COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 MARS 2023
N° RG 20/02129 -
N° Portalis DBV3-V-B7E-UCOB
AFFAIRE :
[Z] [J]
C/
S.A.S. EUROFLASH DEMENAGEMENTS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Août 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : 17/00417
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Diane VEZIES
Me François VACCARO
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant inititialement être rendu le 16 mars 2023 puis prorogé au 23 mars 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [Z] [J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Diane VEZIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
S.A.S. EUROFLASH DEMENAGEMENTS
N° SIRET : 330 065 889
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me François VACCARO de la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de TOURS, vestiaire : 54
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,
Rappel des faits constants
La SAS Euroflash Déménagements, dont le siège social est situé à [Localité 2] en [Localité 4], propose des services auprès des entreprises pour les accompagner lors des transferts de leurs locaux. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
M. [Z] [J], né le 21 août 1980, a été engagé par cette société, selon contrat à durée indéterminée à temps plein du 17 septembre 2012, en qualité de responsable commercial développement grands comptes, catégorie cadre.
La société allègue avoir reçu le 10 octobre 2016, une lettre de démission de M. [J] rédigée dans les termes suivants :
« Lettre remise en main propre
Monsieur le directeur,
Je soussigné, Monsieur [Z] [J] vous informe que, pour des raisons personnelles, j'ai pris la décision de mettre un terme à notre collaboration.
Conformément à mon statut je respecterai le préavis de trois mois qui prendra effet le jour de présentation de ce présent courrier.
Je suis à votre disposition pour discuter les modalités d'exécution de celui-ci et notamment de la possibilité de le réduire.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le directeur, mes sincères salutations.
[Z] [J] suivi de la signature du salarié »
Et en bas à droite :
« Reçue ce jour le 10/10/2016
Ok pour accepter de réduire votre préavis à un mois sous réserve d'une totale confidentialité sur votre départ
[U] [L] suivi d'une signature »
M. [J] conteste cette lettre, faisant valoir qu'il s'agit d'une lettre plus ancienne dont il a renoncé à se prévaloir, qu'il n'a en réalité pas démissionné.
Indiquant s'être vu refuser l'entrée de l'entreprise le 14 novembre 2016 au motif de la fin de sa période de préavis, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en contestation des conditions de rupture de son contrat de travail par requête reçue au greffe le 22 février 2017.
La décision contestée
Par jugement contradictoire rendu le 17 août 2020, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- dit et jugé que M. [J] a démissionné de ses fonctions au sein de la société Euroflash Déménagements en date du 10 octobre 2016,
- débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la société Euroflash déménagements de ses demandes,
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
M. [J] avait formulé les demandes suivantes :
- fixer son salaire mensuel de référence à 8 327,43 euros brut,
- dire que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- indemnité conventionnelle de licenciement : 13 856,84 euros,
- indemnité compensatrice de préavis : 24 982,29 euros,
- congés payés sur préavis : 2 498,22 euros,
- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 49 964,58 euros,
- dommages-intérêts pour conditions brutales et vexatoires de la rupture : 24 982,29 euros,
sur l'exécution du contrat de travail,
- dire et juger que la société ne lui a pas permis de contrôler l'exactitude du calcul de sa rémunération variable au titre de l'exercice 2016,
- dire et juger que les sommes versées mensuellement au titre des remboursements de frais constituent un salaire déguisé,
en conséquence,
- rappel de rémunération variable pour la période allant du 1er janvier au 14 novembre 2016 : 48 000 euros,
- dommages-intérêts au titre de l'indemnité de travail dissimulé : 49 964,58 euros
- condamner la société à lui remettre les bulletins de salaires de novembre 2013 à novembre 2016, réintégrant le montant des salaires déguisés qui lui ont été versés à titre de frais professionnels, en tant que salaire soumis à cotisations, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification du jugement,
- se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte,
- débouter la société de sa demande reconventionnelle,
- exécution provisoire du jugement à intervenir,
- assortir la condamnation à intervenir des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts,
- article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros.
La société Euroflash Déménagements avait, quant à elle, formulé les demandes suivantes :
- dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail et 1240 du code civil : 15 000 euros,
- article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros.
La procédure d'appel
M. [J] a interjeté appel du jugement par déclaration du 1er octobre 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/02129.
Par ordonnance rendue le 18 janvier 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 19 janvier 2023.
Une note en délibéré a été réclamée aux parties, de façon infructueuse, pour recueillir leurs explications et observations au sujet de la demande suivante de l'appelant :« - condamner la société à régulariser sa situation auprès de la caisse d'assurance retraite et notamment à verser le montant des cotisations impayées durant la période du 14 novembre 2013 au 14 novembre 2016 sur les salaires déguisés ».
Prétentions de M. [J], appelant
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 22 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [J] demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,
en conséquence, statuant et jugeant de nouveau,
- fixer son salaire mensuel de référence à 8 327,43 euros bruts,
sur la rupture
- dire et juger que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
- condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
. 13 856,84 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (article 17 de la convention collective nationale des transports),
. 24 982,29 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (article 15 de la convention collective nationale des transports),
. 2 498,22 euros au titre des congés payés afférents,
. 49 964,58 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L. 1235-5 du code du travail),
. 24 982,29 euros à titre de dommages-intérêts pour conditions brutales et vexatoires de la rupture (article L. 1240 du code du travail),
sur l'exécution du contrat de travail
- dire et juger que la société ne lui a pas permis de contrôler l'exactitude du calcul de sa rémunération variable au titre de l'exercice 2016,
- dire et juger que les sommes versées mensuellement au titre des remboursements de frais constituent un salaire déguisé,
en conséquence,
- condamner la société à lui payer la somme de 48 000 euros à titre de rappel de rémunération variable pour la période allant du 1er janvier au 14 novembre 2016,
- condamner la société à lui payer la somme de 49 964,58 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé (article L. 8221-5 du code du travail),
- condamner la société à régulariser sa situation auprès de la caisse d'assurance retraite et notamment à verser le montant des cotisations impayées durant la période du 14 novembre 2013 au 14 novembre 2016 sur les salaires déguisés,
- condamner la société à lui remettre les bulletins de salaires de novembre 2013 à novembre 2016, réintégrant le montant des salaires déguisés qui lui ont été versés à titre de frais professionnels, en tant que salaire soumis à cotisations, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement et s'en réserver la liquidation,
- débouter la société de sa demande reconventionnelle tendant à sa condamnation au paiement de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement des articles L. 1222-1 du code du travail et 1240 du code civil,
- assortir la condamnation à intervenir des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts (article 1343-2 du code civil),
- condamner la société à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile) exposés au titre de la première instance,
- condamner la société à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile) exposés en cause d'appel.
Prétentions de la société Euroflash Déménagements, intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 19 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Euroflash Déménagements demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes,
- l'infirmer sur le surplus,
en conséquence,
- dire et juger que M. [J] a démissionné de ses fonctions au sein de la société Euroflash Déménagements par courrier remis en mains propres du 10 octobre 2016,
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [J] à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail et 1240 du code civil,
- condamner M. [J] à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la démission
M. [J] conteste avoir donné sa démission.
Il explique que s'il a bien rédigé cette lettre de sa main, ce n'est pas dans le contexte de la démission qui lui est aujourd'hui imputée ; qu'en effet, le 4 avril 2013, il a, face à la crainte de perdre son emploi, cédé à la pression et fini par rédiger et signer une lettre de démission non datée à la demande de son employeur ; qu'il a signé le même jour un avenant à son contrat de travail prévoyant une diminution de sa rémunération mensuelle, passant de 5 000 euros à 3 800 euros ; que depuis 2013, les relations de travail s'étaient apaisées, qu'il n'avait plus jamais entendu parler de cette fausse lettre de démission ; que c'est donc avec stupéfaction qu'il a appris qu'il était évincé sur la base de cette lettre, de manière extrêmement brutale et vexatoire et selon un procédé inique.
Il souligne que son départ s'inscrit dans un contexte de restructuration à la suite de l'arrivée d'une nouvelle direction ; qu'à compter de ce changement de direction intervenu au mois de novembre 2016, la société s'est délestée d'un certain nombre de ses collaborateurs et notamment de cadres à hautes responsabilités, dont lui-même, mais aussi M. [K], directeur commercial et son supérieur hiérarchique, M. [B], directeur adjoint et deux autres collaborateurs.
Il souligne avoir contesté immédiatement cette situation en adressant un courrier en ce sens à son employeur le 30 novembre 2016.
La société Euroflash Déménagements prétend au contraire que M. [J] a démissionné de ses fonctions au sein de l'entreprise, manifestement pour se consacrer à une activité parallèle, développée pendant l'exécution de son contrat de travail, celui-ci ayant créé sa propre entreprise un an auparavant.
Il est rappelé que la volonté de démissionner doit être claire et non équivoque. Pour apprécier si la volonté de démissionner est réelle, il y a lieu de tenir compte des circonstances dans lesquelles la démission a été donnée.
La cour relève qu'au cas d'espèce, c'est avant tout l'existence même de la démission qui est remise en cause puisque le salarié prétend que la lettre de démission a été obtenue par violence en 2013, qu'elle constitue un faux, qu'il n'a jamais manifesté sa volonté de démissionner et qu'en tout état de cause, l'explication opposée par la société est inopérante.
L'employeur produit une lettre de démission dont M. [J] ne conteste pas être l'auteur, ni le signataire. Il ne peut dans ces conditions s'agir d'un faux, de sorte que les démarches judiciaires du salarié pour voir analyser l'encre utilisée afin de démontrer qu'il y a bien deux encres, étaient inutiles, le fait que la lettre ait été rédigée par lui et la mention de remise par Mme [L] n'étant pas remis en cause.
L'absence de date apposée par le salarié sur la lettre de démission est sans conséquence sur la validité de celle-ci dès lors que l'employeur en a accusé réception avec mention d'une date.
Pour remettre en cause cette démission, le salarié prétend à une machination de l'employeur.
Il produit un avenant au contrat de travail du 4 avril 2013 aux termes duquel sa rémunération fixe a été diminuée de 24 %, passant de 5 000 euros à 3 800 euros (pièce 4 du salarié). Il prétend qu'il a dans le même temps signé une fausse lettre de démission non datée, afin d'échapper à la menace d'une mesure de licenciement.
L'examen de l'avenant dans son intégralité ne permet toutefois pas de retenir la thèse de M. [J].
En effet, concernant les motifs qui ont conduit à la conclusion de cet avenant, il est indiqué dans l'acte : « Monsieur, Nous faisons suite à nos différentes discussions et convenons d'effectuer un avenant à votre contrat de travail. Celui-ci est mis en place à votre demande afin de pouvoir obtenir, en fonction des résultats, une rémunération supérieure à celle prévue dans les conditions de votre embauche. », cet avenant étant en réalité conclu à l'avantage de M. [J] et non le contraire.
Il est par ailleurs prévu, certes une rémunération fixe inférieure, mais un commissionnement plus favorable. Ainsi, le précédent contrat prévoyait « un bonus plafonné à 25K€ annuels (les objectifs seront définis chaque année avec le directeur d'Euroflash) » tandis que l'avenant prévoyait, outre une rémunération fixe de 3 500 euros sur douze mois, un « commissionnement sur le CA géré par M. [J] avec un EBE minimum de 8% sur les dossiers, étant entendu que les prix devront être validés au préalable par M. [D] [K] :
. pour un CA de 500 à 1 000 K€ = 1 % de commission sur cette tranche,
. pour un CA de 1 000 à 2 000 K€ = 1,5 % de commission sur cette tranche,
. pour un CA supérieur à 2 000 K€ = 2 % de commission sur le CA au-delà de 2 000 K€ ».
Au regard de ces éléments, il ne peut être valablement soutenu que cet avenant était défavorable au salarié et lui aurait été extorqué dans un contexte de menace de licenciement avec l'obligation de signer une lettre de démission non datée, ces deux circonstances n'étant étayées par aucun commencement de preuve.
Les circonstances de la remise de la lettre de démission sont confirmées par deux personnes présentes.
Mme [L], directrice générale de la société, atteste le 3 avril 2017 en ces termes : « M. [Z] [J] m'a remis en main propre le 10 octobre 2016 sa lettre de démission » (pièce 25 de l'employeur).
M. [C], directeur du pôle Entreprises Group de la société, corrobore les dires de Mme [L] en ces termes : « Le 10 octobre 2016, j'ai assisté à la remise (') M. [Z] [J] de sa lettre de démission entre les mains de [U] [L] » (pièce 26 de l'employeur).
Dans la mesure où la société avait accepté de réduire le préavis de M. [J] à un mois sous la réserve « d'une totale confidentialité », il apparaît que les nombreuses attestations d'anciens collègues ou de clients versées au débat par M. [J], affirmant que ce dernier n'avait jamais manifesté sa volonté de démissionner, sont sans portée puisque le salarié, tenu à une obligation de confidentialité selon les termes de la mention de Mme [L], ne devait pas faire connaître son départ.
Le fait que le salarié n'ait pas respecté le formalisme prévu par la convention collective, qu'il n'ait pas adressé sa démission par lettre recommandée comme l'exige la convention collective n'affecte pas la validité de la démission et est donc inopérant ici.
M. [J] qui prétend encore qu'il n'aurait jamais donné sa démission alors qu'il était en train de souscrire un prêt immobilier, ne justifie pas ne pas avoir obtenu son prêt alors que l'employeur de son côté produit des éléments tendant à établir que le salarié est aujourd'hui domicilié à l'adresse d'achat (pièce 14 de l'employeur). Cet argument serait en toute hypothèse insuffisant à remettre en cause la démission.
Au-delà de ces considérations, M. [J] n'allègue pas de circonstances particulières de nature à remettre en cause sa volonté de démissionner.
En outre, la lettre de démission ne contient aucune motivation ou allégation à l'encontre de l'employeur, le salarié y invoque des raisons personnelles. Le salarié n'établit pas non plus qu'antérieurement ou concomitamment à sa démission, il reprochait certains faits à son employeur, de nature à expliquer sa démission.
Au demeurant, il est établi que le 16 novembre 2015, soit un an avant sa démission, M. [J] a créé une société de déménagement d'entreprise dénommée « LGM Facilities » , ainsi que cela résulte de l'extrait K-bis de la société et de ses statuts (pièces 6 et 7 de l'employeur), cette situation constituant une motivation certaine ayant pu pousser le salarié à démissionner, celui-ci ne pouvant poursuivre plus longtemps deux activités à temps plein.
La société Euroflash Déménagements produit d'ailleurs un courriel de M. [F], collègue de M. [J] au sein d'Euroflash, du 3 octobre 2016, adressé à un client de la société aux termes duquel il recommande la société LGM Facilities en indiquant que les tarifs de cette société étaient « plus compétitifs et assurés en cas de soucis » (pièce 12 de l'employeur).
L'ensemble de ces considérations conduit à retenir que M. [J] a valablement démissionné.
Il s'ensuit le rejet des demandes contraires, par confirmation du jugement entrepris.
Sur les conditions brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail
M. [J] sollicite l'allocation d'une somme de 24 982,29 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant des conditions brutales et vexatoires de la rupture de son contrat de travail. Il fait valoir qu'il s'est retrouvé privé d'emploi du jour au lendemain, qu'il n'a pas eu le temps de faire état de son départ à ses collègues, fournisseurs et partenaires, qu'il lui a été imputé une démission dont il n'était pourtant pas l'auteur et dont il n'a jamais manifesté la volonté, qu'en outre la rupture brutale de son contrat de travail lui a fait perdre la chance d'obtenir un contrat de prêt immobilier et qu'enfin la société a tenté de le dissuader de faire valoir ses droits en justice en le menaçant d'une action pour concurrence déloyale.
La société Euroflash Déménagements s'oppose à cette demande et fait valoir de son côté que M. [J] se garde bien de communiquer les justificatifs de sa situation après sa démission, malgré sommation délivrée en ce sens.
Il est constant qu'une rupture pour autant fondée peut néanmoins ouvrir droit à une indemnisation au profit du salarié du fait des circonstances brutales et vexatoires ayant accompagné celle-ci, à la condition de justifier d'une faute de l'employeur dans les circonstances entourant cette rupture.
Compte tenu cependant du fait qu'il a été précédemment retenu que M. [J] avait démissionné de ses fonctions, celui-ci ne peut en imputer les conséquences notamment financières à son employeur.
M. [J] ne rapporte par ailleurs pas la preuve qu'il n'a pas réalisé son achat immobilier, ni d'un abus de droit de son employeur d'engager une procédure judiciaire pour concurrence déloyale à son encontre.
Il sera débouté de cette demande par confirmation du jugement entrepris.
Sur la rémunération variable 2016
M. [J] sollicite la condamnation de la société Euroflash Déménagements à lui verser la somme de 48 000 euros correspondant à la différence entre les sommes qu'il a perçues au titre de l'année 2016 et la moyenne des sommes perçues au même titre pour les années 2014 et 2015. Il indique avoir reçu une rémunération variable de 24 000 euros en 2016, soit trois fois moins importante qu'en 2014 et 2015 et s'interroge, compte tenu de cette nette diminution, sur le calcul des commissions qui lui ont été versées par la société. Il prétend que la société n'a pas mis à sa disposition les éléments lui permettant de vérifier le montant de sa rémunération variable, ce qui justifie sa demande.
Il est constant que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail.
L'article 4 du contrat de travail, modifié par avenant du 4 avril 2013, prévoit un « commissionnement sur le CA géré par M. [J] avec un EBE minimum de 8% sur les dossiers, étant entendu que les prix devront être validés au préalable par M. [D] [K] :
. pour un CA de 500 à 1 000 K€ = 1 % de commission sur cette tranche,
. pour un CA de 1 000 à 2 000 K€ = 1,5 % de commission sur cette tranche,
. pour un CA supérieur à 2 000 K€ = 2 % de commission sur le CA au-delà de 2 000 K€ ».
En réponse, la société Euroflash Déménagements produit un décompte du chiffre d'affaires réalisé par M. [J] en 2016 et dressé le 10 novembre 2016 pour un montant de 2 162 205 euros outre le détail du calcul de la rémunération variable (de 500 000 à 100 000 euros = 5 000 euros, de 1 000 à 2 000 K€ = 15 000 euros et au delà de 2 000 K€ = 2 240 euros, soit au total 23 240 euros arrondis à 24 000 euros versés au salarié).
Elle justifie ainsi avoir satisfait à son obligation d'information du salarié, de sorte que ce dernier doit être débouté de cette demande par confirmation du jugement entrepris.
Sur le travail dissimulé
M. [J] prétend à une indemnité pour travail dissimulé au motif que son employeur lui a versé des sommes au titre de prétendus remboursements de « frais mensuels » d'un montant moyen de 1 256,18 euros. Il indique que ces sommes n'ont jamais figuré sur ses bulletins de salaire. Il prétend qu'en réalité, ces sommes lui étaient versées à titre de complément de salaire et, afin de se ménager des justificatifs en cas de contrôle, la société lui demandait de faire établir des notes de frais et de réunir des tickets de caisse pour un montant correspondant à la somme versée.
La société Euroflash Déménagements conteste cette demande. Elle allègue que les sommes versées à M. [J] correspondaient intégralement à des frais réels exposés par le salarié et dont il a justifié auprès de la société.
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ».
Aux termes de ces dispositions, la dissimulation d'emploi se caractérise par la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel tenant à l'intention coupable de l'employeur de dissimuler l'emploi salarié.
Conformément aux dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La société Euroflash Déménagements reconnaît des versements opérés directement sur le compte bancaire de M. [J].
Elle explique que les sommes varient chaque mois, ce qui est vérifié sur les relevés de compte du salarié (sa pièce 20), et correspondent à des montants précis, sur la base des justificatifs adressés par M. [J], qui faisaient l'objet d'un tableau récapitulatif de frais mensuels signé par le salarié. Elle produit à titre d'exemple le tableau de septembre 2016 signé par le salarié et les justificatifs des dépenses engagées (sa pièce 18).
La société Euroflash Déménagements rappelle, à juste titre, qu'il est admis que ces remboursements de frais, qui ne sont pas assujettis aux cotisations sociales, pour les entreprises qui procèdent à de nombreux remboursements de frais sans périodicité liée au paiement du salaire, ce qui est son cas, que la mention des remboursements sur le bulletin de salaire peut être limitée à ceux qui sont effectués en même temps que le paiement de la rémunération.
Aucune dissimulation de rémunération ne peut être dans ces conditions retenue.
L'élément matériel de la dissimulation d'emploi faisant ici défaut, M. [J] sera débouté de cette demande et des demandes subséquentes (régularisation auprès des caisses de retraite et remise de bulletins de salaire rectifiés), par confirmation du jugement entrepris.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail par le salarié
La société Euroflash Déménagements sollicite à titre reconventionnel la condamnation de M. [J] à lui verser la somme de 1 000 euros dans le dispositif de ses conclusions (alors qu'il fait état d'une demande de 15 000 euros dans les motifs) à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail. Elle soutient que le salarié a délibérément détourné la clientèle de la société pour le compte de sa propre société et a utilisé son temps de travail rémunéré par son employeur pour le compte de sa nouvelle société.
M. [J] ne répond pas spécifiquement sur ce point.
Il est rappelé que, conformément aux dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
La société Euroflash Déménagements se prévaut du courriel de M. [F] évoqué précédemment pour soutenir que M. [J] détournait sa clientèle avant son départ de la société. Toutefois, ce seul élément, émanant d'un tiers, ne permet pas de retenir le détournement de clientèle allégué.
Elle fait également état du démarchage de sa clientèle postérieurement à la rupture, cet argument étant ici inopérant puisque postérieur à la rupture du contrat de travail, en l'absence de clause de non-concurrence.
La société Euroflash Déménagements sera en conséquence déboutée de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Compte tenu de la teneur de la décision rendue, le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.
M. [J], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il sera en outre condamné à payer à la société Euroflash Déménagements une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 500 euros et sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 17 août 2020,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [Z] [J] au paiement des entiers dépens,
CONDAMNE M. [Z] [J] à payer à la SAS Euroflash Déménagements une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [Z] [J] de sa demande présentée sur le même fondement.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,