La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2023 | FRANCE | N°21/03350

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 22 mars 2023, 21/03350


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 22 MARS 2023



N° RG 21/03350



N° Portalis DBV3-V-B7F-U2TV



AFFAIRE :



[E] [I]



C/



S.E.L.A.R.L. [F] Prise en la personne de Me [T] [S] [F], mandataire liquidateur de la société HERVE SA



Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 5]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu l

e 30 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES-LA-JOLIE

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : F20/00103



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL Arst Avocats



la ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 22 MARS 2023

N° RG 21/03350

N° Portalis DBV3-V-B7F-U2TV

AFFAIRE :

[E] [I]

C/

S.E.L.A.R.L. [F] Prise en la personne de Me [T] [S] [F], mandataire liquidateur de la société HERVE SA

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 5]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES-LA-JOLIE

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : F20/00103

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL Arst Avocats

la SCP AVENS

Copie certifiée conforme délivrée à :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 5]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [E] [I]

née le 25 Décembre 1970 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4] / France

Représentant : Me Chaouki GADDADA de la SELARL Arst Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C739

APPELANTE

****************

S.E.L.A.R.L. [F] Prise en la personne de Me [T] [S] [F], mandataire liquidateur de la société HERVE SA

N° SIRET : 477 751 911

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Marie-hortense DE SAINT REMY de la SCP AVENS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0286 substitué par Me Doris ASSOGBA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 5] / France

Non constitué

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [E] [I] a été engagée par la société Hervé suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 juillet 2017 en qualité de secrétaire de travaux, niveau E, avec le statut d'agent de maîtrise du bâtiment.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment.

Au mois de février 2019, puis du 14 juin 2019 au 6 février 2020, la salariée a fait l'objet d'arrêts de travail pour maladie.

Dans le cadre de la visite médicale de reprise du 6 février 2020, le médecin du travail a déclaré Mme [I] apte à son poste de travail avec les restrictions suivantes : 'apte à la reprise du travail à l'essai en temps thérapeutique partiel les lundis, mercredis et vendredis, un siège adapté est nécessaire. Prochaine visite prévue courant mars 2020.'

Par lettre du 17 février 2020, Mme [I] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 26 février 2020.

Par lettre du 3 mars 2020, l'employeur a licencié la salariée suite à l'avis rendu par le médecin du travail, en raison d'une absence les mardis et jeudis 'pas compatible avec l'organisation et le fonctionnement des chantiers, qui nécessitent un relais permanent avec la secrétaire travaux' et en l'absence d'autres postes disponibles adaptés à son état de santé.

Par jugement en date du 26 mars 2020 du tribunal de commerce de Nanterre, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Hervé, la Selarl [F] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 1er septembre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société Hervé et la Selarl [F] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Le 28 juillet 2020, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Mantes La Jolie afin d'obtenir la fixation au passif de la société Hervé, des créances de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, pour préjudice moral et financier, pour exécution déloyale du contrat de travail et de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, avec remise des documents de fin de contrat sous astreinte.

Par jugement en date du 30 septembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- prononcé la mise hors de cause de la société Fhb, prise en la personne de Maître [Z] [G] et de la société Ajrs, prise en la personne de Maître [O] [R],

- jugé que le licenciement de Mme [I] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [I] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société [F] en sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [I] aux entiers dépens.

Le 10 novembre 2021, Mme [I] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 9 février 2022, Mme [I] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes et condamnée aux entiers dépens, et statuant à nouveau de :

- juger que son licenciement est nul en ce qu'il repose sur un motif discriminatoire, en conséquence, fixer au passif de la société Hervé la somme de 17 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- à titre subsidiaire, juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en conséquence, fixer au passif de la société Hervé la somme de 7 525 euros à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, fixer au passif de la société Hervé les créances suivantes à son profit :

* 4 300 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 430 euros de congés payés afférents,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier,

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- déclarer opposable à l'Ags Cgea [Localité 5] la décision à intervenir.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 11 mai 2022, la Selarl [F] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Mme [I] de toutes ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par acte d'huissier en date du 14 janvier 2022, [E] [I] a fait signifier sa déclaration d'appel à l'Unedic délégation Cgea Ags d'[Localité 5]. L'huissier a établi un procès-verbal de remise à personne morale. L'Unedic délégation Cgea Ags d'[Localité 5] n'a pas constitué avocat devant la cour. En application del'article 474 du code de procédure civile, l'arrêt sera réputé contradictoire.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 31 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur la validité du licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

'Nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons décidé de procéder à votre licenciement.

Nous vous rappelons les raisons qui nous contraignent à prendre cette mesure : en date du 6 février 2020, vous avez passé une visite médicale du travail. Le médecin du travail vous a déclaré apte à la reprise à l'essai en temps thérapeutique partiel les lundis, mercredis et vendredis - un siège adapté est nécessaire. Par courrier du 7 février 2020, nous avons refusé ce temps partiel thérapeutique pour des contraintes d'organisation. En effet votre poste de secrétaire travaux est en constant et quotidien contact avec les chantiers dont les horaires de travail sont du lundi au vendredi du 8h à 17h15. Votre absence le mardi et le jeudi n'est pas compatible avec l'organisation et le fonctionnement des chantiers, qui nécessitent un relais permanent avec la secrétaire travaux.

Nous n'avons par ailleurs pas d'autres postes disponibles adaptés à votre état de santé.

Votre étant de santé ne vous permettant pas d'effectuer votre préavis, nous ne sommes pas tenus de vous verser une indemnité compensatrice de préavis.'

La salariée invoque un licenciement nul au motif qu'il a été prononcé en raison de son état de santé de façon discriminatoire.

Aux termes de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le motif discriminatoire 'en raison de son état de santé' invoqué par la salariée est bien prévu à l'article L. 1132-1 du code du travail.

En l'espèce, la salariée indique que son employeur l'a licenciée en justifiant sa décision par son refus d'appliquer les préconisations du médecin du travail portant sur la mise en place d'un temps partiel thérapeutique.

Il ressort du dossier qu'après avis rendu par le médecin du travail d'aptitude sous réserve de la mise en place à l'essai d'un temps partiel thérapeutique, par lettre du 7 février 2020, la société Herve a informé la salariée qu'elle refusait cette mise en place d'un travail en temps partiel thérapeutique pour des contraintes d'organisation.

La lettre de licenciement vise expressément cette difficulté, l'employeur notant que cette préconisation du médecin du travail 'n'est pas compatible avec l'organisation'.

La salariée produit également une attestation de Mme [K], chargée d'affaire, du 22 mars 2021, attestant que le service travaux de la société avait cinq secrétaires travaux comprenant la salariée, et que celles-ci se remplaçaient mutuellement en cas d'empêchement.

Ainsi, la salariée présente des faits laissant supposer l'existence d'un licenciement discriminatoire en raison de son état de santé.

Le mandataire liquidateur indique que du fait de ses fonctions, la salariée devait être en contact chaque jour de la semaine avec les chantiers avec lesquels elle travaillait, que c'est cette seule contrainte d'organisation et l'impossibilité pour l'employeur de proposer tout autre poste aménagé dans l'entreprise, qui a conduit à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, qui n'a rien à voir avec l'état de santé de la salariée.

Cependant, l'employeur a ainsi refusé de mettre en oeuvre les préconisations du médecin du travail qui s'imposaient alors même qu'il n'a pas contesté l'avis rendu par le médecin du travail. Ce faisant, il a licencié la salariée de façon discriminatoire en raison de son état de santé.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, la salariée dont la réintégration est impossible, a droit à une indemnité pour licenciement nul qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

La salariée étant âgée de 49 ans et ayant plus de deux ans d'ancienneté, la créance de dommages et intérêts pour licenciement nul sera fixée au montant de 13 000 euros.

La créance d'indemnité de préavis correspondant à deux mois de salaire sera fixée à 4 300 euros, outre 430 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ces points.

Sur l'exécution loyale du contrat de travail

La salariée sollicite une créance de 5 000 euros en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail.

La salariée ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi déjà réparée par la créance de dommages et intérêts pour licenciement nul. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le préjudice moral et financier

La salariée sollicite une créance de 5 000 euros pour préjudice moral et financier. Elle indique qu'elle a été destinataire des documents de fin de contrat fin avril 2020 uniquement, que les documents étaient erronés et qu'elle a reçu les documents conformes le 7 mai 2020 finalement, ce qui a différé son inscription à Pôle emploi et son indemnisation.

La salariée ne justifie pas du préjudice financier invoqué, le retard dans l'accomplissement des démarches auprès de Pôle emploi ne devant pas en lui-même entraîner de différence dans l'indemnisation. Il lui sera alloué une créance de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant des tracas des démarches qu'il convient de fixer à 500 euros.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur la garantie de l'Ags

Il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l'Ags Cgea d'[Localité 5] qui ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et de déclarer que l'obligation de l'Ags de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Le mandataire liquidateur succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel. Il devra également régler à Mme [I] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [E] [I] de sa créance de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de Mme [E] [I] est entaché de nullité,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Hervé les créances suivantes:

13 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

4 300 euros à titre d'indemnité de préavis,

430 euros au titre des congés payés afférents,

500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Condamne la Selarl [F] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Selarl [F] à payer à Mme [E] [I] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que le présent arrêt est opposable à l'Unedic, délégation Ags Cgea d'[Localité 5] qui ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et rappelle que l'obligation de l'Ags de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03350
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.03350 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award