COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 MARS 2023
N° RG 20/01237
N° Portalis DBV3-V-B7E-T43K
AFFAIRE :
[D] [W]
C/
Société AXA FRANCE IARD
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 5 juin 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : C
N° RG : F 17/02093
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Matthieu JANTET-HIDALGO
Me Isabelle OLLIVIER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [D] [W]
née le 4 juin 1966 à [Localité 3]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Matthieu JANTET-HIDALGO de la SCP MICHEL HENRY ET ASSOCIES, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P99
APPELANTE
****************
Société AXA FRANCE IARD
N° SIRET : 722 057 460
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Isabelle OLLIVIER, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1927
Société AXA FRANCE VIE
N° SIRET : 310 499 959
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Isabelle OLLIVIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1927
INTIMÉES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [W] a été engagée par la société UAP, en qualité de conseillère en épargne et prévoyance, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 15 juin 1992, avec une reprise d'ancienneté au 16 novembre 1987.
Le contrat de travail de la salariée a ensuite été transféré à la société AXA France Iard et la société Axa France Vie, dont la dénomination commune est la société AXA France.
Les relations contractuelles sont régies par la convention collective des assurances, producteurs salariés de base des services extérieurs de production des sociétés d'assurance. L'effectif des sociétés AXA France Iard et Axa France Vie est de plus de 10 salariés.
Mme [W] exerce actuellement la fonction de chargée de clientèle, ce qui correspond au contenu du poste pour lequel elle a été recrutée en qualité de conseiller en épargne et prévoyance.
Le 26 juillet 2017, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins d'obtenir le rétablissement de la prime d'ancienneté et un rappel de cette prime depuis 2015.
Par jugement du 5 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section commerce) a :
- débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de chacune des parties pour ce qu'elle a engagé.
Par déclaration adressée au greffe le 25 juin 2020, Mme [W] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 6 septembre 2022.
Par arrêt avant dire droit du 28 septembre 2022, la cour d'appel de Versailles (17ème chambre) a ordonné une médiation et renvoyé l'affaire à l'audience du 26 janvier 2023. Les parties ne sont pas parvenues à un accord.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [W] demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris rendu par la formation paritaire de la section du commerce du conseil de prud'hommes de Nanterre le 5 juin 2020,
et statuant à nouveau,
- condamner les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie à lui verser la somme de 20 413,37 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté et 2 041,33 euros à titre de congés payés afférents,
- condamner les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- dire que ces condamnations seront assorties des intérêts au taux légal et ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie aux dépens et à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter Mme [W] de tous ses moyens fins et conclusions,
- condamner Mme [W] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [W] aux entiers dépens.
MOTIFS
La salariée explique qu'elle a perçu chaque année en janvier, depuis 2014, une prime d'ancienneté, sur la base de sa rémunération N-1, en application de son contrat de travail et de la convention collective, et que l'employeur en a cessé le versement à compter de janvier 2017. Elle explique qu'après plusieurs relances de sa part, l'employeur lui a donné des explications variées pour finalement lui indiquer oralement qu'elle ne pouvait plus bénéficier du versement de cette prime, non cumulable avec le complément de salaire perçu pour assurer le minimum garanti au titre de l'exercice précédent.
Elle soutient que le 'complément de minimum garanti' n'est pas exclusif de la prime d'ancienneté, et que l'absence de versement de la prime s'analyse en une modification unilatérale de son contrat de travail, et constitue, à titre subsidiaire, le non-respect d'un usage à son bénéfice entre 2015 et 2021.
L'employeur réplique que la salariée a perçu à tort la prime d'ancienneté, que la convention collective le dispense de lui verser. Il ajoute que la salariée tente de faire apparaître le litige comme consécutif à un refus de l'employeur de verser une prime d'ancienneté et qu'elle occulte les dispositions de la convention collective qui définissent le principe et les conditions du versement de la somme réclamée ainsi que l'indication et la nature du versement revendiqué.
* *
Toute modification du contrat de travail requiert l'accord du salarié .
Aux termes de l'article 6 du contrat de travail du 15 juin 1992, la rémunération de la salariée est composée des éléments suivants:
(...)
-un 'salaire de base',
- une 'prime de technicité, l'allocation supplémentaire pour ancienneté calculées selon les textes en vigueur',
- un 'complément individuel' versé en douze mensualités dépendant des performances de production de la salariée,
- des 'commissions',
- un 'bonus éventuel' (...).
Selon l'article 6.3 du contrat de travail, l'employeur garantit à la salariée une rémunération annuelle fixée à l'issue de la négociation salariale annuelle d'entreprise et tous les éléments de rémunération mentionnés ci-dessus, à l'exception de l'allocation supplémentaire pour ancienneté, concourent à assurer la couverture de cette rémunération garantie .
Le protocole d'accord signé le 12 juillet 1991 précise en son article 4 relatif au 'complément individuel, à la prime de technicité et à la prime d'ancienneté' que s'agissant de cette dernière, elle ' continue à être versée conformément aux dispositions des conventions collectives'.
La salariée n'a pas accepté de signer l'avenant à son contrat de travail à effet du 1er avril 2003 modifiant les dispositions de l'article 6 de son contrat de travail, qui n'a donc pas été modifié, comme indiqué par l'employeur dans sa lettre du 20 février 2003.
Aux termes de l'article 15 de la convention collective, 'le Producteur Salarié ayant au moins 3 années de présence chez le même employeur reçoit à la fin de chaque exercice pour lequel sa rémunération réelle [ajout en bas de page 8 de la convention collective : 'à l'exclusion du complément éventuellement attribué pour satisfaire à l'obligation de l'article 14"] a atteint le montant de la rémunération minima annuelle fixée à l'article 14 ci-dessus et sous réserve qu'il poursuive ses fonctions, une allocation supplémentaire qui tient compte de sa durée de présence'.
Cette allocation supplémentaire est calculée sur la rémunération minima fixée à l'alinéa premier de l'article 14, selon des pourcentages qui sont fonction de l'ancienneté du salarié.
Des pourcentages sont ensuite fixés en fonction de l'ancienneté du salarié, ainsi l'allocation supplémentaire est calculée sur la rémunération variable minima à raison de 1,50% de cette rémunération après 3 ans, 6,25 % après 10 ans et atteint le seuil de 25% après 25 ans d'ancienneté.
L'article 14 de la convention collective fixe le montant de la rémunération réelle, 'qu'elle soit exclusivement ou non constituée par des commissions' et ajoute que la rémunération minima d'un producteur salarié 's'applique normalement à une année de travail effectif et à défaut au prorata du temps sur la base de la rémunération minima annuelle'.
En application de ces dispositions, la salariée retient que le montant de la prime d'ancienneté correspond à un pourcentage du revenu minimum garanti annuellement et qu'il augmente avec l'ancienneté , l'employeur alléguant que cette allocation n'est pas due si la salariée perçoit un complément minimum de garantie.
C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'article 15 de la convention collective fixe deux conditions d'attribution liées à l'ancienneté et à la rémunération pour bénéficier du versement de l'allocation supplémentaire, la rémunération minima s'appliquant à une année de travail effectif et l'allocation supplémentaire étant déterminée au prorata du temps sur la base de la rémunération minima annuelle.
L'une des conditions de perception de l'allocation supplémentaire versée au conseiller en épargne et prévoyance réside dans l'atteinte, par ce dernier, d'un niveau de rémunération au moins égal à la rémunération minimale annuelle, laquelle est totalement distincte du SMIC.
Ainsi, la salariée a perçu à plusieurs reprises un ' complément SMIC commerciaux' mais également un 'complément minimum garanti'.
De septembre à décembre 2015, la salariée a perçu chaque mois une ' allocation CPLRE'.
A compter de janvier 2016 , la salariée n'a plus perçu l'allocation CPLRE mais a perçu chaque mois le 'complément minimum garanti'.
De 2016 à 2021, la salariée a également perçu un commissionnement inférieur à une somme mensuelle moyenne de 10 euros bruts.
Il en résulte que la rémunération réelle de la salariée est inférieure, depuis 2015, à la rémunération fixée par les partenaires sociaux et exigée pour le versement de l'allocation supplémentaire conventionnelle, qui ne peut être assimilée à une prime d'ancienneté versée sans considération d'un minimum conventionnel à compléter, comme le soutient à tort la salariée. En outre celle-ci ne justifie pas percevoir une rémunération variable au titre du commissionnement, confirmant ainsi l' activité très faible relevée par les premiers juges.
Si l'employeur a versé à la salariée cette allocation supplémentaire conventionnelle jusqu'en 2014 inclus, il n'est pas justifié que la salariée avait atteint le niveau de rémunération exigé conventionnellement , de sorte que l'erreur de l'employeur, qui a certes perduré jusqu'à cette date, a porté sur le versement d'une allocation conventionnelle qui ne revêt pas le caractère d'une prime, comme la salariée intitule ce versement, et ne peut donc être constitutive d'un droit acquis ou d'un usage.
La salariée, qui ne remplit pas les conditions de perception de cette allocation, n'est donc pas fondée à en réclamer le versement. En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel de prime d'ancienneté de 2015 à 2021.
La demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sera, en conséquence, rejetée, la salariée ne justifiant d'aucun préjudice, faute de pouvoir prétendre à cette allocation.
Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente instance et de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, le jugement étant également confirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président