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23/03/2023 | FRANCE | N°21/01352

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 23 mars 2023, 21/01352


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 MARS 2023



N° RG 21/01352

N° Portalis: DBV3-V-B7F-UPSG



AFFAIRE :



[K] [T]



C/



Société GE MEDICAL SYSTEMS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : E

N° RG : F19/00069

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Christine PAQUELIER de la SELEURL Selarl d'Avocat PAQUELIER



Me Maïté OLLIVIER



Expédition numérique délivrée à : POLE EMPLOI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MARS 2023

N° RG 21/01352

N° Portalis: DBV3-V-B7F-UPSG

AFFAIRE :

[K] [T]

C/

Société GE MEDICAL SYSTEMS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : E

N° RG : F19/00069

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Christine PAQUELIER de la SELEURL Selarl d'Avocat PAQUELIER

Me Maïté OLLIVIER

Expédition numérique délivrée à : POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [K] [T]

née le 10 Avril 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Autre qualité : Intimé dans 21/01391 (Chambre Sociale)

Représentant : Me Christine PAQUELIER de la SELEURL Selarl d'Avocat PAQUELIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0450

APPELANTE

****************

Société GE MEDICAL SYSTEMS

N° SIRET : 315 013 359

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Maïté OLLIVIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701; substitué à l'audience par Me CHATARD Damien, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er juillet 2013, Madame [K] [T] a été engagée par la société GE Medicals Systems en qualité de responsable marketing moyennant l'application d'un forfait annuel en jours et le versement d'une rémunération en partie variable. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des industries des métaux.

La salariée, qui occupait en dernier lieu le poste de responsable marketing produit global à temps partiel, a été placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle à compter du 9 janvier 2018.

Par courrier du 16 février 2018, elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle, la relation de travail prenant fin le 15 mai 2018 à l'issue du délai de préavis qu'elle a été dispensée d'exécuter.

Par requête reçue au greffe le 1er février 2019, Madame [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles afin d'obtenir la nullité de son licenciement ainsi que sa réintégration et le versement de diverses sommes.

Par jugement du 9 avril 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil des prud'hommes de Versailles a :

- fixé la moyenne de salaire de Mme [T] à la somme de 9891,62 euros ;

- dit et jugé que la société GE Medical Systems n'avait pas discriminé Mme [T] en raison de sa grossesse, de sa situation familiale et de son état de santé ;

- débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination ;

- dit et jugé que le licenciement de Mme [T] était nul en raison de la violation par la société GE Medical Systems de l'article L. 1226-9 du code du travail ;

- ordonné la réintégration de Mme [T] dans son poste ou dans un poste équivalent ;

- dit que la réintégration devait avoir lieu dans les deux mois à compter de la noti'cation du jugement sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- condamné la société GE Medical Systems à verser à Mme [T] 9891,62 euros bruts par mois entre le 15 mai 2018 et la date de la réintégration plus les congés payés y afférentssoit 989,62 euros bruts par mois après déduction de l'ensemble des montants des revenus de remplacement ou tout autre revenu perçus par Mme [T] sur cette période y compris l'indemnité de licenciement perçue d'un montant de 12323,67euros et l'indemnité de préavis ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- dit que la partie condamnée pourra éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant le montant des condamnations à la Caisse des Dépôts et Consignations ;

- dit que la partie béné'ciaire, sur présentation d'un certi'cat de non-appel ou d'un arrêt de la Cour d'appel de Versailles portant condamnation, pourra se faire remettre les fonds consignés à hauteur du montant de la condamnation passée en force de chose jugée ;

- dit que cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la convocation des parties devant le bureau de conciliation ;

- ordonné la capitalisation des intérêts échus sur une année entière ;

- condamné la société GE Medical Systems en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail à rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement à celui du présent jugement dans la limite de 6 mois ;

- condamné la société GE Medical Systems à verser à Mme [T] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société GE Medical Systems de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société GE Medical Systems aux entiers dépens.

Par déclarations au greffe datées respectivement du 6 et du 10 mai 2021, procédures jointes, la salariée puis la société GE Medical Systems ont relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 8 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la salariée demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de son licenciement en date du 16 février 2018 et lui a accordé la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

mais par ailleurs,

- juger que la société GE Medical Systems l'a discriminée à compter de la fin de son congé maternité en raison de sa grossesse, de son sexe, de sa situation familiale et de son état de santé,

- juger qu'elle a été victime à compter de la fin de son congé maternité de harcèlement moral,

- juger que la société GE Medical Systems a violé l'article L.1226-9 du code du travail,

en conséquence,

- juger que son licenciement du 16 février 2018 est nul en application des articles L.1132-4, L.1226-13 et L.1152-3 du code du travail,

et dès lors,

- condamner la société GE Medical Systems à lui verser :

* à titre de complément d'indemnité de préavis : 6662,79 euros bruts outre 666,28 euros de congés y afférents,

* 9717,84 euros à titre de complément d'indemnité légale de licenciement,

* 135 000 euros de dommages et intérêts en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail,

* à l'indemniser pendant la période d'éviction du 15 mai 2018 au 3 mai 2021 sur la base d'un montant mensuel de 11 255,24 euros bruts et 1125,52 euros bruts de congés payés y afférents sans déduction des revenus de remplacement ;

à titre infiniment subsidiaire,

- juger que le licenciement du 16 février 2018 est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamner la société GE Medical Systems à lui verser :

* 6662,79 euros bruts à titre de complément d'indemnité de préavis et 666,28 euros de congés payés y afférents,

* 1276,41 euros à titre de complément d'indemnité légale de licenciement,

* 56 276 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en tout état de cause,

- condamner la société GE Medical Systems à lui verser 67 500 euros de dommages et intérêts en raison des conditions de travail subies,

- condamner la société GE Medical Systems à lui verser 90 041 euros de dommages et intérêts au regard de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement du 27 mai 2021,

- ordonner la remise par la société GE Medical Systems à Madame [T] d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes à la décision à intervenir,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application de l'article 1342-2 du code civil,

- condamner la société GE Medical Systems aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du CPC.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 7 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société GE Medical Systems demande à la cour de :

- à titre liminaire, la Société GE Medical Systems sollicite de la Cour d'appel de Versailles qu'elle déclare irrecevables les demandes nouvelles présentés par Madame [T] relatives à :

la reconnaissance d'un prétendu harcèlement,

des dommage-intérêts en raison des conditions de travail subies,

des dommages-intérêts au titre du licenciement prétendument nul,

la contestation de son licenciement intervenu le 27 mai 2021 ;

- la Société GEMS sollicite de la Cour d'appel de Versailles qu'elle confirme le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Versailles en ce qu'il a :

Dit et jugé que la société Medical Systems n'a pas discriminé Madame [T] en raison de sa grossesse, de sa situation familiale et de son état de santé,

Débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination ;

La Société GEMS sollicite également de la Cour d'appel de Versailles qu'elle infirme le jugement rendu par le jugement rendu le 9 avril 2021 Conseil de Prud'hommes de Versailles en ce qu'il a :

Dit et jugé que le licenciement de Mme [T] est nul en raison de la violation par la société GE Medical Systems de l'article L. 1226-9 du Code du travail ;

Ordonné la réintégration de Mme [T] dans son poste ou dans un poste équivalent ;

Dit que la réintégration doit avoir lieu dans les deux mois à compter de la notification du jugement sous peine d'une astreinte de 500 € par jour de retard ;

Condamné la société GE Medical Systems à verser à Mme [T] 9.891,62 €par mois entre le 15 mai 2018 et la date de réintégration plus les congés payés y afférent soit 989,62€ par mois après déduction de l'ensemble des montants des revenus de remplacement ou tout autre revenus perçus par Mme [T] sur cette période y compris l'indemnité de licenciement perçue d'un montant de 12.323,67 € et l'indemnité de préavis ;

Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Dit que la partie condamnée pourra éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant le montant des condamnations à la Caisse des Dépôts et Consignations ;

Dit que la partie bénéficiaire, sur présentation d'un certificat de non-appel ou d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles portant condamnation, pourra se faire remettre les fonds consignés à hauteur du montant de la condamnation passée ne force de chose jugée ;

Dit que cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la convocation des parties devant le bureau de conciliation ;

Ordonné la capitalisation des intérêts échus sur une année entière ;

Condamné la société GE Medical Systems en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail à rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement à celui du présent jugement dans la limite de 6 mois ;

Condamné la société GE Medical Systems à verser à Mme [T] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Débouté la société GE Medical Systems de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamné la société GE Medical Systems aux entiers dépens ;

et, statuant à nouveau,

à titre principal :

- fixer la moyenne des salaires à « 9,273,56 € » ;

- débouter Madame [T] de l'intégralité de ses demandes, fins, écrits et conclusions en tant qu'ils ne sont pas fondés tant au titre de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail ;

- débouter Madame [T] de sa demande tendant à voir la Société GE Medical Systems condamnée à rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage qui lui ont été versé ;

- condamner Madame [T] au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

à titre subsidiaire :

si la cour juge nul le licenciement de Madame [T] notifié le 16 février 2018 :

- constater le refus de Madame [T] d'être réintégrée depuis le 3 mai 2021 ;

- confirmer le licenciement pour faute grave notifié le 27 mai 2021, et juger que les rappels de salaire doivent être arrêtés au 15 avril 2021 ;

- fixer le rappel de salaire dû pour la période comprise entre le 15 mai 2018 et le 15 avril 2021 en déduisant l'ensemble des montants des revenus de remplacement et tout autre revenus perçus par Madame [T] sur cette période, y compris les indemnités de préavis et ordonne à Madame [T] leur production, soit une somme due de 16 543,22 € à titre de dommages-intérêts ;

- constater que Madame [T] ne justifie d'aucun préjudice ;

- débouter Madame [T] de ses demandes de dommages et intérêts.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles

L'employeur soulève l'irrecevabilité de demandes non présentées par la salariée devant le premier juge, soit, d'une part, de la demande en reconnaissance d'un harcèlement et des demandes tendant à l'octroi de dommage et intérêts en raison des conditions de travail subies et à l'allocation de dommages et intérêts au titre d'un licenciement nul, en ce que, en application de l'article 564 du code de procédure civile, ces demandes ne sont pas fondées sur la survenance d'un fait nouveau, ne visent pas à opposer compensation ni à faire écarter ses propres prétentions, et ne sont pas non plus liées à l'intervention d'un tiers, d'autre part, de la demande en contestation du licenciement intervenu le 27 mai 2021, au visa des articles 4, 63, 65, 70 et 564 du même code, en ce que cette contestation est sans lien avec les demandes présentées en première instance, la solution du litige tendant à voir reconnaître ou non la nullité du licenciement prononcé en 2018 n'ayant pas d'incidence sur l'appréciation du caractère fondé ou non du licenciement pour faute grave notifié en 2021.

La salariée fait valoir que de nouveaux évènements sont survenus postérieurement au jugement, soit son refus de réintégrer l'entreprise en considération de la proposition de réintégration émise, et la mise en 'uvre d'un licenciement pour faute grave notifié le 28 mai 2021.

Il résulte en effet des éléments de procédure qu'en première instance, la salariée n'a pas présenté les demandes arguées d'irrecevabilité.

Toutefois, en ce qu'elle tend, comme la demande de voir reconnaître l'existence d'une discrimination présentée en première instance, à la nullité du licenciement notifié le 16 février 2018, la demande de voir reconnaître l'existence d'un harcèlement moral n'est pas nouvelle en application des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile.

De même, dès lors qu'elle concerne l'indemnisation de divers préjudices reliés au comportement de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, en raison plus particulièrement d'une carrière anormale, d'un blocage de l'évolution salariale, d'une privation de toute prime sur objectif et de l'apparition d'une maladie d'origine professionnelle, la demande en paiement de dommages et intérêts présentée en appel « en raison des conditions de travail subies », tend aux mêmes fins que la demande en paiement de dommages et intérêts formulée en première instance en réparation de différents préjudices au titre d'une discrimination liée à sa santé, son sexe, sa situation de famille et sa grossesse.

Par ailleurs, la demande en paiement de dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement du 16 février 2018, présentée en appel en raison de l'absence de réintégration de la salariée dans l'entreprise, est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire au sens de l'article 566 du code de procédure civile, de la demande principale en nullité du licenciement formulée en première instance, et cette demande tend au surplus aux mêmes fins que les demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse soutenues à titre subsidiaire en première instance, puisqu'il s'agit d'indemniser les conséquences du même licenciement que la salariée estime injustifié.

Pareillement, la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la salariée relative au licenciement pour faute grave du 27 mai 2021 que l'employeur lui a notifié nonobstant le précédent licenciement et qu'elle estime injustifié en ce qu'il sanctionne son refus, qu'elle prétend légitime, de réintégrer l'entreprise, est la conséquence de sa demande en nullité du licenciement du 16 février 2018 avec réintégration dans l'entreprise.

Il en résulte la recevabilité de toutes ces demandes par application des articles 564 à 566 du code de procédure civile. Le moyen d'irrecevabilité sera donc en voie de rejet.

Sur la discrimination, le harcèlement moral et la nullité du licenciement

Le salarié dont le licenciement est nul peut refuser la réintégration, qui n'est qu'une simple faculté le concernant, proposée par l'employeur, sans qu'il en résulte renonciation à se prévaloir de la nullité de la rupture.

En l'espèce, la salariée soutient que son licenciement est nul en conséquence d'une discrimination comme d'un harcèlement moral.

- Sur la discrimination :

En application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, la salariée invoque une discrimination en raison de son âge, de son sexe, de sa situation de famille en tant que mère de trois enfants, et de son état de santé.

S'agissant de la discrimination en raison de son âge, de son sexe et de sa situation de famille, la salariée présente les éléments de fait qui suivent :

* à l'issue de son congé maternité au début du mois de novembre 2014 et après avoir pris en suivant des jours de congés, l'employeur a tardé à organiser son retour et a pris la décision de ne pas l'affecter au même service ; dans ce contexte, un congé partiel lui a d'abord été refusé puis un congé total a été accepté dès l'annonce de son retour au 15 janvier 2015 ; sur la période du 14 mai 2014 au 13 janvier 2015, un listing fait apparaître une vingtaine de mails échangés avec le service des ressources humaines au sujet de son « congé parental » ; par mail du 31 octobre 2014 elle a sollicité un échange avec ce même service à propos du congé parental partiel de 20% proposé trois semaines auparavant devant prendre effet à la fin de l'année, puis, aux termes de son mail du 4 décembre 2014 elle l'a de nouveau interrogé pour connaître les retours sur « les pistes évoquées », ajoutant : « puisqu'il n'est pas possible de rester au Marketing » ; par mail en réponse du même jour, il lui a été indiqué qu'un point serait fait la semaine suivante sur les différentes pistes, mais il lui est précisé dans le même temps son caractère incertain ; par mail envoyé le 9 décembre 2014, le service des ressources humaines lui a proposé de faire le point au moyen d'un « call après 17h » le 15 décembre suivant ; par lettre du 21 décembre 2014 adressée à l'employeur, elle a confirmé souhaiter prendre un congé parental d'éducation à temps plein du 31 janvier 2015 au 30 octobre 2015 ; la lettre de l'employeur en date du 7 janvier 2015 lui a fait part de son refus motivé par une ancienneté inférieure à une année au moment de la naissance de l'enfant ; elle a dès lors annoncé sa reprise du travail à compter du 15 janvier 2015 par mail du 13 janvier 2015, et c'est à la date de la reprise annoncée que l'employeur a finalement accepté un congé parental total pour la période du 31 janvier 2015 au 30 octobre 2015 ;

* quelques semaines après la mise en place de son congé parental, son poste de directeur marketing produits cardiologie a été confié à un collègue selon un mail du 9 mars 2015 annonçant la nomination de ce dernier au poste de responsable marketing produit monde pour la cardiologie interventionnelle à compter du 1er avril ;

* elle a été placardisée et n'a pas retrouvé son précédent emploi ou un emploi similaire en violation de l'article L. 1225-55 du code du travail dès lors que durant son congé devenu à temps partiel à 50% du 25 mars 2016 au 21 juin 2017, elle a été affectée à un poste créé sans consistance, non rattaché à une gamme de produits, entraînant sa rétrogradation puisqu'elle n'avait plus de tâches en matière de stratégie et de mise en 'uvre de plans marketing et que celles attribuées étaient à la portée d'un stagiaire ; elle se réfère à l'attestation, non utilement contestée dans sa sincérité, sa validité ou sa valeur probante, d'un « directeur marketing produit » selon lequel, en tant que collègue de la salariée depuis le 8 septembre 2015, et partageant la même supérieure hiérarchique, lors de réunions ou dans l'open space, la salariée « n'était pas traitée avec le même intérêt que ses collègues aux postes équivalents, celle-ci s'étant vu confiée, à son retour de congé maternité, une collecte de données techniques ( tableau Excel) et plus tard un projet sur l'EP (Electrophysiologie) qui ne représentait pas pour GE un intérêt stratégique ni prioritaire », ce témoin ajoutant : « de fait [K] n'avait que très peu de travail ou [P] lui confiait des tâches sans intérêt ou très limitées en enjeu pour une directrice Marketing (corriger des présentations Power Point, changer quelques images sur un document, bref rien qu'un stagiaire n'aurait pu faire très facilement). » ;

* au sein d'un listing de mails échangés avec sa supérieure hiérarchique, douze mails comportent la mention « Declined » (refusé), ceux-ci ayant pour objet de faire le point, de discuter sur des projets ; elle était régulièrement oubliée ou ignorée lors de réunions de travail ; à ce sujet, le même collègue déclare : « lors de réunions d'équipe, [K] (quand elle était invitée) était généralement ignorée par [P] qui le plus souvent ne lui donnait pas la parole ou alors c'était pour mieux lui dire de faire court car on avait d'autres sujets plus importants à traiter. D'autre part, lors de convocations par mail à des réunions ou des téléconférences, j'ai pu constater que [P] « oubliait » régulièrement d'inviter [K]. » ;

* en fin d'année 2016 et au cours de l'été suivant, des mails laissent apparaître des réponses tardives à ses demandes de congés payés ou de Rtt qui ont été validées jusqu'à plus d'un mois après ses demandes et jusqu'à moins deux semaines en amont de leur prise d'effet ;

* elle n'a plus eu aucun entretien professionnel à compter de son retour de congé maternité ;

* entre le début de son congé maternité et son licenciement, son salaire n'a été rehaussé que de 0,25% ; elle n'a plus bénéficié de prime sur objectif en raison de ses nouvelles tâches la rétrogradant.

Considérés ensemble, ces éléments de fait matériellement établis laissent supposer l'existence d'une discrimination directe en raison de la grossesse, de la situation de famille et du sexe de la salariée.

L'employeur, qui conteste toute forme de discrimination à l'encontre de la salariée, ne prouve pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en objectant que :

* la mise en place d'un congé parental d'éducation à plein temps et dans la chronologie évoquée par la salariée n'a résulté que de l'initiative et des décisions de celle-ci qui a pris des jours de congés jusqu'à la fin de l'année 2014 après la fin de son congé maternité puis a opté pour un congé parental à temps plein puisque le temps partiel revendiqué était impossible au regard des dispositions de l'article L. 1225-47 du code du travail ; alors qu'il ne justifie par aucun élément objectif le délai de plus de deux mois pris pour refuser, au seul motif d'une ancienneté insuffisante, puis pour accepter, un congé parental d'éducation sollicité avant même la fin du congé maternité ; à cet égard, force est d'observer que la prise de congés par la salariée est concomitante à l'absence de toute décision prise par l'employeur, lequel n'a pas non plus démenti le mail de la salariée qui évoque sa décision de ne pas la réintégrer dans son service ; plus généralement, il ne lui offrait pas de poursuivre, même partiellement, son activité professionnelle, dans des conditions similaires ou équivalentes à celles antérieures à son congé maternité, alors que peu après son poste a été confié à un autre salarié ;

* dès son retour de congé parental, la salariée a retrouvé un emploi équivalent en qualité de « responsable marketing produit global interventionnel », poste de même qualification et coefficient, de même niveau de rémunération et de responsabilité que celui qu'elle occupait avant son congé ; quand l'employeur ne démontre aucunement par ses seules affirmations, sans offre de preuve, la consistance réelle de l'emploi auquel il a affecté la salariée lorsque son congé parental est devenu partiel, celui-ci ne contredisant pas plus utilement le témoignage que la salariée produit aux débats, lequel met en évidence, outre son isolement et des conditions de travail dégradées et plus défavorables au sein de l'équipe, une rétrogradation de fait engendrée par la nature des nouvelles tâches qui lui étaient assignées, de telles fonctions, dépréciées, ne lui offrant dès lors pas les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial.

Il convient donc de déduire de l'ensemble de ces éléments que la salariée a subi une discrimination en raison de sa grossesse, de sa situation de famille et de son sexe.

Concernant la discrimination en raison de l'état de santé, la salariée présente les éléments de fait suivants : peu après que sa pathologie invalidante, soit une tendinite de [L], ait été médicalement diagnostiquée le 11 décembre 2017 (certificat médical établi le 22 décembre 2019 par un médecin rhumatologue), et que lors d'échanges de mails avec sa supérieure hiérarchique à compter du 12 décembre 2017 (mails échangés les 12, 14, 19, 21 et 24 décembre), l'employeur ait été informé de son état de santé et de ses incidences sur sa capacité à exécuter son travail, notamment des tâches informatiques, en raison de l'immobilisation de sa main droite, ce qui a justifié son placement en arrêt de travail pour maladie professionnelle à compter du 9janvier 2018, successivement prolongé jusqu'au 30 mars 2018, elle a été convoquée par l'employeur, qui considère que son arrêt de travail est frauduleux, à un entretien préalable à licenciement fixé au 8 janvier 2018, par courrier du 27 décembre 2017, puis elle a reçu un nouveau courrier daté du 15 janvier 2018 la convoquant à un autre entretien préalable fixé au 26 janvier « suite à des soucis de délais postaux », avant d'être licenciée pour insuffisance professionnelle par courrier du 16 février 2018.

Cet ensemble d'éléments laisse supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'état de santé de la salariée.

Si l'employeur affirme que nonobstant la consistance et la chronologie des faits présentés par la salariée, il a engagé la procédure de licenciement dans l'ignorance de la situation de santé de celle-ci, et s'il soutient que le licenciement est sans lien avec cet état de santé et que l'arrêt de travail pour maladie professionnelle est frauduleux, il n'en justifie pas, alors qu'il résulte des éléments produits aux débats par la salariée que sa supérieure hiérarchique était exactement informée, avant l'engagement de la procédure de licenciement, de la nature de sa pathologie qui l'empêchait, notamment, d'assumer ses tâches informatiques, et qu'au cours de la procédure de licenciement l'employeur connaissait le caractère professionnel de son arrêt de travail dont l'insincérité alléguée n'est déduite que de supputations en dehors de toute procédure permettant leur étaiement.

Par ailleurs, l'employeur n'offre pas d'établir la réalité de l'insuffisance professionnelle qui fonde le licenciement pas plus qu'il ne justifie avoir préalablement alerté la salariée sur les points qu'il considérait devoir être améliorés, quand cette dernière en conteste la légitimité et le considère « fallacieux » au regard des éléments qu'elle présente laissant supposer l'existence d'un lien de celui-ci avec son état de santé.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments l'existence d'une discrimination en raison de l'état de santé de la salariée ainsi que la nullité du licenciement notifié le 16 février 2016 dès lors que l'employeur ne démontre pas que ce licenciement est licite et repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

- Sur le harcèlement moral :

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

Il résulte des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments de fait présentés par le salarié laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de sa demande au titre du harcèlement moral, la salariée présente les mêmes éléments de fait, auxquels elle se réfère expressément, que ceux présentés au soutien de ses demandes au titre d'une discrimination.

Considérés ensemble, les éléments de faits matériellement établis retenus par la cour au titre d'une discrimination laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral en ce que la salariée en déduit sa mise à l'écart et son isolement au sein de l'entreprise et plus particulièrement au sein de l'équipe dans laquelle elle évoluait, étant soumise à un management dysfonctionnel, un refus de communication et d'expression dans le cadre de son travail, et des conditions de travail dégradantes.

L'employeur ne démontre pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement en indiquant que la salariée n'apporte pas d'élément laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, qu'il s'agit d'une « accusation purement artificielle présentée plus de 4 ans » après le licenciement afin d'obtenir une indemnisation que rien ne justifie. L'argumentation développée au sein de ses écritures dans le cadre de la discrimination n'est pas non plus de nature à rapporter cette preuve.

Il en résulte l'existence d'un harcèlement moral subi par la salariée.

Toutefois, un licenciement motivé par une insuffisance professionnelle ne saurait être déclaré nul au seul motif du constat d'un harcèlement moral, sans qu'il soit recherché s'il existe un lien de causalité entre le harcèlement moral et l'insuffisance professionnelle ou si ainsi que le prévoit l'article L.1152-3 du code du travail, le licenciement serait intervenu en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2 du même code.

En l'espèce, aucun lien suffisant n'est établi entre le harcèlement moral et le licenciement pour insuffisance professionnelle qui n'a été précédé d'aucune alerte sur une situation de harcèlement moral vécue par la salariée. Dans le cadre de la procédure de licenciement, il n'est fait aucunement référence à des faits de harcèlement ou à leur dénonciation.

Le licenciement ne peut donc être déclaré nul en raison du harcèlement moral.

-Sur la nullité du licenciement au visa des articles L.1226-9 et L. 1226-13 du code du travail :

La salariée fait valoir que le licenciement est nul en application de ces articles en ce que le contrat de travail était alors suspendu consécutivement à une maladie professionnelle, peu important le non accomplissement à cette date de formalités de déclaration de la maladie auprès de la Caisse primaire d'assurance maladie, quand l'employeur invoque pour sa part une demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie auprès de la Caisse postérieure au licenciement et conteste le caractère professionnel de la maladie, arguant du caractère frauduleux des arrêts de travail concernés.

Il résulte des articles L.1226-9 et L.1226-13 du code du travail qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.

Il est constant que le licenciement notifié à la salariée le 16 février 2018 a pour motif une insuffisance professionnelle et que celui-ci a été notifié au cours d'une suspension du contrat de travail consécutive à une maladie professionnelle. Ainsi, en l'absence de démonstration de la fraude invoquée par l'employeur, le licenciement est également nul en application des dispositions légales précitées.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement nul

- Sur le complément d'indemnité de préavis et de congés payés afférents :

La salariée sollicite un complément d'indemnité de préavis en ce que le salaire mensuel de base d'un montant de 9034,31 euros bruts retenu par l'employeur ne représenterait qu'un douzième de mois quand elle devait être contractuellement payée sur treize mois, et elle ajoute une prime sur objectifs.

L'employeur réplique que le salaire de référence est de 9273,56 euros.

Il ressort des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, que l'employeur, qui a limité le salaire mensuel brut à 9034,31 euros, n'a pas versé à la salariée le salaire que celle-ci aurait dû percevoir au cours de son préavis de trois mois dès lors qu'il lui était dû un salaire mensuel brut de base de 9787,17 euros. Il n'existe pas de prime à ajouter constituant un élément de salaire devant venir à échéance pendant la période de préavis.

L'employeur sera donc condamné à payer à la salariée un complément d'indemnité de préavis d'un montant de 2258,58 euros bruts, outre 225,86 euros bruts de congés payés afférents.

- Sur le complément d'indemnité légale de licenciement :

La salariée sollicite un complément d'indemnité légale de licenciement pour une ancienneté de 7 ans et 10 mois et selon un salaire mensuel de référence de 11 255,24 euros, alors que l'employeur réplique que ces calculs sont erronés.

En application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivant du code du travail, et au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, l'indemnité légale de licenciement que la salariée devait percevoir est de 14 754,66 euros nets (10117,50 € x ¿ = 2529,37 € x 5 + 2529,37 € x 10/12).

La salariée ayant perçu à ce titre la somme de 12 323,67 euros nets, l'employeur sera condamné au paiement d'un complément d'indemnité légale de licenciement d'un montant de 2430,99 euros nets.

- Sur l'indemnisation au titre du licenciement nul :

La salariée réclame à la fois l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3-1 du code du travail et l'indemnisation d'une « période d'éviction injustifiée du 15 mai 2018 au 3 mai 2021, date de réintégration proposée par l'employeur » qu'elle indique avoir à juste titre refusée. Elle soutient que l'indemnisation entre son éviction et son refus de la proposition de réintégration le 3 mai 2021 doit être de 11 255,24 euros bruts par mois outre 1125,52 euros bruts de congés payés afférents compte tenu de la nature de la discrimination qui fonde la nullité du licenciement.

L'employeur réplique que la salariée ne peut obtenir une indemnité pour licenciement nul faute de preuve de son préjudice et qu'en cas de confirmation de la réintégration, celle-ci ne peut obtenir plus de 16 564,22 euros, soit la différence entre le salaire de référence dû jusqu'au 15 avril 2021 et les revenus de remplacement perçus.

Il apparaît que par mail du 29 avril 2021, la salariée a refusé la proposition de l'employeur afin de la réintégrer dans ses effectifs à compter du 3 mai suivant. Il est tout aussi constant que la salariée ne réclame plus sa réintégration en conséquence de la nullité de son licenciement.

Or, si le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son éviction et sa réintégration dans la limite du montant de la rémunération dont il a été privé, en cas de refus du salarié de la réintégration proposée par l'employeur, cette indemnisation doit être limitée à la rémunération non perçue pour la période comprise entre l'éviction et la date de ce refus.

En l'espèce, compte tenu de la nullité du licenciement prononcé en raison de l'état de santé de la salariée en application des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, est caractérisée une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, de sorte qu'il n'y a pas lieu à déduction des revenus de remplacement.

Ainsi, un tel licenciement ouvre droit, d'une part, à l'indemnisation du préjudice résultant de la nullité du licenciement au moins égale à six mois de salaire, étant observé que l'article L. 1235-3-1 du code du travail n'est pas applicable en l'espèce eu égard à la date de prononcé du licenciement, d'autre part, à l'indemnisation de la totalité du préjudice subi entre l'éviction du 15 mai 2018 et le refus de la proposition de réintégration à compter du 3 mai 2021.

Au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, il y a lieu d'allouer à la salariée une somme de 100 000 euros nets (un peu plus de dix mois de salaire de référence) à titre d'indemnité pour licenciement nul eu égard notamment à l'âge de la salariée au moment de la rupture (48 ans), à son ancienneté dans l'entreprise et à ses capacités à retrouver un emploi, ainsi qu'une somme de 348 423,25 euros bruts au titre de l'indemnisation du préjudice subi entre l'éviction et le refus de la proposition de réintégration, outre 34 842,32 euros bruts de congés payés afférents.

Sur les dommages et intérêts en raison des conditions de travail subies

La salariée invoque divers préjudices au titre de conditions d'exécution du travail dégradées en raison de la discrimination et du harcèlement moral, quand l'employeur fait valoir l'absence de preuve d'un manquement de sa part comme d'un préjudice.

Au vu des éléments d'appréciation et considérant notamment la nature et la durée des agissements de l'employeur et des conditions de travail dégradées subis par la salariée au cours de l'exécution du contrat de travail, il y a lieu à réparation intégrale des préjudices de celle-ci par l'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 20 000 euros nets.

Sur la remise de documents

Vu les développements qui précèdent, il est fait droit à la demande de remise d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt.

Les intérêts au taux légal

Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du 14 février 2019, date de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code du travail.

Sur les demandes relatives au licenciement du 27 mai 2021

En raison de la nullité du licenciement du 16 février 2018 et de l'absence de réintégration de la salariée, il n'y a pas lieu de statuer sur le licenciement du 27 mai 2021.

Toute demande relative à ce licenciement sera donc en voie de rejet.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu à remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de quatre mois d'indemnités.

Une copie du présent arrêt sera transmise à Pôle Emploi.

Sur les frais irrépétibles

En équité, il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit de la salariée à laquelle est allouée, en sus de la somme 1500 euros octroyée en première instance, celle de 2000 euros en cause d'appel.

Sur les dépens

L'employeur, partiellement succombant, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :

Rejette le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société GE Medical Systems.

Dit que Madame [K] [T] a subi :

- une discrimination en raison de sa grossesse, de sa situation familiale et de son sexe,

- une discrimination en raison de son état de santé,

- un harcèlement moral.

Dit que la société GE Medical Systems n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail.

Dit nul le licenciement prononcée le 16 février 2018 au titre de la discrimination en raison de l'état de santé et de l'inobservation de l'article L. 1226-9 du code du travail.

Condamne la société GE Medical Systems à payer à Madame [K] [T] les sommes suivantes :

- 2 258,58 euros bruts à titre de complément d'indemnité de préavis,

- 225,86 bruts à titre de congés payés afférents,

- 2 430,99 euros nets à titre de complément d'indemnité légale de licenciement,

- 100 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 348 423,25 euros bruts à titre d'indemnisation entre l'éviction de Madame [T] et son refus de la proposition de réintégration de la société GE Medical Systems,

- 34 842,32 euros bruts de congés payés afférents,

- 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour les préjudices relatifs aux conditions d'exécution du travail subies.

Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du 14 février 2019, date de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code du travail.

Condamne la société GE Medical Systems à remettre à Madame [K] [T] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt.

Dit qu'il y a lieu à remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de quatre mois d'indemnités.

Dit qu'une copie du présent arrêt sera transmise à Pôle Emploi.

Condamne la société GE Medical Systems à payer à Madame [K] [T] la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la société GE Medical Systems aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01352
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.01352 ?
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