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15/03/2023 | FRANCE | N°21/03307

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 15 mars 2023, 21/03307


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 MARS 2023



N° RG 21/03307



N° Portalis DBV3-V-B7F-U2LA



AFFAIRE :



[U] [G]



C/



S.A.S. DAVIMAR





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F

20/00121



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP DIEMUNSCH FEYEREISEN RUBIN



la SCP FROMONT BRIENS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 MARS 2023

N° RG 21/03307

N° Portalis DBV3-V-B7F-U2LA

AFFAIRE :

[U] [G]

C/

S.A.S. DAVIMAR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F 20/00121

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP DIEMUNSCH FEYEREISEN RUBIN

la SCP FROMONT BRIENS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [U] [G]

née le 19 Avril 1980 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Claire RUBIN de la SCP DIEMUNSCH FEYEREISEN RUBIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 482

APPELANTE

****************

S.A.S. DAVIMAR

N° SIRET : 410 62 0 5 20

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Coralie JAMOIS de la SCP FROMONT BRIENS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Andrea DOREGO TRINDA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] [G] a été engagée par la société Davimar, exerçant sous l'enseigne de Bérénice, suivant un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 29 septembre 2016 jusqu'au 31 décembre 2016, en qualité de vendeuse, niveau II, échelon 1, avec le statut d'employée.

Suivant avenant du 13 décembre 2016, la relation de travail s'est poursuivie suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2017 aux mêmes conditions.

Le 6 octobre 2018, Mme [G] a subi un accident de travail, en retenant un meuble qui se renversait, elle a subi un traumatisme lombaire. Elle a fait l'objet d'arrêts de travail pour maladie jusqu'au 16 avril 2019.

Dans le cadre de la visite de pré-reprise du 15 avril 2019, le médecin du travail a rendu l'avis suivant: 'prévoir la reprise du travail à mi-temps thérapeutique le 17 avril sans dépasser 4 heures par jour, sans port de charges ni flexions du tronc, en respectant les préconisations de l'étude ergonomique du 25 janvier 2019 : en particulier avoir une perche pour l'accrochage des vêtements, un manche télescopique et une boule ergonomique pour le nettoyage. Avoir la possibilité de s'asseoir.'

Dans le cadre de la visite de reprise du 23 avril 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude avec les préconisations suivantes : 'proposition d'aménagement technique et/ou organisationnel du poste : travail à mi-temps thérapeutique sans dépasser 4 heures par jour, sans port de charges ni flexions du tronc, en respectant les préconisations de l'étude ergonomique du 25 janvier 2019: en particulier avoir une perche pour l'accrochage des vêtements, un manche télescopique et une boule ergonomique pour le nettoyage. Avoir la possibilité de s'asseoir'.

Le médecin du travail a renouvelé la préconisation d'un travail à mi-temps thérapeutique lors des visites des 5 juillet 2019, 29 octobre 2019 et 6 février 2020.

L'employeur a rappelé la durée mensuelle de travail de 130 heures et a fixé la durée du travail à 65 heures mensuelles au titre du mi-temps thérapeutique suivant avenants des 17 avril 2019, 18 mai 2019, 19 juin 2019 et 20 juillet 2019.

Par lettre du 27 septembre 2019, la salariée a dénoncé subir une situation de harcèlement de la part de la responsable de la boutique Mme [P] [C].

Par lettre du 12 novembre 2019, la société Davimar a notifié à la salariée un changement d'affectation à compter du 2 décembre 2019 sur le site du Printemps [Adresse 5] que cette dernière a refusé le 28 novembre 2019.

Par lettre du 7 janvier 2020, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 17 janvier 2020, reporté à deux reprises pour se tenir finalement le 27 janvier 2020.

Par lettre du 31 janvier 2020, l'employeur a licencié la salariée pour faute.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des industries de l'habillement.

Le 15 juin 2020, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye afin d'obtenir la condamnation de la société Davimar au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, en raison du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi, ou subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, et de diverses indemnités et sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 23 septembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- dit que le licenciement de Mme [G] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Davimar à lui payer les sommes suivantes :

* 376,50 euros nets à titre de remboursement des cotisations de mutuelle indûment prélevées pour la période du 11 décembre 2016 au 31 mai 2019,

* 177,26 euros à titre de congés payés en deniers ou quittance,

* 646,40 euros au titre du solde de tout compte établi le 8 décembre 2020 en deniers ou quittance,

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [G] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Davimar de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Davimar à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaires à compter du 22 juin 2020 date de réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de conciliation et du prononcé pour le surplus,

- rappelé que par application de l'article R. 1454-28 du code du travail, l'exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l'article R. 1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et fixé pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 1 382,89 euros,

- condamné la société Davimar aux éventuels dépens comprenant les frais d'exécution du présent jugement.

Le 8 novembre 2021, Mme [G] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 6 juillet 2022, Mme [G] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Davimar à lui payer la somme de 376,50 euros nets à titre de remboursement des cotisations mutuelles indûment prélevées pour la période du 11 décembre 2016 au 31 mai 2019, et d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, et l'a déboutée de ses demandes en conséquence du licenciement, au titre du harcèlement moral, au titre de l'annulation du changement d'affectation, au titre du préjudice moral subi et statuant à nouveau de :

- à titre principal, déclarer, en application de l'article L. 1152-1 du code du travail, qu'elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral,

- prononcer la nullité de son changement d'affectation notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 décembre 2019 en application de l'article L. 1152-3 du code du travail,

- prononcer la nullité de son licenciement notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 janvier 2020 en application de l'article L. 1152-3 du code du travail,

- en conséquence, condamner la Société Davimar à lui payer les sommes suivantes :

* 796,77 euros brute à titre de rappel de salaires du 1er janvier 2020 au 3 février 2020,

* 79,68 euros brute à titre d'indemnité de congés payés afférente,

* 2 990,90 euros brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois - article 7 annexe II employés convention collective applicable),

* 299,09 euros brute à titre de congés payés sur préavis,

* 10 000 euros à titre d'indemnité en réparation de la nullité du licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3-1 du code du travail,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en applications des dispositions de l'article 1240 du code civil,

- à titre subsidiaire, déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamner la société Davimar à lui payer les sommes suivantes :

* 796,77 euros brute à titre de rappel de salaires du 1er janvier 2020 au 3 février 2020,

* 79,68 euros brute à titre d'indemnité de congés payés afférente,

* 2 990,90 euros brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois - article 7 annexe II employés convention collective applicable),

* 299,09 euros brute à titre de congés payés sur préavis,

* 7 000 euros à titre d'indemnité en réparation du licenciement abusif sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en applications des dispositions de l'article 1240 du code civil,

- en tout état de cause, condamner la société Davimar à lui payer la somme de 4 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens y compris les éventuels frais d'exécution,

- assortir des intérêts au taux légal toutes les demandes en paiement des sommes d'argent.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 13 octobre 2022, la société Davimar demande à la cour d' infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au remboursement de cotisations mutuelles et de confirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions, en conséquence, de débouter Mme [G] de l'intégralité de ses demandes. Elle sollicite, en outre, la condamnation de Mme [G] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 24 janvier 2023.

MOTIVATION

Les parties ne formant pas appel des chefs de jugement qui ont condamné la société Davimar à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

177,26 euros à titre de congés payés,

646,4 euros au titre du solde de tout compte,

ces chefs de jugement sont, par conséquent, confirmés.

Sur le harcèlement moral et la demande de dommages et intérêts

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La salariée invoque les faits suivants de la part de sa supérieure hiérarchique:

le reproche d'une étude de poste et de l'intervention du médecin du travail,

des critiques sur son travail,

une surveillance permanente,

de l'agressivité verbale,

des critiques sur sa coiffure ou ses tenues,

des propos grossiers,

des refus de congés,

aucune communication des éventuelles directives,

l'interdiction faite à ses collègues de lui parler,

la disparition de courriels en provenance du siège,

l'appropriation par la responsable de ses ventes ou de celles d'autres vendeuses,

le blocage de ses commandes personnelles de vêtements,

une affectation à la manutention incompatible avec son état de santé.

La salariée ne produit pas d'éléments objectifs ou émanant de tiers à l'appui des faits 2 ) 7) 8) 10) 12) 13), de sorte que ces faits ne sont pas matériellement établis et doivent être écartés.

S'agissant du reproche quant à la réalisation d'une étude de poste et à l'intervention du médecin du travail 1), la salariée produit l'attestation de Mme [D], vendeuse, du 1er juin 2020 qui témoigne des réactions hostiles de la responsable du magasin suite à l'intervention de l'ergonome dans le cadre de l'étude de poste initiée par le médecin du travail : 'elle me fait chier celle-là, je ne la veux plus dans mon équipe, je la vire'. Ce fait est donc matériellement établi.

S'agissant d'une surveillance permanente 3), la salariée produit l'attestation de Mme [E], vendeuse, faisant part d'une interdiction de se parler entre collègues, et de séparation avec la collègue qui se trouverait à côté, ainsi que l'attestation de Mme [A], vendeuse, du 4 mars 2020, mentionnant qu'il lui avait été demandé par la responsable du magasin d'espionner ses collègues. Ce fait est donc matériellemet avéré.

S'agissant de l'agressivité verbale 4), celle-ci ressort de plusieurs attestations précises et concordantes de salariés mais aussi de clientes du magasin. Ce fait est donc matériellement établi.

S'agissant de critiques sur sa coiffure et ses tenues 5), ce fait est relaté par Mme [D] dans son attestation, il doit donc être tenu pour matériellement établi.

S'agissant de propos grossiers 6), ceux-ci sont relatés par Mme [D]. Ce fait est donc avéré.

S'agissant de l'interdiction de lui parler 9), ce fait est mentionné par Mme [E]

S'agissant de l'appropriation de ventes 11), la salariée produit une lettre de témoignage de Mme [L], ancienne salariée, du 3 avril 2019 ainsi qu'une attestation du 24 février 2020 témoignant de l'attribution de ventes par la responsable, notamment des ventes les plus importantes.

Ainsi, la salariée présente des éléments 1) 3) 4) 5) 6) 9) 11) qui pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique, responsable du magasin, à compter de son retour d'arrêt de travail pour accident du travail le 17 avril 2019.

L'employeur fait valoir qu'en réalité la salariée ne s'entendait pas avec sa supérieure hiérarchique, que cette dernière adoptait une attitude professionnelle avec elle. Il ajoute qu'une enquête interne a été diligentée, et qu'aucun des salariés interrogés n'ont indiqué avoir été témoins de propos inappropriés ou d'attitudes vexatoires ou attentatoires de la part de Mme [C] à l'égard de la salariée.

Cependant, l'enquête des ressources humaines versée aux débats comprend les quatre témoignages anonymisés de vendeuses, qui relatent des faits de façon elliptique sans valeur probante. Le seul témoignage officiel émane de Mme [C], il est dénué d'objectivité puisque cette dernière est mise en cause comme étant l'auteur des différents agissements.

Ainsi, l'employeur ne prouve pas que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il s'en déduit que la salariée a subi des agissements de la part de sa supérieure hiérarchique qui ont porté atteinte à ses conditions de travail, qui l'ont isolée et qui l'ont atteinte dans sa dignité, constitutifs de harcèlement moral à compter de sa reprise du travail après accident du travail.

Au surplus, la responsable des ressources humaines et de la paie, Mme [B] n'a pas contesté le constat d'une situation de harcèlement moral au sein de l'équipe de [Localité 6], situation qui aurait déjà eu lieu dans le passé, dans sa réponse à la salariée du 14 octobre 2019, alors qu'elle lui a adressé d'autres remarques suite à son compte-rendu de la réunion du 10 octobre 2019.

La salariée produit, notamment, un certificat médical du docteur [O], généraliste, du 22 janvier 2020 constatant une pathologie 'en rapport, dit-elle, avec un conflit professionnel', une attestation de Mme [V], kinésithérapeute, du 28 mai 2020, mentionnant des consultations pour une douleur lombaire et des séances une fois par semaine.

Il sera, par conséquent, alloué une somme de 5 000 euros à Mme [G] en réparation du préjudice moral résultant des agissements de harcèlement moral subis, somme au paiement de laquelle sera condamnée la société Davimar.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ces points.

Sur la validité du licenciement et ses conséquences

La salariée soutient que son licenciement est nul et réclame des dommages et intérêts à ce titre au motif que cette décision est motivée par le fait qu'elle a subi et dénoncé des agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique.

L'employeur conclut au débouté.

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent que la salariée a été soumise à des faits de harcèlement moral de sa supérieure hiérarchique, dans le contexte de son retour d'arrêt de travail pour accident du travail à compter du 17 avril 2019.

Le courriel de la responsable des ressources humaines et de la paie Mme [B] du 24 juin 2019 atteste qu'une situation qualifiée de 'harcelante' a fait l'objet d'une plainte au sein de l'équipe de Mme [C], s'agissant de la salariée Mme [G].

La salariée a adressé, en outre, une lettre à son employeur le 27 septembre 2019 dénonçant les faits constitutifs d'un harcèlement moral et ayant des conséquences sur son état de santé.

L'employeur indique avoir mené une enquête interne, mais celle-ci est dénuée de caractère objectif au vu des développements qui précèdent.

L'employeur a également organisé une réunion avec la responsable des ressources humaines et de la paie Mme [B] ainsi qu'avec le président de la société M. [F] le 10 octobre 2019. Au vu du courriel du 14 octobre 2019 de Mme [B], il a été proposé à la salariée une nouvelle affectation avec un poste identique et le président a tenu compte 'des impératifs de la salariée' et lui a proposé une rupture conventionnelle 'n'ayant d'autre solution au vu de la situation' que la salariée a refusée.

Ainsi, l'employeur informé dès juin 2019 d'une situation de harcèlement moral dénoncée par la salariée, n'a pas proposé de mesures pour les faire cesser, préférant faire partir la salariée en mettant en oeuvre sa clause de mobilité dans le cadre d'une nouvelle affectation.

Il se déduit de ces éléments que la salariée a subi, dans le contexte de son retour d'arrêt de travail suite à un accident du travail, des faits de harcèlement moral, qui sont la véritable cause du licenciement, la clause de mobilité ayant été mise en oeuvre en l'absence de mesures prises pour faire cesser les agissements de harcèlement moral. Le licenciement est donc nul puisque entâché par une cause de nullité en raison des faits de harcèlement moral.

La salariée, qui ne demande pas sa réintégration, a droit à une indemnité pour licenciement nul qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

La société Davimar sera condamnée à payer à la salariée, ayant une ancienneté de plus de trois ans et étant âgée de 39 ans à la date de la rupture du contrat de travail, une somme de 10 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul en réparation du préjudice né de la perte de son emploi par la salariée après avoir subi et dénoncé des faits de harcèlement moral.

Il sera alloué à la salariée une indemnité compensatrice de préavis de deux mois d'un montant de 2 990,9 euros, outre les congés payés afférents à hauteur de 299,09 euros, montants non contestés par la société intimée.

Le changement d'affectation de la salariée sera annulé, celui-ci étant intervenu dans le cadre d'un licenciement nul.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ces points.

Sur le rappel de salaires du 1er janvier au 3 février 2020

La salariée sollicite un rappel de salaire pendant la période où une nouvelle affectation lui avait été notifiée, demande sur laquelle le conseil de prud'hommes n'a pas statué.

Le changement d'affectation étant annulé, il sera fait droit à la demande de la salariée de rappel de salaire pendant la période où elle n'a pas rejoint sa nouvelle affectation alors qu'elle se tenait à disposition de son employeur, soit une somme de 796,77 euros, outre 79,68 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le remboursement de cotisations de mutuelle de décembre 2016 à mai 2019

La salariée justifie par formulaire et lettre du 29 septembre 2016 avoir demandé à être dispensée d'adhésion à la mutuelle Bérénice.

Cette démarche de la salariée suffit à justifier qu'elle ne souhaitait pas cotiser durant la relation de travail avec la société Davimar pendant le contrat à durée déterminée puis pendant le contrat à durée indéterminée qui a suivi.

La société Davimar doit donc être condamnée à lui rembourser les cotisations indûment prélevées pour la période de décembre 2016 à mai 2019 inclus d'un montant de 376,5 euros nets.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Davimar aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Davimar succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Elle devra régler à Mme [G] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Davimar à payer à Mme [U] [G] les sommes suivantes :

376,5 euros nets à titre de remboursement des cotisations mutuelle de décembre 2016 à mai 2019 inclus,

177,26 euros à titre de congés payés,

646,4 euros au titre du solde de tout compte,

500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Davimar aux intérêts de droit sur les créances de nature salariale à compter du 22/6/2020 date de réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de conciliation et du prononcé pour le surplus,

- condamné la société Davimar aux éventuels dépens comprenant les frais d'exécution du jugement,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que Mme [U] [G] a subi des agissements de harcèlement moral,

Dit que le licenciement de Mme [U] [G] est nul,

Annule le changement de d'affectation Mme [U] [G] notifié par lettre du 23 décembre 2019,

Condamne la société Davimar à payer à Mme [U] [G] les sommes suivantes:

5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral,

10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

2 990,9 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

299,09 euros au titre des congés payés afférents,

796,77 euros au titre du rappel de salaire du 1er janvier au 3 février 2020,

79,68 euros au titre des congés payés afférents.

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne le remboursement par la société Davimar à l'organisme Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées à Mme [U] [G] dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Davimar aux dépens d'appel,

Condamne la société Davimar à payer à Mme [U] [G] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03307
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.03307 ?
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