COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 28A
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 MARS 2023
N° RG 22/02710
N° Portalis DBV3-V-B7G-VEO4
AFFAIRE :
[L] [W]
...
C/
[E], [S], [B] [D] [W]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : Pole Famille 3ème section
N° RG : 16/3060
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS
Me Elisabeth ROUSSET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDEURS devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre civile) du 9 février 2022 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES (1ère chambre A) le 14 janvier 2020
1/ Monsieur [L] [W]
né le 13 Juillet 1966 à [Localité 16]
[Adresse 7]
[Localité 1] (SUISSE)
2/ Monsieur [T] [F] [W]
né le 06 Septembre 1968 à [Localité 16]
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentant : de Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20220274
Représentant : Me Marie-christine CAZALS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2313
****************
DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
1/ Madame [E], [S], [B] [D] [W]
née le 27 Juin 1952 à [Localité 13] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 8]
2/ Madame [I] [W] épouse [C]
née le 11 Octobre 1986 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 8]
3/ Monsieur [R], [H], [V], [Z] [W]
né le 07 Juin 1991 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 14] (GRANDE BRETAGNE)
Représentant : Me Elisabeth ROUSSET, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 313
Représentant : Me Jérôme CASEY de la SELARL CASEY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R100,
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Janvier 2023, Madame Florence PERRET, Président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Florence PERRET, Président,,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI
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FAITS ET PROCEDURE :
[X] [W], dont le dernier domicile était situé à [Localité 8], est décédé le 27 août 2013 laissant pour lui succéder, suivant acte de notoriété reçu le 16 octobre 2013 par Me [Y] [U], notaire à [Localité 16] :
- ses deux enfants, [L] et [T] [W] nés de sa première union avec Mme [P] [O] dont il était divorcé par jugement rendu le 21 décembre 1984 par le juge aux affaires matrimoniales de Nanterre,
- son conjoint survivant, Mme [E] [D], avec laquelle il s'était marié le 29 juin 1985 sous le régime de la séparation des biens par contrat de mariage reçu par Maître [A] [J], notaire à [Localité 16] 8ème (75), bénéficiaire à son choix exclusif de la plus forte quotité permise entre époux sur les biens composant sa succession par acte reçu le 11février 1986 devant ce même notaire,
- ses deux enfants, [I] et [R] [W] nés de sa seconde union avec Mme [E] [D] veuve [W].
Par testament authentique du 20 janvier 2010 reçu par Maître [J], M. [X] [W] a :
- confirmé la donation faite à son épouse le 11 février 1986, « voulant que son option porte sur un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit de l'universalité des biens dépendant de [sa] succession »,
- consenti un legs particulier à Mme [E] [D] de la moitié indivise dont il dispose dans les biens situés à [Localité 15] (27),
- précisé qu'il la dispensait de fournir caution ou de faire inventaire des biens soumis à son usufruit.
S'agissant de ses contrats d'assurance-vie, il a désigné dans ce même testament comme bénéficiaires d'une part, son épouse, Mme [E] [D], pour 100 % en usufruit et d'autre part, ses quatre enfants, à parts égales, pour la nue-propriété, précisant que «conformément aux dispositions de l'article 587 du code civil, mon épouse disposera au titre des sommes reçues en usufruit d'un quasi-usufruit lui permettant de disposer librement des biens sans aucune obligation d'emploi ou de caution. En conséquence, les compagnies d'assurance-vie effectueront le paiement des capitaux dus par chèque à l'ordre de mon épouse survivante et seront dégagées, par ce règlement, de toute responsabilité à l'égard des nus-propriétaires. Mon épouse décidera seule de l'affectation des sommes reçues mais restera redevable vis-à-vis des bénéficiaires en nue-propriété d'une somme égale à celle reçue des compagnies d'assurance à mon décès, cette dette ne devenant exigible qu'au jour du décès de mon épouse ».
La société Ag2r La Mondiale a versé, le 28 octobre 2013, à Mme [D] au titre de son quasi-usufruit les sommes de 2 458 518,98 euros du chef du contrat TO550175232 et 4 724, 44 euros du chef du contrat TOO80177718.
Par actes d'huissier du 10 février 2016, MM. [L] et [T] [W] ont fait assigner Mme [D], Mme [I] [W] épouse [C] et M. [R] [W] devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de partage judiciaire.
Par jugement du 17 avril 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- ordonné le partage judiciaire de la succession de [X] [W] et préalablement, pour y parvenir, du régime matrimonial ayant existé entre [X] [W] et Mme [D],
- désigné à cette fin Me [N] [M], notaire à [Localité 17], aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage en application de l'article 1364 du code de procédure civile et selon ce qui est tranché par le jugement,
- commis le président de la section 3 du pôle famille du tribunal aux fins de surveiller ces opérations et fair rapport en cas de difficultés,
- autorisé le notaire désigné à consulter le FICOBA,
- rejeté les demandes de MM. [L] et [T] [W] tendant à ce que mission soit donnée au notaire liquidateur de :
se faire communiquer par la société Ag2r La Mondiale tous les renseignements relatifs aux contrats d'assurance-vie n°81731 et 81732, notamment l'identité de leurs titulaires, l'origine des fonds et les mouvements de compte,
se faire communiquer tous les documents relatifs aux contrats d'assurance-vie identifiés dans les déclarations ISF du de cujus sous l'intitulé CV n°02001 et LH Vie n°999004, clôturés en 2004, notamment l'identité de leurs titulaires, l'origine des fonds et les mouvements de compte,
se faire communiquer tous renseignements bancaires sur les comptes personnels ou joints de [X] [W], qu'il s'agisse de ceux ouverts auprès de la Société Générale ou de la banque Martin Maurel, notamment pour cette dernière et pour ce qui concerne le compte n°[XXXXXXXXXX05] de facilitation de caisse, l'identité des bénéficiaires des chèques de banque émis et les coordonnées des comptes destinataires des virements effectués depuis le 1er janvier 2003,
se faire communiquer tous les justificatifs du financement de la 2ème partie de la propriété indivise de [Localité 15] (27), acquise le 14 septembre 1990,
se faire communiquer tous les justificatifs du financement de la propriété indivise de [Localité 11] (44), acquise le 3 mai 1991,
- débouté MM. [L] et [T] [W] de leur demande au titre du financement des biens immobiliers indivis situé à [Localité 15] (27), lieudit « [Localité 12] » et à [Localité 11] (44),
- dit que la succession de [X] [W] ne dispose d'aucune créance à ce titre à l'encontre de Mme [D],
- débouté MM. [L] et [T] [W] de leur demande au titre de la remise le 10 octobre 2005 de la somme de 457 000 euros par [X] [W] à son épouse Mme [D],
- dit que la succession de [X] [W] ne dispose d'aucune créance à ce titre à l'encontre de Mme [D],
- constaté que les parties conviennent que le solde débiteur du compte de facilitation de caisse [XXXXXXXXXX05] ouvert au nom de [X] [W] dans les livres de la banque Martin Maurel ne doit pas être inscrit au passif de la succession du défunt,
- dit que les héritiers réservataires du défunt, bénéficiaires à parts égales de la nue-propriété du capital attaché au contrat d'assurance sur la vie n°T 0550175232 dont disposait [X] [W] auprès de la société Ag2r La Mondiale, disposent d'une créance exigible au décès de Mme [D] à l'encontre de sa succession, au titre du quasi-usufruit dont elle a disposé sur les fonds attachés à ce contrat, d'un montant de 2 528 518,98 euros,
- débouté MM. [L] et [T] [W] de leur demande de recel au titre de la somme de 70 000 euros virée sur te compte Société Générale ouvert au nom du couple [D]-[W] le 30 août 2013 depuis le compte de facilitation de caisse n° [XXXXXXXXXX05] ouvert au nom de [X] [W] dans les livres de la banque Martin Maurel,
- dit que Mme [D] dispose à l'encontre de la succession de [X] [W] d'une créance de 46 710, 56 euros au titre de son droit temporaire au logement,
- débouté MM. [L] et [T] [W] de leur demande formulée sur le fondement de l'article 1094-3 du code civil concernant l'emploi des fonds reçus par Mme [D] au titre des contrats d'assurance sur la vie souscrits par [X] [W],
- rejeté toute autre demande des parties,
- rappelé que les parties peuvent à tout moment abandonner la voie judiciaire pour procéder à un partage amiable,
- ordonné l'exécution provisoire,
- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,
- rejeté les demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage, qui seront supportés par les copartageants à proportion de leurs droits dans le partage à intervenir,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 699 du code de procédure civile,
- renvoyé l'affaire à l'audience du juge commis du 21 juin 2018 pour retrait du rôle jusqu'à l'établissement de l'acte de partage ou du procès-verbal de dires ou de difficultés, sauf observations contraires des parties,
- dit qu'en cas de retrait, l'affaire pourra être rappelée à tout moment à l'audience du juge commis à la diligence de ce dernier, du notaire désigné, des parties ou de leurs conseils.
Par acte du 7 juin 2018, MM. [L] et [T] [W] ont interjeté appel du jugement du 17 avril 2018.
Par ordonnance du 1er juillet 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de MM. [L] et [T] [W] tendant à la communication des contrats d'assurance vie Iris Vie et Cosmos Vie et des contrats d'assurance-vie ouverts à la banque Martin Maurel, l'ordonnance précisant que cette dernière demande était soumise à la cour.
Par arrêt du 14 janvier 2020, la cour d'appel de Versailles a :
- confirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande tendant à ordonner à la banque Martin Maurel et au groupe Ag2r La Mondiale de produire entre les mains des appelants, sous un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, la copie des deux contrats d'assurance-vie n°81731 et 81732 figurant sur les déclarations ISF du couple [D]-[W], ainsi que l'indication de l'identité des titulaires de ces contrats,l'origine des fonds, les mouvements du compte pendant la vie des contrats, et l'identité des bénéficiaires des fonds lors de leur clôture,
Statuant de nouveau de ce chef,
- ordonné à la banque Martin Maurel et au groupe Ag2r La Mondiale de produire entre les mains MM. [L] et [T] [W], sous un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la copie des deux contrats d'assurance-vie n°81731 et 81732 figurant sur les déclarations ISF du couple [D]-[W], ainsi que l'indication de l'identité des titulaires de ces contrats, l'origine des fonds, les mouvements du compte pendant la vie des contrats, et l'identité des bénéficiaires des fonds lors de leur clôture,
Y ajoutant,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- condamné MM. [L] et [T] [W] aux dépens.
La cour a notamment retenu qu'à partir de 1991, alors âgée de 39 ans, Mme [D] avait cessé toute activité professionnelle et s'était occupée de manière plus soutenue des enfants et de son conjoint, permettant à celui-ci de gérer ses affaires, ce qui lui avait fait perdre des revenus conséquents et des droits à la retraite, alors qu'elle disposait d'une qualification et d'une expérience professionnelle lui permettant de faire carrière dans la publicité et de créer son propre cabinet, de sorte qu'elle avait apporté au ménage plus que sa simple contribution aux charges du mariage et que la remise de la somme de 457 000 euros par [X] [W] à son profit avait eu pour cause la volonté de ce dernier de compenser ses sacrifices et son intense activité au foyer.
Saisie d'un pourvoi formé par MM. [L] et [T] [W], la Cour de cassation, par arrêt du 9 février 2022, a :
- cassé et annulé l'arrêt du 14 janvier 2020, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de MM. [L] et [T] [W] au titre du financement des biens immobiliers indivis situés à [Localité 15] (27), lieudit « [Localité 12] » et à [Localité 11] (44) et des pièces justificatives de ce financement et dit que la succession de [X] [W] ne dispose d'aucune créance à ce titre à l'encontre de Mme [D],
- remis sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée,
- condamné Mme [D], Mme [C] et M. [R] [W] aux dépens,
- rejeté la demande formée par Mme [D], Mme [C] et M. [R] [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés in solidum à payer à MM. [L] et [T] [W] la somme de 3 000 euros.
La Cour de cassation a énoncé, au visa de l'article 214 du code civil, qu'il résultait de ce texte que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels par un époux séparé de biens afin de financer la part de son conjoint lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage. La Cour a ensuite relevé que, pour rejeter la demande de créance de MM. [L] et [T] [W] au titre du financement des biens immobiliers indivis situés à [Localité 15] et à [Localité 11], dire que la succession de [X] [W] ne disposait d'aucune créance à ce titre à l'encontre de Mme [D] et rejeter leur demande de communication de pièces justificatives du financement de la deuxième partie de la propriété indivise de [Localité 15] et du financement de la propriété indivise de [Localité 11], après avoir constaté que les immeubles avaient une destination familiale, l'arrêt avait retenu, d'abord, que Mme [D] n'avait pu faire face seule au règlement de la somme de 1 785 000 francs ayant permis l'acquisition de ses parts indivises, ensuite, que le financement par [X] [W], fût-ce par le biais d'un apport en capital, relevait de sa contribution aux charges du mariage, enfin, que ce financement n'apparaissait pas excessif au regard du patrimoine de l'époux. La Cour en a déduit qu'en se déterminant ainsi, sans constater l'existence d'une convention entre les époux prévoyant l'exécution par [X] [W] de sa contribution aux charges du mariage sous la forme d'un apport en capital, la cour n'avait pas donné de base légale à sa décision.
Par déclaration de saisine du 15 avril 2022, la cour d'appel de Versailles a été saisie sur renvoi.
Par dernières écritures du 8 décembre 2022, MM. [T] et [L] [W] prient la cour de :
- les recevoir en leur appel, le juger valable au fond et en la forme ;
- d'infirmer le jugement du 17 avril 2018 en ce qu'il a :
les a déboutés de leur demande au titre du financement des biens immobiliers indivis situés à [Localité 15] (27), lieudit " [Localité 12]" et à [Localité 11] (44),
dit que la succession de [X] [W] ne disposait d'aucune créance à ce titre à l'encontre de Mme [E] [D] épouse [W],
- juger que l'apport en capital de la somme de 1 550 000 francs de [X] [W] au profit de Mme [D] afin d'acquérir la maison de [Localité 11] ne constitue pas une contribution aux charges du mariage en application des dispositions de l'article 214 du code civil et de la jurisprudence de la Cour de cassation,
- juger que cet apport en capital constitue une donation en application des dispositions de l'article 894 du code civil, la preuve de l'appauvrissement et de l'intention libératoire de [X] [W] étant rapportée,
- ordonner le rapport par Mme [D] à la succession de son mari à hauteur du prix de vente soit la somme de 525 764,96 euros,
- juger que l'apport en capital de la somme de 235 000 francs de [X] [W] au profit de Mme [D] afin d'acquérir la maison de [Localité 15] ne constitue pas une contribution aux charges du mariage en application des dispositions de l'article 214 du code civil et de la jurisprudence de la Cour de cassation,
- juger que cet apport en capital constitue une donation en application des dispositions de l'article 894 du code civil, la preuve de l'appauvrissement et de l'intention 'libératoire'(sic) de [X] [W] étant rapportée,
- ordonner le rapport par Mme [E] [D] à la succession de son mari selon les modalités des dispositions des articles 860 et 860-1 du code civil à hauteur de l'apport fait par son mari,
- ordonner au notaire liquidateur Me [N] [M], notaire à [Localité 17] (92) de fixer la valeur du bien au jour le plus proche du partage, si besoin, à l'aide d'un expert,
- ordonner de voir rapporter à la masse la valeur du bien selon les dispositions de l'article 922 et faire droit à l'action en réduction des appelants si besoin en est,
Ils demandent encore de :
- ordonner que la somme de 424 562,46 euros soit supprimée du passif successoral comme n'étant pas une dette du défunt en raison de la délégation de créance vers la société d'assurance Agr2 La Montagne, selon accord des parties constaté par jugement,
- juger que la somme de 1 598 871,28 euros donnée par [X] [W] à son épouse est un don de somme d'argent en capital qui a enrichi directement le patrimoine de son épouse, sans aucune contrepartie, et constitue donc une donation de somme d'argent rapportable à la succession,
- juger que les sommes de 200 000 euros déposées le 13 décembre 2013 soit plusieurs mois après le décès de son mari, sur le contrat d'assurance vie personnelle de Mme [D] doivent revenir dans leur intégralité à la succession, sauf à prouver qu'il s'agit de deniers personnels,
- juger que les sommes données soit 459 900 francs à Mme [D] par son mari dans l'acte d'achat de l'appartement de cette dernière à [Localité 8], au fur et à mesure du remboursement des prêts, dans un logement qui n'est pas le logement de la famille, ne constitue pas une contribution aux charges du mariage mais une donation de sommes d'argent, dans la mesure où le mari a volontairement enrichi le patrimoine de son épouse sans aucune contrepartie,
- ordonner au notaire liquidateur d'évaluer le dit bien, si besoin à l'aide d'un expert, pour voir rapporter la valeur du bien à la succession,
- ordonner au notaire liquidateur de faire les calculs conformément aux dispositions des articles 860 et 922 du code civil,
- juger que les primes versées sur le contrat d'assurance vie Iris Vie J n°0550175232 pour un montant de 2 458 518,98 euros, sont manifestement excessives au regard des dispositions de l'article L 132-13 du code des assurances ; en ordonner le rapport par Mme [D],
- ordonner à Mme [D] de verser à chacun de MM. [W] la somme de 368 777,85 euros dès la signification de l'arrêt afin de les remplir immédiatement de leurs droits de nue propriétaire sur le contrat d'assurance vie Iris Vie n° YT 0550175232,
- faire droit à l'action en réduction de MM. [L] et [T] [W], les voir établis dans leurs droits d'héritiers réservataires,
- condamner Mme [D] à verser à la succession les sommes dues afin de remplir les concluants de leurs droits,
- ordonner que le partage ait définitivement lieu dans le délai d'un an conformément aux règles du code procédure civile,
- condamner Mme [D] au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [D] aux entiers dépens avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 30 décembre 2022, Mme [D], Mme [C] et M. [R] [W] prient la cour de :
- les accueillir dans l'ensemble de leurs demandes,
- débouter MM. [L] et [T] [W] de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires, ce faisant,
Sur le chef censuré par la Cour de cassation,
- confirmer le jugement du 17 avril 2018 en ce qu'il a :
débouté MM. [L] et [T] [W] de leur demande au titre du financement des biens indivis situés à [Localité 15] (27), lieu-dit « [Localité 12] » et à [Localité 11] (44),
dit que la succession de [X] [W] ne dispose d'aucune créance à ce titre à l'encontre de Mme [W],
débouté MM. [L] et [T] [W] de toute demande contraire,
Sur les « demandes supplémentaires » des appelants,
A titre de fin de non-recevoir,
- juger irrecevable la demande liée au passif successoral d'un montant de 424 562,46 euros,
- juger irrecevable la demande liée au versement d'une somme de 2 x 368 777,85 euros,
- juger irrecevable la demande portant sur la caractère exagéré des primes du contrat Iris-Vie n°0550175232 pour un montant de 2 458 518,98 euros,
Sur le fond,
- débouter MM. [L] et [T] [W] de l'ensemble de leurs demandes comme étant mal fondées,
A titre subsidiaire,
- juger que le ou les donation(s) éventuellement retenue(s) par la cour sont soumises au rapport spécial des articles 758-5 et 758-6 du code civil,
En tout état de cause,
- condamner solidairement MM. [L] et [T] [W] à payer la somme de 5 000 euros à chacun des intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les appelants aux entiers dépens avec recouvrement direct.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023.
SUR QUOI :
Sur le périmètre de l'appel et les fins de non-recevoir :
Les dispositions des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile prévoient respectivement que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée et que l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
La cour d'appel de Versailles par arrêt du 14 janvier 2020 a confirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande tendant à ordonner à la banque Martin Maurel ou au Groupe Ag2r La Mondiale de produire entre les mains des appelants, sous un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la copie des deux contrats d'assurance-vie n° 81731 et 81732 figurant sur les déclarations ISF du couple [D]-[W], ainsi que l'indication de l'identité des titulaires de ces contrats, l'origine des fonds, les mouvements du compte pendant la vie des contrats, et l'identité des bénéficiaires des fonds lors de leur clôture.
Statuant de nouveau de ce chef, elle a ordonné à la banque Martin Maurel et au Groupe AG2R La Mondiale de produire entre les mains de MM. [L] et [T] [W], sous un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la copie des deux contrats d'assurance-vie n° 81731 et 81732 précités ainsi que les renseignements demandés.
Ces dispositions n'ont pas été critiqués par un pourvoi. Elles ne font pas partie de la saisine de la cour.
La 1ère chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 9 février 2022, a censuré l'arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 14 janvier 2020 pour défaut de base légale sur les seuls points suivants :
- la demande de créance présentée par MM. [T] et [L] [W] relative au financement des biens indivis situés à [Localité 15] lieu-dit [Localité 12] (2e partie) et de [Localité 11] et à la demande de communication par les mêmes des pièces justificatives de leur financement,
- le rejet de leur demande à voir dire que la succession de leur père ne disposait d'aucune créance à ce titre à l'encontre de Mme [D].
Dès lors, les demandes qui tendent à remettre en cause les points définitivement jugés par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, non critiqués par la Courde cassation, doivent être déclarées irrecevables en raison de leur caractère de choses définitivement jugées.
Il s'agit de :
- la demande de communication par la banque Martin Maurel et le groupe Ag2r La Mondiale des contrats d'assurance-vie n° 81731 et 81 732 qui a été définitivement accueillie par la cour d'appel, n'a pas fait l'objet d'un pourvoi et reste donc acquise au bénéfice de MM. [T] et [L] [W],
- la demande de suppression du passif successoral de la somme de 424.562,46 euros en raison de la délégation de créance vers la compagnie d'assurance Ag2r La Mondiale qui a fait l'objet d'un accord entre les parties en première instance que les premiers juges ont entériné sans qu'aucune partie n'en fasse même appel,
- en revanche, sont définitivement rejetées les demandes de MM. [L] et [T] [W] tendant à ce que mission soit donnée au notaire désigné de se faire communiquer :
* tous les documents relatifs aux contrats d'assurance-vie identifiés dans les déclarations ISF du de cujus sous l'intitulé CLV n° 02001 et LH Vie n° 999004, clôturés en 2004, notamment l'identité de leurs titulaires, l'origine des fonds et les mouvements de compte,
* tous renseignements bancaires sur les comptes personnels joints de [X] [W], qu'il s'agisse de ceux ouverts auprès de la Société Générale ou de la banque Martin Maurel, notamment pour cette dernière et pour ce qui concerne le compte n° [XXXXXXXXXX05] de facilitation de caisse, l'identité des bénéficiaires des chèques de banque émis et les coordonnées des comptes destinataires des virements effectués depuis le 1er janvier 2003 ;
- la demande de MM. [T] et [L] [W] au titre de la remise le 10 octobre de la somme de 457.000 euros par [X] [W] à son épouse en récompense des sacrifices professionnels et de l'intense activité de Mme [D] au foyer après la vente par son mari de son entreprise ;
- la demande relative au solde débiteur du compte de facilitation de caisse n° [XXXXXXXXXX05] ouvert au nom de [X] [W] dans les livres de la banque Martin Maurel comme ne devant pas être inscrit au passif de la succession du défunt,
- l'existence d'une créance au bénéfice des héritiers réservataires du défunt, bénéficiaires à parts égales de la nue-propriété du capital attaché au contrat d'assurance sur la vie n° T 0550175232 dont disposait [X] [W] auprès de la compagnie d'assurances Ag2r La Mondiale, exigible au décès de Mme [E] [D] veuve [W], au titre du quasi-usufruit dont elle a disposé sur les fonds attachés à ce contrat, d'un montant de 2.528.518,98 euros,
- la demande au titre du recel d'une somme de 70 000 euros virée sur le compte Société Générale ouvert au nom de M. et Mme [W] le 30 août 2013 depuis le compte de facilitation de caisse n° [XXXXXXXXXX05] ouvert au nom de [X] [W] dans les livres de la banque Martin Maurel,
- la créance dont dispose Mme [E] [D] épouse [W] à l'encontre de la succession de [X] [W] pour 46.710,56 euros au titre de son droit temporaire au logement,
- la demande de MM. [T] et [L] [W] formulée sur le fondement de l'article 1094-3 du code civil concernant l'emploi des fonds reçus par Mme [E] [D] épouse [W] au titre des contrats d'assurance sur la vie souscrits par M.[X] [W] .
S'y ajoutent les demandes issues des dernières conclusions de MM. [T] et [L] [W] en date du 8 décembre 2022 qu'ils formulent en dehors du périmètre délimité par les décisions conjuguées de la cour d'appel de Versailles et de la Cour de cassation et qui ne répondent en aucune façon aux exigences de l'article 564 du code de procédure civile.
Il s'agit de :
- la demande liée au passif successoral d'un montant de 424.562,46 euros,
- le versement d'une somme de 368.777,85 euros,
- la demande liée à la somme de 1.598.871,28 euros que l'on ne retrouverait pas dans les comptes de leur auteur entre 2011 et 2013 , donnée par M. [X] [W] à son épouse
- la demande de retour dans la succession des sommes de 200.000 euros déposées le 13 décembre 2013 sur le contrat d'assurance vie personnelle de Mme [E] [D],
- la somme de 459.900 francs qui aurait été donnée à Mme [E] [D] par son mari dans l'acte d'achat de l'appartement de cette dernière à [Localité 8], au fur et à mesure du remboursement des prêts, dans un logement qui n'est pas le logement de la famille,
- la mission d'évaluation de ce bien par le notaire et les calculs faits conformément aux dispositions de l'article 860 et 922 du code civil pour le rapport à la succession ,
- le caractère manifestement excessif au regard des dispositions de l'article L 132-13 du code des Assurances des primes versées sur le contrat d'assurance vie n° IRIS VIE J n°0550175232 pour un montant de 2 458 518,98 euros, demande formulée pour la 1e fois dans les conclusions n°2 en appel des appelants
- la condamnation de Mme [E] [D] à verser à chacun de MM. [W] la somme de 368 777, 85 euros dès la signification de l'arrêt afin de les remplir immédiatement de leurs droits de nue propriétaire sur le contrat d'assurance vie IRIS VIE n° YT 0550175232.
- la demande relative à l'action en réduction de MM. [L] et [T] [W] pour les voir établis dans leurs droits d'héritiers réservataires .
En conclusion, la cour d'appel de Versailles est donc saisie des seules demandes de MM [L] et [T] [W] au titre des financements des biens immobiliers indivis à [Localité 15] (2e partie) au lieu dit " [Localité 12] " (27) et à [Localité 11] (44), des pièces justificatives de ces financements et de l'éventuelle créance de la succession de [X] [W] à l'encontre de Mme [D] pour la somme dépensée pour l'achat de ses parts indivises d'un montant de 1 785 000 francs.
Sur le fond :
La Cour de cassation reproche à la cour d'appel d'avoir rejeté la demande de créance, et donc la demande de production des justificatifs dudit financement, aux motifs que le financement de M. [X] [W] relèverait de sa contribution aux charges du mariage " sans avoir constaté l'existence d'une convention entre les époux prévoyant l'exécution par [X] [W] de sa contribution aux charges du mariage sous la forme d'un apport en capital ".
Sur le bien de [Localité 15] :
Les appelants formulent les demandes suivantes :
- 'Juger que l'apport en capital de la somme de 235 000 francs soit 35 825,51 euros de M. [X] [W] au profit de Mme [E] [D] veuve [W] afin d'acquérir la maison ne constitue pas une contribution aux charges du mariage en application des dispositions de l'article 214 du code civil et de la jurisprudence de la Cour de cassation, que cet apport en capital constitue une donation en application des dispositions de l'article 894 du code civil, la preuve de l'appauvrissement et de l'intention libératoire de M. [X] [W] étant rapportée,
- ordonner le rapport par Mme [E] [D] veuve [W] à la succession de son mari selon les modalités des dispositions des articles 860 et 860-1 du code civil à hauteur de l'apport fait par son mari, considérant que cette créance est à la charge de Mme [W],
- ordonner au notaire liquidateur Maître [N] [M], notaire à [Localité 17] (92) de fixer la valeur du bien de [Localité 15] au jour le plus proche du partage, si besoin, à l'aide d'un expert,
- ordonner de voir rapporter à la masse la valeur du bien selon les dispositions de l'article 922 et faire droit à l'action en réduction des appelants si besoin en est.'
Une première maison a été acquise à [Localité 15] par acte authentique en date du 16 décembre 1985 par M. et Mme [W] pour un prix de 760.000 francs.
Mme [W] a souscrit deux prêts auprès de la Société Générale, le premier pour un montant de 380.000 francs, prêt courant jusqu'au 5 janvier 2001 et le second courant jusqu'en 2005.
Puis, par acte en date du 14 septembre 1990, ils ont acquis une autre maison d'habitation sur la même commune pour le prix de 470.000 francs payé comptant.
Sur le bien de [Localité 11] :
MM. [L] et [T] [W] formulent, s'agissant du bien de [Localité 11], les demandes suivantes :
- 'juger que l'apport en capital de la somme de 1.550.000 francs de M. [X] [W] au profit de Mme [E] [D] veuve [W] afin d'acquérir la maison de [Localité 11] d'une valeur totale de 3 100 000 francs, bien indivis, ne constitue pas une contribution aux charges du mariage en application des dispositions de l'article 214 du Code civil et de la jurisprudence de la Cour de Cassation ;
- juger que cet apport en capital constitue une donation en application des dispositions de l'article 894 du Code civil, la preuve de l'appauvrissement et de l'intention libératoire de M. [X] [W] étant rapportée, et en tout état de cause une créance à la charge de Mme [W],
- ordonner le rapport par Mme [E] [D] veuve [W] à la succession de son mari à hauteur du prix de vente soit la somme de 525.764,96 euros.
Le bien de [Localité 11] a été acquis comptant le 3 mai 1991 par les deux époux à hauteur de 50 % chacun pour le prix de 3 100 000 francs soit 472 591,95 euros. Il était donc indivis, ce qui n'est pas discuté. Par voie de conséquence, le prix de vente de ce bien en 2010 pour le montant de 1 051 529,93 euros était nécessairement indivis aussi, soit une somme de 525 764 euros pour chacun des coindivisaires.
M. [X] [W] était né en 1936 et Mme [D] en 1952. Cette dernière a travaillé depuis 1971 avant de se marier avec M. [W] en 1985, soit pendant 14 ans, et elle a continué son activité professionnelle jusqu'en 1991, soit au total 20 ans d'activité professionnelle, étant précisé qu'elle a ensuite été au chômage jusqu'en 1994 et n'a jamais repris d'emploi.
Le bulletin de salaire de septembre 1991 de Mme [W] indique qu'elle percevait à l'époque un salaire mensuel brut de 24.000 francs.
Le net au titre des mois de janvier à septembre 1991 s'est élevé à la somme de 198.415,25 francs, soit 22.046,13 francs par mois.
Il n'est pas contestable que Mme [D] n'a pu financer sur ses deniers propres les parts indivises acquises dans les maisons de [Localité 11] et de [Localité 15]. Elle ne percevait que des allocations chômage depuis septembre 1991, elle a acquis à titre personnel par acte authentique du 6 juin 1990 un studio avec cave et parking et elle a emprunté au total 460 000 francs pour ce faire . La cour adopte les motifs par lesquels le jugement déféré a conclu que Mme [D] n'a pu faire face seule au règlement des sommes de 235 000 francs et 1 550 000 francs dans l'intervalle de six mois qui sépare l'achat de [Localité 15] et celui de [Localité 11] .
Il importe peu que Mme [W] n'ait jamais reçu l'intégralité de sa quote-part mais seulement la somme de 100.000 euros à la suite de la vente de la maison de [Localité 11] et que le reste du prix de vente ait été utilisé pour rembourser la facilité de caisse souscrite par M. [W], et également pour payer les dettes personnelles de M.de [K] au titre de son imposition. Outre qu'elle ne le prouve pas dans cette instance, il s'agit de déterminer ses droits et non de dire comment elle les a utilisés.
Les appelants soutiennent pour les deux biens en litige que non seulement l'intimée ne peut pas avoir financé sa quote-part sur ses deniers personnels, mais que ce financement ne saurait relever de la contribution aux charges du mariage et serait nécessairement constitutif de donations rapportables pour la moitié de leur valeur par Mme [W], montant à revaloriser sur le fondement des articles 860 et 860-1 du code civil pour la maison de [Localité 15] du fait d'une évaluation ancienne (465 000 euros dans la déclaration de succession) alors que la somme de 525764,96 euros peut être directement rapportée à la succession en ce qui concerne la maison de [Localité 11]. Ils affirment l'existence d'un appauvrissement de leur auteur et de son intention libérale à l'égard de son épouse.
Pour ces deux biens, le litige soumis à la cour porte exclusivement sur le fait de savoir s'il existe entre les époux [W] une " convention " prévoyant l'exécution par [X] [W] de sa contribution aux charges du mariage sous la forme d'apports en capital.
L'intimée travaillait encore jusqu'en 1991 soit pendant les 6 premières années de l'emprunt souscrit lors de l'achat de la 1e maison de [Localité 15] dont elle prétend avoir assuré l'achat de sa part par le remboursement de cet emprunt ce qu'elle ne prouve pas.
Pour débouter MM. [T] et [L] [W], le tribunal a rappelé les termes de l'article 214 du code civil et son interprétation en jurisprudence en disant que 'si l'article 214 du code civil ne définit pas les charges du mariage, il est néanmoins communément admis qu'elles recouvrent l'ensemble des dépenses entraînées par le train de vie du ménage, qu'elles sont largement entendues en jurisprudence en ce qu 'elles englobent notamment les dépenses d'agrément ou de loisirs des ménages , telles que l'acquisition d'une résidence secondaire, dès lors qu'elle a une affectation familiale et qu'elle participe au train de vie des époux. "
Les intimés soutiennent l'existence d'une convention tacite entre les époux [W] par laquelle ils auraient marqué leur accord pour que le capital personnel du mari soit utilisé aux fins de contribution aux charges du mariage en exécution de l'article 214 du code civil et justifient cette forme de contribution par le fait que M. [X] [W] n'avait quasiment pas de revenus lui permettant de s'en acquitter autrement. Ils rappellent qu'un contrat peut se former de manière purement consensuelle.
Sur le fond, la veuve de M. [X] [W] argue que la créance dont disposait ce dernier à son encontre à ce titre est neutralisée par l'obligation qui lui était faite de contribuer aux charges du mariage.
En l'espèce, le contrat de mariage des époux de [K] en date du 11 juin 1985 rappelle en page 2 qu'ils sont présumés avoir contribué aux charges du mariage 'au jour le jour', sans autre précision. Ils ont donc prévu une convention qui ne prévoit pas de dérogation à cette contribution quotidienne.
Seule une convention expresse pourrait permettre ce mode de financement des contributions aux charges du mariage et un capital pour l'achat de deux résidences secondaires est exclu car cela contrevient aux termes du contrat de mariage librement adopté par les époux. Une telle convention aurait pu être inscrite dans les actes d'achat des biens ce qui n'a nullement été le cas.
La jurisprudence constante de la Cour de cassation qui pose le principe selon lequel un apport en capital ne respecte pas le principe selon lequel la contribution aux charges du mariage se règle au jour le jour (ou parfois au mois le mois dans le cas éventuel d'un emprunt pour payer l'achat du domicile conjugal) ne trouve pas d'exception en l'espèce.
S'il convenait de s'interroger sur la volonté de M. [W], rien ne vient en l'espèce prouver que par cet apport en capital, le défunt voulait s'acquitter des contributions aux charges du mariage ainsi.
Mme [D] ayant déjà deux emprunts à charge courant jusqu'en juillet 2005 de 460 000 francs au total pour l'achat de son studio, disposant en dernier lieu d'un revenu mensuel de 22 000 francs nets en septembre 1991 et d'aucun patrimoine, ne contribuait que dans une moindre mesure aux charges du mariage que M. [W] supportait essentiellement . Elle argue de l'arrêt de sa carrière professionnelle dont la cour ignore la raison. Elle dit s'être consacrée à ses deux enfants, mais ne prouve pas l'avoir fait dans des proportions particulières comme le père des enfants lui-même.
Dès lors, il n'est pas possible en l'absence de tout accord apparent pour qu'il en fut autrement, de dire que les investissements en capital faits par M. [W] lors de l'achat successif de deux maisons secondaires à six mois d'intervalle, le domicile du couple étant à [Localité 8], étaient une contribution aux charges du mariage de sa part alors que les revenus de ses capitaux abondaient déjà très largement les finances de la famille et ce, même si ces biens en ont abrité les membres pour des vacances.
En revanche, les appelants qui soutiennent qu'il s'agit de donations doivent prouver à la fois l'appauvrissement de leur tuteur dans ces opérations mais aussi son intention libérale . Si la première condition ne fait pas de doute, ils ne fournissent aucun début de preuve de la seconde ôtant toute possibilité de voir ces investissements qualifiés de donations rapportables à la succession.
Il s'agit simplement en l'espèce de créances de la succession de [X] [W] à l'encontre de Mme [D] d'un montant représentant la moitié du prix d'achat de la maison de [Localité 15], la veuve de M. [W] ne prouvant aucun remboursement personnel de l'emprunt souscrit lors de l'achat de la 1e maison en 1985 et de la moitié du prix de revente de la maison de [Localité 11].
Les dispositions du jugement déféré concernant les deux biens immobiliers précités seront donc infirmées.
Sur les autres demandes :
L'ensemble des autres demandes de la décision critiquée sera confirmé sauf en ce qui concerne l'exécution provisoire.
Il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles engendrés par la procédure d'appel.
Succombant en partie, Mme [D], Mme [C] et M. [R] [W] s'acquitteront des dépens avec recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 9 février 2022,
Vu la déclaration de saisine de la cour d'appel de Versailles en date du 20 avril 2022 de MM. [T] et [L] [W],
Constate que sont définitivement jugées les demandes relatives à la communication de :
* tous les documents relatifs aux contrats d'assurance-vie identifiés dans les déclarations ISF du de cujus sous l'intitulé CLV n° 02001 et LH Vie n° 999004, clôturés en 2004, notamment l'identité de leurs titulaires, l'origine des fonds et les mouvements de compte,
* tous renseignements bancaires sur les comptes personnels joints de [X] [W], qu'il s'agisse de ceux ouverts auprès de la Société Générale ou de la banque Martin Maurel, notamment pour cette dernière et pour ce qui concerne le compte n° [XXXXXXXXXX05] de facilitation de caisse, l'identité des bénéficiaires des chèques de banque émis et les coordonnées des comptes destinataires des virements effectués depuis le 1er janvier 2003 ;
- la demande de MM. [T] et [L] [W] formée au titre de la remise le 10 octobre de la somme de 457.000 euros par [X] [W] à son épouse Mme [E] [D] épouse [W] qui a justement récompensé selon la juridiction suprême les sacrifices professionnels et l'intense activité de Mme [D] au foyer après la vente par son mari de son entreprise ;
- la demande relative au solde débiteur du compte de facilitation de caisse n° [XXXXXXXXXX05] ouvert au nom de [X] [W] dans les livres de la banque Martin Maurel ne devant pas être inscrit au passif de la succession du défunt,
- la demande liée à l'existence d'une créance au bénéfice des héritiers réservataires du défunt, bénéficiaires à parts égales de la nue-propriété du capital attaché au contrat d'assurance sur la vie n° T 0550175232 dont disposait [X] [W] auprès de la compagnie d'assurances Ag2r La Mondiale, exigible au décès de Mme [E] [D] veuve [W], au titre du quasi-usufruit dont elle a disposé sur les fonds attachés à ce contrat, d'un montant de 2.528.518,98 euros,
- la demande de MM. [T] et [L] [W] au titre du recel d'une somme de 70 000 euros virée sur le compte Société Générale ouvert au nom de M. et Mme [W] le 30 août 2013 depuis le compte de facilitation de caisse n° [XXXXXXXXXX05] ouvert au nom de [X] [W] dans les livres de la banque Martin Maurel,
- la question de la créance dont dispose Mme [E] [D] épouse [W] à l'encontre de la succession de [X] [W] pour 46.710,56 euros au titre de son droit temporaire au logement,
- la demande de MM. [T] et [L] [W] formulée sur le fondement de l'article 1094-3 du code civil concernant l'emploi des fonds reçus par Mme [E] [D] épouse [W] au titre des contrats d'assurance sur la vie souscrits par M.[X] [W] .
- la demande de suppression du passif successoral de la somme de 424.562,46 euros en raison de la délégation de créance vers la compagnie d'assurance AGR2 La Mondiale ,
Déclare irrecevables les demandes à ce titre ainsi que celles formées par MM. [T] et [L] [W] relatives à :
- la demande liée au passif successoral d'un montant de 424.562,46 euros,
- le versement d'une somme de 368.777,85 euros,
- la demande liée à la somme de 1.598.871,28 euros que l'on ne retrouverait pas dans les comptes de leur auteur entre 2011 et 2013 , donnée par M. [X] [W] à son épouse
- la demande de retour dans la succession des sommes de 200.000 euros déposées le 13 décembre 2013 sur le contrat d'assurance vie personnelle de Mme [E] [D], .
- la somme de 459.900 francs qui aurait été donnée à Mme [E] [D] par son mari dans l'acte d'achat de l'appartement de cette dernière à [Localité 8], au fur et à mesure du remboursement des prêts, dans un logement qui n'est pas le logement de la famille,
- la mission d'évaluation de ce bien par le notaire et les calculs faits conformément aux dispositions de l'article 860 et 922 du code civil pour le rapport à la succession ,
- le caractère manifestement excessif au regard des dispositions de l'article L 132-13 du code des assurances des primes versées sur le contrat d'assurance vie n° IRIS VIE J n°0550175232 pour un montant de 2 458 518,98 euros, demande formulée pour la 1e fois dans les conclusions n°2 en appel des appelants
- la condamnation de Mme [E] [D] à verser à chacun de MM. [W] la somme de 368 777,85 euros dès la signification de l'arrêt afin de les remplir immédiatement de leurs droits sur le contrat d'assurance vie IRIS VIE n° YT 0550175232,
- le bénéfice de l'action en réduction de MM. [L] et [T] [W],
Sur le surplus, infirme le jugement du 17 avril 2018,
Fixe la créance de l'indivision successorale de M. [W] la somme de 235000 francs soit 35 825,51 euros au titre de l'achat du bien immobilier de [Localité 15] lieudit '[Localité 12]' acquis par acte authentique du 14 septembre 1990 reçu par Me [G], notaire à [Localité 10] (Eure), moyennant un prix de 470 000 francs payée au comptant,
Fixe la créance de l'indivision successorale de M. [W] à la somme de 525764 euros au titre de l'achat du bien immobilier sis à [Localité 11] acquis par acte authentique des 30 avril et 3 mai 1991 et revendu en 2010 pour le prix total de 1 051 529,93 euros,
Confirme l'ensemble des autres dispositions hormis celle touchant à l'exécution provisoire,
Dit que chaque partie conservera la charge des frais irrépétibles par elle exposés à l'occasion de la procédure d'appel,
Condamne Mme [D], Mme [C] et M. [R] [W] aux dépens d'appel avec recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame PERRET, Président, et par Madame FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,