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22/03/2023 | FRANCE | N°21/02771

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 22 mars 2023, 21/02771


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 MARS 2023



N° RG 21/02771



N° Portalis DBV3-V-B7F-UXZ2



AFFAIRE :



S.A.S. ONEPOINT



C/



[D] [Y]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Août 2021 par le Conseil de Prud'hommes de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 20/00442



Copies exécu

toires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



la AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 MARS 2023

N° RG 21/02771

N° Portalis DBV3-V-B7F-UXZ2

AFFAIRE :

S.A.S. ONEPOINT

C/

[D] [Y]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Août 2021 par le Conseil de Prud'hommes de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 20/00442

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

la AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. ONEPOINT

N° SIRET : 440 69 7 7 12

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Olivier ANGOTTI de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T04

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [Y]

né le 07 Octobre 1957 à [Localité 5] (Vietnam)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me François AJE de l'AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [Y] a été engagé par la société Optium Groupe suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 novembre 2009 en qualité d'ingénieur consultant, coefficient 150, position 2.3, avec le statut de cadre.

A la suite d'opérations de fusions de sociétés, le contrat de travail de M. [D] a été transféré le 1er avril 2018 à la société Onepoint, avec reprise d'ancienneté au 12 novembre 2009.

Fin 2015, M. [D] a été élu délégué du personnel, mandat qu'il a perdu le 1er avril 2018 par effet de la fusion entre la société Onepoint et la société Vision IT.

Par un arrêté préféctoral publié le 6 avril 2018, M. [D] a été désigné défenseur syndical de l'Union Départementale CFE-CGC du Val d'Oise.

Par un arrêté préfectoral publié le 3 août 2020, M. [D] a, de nouveau, été inscrit sur la liste de défenseurs syndicaux.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil, dite Syntec.

Par lettre datée du 4 août 2020, M. [D] a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de divers manquements qu'il a imputés à celui-ci.

Le 9 septembre 2020, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin de faire produire à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, d'obtenir une requalification de sa qualification professionnelle au coefficient 210, position 3.2, subsidiairement au coefficient 170, position 3.1 et d'obtenir la condamnation de la société Onepoint au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, pour la violation du statut protecteur, pour discrimination, ainsi que de diverses indemnités et sommes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 11 août 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- requalifié la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [D] en un licenciement nul,

- requalifié la classification conventionnelle professionnelle de M. [D] au coefficient 170 position 3.1,

- condamné la société Onepoint, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer les sommes de :

* 52 652,04 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

* 157 956,12 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

* 16 088,16 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 13 163,01 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 1 316,30 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 310,40 euros au titre des majorations légales des heures supplémentaires,

* 331,04 euros au titre des congés payés afférents,

* 4 722,51 euros au titre de l'indemnité de congés payés,

* 701,32 euros au titre des congés conventionnels d'ancienneté,

* 1 316,30 euros au titre de l'indemnité des rtt,

* 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Onepoint de remettre à M. [D] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et une fiche de paie récapitulative des sommes prononcées portant l'indication de la qualification au niveau 3.1. de la convention collective,

- frappé son jugement des dispositions de l'exécution provisoire fondée sur l'article R.1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des rémunérations des trois derniers mois de M. [D] à la somme de 4 387,67 euros,

- débouté M. [D] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Onepoint de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Onepoint aux entiers dépens et qu'en cas d'exécution forcée, les frais d'huissier seront à sa seule charge y incluant ceux de la signification de la présente instance, ainsi que les débours avec les éventuels honoraires.

Le 22 septembre 2021, la société Onepoint a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 30 janvier 2023, la société Onepoint demande à la cour d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et du surplus de ses demandes, et statuant à nouveau, de débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 13 163,01 euros au titre du préavis non-effectué, outre un montant de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 26 janvier 2023, M. [D] demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes et statuant à nouveau, de :

- condamner la société Onepoint à la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- la condamner aux entiers dépens de la présente procédure d'appel et en cas d'exécution forcée de l'arrêt à intervenir, les frais d'huissier étant à sa seule charge y incluant les débours avec les éventuels honoraires,

- ordonner le remboursement de la somme de 120,38 euros au titre des frais inhérents à la

signification à comparaître devant le conseil des prud'hommes de Montmorency,

- condamner la société Onepoint au paiement des intérêts légaux à compter de la notification du jugement du conseil des prud'hommes de Montmorency pour les dommages intérêts inhérents à la rupture du contrat de travail et de ceux tirés de la violation du statut protecteur et à compter de la signification de la convocation à comparaître à l'audience de jugement, soit le 22 septembre 2020, pour les majorations légales des heures supplémentaires avec les congés y afférents, l'indemnité de congés payés, les congés conventionnels d'ancienneté ainsi que l'indemnisation des jours de rtt, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir pour les dommages intérêts sur la discrimination syndicale,

- débouter la société Onepoint de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 31 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur la demande de reclassification conventionnelle

En cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, ce dernier doit établir la nature de l'emploi effectivement occupé et la qualification qu'il requiert.

La convention collective applicable prévoit la classification suivante :

Pour le coefficient 150, niveau 2.3 'ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche'.

Pour le coefficient 170, niveau 3.1 'ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en oeuvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef'.

Pour le coefficient 210, niveau 3.2 'ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature'.

En l'espèce, il est constant que le salarié a gardé la même classification conventionnelle au coefficient 150, niveau 2.3 durant toute la relation contractuelle.

Il ressort du dossier que le salarié a obtenu un diplôme de consultant expert, certification professionnelle de niveau I.

Il ne justifie pas avoir exercé de relations hiérarchiques sur des collaborateurs et cadres, de sorte que la demande de reclassification au coefficient 210, niveau 3.2 doit être rejetée.

Il était membre d'une équipe de pilotage de quatre personnes et était chargé d'assurer la maîtrise des capacités applicatives de composition documentaire.

Il a collaboré à de nombreux projets pour des entreprises de la finance, essentiellement des banques et des compagnies d'assurance et n'a connu que très peu de périodes de disponibilité en inter-contrats.

Il a, ainsi, acquis une expérience et des compétences techniques pendant une expérience professionnelle de plus de dix ans, mettant en oeuvre des connaissances sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues, de sorte qu'il convient de faire droit à sa demande de requalification conventionnelle au coefficient 170, position 3.1.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement de la majoration légale relative aux heures supplémentaires

Le salarié revendique le paiement de la majoration légale des heures supplémentaires réalisées à hauteur de 3,5 heures par semaine, soit un montant de 3 310,4 euros, outre 331 euros au titre des congés payés afférents.

Il indique que son contrat de travail était soumis au régime d'un double forfait à la fois horaire et en jours, sans base légale. Il fait valoir que l'employeur n'a pas respecté les obligations inhérentes au forfait et applicables dans la convention collective et n'a pas mis en conformité les clauses de son contrat de travail. Il précise qu'il n'a jamais bénéficié du paiement de la majoration légale relative aux heures supplémentaires accomplies.

L'employeur expose que la rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures inclut le salaire habituel et les heures supplémentaires établies à l'avance, qu'ainsi la rémunération est prévue de façon forfaitaire incluant les heures supplémentaires régulièrement accomplies. Il souligne que la rémunération du salarié est supérieure aux minima conventionnels conformément aux dispositions de l'article L. 3121-57 du code du travail.

En l'espèce, le contrat de travail du salarié prévoit qu'il est 'soumis à un horaire hebdomadaire de 38h50 sur un nombre de jours travaillés maximum de 220 j par an', soit un forfait à la fois en heures de travail et un forfait annuel en jours travaillés.

Or, la convention collective applicable prévoit notamment en son article 4.8.1 que les salariés en forfait annuel en jours, gèrent librement le temps à consacrer à l'accomplissement de leur mission, en concertation avec leur employeur, ce qui n'est pas compatible avec un forfait horaire, correspondant aux conditions réelles de travail et englobant notamment des heures supplémentaires occasionnelles comme prévu à l'article 32 de la même convention.

La convention de forfait prévue au contrat de travail du salarié doit donc être considérée comme nulle car privée de base légale.

Il s'en déduit que le salarié a accompli 3h30 d'heures supplémentaires de façon hebdomadaire, équivalent à 15,16 heures supplémentaires mensuelles, sans que ne lui soit réglée la majoration légale relative aux heures supplémentaires.

Il sera donc fait droit à la demande du salarié qui s'établit comme suit :

d'août 2017 à novembre 2019 inclus :

25% X 15,16 heuresX23,99 euros = 90,92 euros,

90,92 euros X 28 mois = 2 545,76 euros,

de décembre 2019 à juillet 2020 inclus :

25% X 15,16heures X 25,22 euros = 95,58 euros

95,58 euros X 8 mois = 764,64 euros

Soit un montant total de 3 310,4 euros, outre 331,04 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur la discrimination syndicale

Le salarié sollicite une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale. Il indique qu'il a subi une discrimination en raison de son mandat syndical.

En application des dispositions de l'article L. 1134-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, la cour constate que le salarié n'invoque pas de discrimination à son encontre en matière de salaire, le moyen soulevé par l'employeur à ce titre est donc inopérant.

Le salarié allègue une discrimination en raison de son mandat syndical, motif prévu à l'article L. 1132-1 du code du travail.

Il fait état de l'absence de tenue d'entretiens individuels, de formation professionnelle et d'adaptation du poste et d'un projet d'accord d'entreprise du 23 octobre 2019 n'octroyant pas de suivi enrichi aux titulaires d'un mandat externe contrairement aux titulaires d'un mandat interne.

Le projet d'accord d'entreprise invoqué par le salarié, avait vocation à faire l'objet de discussions en interne avant d'être adopté, et le salarié ne présente pas d'accord définitif ne s'appliquant pas aux titulaires d'un mandat externe. Ce fait ne peut donc être retenu.

Le salarié indique qu'il n'a pas bénéficié d'entretiens individuels bi-annuels, les seuls entretiens ayant eu lieu à sa demande le 12 décembre 2018, le 4 avril 2019 en présence de son référent hiérarchique, les 27 et 29 novembre 2019 et au titre de revendications d'augmentation salariale et de reclassification conventionnelle. Il invoque l'article 4.8.3 de la convention collective qui prévoit un minimum de deux entretiens individuels par an pour les salariés soumis au forfait annuel en jours travaillés. Cependant, la clause du contrat de travail du salarié relative aux forfaits heures et jours travaillés est jugée nulle. Il n'y a donc pas lieu de faire application des dispositions de la convention collective relative au forfait jours travaillés comme sollicité par le salarié. Il sera donc retenu que l'employeur avait une obligation de tenir un entretien individuel annuel avec le salarié comme admis par ce dernier et que l'employeur a manqué à son obligation, les entretiens ayant eu lieu seulement à compter de l'année 2018 et principalement à la demande du salarié.

Le salarié indique qu'il n'a bénéficié que de vagues propositions de formation ponctuelles ne pouvant se substituer aux obligations inhérentes à l'adaptation et à la formation au vu de son métier et de ses fonctions sur le fondement de l'article L. 6321-1 du code du travail. L'employeur a ainsi manqué à son obligation en matière de formation professionnelle et d'adaptation au poste du salarié.

Cependant, le salarié n'allègue, ni ne démontre qu'il s'est trouvé privé d'un entretien annuel individuel et de formations professionnelles à partir de la prise de son mandat syndical.

Par conséquent, il y a lieu de considérer que le salarié ne présente pas d'éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination en vertu de son mandat de défenseur syndical. Il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la violation du statut protecteur et ses conséquences

Le salarié invoque une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur. Il indique que son employeur avait bien connaissance de sa qualité de défenseur syndical lorsqu'il a pris acte de la rupture du contrat de travail. Il précise que la date de notification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail prend effet à sa réception. Il conclut que la cessation des relations contractuelles emporte la violation du statut protecteur dont il bénéficiait et le paiement d'une indemnisation égale à 36 mois de salaire.

L'employeur fait valoir qu'il n'a pas eu connaissance du statut protecteur du salarié antérieurement à sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail. Il soutient que la prise d'acte entraîne la rupture immédiate du contrat de travail, au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception et qu'à cette date le salarié ne bénéficiait plus de la protection de défenseur syndical, qu'il ne peut donc se prévaloir des dispositions du statut protecteur attaché à cette fonction puisqu'il n'avait pas informé la société de l'existence de ce nouveau mandat avant ou au moment de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.

En application des dispositions de l'article L. 2411-1 du code du travail, le salarié protégé par un mandat de défenseur syndical n'est pas en droit de se prévaloir de la protection résultant d'un mandat extérieur à l'entreprise lorsqu'il est établi qu'il n'en a pas informé son employeur au plus tard au moment de la notification de la prise d'acte.

En l'espèce, le salarié avait bénéficié d'un mandat de défenseur syndical par arrêté préfectoral du 30 mars 2018 publié le 6 avril 2018. Ce mandat a pris fin le 31 juillet 2020.

Par arrêté publié le 3 août 2020, le salarié a bénéficié d'un nouveau mandat.

Le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre recommandée avec avis de réception du 4 août 2020.

L'employeur reconnaît avoir eu connaissance du renouvellement du mandat syndical de M. [D] le 11 août 2020 par lettre de la DIRECCTE.

Il s'en déduit qu'à la date de notification de la prise d'acte, le 4 août 2020, le salarié ne démontre pas qu'il avait informé l'employeur de son nouveau mandat en qualité de défenseur syndical.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le salarié qui ne démontre pas avoir informé l'employeur de son mandat de défenseur syndical, extérieur à l'entreprise, au plus tard au moment de la notification de la prise d'acte, n'est pas fondé à se prévaloir du statut protecteur de son mandat. Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et la demande d'indemnité pour licenciement nul

Le salarié invoque une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul au motif qu'il a subi des faits discriminatoires pendant des années.

L'employeur conclut au débouté.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits discriminatoires subis depuis plusieurs années, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul.

En l'espèce, au vu des développements qui précèdent, le salarié n'a pas subi de faits discriminatoires en raison de son mandat de défenseur syndical. Il doit donc être débouté de sa demande en nullité du licenciement sur ce fondement.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et ses conséquences

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission et la charge de la preuve des faits pèse sur le salarié.

En l'espèce, le salarié invoque les manquements suivants à l'encontre de l'employeur :

l'existence d'un double forfait horaire et jour,

l'absence d'entretiens individuels,

l'absence d'évolution de la classification conventionnelle,

l'absence de formation et d'adaptation à son poste.

Il est avéré au vu des développements qui précèdent que 1) l'employeur a manqué à ses obligations en matière de durée du travail, la clause de double forfait horaire et jours travaillés n'ayant pas de base légale, que 3) l'employeur n'a pas fait évoluer le salarié dans la classification conventionnelle au niveau supérieur comme le nécessitaient les fonctions exercées par le salarié et 2) que l'employeur n'a pas organisé d'entretiens individuels annuels conformes et 4) n'a pas permis au salarié de bénéficier de formations professionnelles et d'adaptation à son poste.

En l'espèce, ces manquements qui ont duré pendant des années, et qui se sont poursuivis, en dépit de demandes de régularisation du salarié, notamment à compter de fin 2018, date des entretiens individuels organisés à la demande du salarié, mais également de novembre 2019, date des entretiens individuels à l'initiative du salarié, puis du 9 juillet 2020, moment où le salarié a refusé de débuter une mission si l'employeur ne lui octroyait pas notamment une évolution de sa classification conventionnelle, étaient suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Par conséquent, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié, âgé de 62 ans et ayant plus de dix ans d'ancienneté, est en droit d'obtenir, une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois et dix mois de salaire brut.

Le jugement attaqué sera infirmé en ce qu'il a alloué à M. [D] des dommages et intérêts pour licenciement nul.

Il sera alloué à M. [D] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 40 000 euros.

M. [D] a droit également à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois d'un montant de 13 163,01 euros, outre 1 316,3 euros au titre des congés payés afférents, montants non contestés par la société appelante. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Il lui est alloué également une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 16 088,16 euros, montant non contesté par la société appelante. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Il convient d'ordonner la remise par la société Onepoint à M. [D] de l'attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'une feuille de paie récapitulative conformes à la décision. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité de congés payés

Le salarié sollicite la condamnation de la société au paiement de la somme de 4 722,51 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2019 au 5 août 2020.

Il indique que sur la période, il a perçu des salaires pour un montant de 60 388,06 euros, qu'une indemnité de congés payés de 6 038,81 euros lui était due avant déduction de 9 jours pris à compter du 27 juillet 2020 pour un montant de 1 316,3 euros.

L'employeur fait valoir que le solde des congés payés a été réglé au salarié dans son solde de tout compte.

En l'espèce, le solde de tout compte ne mentionne pas de détail relatif aux congés payés, de sorte que la contestation à ce titre est recevable.

Le bulletin de paie d'août 2020 mentionne un paiement relatif aux congés payés pour 22 jours, soit la somme de 4 272,01 euros.

Le salarié justifie avoir perçu des salaires pour un montant de 60 388,06 euros, soit une indemnité de congés payés de 6 038,81 euros avant déduction de 9 jours pris à compter du 27 juillet 2020 pour un montant de 1 316,3 euros, soit un solde de 4 722,51 euros.

Par conséquent, l'employeur ne justifiant pas s'être acquitté du reliquat d'indemnité de congés payés, il reste dû à ce titre la somme de 4 722,51 euros - 4 272,01 euros = 450,5 euros, somme que l'employeur sera condamné à payer au salarié.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur les congés conventionnels d'ancienneté

Le salarié sollicite une somme de 731,28 euros au titre des congés conventionnels d'ancienneté au titre de 3 jours sur l'exercice précédent et de 2 jours sur le nouvel exercice.

L'employeur fait valoir qu'il s'est déjà acquitté du solde dû dans le solde de tout compte.

En l'espèce, le solde de tout compte ne mentionne pas de détail relatif aux congés conventionnels d'ancienneté, de sorte que la contestation à ce titre est recevable.

Le salarié justifie qu'un solde de 3 jours lui était dû au titre de l'exercice précédent. Le bulletin de paie d'août 2020 fait apparaître le paiement de ce solde.

Le salarié justifie également qu'un solde d'un jour lui était dû au titre de l'exercice en cours au vu du bulletin de paie d'août 2020, la preuve qu'un jour supplémentaire lui était dû, comme réclamé, n'étant pas rapportée. L'employeur ne démontre pas s'être acquitté de ce montant, de sorte qu'il doit être condamné à payer au salarié une somme de 194,18 euros à ce titre.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité des rtt

Le salarié réclame le paiement d'une somme de 1 316,30 euros au titre de l'indemnité des RTT au titre d'un reliquat de 9 jours.

L'employeur fait valoir que ce solde a déjà été réglé dans le solde de tout compte.

En l'espèce, le solde de tout compte ne mentionne pas de détail relatif à l'indemnité des RTT, de sorte que la contestation à ce titre est recevable.

Le salarié justifie d'un droit à RTT acquis de 42,85 jours, 40 jours ayant été pris.

L'employeur démontre avoir réglé 2,85 jours de RTT dus au vu du bulletin de paie d'août 2020.

Il s'en déduit qu'il n'est pas justifié d'un solde de RTT restant dû par l'employeur, le salarié doit être débouté de sa demande en paiement à ce titre.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Onepoint aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Il n'y a pas lieu à statuer sur la demande de remboursement de la somme de 120,38 euros au titre de la signification à comparaître devant le conseil de prud'hommes, celle-ci étant incluse dans les dépens de première instance.

La société Onepoint succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Elle devra, également, régler à M. [D] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- requalifié la classification conventionnelle de M. [D] [Y] au coefficient 170, position 3.1,

- condamné la société Onepoint à payer à M. [D] [Y] les sommes suivantes :

16 088,16 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

13 163,01 euros au titre de l'indemnité de préavis,

1 316,3 euros au titre des congés payés afférents,

3 310,4 euros au titre des majorations légales des heures supplémentaires

331,04 euros au titre des congés payés afférents,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Onepoint de remettre à M. [D] [Y] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et une fiche de paie récapitulative conformes à la décision,

- débouté M. [D] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- condamné la société Onepoint aux dépens et dit qu'en cas d'exécution forcée les frais d'huissier seront à sa charge, y incluant ceux de la signification de la première instance, ainsi que les débours avec les éventuels horaires,

L'infirme pour le surplus,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [D] [Y] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Onepoint à payer à M. [D] [Y] les sommes suivantes :

40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

450,5 euros au titre de l'indemnité de congés payés,

194,18 euros au titre des congés conventionnels d'ancienneté,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute M. [D] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et pour violation du statut protecteur,

Déboute M. [D] [Y] de sa demande au titre de l'indemnité des RTT,

Ordonne le remboursement par la société Onepoint à l'organisme Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées à M. [D] [Y] dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Onepoint aux dépens d'appel,

Condamne la société Onepoint à payer à M. [D] [Y] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02771
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.02771 ?
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