moral alléguées par Mme [V] ne sont pas constituées et sont infondées,
en conséquence,
- débouter purement et simplement Mme [V] de l'intégralité de ses demandes, fins, et conclusions,
- à titre subsidiaire, si la cour estimait les accusations de harcèlement fondées, réduire les sommes allouées à de plus justes proportions,
en toutes hypothèses,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise du 19 février 2021 en ce qu'il a débouté Mme [V] de l'intégralité de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- à titre subsidiaire, si la cour estimait le licenciement sans cause réelle et sérieuse, réduire les sommes allouées à de plus justes proportions,
- condamner Mme [V] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamner Mme [V] aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [V] demande à la cour de :
- déclarer irrecevables les conclusions récapitulatives d'appelant du 12 décembre 2022, ainsi que les éventuelles pièces nouvelles communiquées à leur soutien,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. dit et jugé qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de l'association Présence 2000 entre le 1er janvier 2015 et le 31 août 2016,
. condamné l'association à lui verser la somme de 11 400 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef,
. condamné l'association Présence 2000 à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à :
. dire et juger que le licenciement intervenu le 31 août 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
. condamner l'association Présence 2000 à lui verser les sommes de :
* 1 900 euros au titre de l'indemnité de préavis outre
* 190 euros pour les congés payés afférents,
* 2 913,34 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 17 100 euros au titre de la rupture injustifiée du contrat de travail,
statuant à nouveau,
- juger que le licenciement intervenu le 31 août 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner l'association Présence 2000 à lui verser les sommes de :
. 1 900 euros au titre de l'indemnité de préavis outre
. 190 euros pour les congés payés afférents,
. 3 325,45 euros euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 17 100 euros au titre de la rupture injustifiée du contrat de travail,
y ajoutant,
- condamner l'association Présence 2000 à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'association Présence 2000 aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de la signification de l'arrêt à intervenir et celui de l'éventuelle exécution forcée de ce dernier.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité des conclusions récapitulatives de l'association du 12 décembre 2022
La salariée soutient que les conclusions de l'appelante du 12 décembre 2022 sont irrecevables dans la mesure où, répondant à son appel incident du 20 septembre 2021, elles devaient être communiquées dans le délai prévu à l'article 910 du code de procédure civile soit jusqu'au 20 décembre 2021.
L'employeur réplique que ces conclusions sont recevables dès lors que, dès ses premières conclusions, il sollicitait l'infirmation du jugement concernant les faits de harcèlement moral, et la confirmation du jugement concernant le licenciement.
***
L'article 910 du code de procédure civile dispose que « l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe ».
L'article 914 du même code dispose que « Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à : (')
déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
(')
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.
Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909,910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal ».
Il appartient au juge de rechercher si les conclusions litigieuses répondent à l'appel incident ou si elles sont destinées au moins en partie à développer l'appel principal.
Au cas présent, la salariée a soulevé l'irrecevabilité de ces écritures dans des conclusions adressées à la cour le 2 janvier 2023, avant la clôture de l'instruction du 10 janvier 2023, et non dans des conclusions spécialement adressées au conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître jusqu'à la clôture de l'instruction, qui n'était pas alors intervenue. Cette demande est irrecevable.
Ajoutant au jugement, la salariée sera déboutée de sa demande d'irrecevabilité des conclusions de l'appelante du 12 décembre 2022.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il appartient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l'appui de l'allégation de harcèlement moral, la salariée invoque les faits suivants :
- les deux procédures disciplinaires engagées en janvier et août 2015
La convocation à entretien préalable du 8 janvier 2015 pour un entretien fixé au 16 janvier 2015, l'avertissement du 2 février 2015 et la convocation à entretien préalable du 5 août 2015 pour un entretien fixé au 17 août 2015 établissent la réalité des procédures disciplinaires engagées à l'encontre de la salariée en janvier et en août 2015.
- les trois convocations à entretien préalable à un éventuel licenciement en 2016
La salariée produit des convocations à entretien préalable des 16 février 2016 pour un entretien fixé au 24 février 2016 et 21 mars 2016 pour un entretien fixé au 31 mars 2016 et il n'est pas contesté qu'elle a de nouveau été convoquée à un entretien préalable par lettre du 4 avril 2016.
- l'annonce verbale de son licenciement lors de l'entretien du 31 mars 2016
Dès lors que la salariée ne produit à cette fin que ses propres courriers adressés à l'employeur, ce fait n'est pas établi.
- le comportement vexatoire de l'employeur entraînant un discrédit et l'atteinte à sa réputation auprès d'un patient et de son épouse.
A titre liminaire, il n'est pas contesté que le 2 juillet 2016, la salariée s'est rendue, accompagnée de M. [F], son compagnon, pour reprendre son activité au domicile de M. [D], patient dont elle s'occupait avant son arrêt de travail pour maladie.
La salariée reproche à l'employeur d'avoir indiqué, à cette occasion, par téléphone à Mme [D], épouse du patient, qu'elle ne devait plus s'approcher du patient, qu'elle était licenciée et que la police allait intervenir.
Mme [D] témoigne que la salariée s'est présentée chez elle le 2 juillet 2016 et que n'étant pas informée, elle a contacté l'employeur via le service d'astreinte. Elle précise qu'une personne de l'astreinte lui a alors affirmé que la salariée ne devait pas être présente chez elle, qu'elle ne devait pas s'approcher de son époux, qu'elle était licenciée et que si la salariée ne partait pas, elle allait prévenir la police. Elle ajoute que « la police était présente avec la salariée ».
M. [F], compagnon de la salariée et fonctionnaire de police, atteste qu'il a accompagné sa compagne le jour de sa reprise de travail le 2 juillet 2016 chez M. [D], que la salariée a téléphoné à la permanence de l'employeur dont l'interlocutrice lui a dit qu'elle était licenciée, que lorsqu'il a été question de sa présence à lui sur les lieux, il a pris le combiné du téléphone et l'interlocutrice lui a indiqué qu'il ne devait pas être présent chez le patient et qu'elle allait appeler la police. Il ajoute que lorsqu'il a indiqué être lui-même fonctionnaire de police, l'interlocutrice a raccroché.
Cependant, l'employeur conteste avoir licencié oralement la salariée, affirmant au contraire qu'il a préparé son retour.
Il verse aux débats un courriel de Mme [L], responsable des ressources humaines du 5 juillet 2016 sollicitant une date de visite de reprise pour la salariée auprès de la médecine du travail, la convocation de la salariée à une visite médicale de reprise le 12 juillet 2016, le planning du mois de juillet 2016 des salariés sur lequel la salariée figure, et un récapitulatif des heures travaillées par la salariée en juillet 2016.
Il produit également un courriel de la salariée de permanence, Mme [G], qui indique qu'elle a reçu le 2 juillet 2016 l'appel de Mme [D] vers 8h00 lui indiquant que la salariée était chez elle pour l'intervention, qu'elle a demandé à cette dame de lui passer la salariée, que la salariée l'a informée suivre les instructions de son avocate lui conseillant de se rendre sur son lieu de travail, que la salariée lui a passé son compagnon au téléphone, qu'elle a indiqué à ce dernier qu'il ne devait pas être présent sur les lieux, qu'il s'est mis à hurler en indiquant qu'il était de la police, qu'elle lui a enjoint de partir sinon elle contactait la police et qu'elle allait appeler sa hiérarchie. Elle ajoute qu'elle a informé Mme [L] laquelle lui a demandé de contacter le salarié affecté chez le patient afin qu'il l'informe du départ ou non de la salariée et de son compagnon du domicile du patient, ce qu'ils ont fait.
Compte tenu des éléments contradictoires précités, les allégations de la salariée relatives à son licenciement verbal le 2 juillet 2016 ' lequel ne peut résulter que d'un acte de l'employeur par lequel il manifeste au salarié sa volonté de mettre fin au contrat de travail ' ne sont pas établies.
Toutefois, les déclarations de l'employeur concernant la présence infondée de la salariée et de son compagnon au domicile du patient et une intervention de la police sont démontrées.
En synthèse, sont établies deux procédures disciplinaires engagées en janvier et août 2015, trois convocations à entretien préalable à un éventuel licenciement en 2016 et les déclarations de l'employeur concernant la présence infondée de la salariée et de son compagnon au domicile du patient et de l'éventuelle intervention de la police le 2 juillet 2016.
Ces faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.
Il convient donc d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S'agissant des procédures disciplinaires engagées en 2015, l'employeur soutient que l'avertissement de la salariée du 2 février 2015 était fondé dès lors que la salariée n'avait pas utilisé son boîtier lui permettant d'enregistrer les heures de début et de fin d'intervention et n'avait signalé aucun dysfonctionnement du boîtier sur la même période.
La salariée ne conteste pas l'absence d'enregistrement de ces heures de travail mais fait valoir, comme elle l'avait fait dans sa lettre de contestation du 17 février 2015, qu'elle n'a été dotée de cet appareil que courant décembre, qu'elle n'a reçu qu'une très courte formation concernant son utilisation et que l'appareil et son chargeur ne fonctionnaient pas, ce qu'elle avait signalé. Elle ajoute que son matériel a été changé en janvier avec un chargeur à nouveau dysfonctionnant qui a été remplacé.
Toutefois, dépourvues d'offre de preuve, les allégations de la salariée ne sont pas établies.
Dès lors, l'avertissement de la salariée était justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Quant à la convocation du 5 août 2015, l'employeur produit un courriel de Mme [S], responsable de secteur, du 4 août 2015 dans lequel elle l'informe de l'appel de Mme [R] le 31 juillet qui lui fait part de la présence de la salariée au domicile de M. [D] alors que Mme [R] était planifiée chez ce patient le soir. Mme [S] ajoute que Mme [D] lui a indiqué avoir demandé à la salariée de venir s'occuper de son époux et que la salariée travaille « illégalement » chez M. [D].
Il verse également aux débats une attestation de Mme [J] du 24 juillet 2015 (pièce E n°6bis) qui indique avoir transporté à plusieurs reprises M. [D], que son auxiliaire de vie avait une attitude très désagréable avec son patient, qu'elle était vulgaire en s'adressant à lui, qu'elle ne s'occupait pas de lui, qu'elle ne faisait que fumer sa cigarette et l'insultait, qu'elle ne lui faisait pas sa toilette car en attachant le fauteuil du patient, il a remarqué qu'il sentait l'urine alors que c'était le matin.
L'employeur produit aussi un courriel de M. [K], responsable d'exploitation de la société Flexcité, du 21 juillet 2015 qui fait état du comportement de la salariée rapporté par les chauffeurs
de sa société, consistant en des propos inappropriés à l'égard de M. [D] et à fumer dans les véhicules.
Ces éléments justifiaient l'engagement d'une procédure disciplinaire. Ainsi, la convocation à entretien préalable, quand bien même non suivie d'une sanction, était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S'agissant des trois convocations à entretien préalable de 2016, l'employeur fait valoir d'une part que ces entretiens étaient liés aux faits de juillet et août 2015 qui ont été suivis d'un arrêt de travail pour maladie de la salariée et d'autre part, à la conclusion d'une rupture conventionnelle sollicitée par la salariée lors de l'entretien du 24 février 2016.
Dépourvues d'offre de preuve, les allégations de l'employeur relatives à la conclusion d'une rupture conventionnelle ne sont pas démontrées.
Par ailleurs, il doit être rappelé que la salariée a été convoquée le 16 février 2016 pour un entretien fixé au 24 février 2016, le 21 mars 2016 pour un entretien fixé au 31 mars 2016, et le 4 avril 2016 pour un entretien fixé au 14 avril 2016.
Aussi, dans son courrier du 4 avril 2016, la salariée a accusé réception de la nouvelle convocation à entretien préalable fixé le 14 avril 2016, confirmé s'être rendue à l'entretien du 31 mars 2016 lors duquel elle a contesté les faits reprochés, comme elle l'a fait depuis août 2015 et refusé ainsi de se rendre à l'entretien prévu le 14 avril 2016.
Il en résulte que les entretiens ont effectivement eu pour objet d'aborder les faits de juillet et août 2015 de sorte que ces convocations qui n'ont pu avoir lieu plus tôt tantôt en raison des arrêts maladie de la salariée tantôt en raison du refus de cette dernière de s'y présenter, étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S'agissant des déclarations de l'employeur concernant la présence infondée de la salariée et de son compagnon au domicile du patient et de l'éventuelle intervention de la police le 2 juillet 2016, dans la mesure où la salariée reconnaît en page 11 de ses écritures qu'elle n'était pas planifiée chez ce patient le 2 juillet 2016 et que la présence de son compagnon n'était pas justifiée, les propos de l'employeur sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ainsi, l'ensemble des faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le harcèlement moral de la salariée ne saurait dès lors être retenu.
Infirmant le jugement, la salariée sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts afférente.
Sur le licenciement
Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.
L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l'employeur.
Au cas présent, il est reproché à la salariée son absence injustifiée prolongée depuis le 22 juillet 2016.
La salariée ne conteste pas son absence depuis le 22 juillet 2016 mais soutient avoir fait l'objet d'un licenciement verbal le 2 juillet 2016 et ne pas avoir repris son travail à compter de cette date, contrairement à ce qui est indiqué sur sa fiche de paie et les faux plannings de l'employeur, dès lors, selon elle, qu'elle avait été licenciée verbalement.
Il a été précédemment retenu que le licenciement verbal de la salariée le 2 juillet 2016 n'était pas établi.
Il est démontré que la salariée a été convoquée à une visite de reprise le 12 juillet 2016 par lettre du 6 juillet 2016 et qu'elle s'y est présentée puisqu'elle y a été déclarée apte au travail.
Certes, l'employeur produit les attestations de Mme [L], responsable des ressources humaines et Mme [S], responsable de secteur qui indiquent de façon concordante que les plannings des salariés leur étaient communiqués sur leurs téléphones portables et que la salariée en a obtenu communication par ce moyen. Toutefois, les attestations ne précisent pas la date à laquelle les plannings auraient ainsi été communiqués à la salariée.
Il ressort de la lettre que l'employeur a adressée à la salariée le 28 juillet 2016 : « la responsable de secteur vous a adressé un planning de votre activité prestataire à compter du 22 juillet pour des interventions chez 4 usagers ». Or, le planning produit par l'employeur en pièce 17 fait apparaître que la salariée était planifiée les 5, 7, 12, 19, 21, 23, 24, 26 et 28 juillet. Il en résulte une contradiction entre ces pièces qui, pour certaines évoquent un planning à compter du 22 juillet 2016 et pour d'autres, programment des interventions avant le 22 juillet 2016.
Compte tenu de ce que la salariée conteste avoir été destinataire du planning litigieux et conteste avoir travaillé après le 2 juillet 2016, et des incohérences des pièces de l'employeur, il subsiste un doute sur la réalité de la remise du planning et donc sur la réalité du grief retenu pour le licenciement, avec cette précision que l'employeur n'a pas, fut-ce postérieurement au 22 juillet 2016, mis la salariée en demeure de se présenter sur son poste de travail.
En conséquence, il conviendra de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
La salariée peut par conséquent prétendre à une indemnité de préavis et une indemnité légale de licenciement dont les montants ne sont pas discutés de sorte qu'il conviendra, par voie d'infirmation, de condamner l'employeur à lui payer les sommes de :
. 1 900 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 190 euros de congés payés afférents,
. 2 913,34 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.
La salariée peut également prétendre, sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui, compte tenu de son ancienneté (plus de 13 années) de son niveau de rémunération (950,13 euros bruts mensuels), à son âge lors du licenciement (56 ans), doit être évaluée à la somme de 6 000 euros, somme au paiement de laquelle, par voie d'infirmation, l'employeur sera condamné.
Le licenciement ayant été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, il conviendra, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner, d'office, le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'employeur qui succombe, doit supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, le jugement étant infirmé de ce chef, et ne saurait bénéficier d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est inéquitable de laisser à la charge de la salariée les frais par elle exposés non compris dans les dépens, qu'il conviendra de fixer à la somme de 1 500 euros, au paiement de laquelle l'employeur sera condamné.
Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE irrecevable la demande d'irrecevabilité des conclusions de l'appelante du 12 décembre 2022,
INFIRME le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a condamné l'association Présence 2000 à verser à Mme [V] la somme de 11 400 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral, et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre du licenciement,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [V] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
DIT que le licenciement de Mme [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE l'association Présence 2000 à payer à Mme [V] les sommes suivantes :
. 1 900 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 190 euros de congés payés afférents,
. 2 913,34 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ORDONNE d'office le remboursement par l'association Présence 2000, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [V] du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE l'association Présence 2000 à payer à Mme [V] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'association Présence 2000 aux dépens de première instance et d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président