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22/03/2023 | FRANCE | N°21/03349

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 22 mars 2023, 21/03349


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 MARS 2023



N° RG 21/03349



N° Portalis DBV3-V-B7F-U2TQ



AFFAIRE :



[D] [N]

...



C/



S.A.S. SANI 92









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E
>N° RG : F19/00567



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Salif DADI



la SCP Philippe et Louis BOUDIAS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 MARS 2023

N° RG 21/03349

N° Portalis DBV3-V-B7F-U2TQ

AFFAIRE :

[D] [N]

...

C/

S.A.S. SANI 92

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F19/00567

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Salif DADI

la SCP Philippe et Louis BOUDIAS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [D] [N]

né le 11 Janvier 1955 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Salif DADI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0912

Monsieur [O] [N]

né le 08 Décembre 1987 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Salif DADI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0912

APPELANTS

****************

S.A.S. SANI 92

N° SIRET : 325 932 945

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Philippe BOUDIAS de la SCP Philippe et Louis BOUDIAS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [N] a été engagé par la société Sani 92 suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1989 en qualité de responsable de transports, groupe 6, coefficient 145, avec le statut de cadre.

M. [O] [N], fils de M. [D] [N], a également été engagé par la société Sani 92 à compter du 3 octobre 2011 en qualité de conducteur accompagnateur groupe 7, coefficient 136. Il a démissionné de ses fonctions le 29 août 2018.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Par lettre du 20 décembre 2018, M. [D] [N] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 11 janvier 2019.

Par lettre du 23 janvier 2019, l'employeur a licencié M. [D] [N] pour faute lourde.

Le 25 février 2019, la société Sani 92 a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de voir juger que les deux salariés ont perpétré des actes caractéristiques d'une faute lourde en exploitant des informations sur les clients de la société Sani 92 aux fins de les détourner au profit de M. [O] [N] qui venait de créer une société concurrente à Sani 92 et d'obtenir à ce titre la condamnation de M. [D] [N] et M. [O] [N] au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et immatériel résultant de l'atteinte au crédit et à l'image.

Par jugement en date du 22 octobre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- dit que M. [D] [N] et M. [O] [N] ont engagé leur responsabilité personnelle envers la société Sani 92,

- condamné M. [D] [N] à payer à la société Sani 92, les sommes suivantes :

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi,

* 20 000 euros en réparation du préjudice immatériel résultant de l'atteinte au crédit et à l'image de la société Sani 92,

- condamné M. [O] [N] à payer à la société Sani 92, les sommes suivantes :

* 30 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi,

* 20 000 euros en réparation du préjudice immatériel résultant de l'atteinte au crédit et à l'image de la société Sani 92,

- débouté M. [D] [N] et M. [O] [N] de toutes leurs demandes,

- condamné in solidum M. [D] [N] et M. [O] [N] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [D] [N] et M. [O] [N] aux entiers dépens.

Le 10 novembre 2021, M. [D] [N] et M. [O] [N] ont interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 1er février 2022, M. [D] [N] et M. [O] [N] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau de :

- à titre principal, se déclarer incompétent à statuer sur les demandes de la société Sani 92, le litige relevant de la compétence du tribunal de commerce,

- à titre subsidiaire, débouter la société Sani 92 de l'ensemble de ses fins, demandes et prétentions,

- y ajoutant, condamner la société Sani 92 à verser à M. [D] [N] une indemnité de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sani 92 à verser à M. [O] [N] une indemnité de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 26 avril 2022, la société Sani 92 demande à la cour de :

- dire que M. [D] [N] et M. [O] [N] ont perpétré des actes caractéristiques d'une faute lourde en exploitant, alors qu'ils étaient tous deux salariés de la société Sani 92, des informations sur les clients de la société Sani 92 aux fins de les détourner au profit de M. [O] [N] lequel venait, début juin 2018, de créer une société concurrente à Sani 92 (Ml Transport Privé) notamment concernant les clients [L], [Y], [B] et [M],

- confirmer le jugement qui s'est déclaré compétent et en ce qu'il a dit que M. [D] [N] et M. [O] [N] avaient engagé leur responsabilité de par les faits commis durant leur collaboration au préjudice de la société Sani 92 caractéristique de fautes lourdes,

- accueillir l'appel incident de la société Sani 92 et réformant le jugement dire que M. [D] [N] et M. [O] [N], ayant participé à la commission du même dommage, leur condamnation doit être prononcée in solidum, condamner in solidum M. [D] [N] et M. [O] [N] à lui verser la somme de 83 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel en résultant, condamner in solidum M. [D] [N] et M. [O] [N] à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice immatériel en résultant (atteinte au crédit et à l'image de marque de l'entreprise),

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ses condamnations vis-à-vis de M. [D] [N] et M. [O] [N],

- condamner in solidum M. [D] [N] et M. [O] [N] à lui verser 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 31 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur la compétence

Les appelants soulèvent l'incompétence matérielle de la cour pour statuer, demande sur laquelle le conseil de prud'hommes a omis de statuer dans son dispositif. Ils font valoir que M. [O] [N] a travaillé pour le compte de sa société ML Transport à compter de septembre 2018, soit après avoir démissionné de la société Sani 92, qu'il lui est reproché un acte de concurrence déloyale alors que le contrat de travail n'existait plus et qu'il appartenait à la société Sani 92 de saisir le tribunal de commerce matériellement compétent pour statuer sur le litige.

La société intimée indique que les agissements imputés à M. [D] [N] et M. [O] [N] sont des faits perpétrés pendant leur collaboration avec elle. Concernant M. [D] [N], les faits sont la cause directe de son licenciement. Concernant M. [O] [N], les faits ont été commis de concert avec son père, avant le terme de sa collaboration, puisqu'une société a été créée avec la même activité et inscrite au registre des exploitants VTC, le père et le fils ayant déployé le dessein de détourner l'ensemble des informations concernant le fonctionnement de la société, les clients, les procédures applicables, les tarifs à leur profit et au profit de l'entreprisée créée.

Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

Concernant M. [D] [N], les faits qui lui sont reprochés sont la cause de son licenciement, de sorte que le différend qui l'oppose à la société Sani 92 s'élève bien à l'occasion de son contrat de travail.

Concernant M. [O] [N], il lui est notamment reproché la création d'une société concurrente ML Transport Privé immatriculée le 8 juin 2018, le détournement de plusieurs clients et le débauchage de salariés pendant sa période salariée, avant sa démission. Certains faits, notamment la création de l'entreprise, sont, en effet, concomitants à la relation de travail salariée qui a pris fin le 29 août 2018.

Par conséquent, l'exception d'incompétence soulevée par les appelants sera rejetée, la cour d'appel étant saisie d'un litige survenu à l'occasion de l'exécution des deux contrats de travail salariés.

Sur la responsabilité des salariés

L'employeur indique que M. [D] [N] et M. [O] [N] ont agi conjointement en exploitant les informations détenues par M. [D] [N] pour détourner les clients au profit de la société créée par M. [O] [N] alors qu'il était encore lié par un contrat de travail avec la société Sani 92 et que ces faits caractérisent une faute lourde engageant la responsabilité contractuelle des deux salariés.

Les appelants contestent les fautes qui leur sont reprochées, faisant valoir que l'employeur ne rapporte pas la preuve de ses allégations et que M. [D] [N] n'a pas détourné d'informations au profit de son fils. Ils soulignent que M. [D] [N] était hospitalisé et qu'en réalité le licenciement est lié à son état de santé, qu'une procédure en nullité du licenciement est pendante.

En application des dispositions de l'article L. 3141-28, la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde.

La faute lourde est celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à son employeur.

En l'espèce, M. [O] [N] a bien créé une société ayant une activité concurrente de voiture de transport avec chauffeur, la société ML Transport Privé ayant été immatriculée le 8 juin 2018 soit avant le terme de son contrat de travail le 29 août 2018.

S'agissant du détournement de clients invoqué, il ressort du dossier que M. [O] [N] a effectivement établi un devis le 24 mai 2018 pour le transport de [S] [L]. Cependant, ce devis a été réalisé suite à la demande du 23 mai 2018 de M. [L] et le contrat a été confirmé par Mme [L] le 10 septembre 2018, soit après la fin du contrat de travail salarié de M. [O] [N].

La société ML Transport Privé a également transporté [G] [Y], [A] [H] [B] pour l'année scolaire 2018/2019 à compter de septembre 2018 ainsi que [F] [W] à compter de novembre 2018, soit après la fin du contrat de travail salarié de M. [O] [N].

Toutefois, Mme [Y] atteste le 8 février 2019 avoir elle-même donné les montants des devis de la société Sani 92 à la société ML Transport Privé et Mme [E], mère de [A] [H] [B], atteste le 5 février 2019 avoir choisi le transporteur eu égard au devis moins onéreux et pour la qualité de la prestation.

Ainsi, seul un devis établi le 24 mai 2018 peut être retenu à l'encontre de M. [O] [N], l'initiative du devis étant prise par le client et le contrat formé après la période de salariat.

Il n'est pas établi pour les autres contrats conclus avec d'anciens clients de la société Sani 92 que le démarchage commercial ait eu lieu pendant la période de salariat, ni qu'il ait été effectué grâce à des informations données par M. [D] [N].

Au vu de ces éléments, la cour constate que M. [O] [N] a bien pris l'initiative de créer une société concurrente alors qu'il était encore salarié de la société Sani 92, mais que n'est établie à son encontre qu'une réponse à un devis client alors qu'il était encore salarié de la société Sani 92.

La société Sani 92 ne démontre pas, comme elle l'allègue, que M. [D] [N] a produit des informations notamment sur la procédure d'appel d'offre du STIF, sur les prix pratiqués sur les contrats existants ou des conseils afin de favoriser le chiffre d'affaires de l'entreprise créée par son fils au détriment de la société Sani 92.

Au surplus, M. [D] [N] a été hospitalisé à compter du 11 novembre 2018 en service de réanimation puis de pneumologie.

Par conséquent, la volonté de nuire à la société Sani 92 par M. [O] [N] et par M. [D] [N] n'est pas caractérisée de sorte qu'en l'absence de faute lourde constituée, leur responsabilité pécuniaire n'est pas engagée à l'encontre de la société Sani 92.

La société Sani 92 doit donc être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts à leur encontre sur ce fondement.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Sani 92 succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel. Elle devra régler à M. [O] [N] et M. [D] [N] une somme de 2 000 euros chacuns en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Rejette l'exception d'incompétence matérielle soulevée par M. [O] [N] et par M. [D] [N],

Déboute la société Sani 92 de sa demande en réparation au titre de la responsabilité pécuniaire de M. [O] [N] et par M. [D] [N],

Condamne la société Sani 92 aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Sani 92 à payer à M. [O] [N] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Sani 92 à payer à M. [D] [N] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03349
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.03349 ?
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