La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2023 | FRANCE | N°21/03295

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 15 mars 2023, 21/03295


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 MARS 2023



N° RG 21/03295



N° Portalis DBV3-V-B7F-U2IT



AFFAIRE :



[O] [Y]



C/



S.A.S.U. POLYBUIS







Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 13 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 19/00712





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELAS DADI AVOCATS



la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 MARS 2023

N° RG 21/03295

N° Portalis DBV3-V-B7F-U2IT

AFFAIRE :

[O] [Y]

C/

S.A.S.U. POLYBUIS

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 13 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 19/00712

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELAS DADI AVOCATS

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [Y]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

APPELANT

****************

S.A.S.U. POLYBUIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] a été engagé par la société Europe Service Voirie, suivant un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2014, en qualité de conducteur de matériel de collecte, coefficient 114, échelon 1.

Le 29 décembre 2017, la société Polybuis, filiale du groupe Derichebourg, a notifié à la société Europe Service Voirie, qu'elle était attributaire du marché public de propreté de la ville de [Localité 5] qui lui était précédemment attribué.

Le contrat de travail de M. [Y], ancien membre du CHSCT au sein de l'entreprise sortante, a été transféré de plein droit auprès de la société Polybuis à compter du 9 février 2018, conformément aux dispositions de la convention collective nationale des activités du déchet et à l'autorisation de transfert du contrat de travail reçue le 8 février 2018 de l'inspection du travail.

Dans le cadre de la visite médicale d'information du 22 mars 2018, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude avec la préconisation suivante : 'privilégier horaires du matin pour raison médicale'.

Le 20 avril 2018, le salarié s'est vu notifier une décision de la maison départementale des personnes handicapées des Hauts de Seine lui reconnaissant le statut de travailleur handicapé.

Le 15 mars 2019, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de la société Polybuis au paiement de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail ainsi que d'un rappel de salaire.

Par jugement en date du 13 juillet 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit qu'il n'est pas démontré que la société Polybuis a manqué à son obligation de sécurité et que la situation salariale et le coefficient affecté à M. [Y] sont irréguliers et ne respectent pas les règles applicables en cas de transfert du contrat de travail dans le cadre d'une reprise de marché,

- débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Polybuis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Y] aux éventuels dépens de l'instance.

Le 5 novembre 2021, M. [Y] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 2 février 2022, M. [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de:

- fixer son salaire moyen brut à la somme de 2 552,70 euros (moyenne des 3 derniers mois effectivement travaillés),

- dire que la société Polybuis l'a privé de l'intégralité de sa rémunération en appliquant le mauvais coefficient,

- dire que la société Polybuis a refusé de prendre en compte les recommandations du médecin du travail et a manqué à son obligation de sécurité,

- condamner, en conséquence, la société Polybuis à lui payer les sommes suivantes :

rappels de salaires 1 491,05 euros,

congés payés afférents 149,10 euros,

dommages-intérêts pour manquement à obligation de sécurité au cours de l'exécution du contrat de travail 20 000 euros,

dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 5 000 euros,

article 700 du code de procédure civile 2 500 euros,

- dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, devenant l'article 1343-2,

- condamner la société Polybuis aux dépens d'instance.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 29 avril 2022, la société Polybuis demande à la cour de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions et, en conséquence, de débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes. Elle sollicite également la condamnation de M. [Y] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 24 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur la classification conventionnelle et le rappel de salaire

Le salarié reproche à la société Polybuis de lui appliquer par erreur le coefficient 114 depuis le transfert de son contrat de travail au lieu du coefficient 118. Il fait valoir que l'article 3 de la convention collective n'a pas vocation à s'appliquer puisqu'il vise à protéger le salarié repris d'une déclassification ou d'une baisse de rémunération. Il ajoute que l'avenant de la société cessionnaire doit s'appliquer puisqu'il a été promu avant son transfert. Il soutient que la société Polybuis doit, le cas échéant, se retourner contre la société cessionnaire si elle estime que sa promotion postérieure à la cession du marché est fautive.

L'employeur fait valoir qu'il est fondé à appliquer le coefficient 114 auquel exerçait le salarié, l'avenant litigieux ayant été conclu postérieurement à la notification du transfert du marché et la convention collective proscrivant toute modification des éléments contractuels après cette notification. Elle considère que l'avenant ne lui est pas opposable et que le salarié ne justifie pas que son augmentation résulterait d'une obligation légale ou conventionnelle. Il précise que l'article 3 de la convention collective vise à préserver l'économie du marché repris et doit trouver application, interdisant toute modification des éléments contractuels postérieure à la notification du transfert du marché.

En tout état de cause, l'employeur indique que le salarié a perçu, en plus de son salaire mensuel, des majorations et primes de sorte qu'il percevait un salaire supérieur au minimum applicable pour le coefficient 118.

Par l'effet de l'article L. 1224-1 du code du travail, le contrat transféré subsiste avec le nouvel employeur dans les conditions mêmes où il était exécuté au moment du changement d'exploitation.

L'article 3 de l'avenant n° 53 du 15 juin 2015 relatif aux conditions de transfert des contrats de travail en cas de changement de titulaire d'un marché public de la convention collective des activités du déchet dispose que :

'Dès qu'il a connaissance de l'attribution du marché en sa faveur par le commanditaire, le nouveau titulaire doit en informer l'ancien au plus vite, et dans le délai maximal de 10 jours calendaires, par lettre recommandée avec avis de réception ou par toute autre moyen approprié faisant preuve.

Afin de préserver l'économie du marché repris, l'ancien titulaire s'interdit, pour les salariés transférables, de procéder à une quelconque modification contractuelle, concernant notamment des éléments de statut et de rémunération, à l'exception de celles qui résulteraient d'une obligation légale ou conventionnelle, et ce dès la notification par le nouveau titulaire du marché repris'.

En l'espèce, la notification de la reprise du marché par la société Polybuis a été faite par lettre recommandée avec avis de réception du 29 décembre 2017 à la société Europe Service Voirie.

Or, suivant avenant du 2 janvier 2018, le salarié a été promu par la société Europe Service Voirie au coefficient 118, échelon 2, cette dernière ayant commis un manquement en ne respectant pas l'article 3 de l'avenant précité à la convention collective, en promouvant le salarié postérieurement à la notification, cet article visant à préserver l'économie du marché repris et ayant bien vocation à s'appliquer.

Ainsi, le salarié peut opposer cet avenant à la société Polybuis, tiers à cet avenant contractuel, cet avenant ayant créé une situation juridique que le tiers ne peut pas ignorer.

L'article 3.7 de la convention collective applicable prévoit : 'aucun salarié ne peut percevoir une rémunération effective inférieure au SMC correspondant au coefficient de son emploi.

La rémunération effective comprend l'ensemble des éléments de rémunération assujettis aux cotisations sociales auxquels le salarié a droit du fait de son activité professionnelle, quelles que soient la date ou les modalités de leur paiement.

Les heures supplémentaires sont calculées sur le salaire de base majoré de la prime d'ancienneté telle que définie à l'article 3-15 de la présente convention.

En revanche, ne sont pas comprises dans la rémunération effective, au sens du présent article:

les indemnités de salissure, de panier de jour et de nuit, et de transport,

les majorations pour travail de nuit, du dimanche et jour férié,

l'indemnisation de l'astreinte,

la prime de treizième mois,

les gratifications ayant un caractère exceptionnel.'

En outre, certaines primes doivent être exclues du salaire minimum :

liées à l'ancienneté,

liées à une sujétion,

rémunération d'une pause n'étant pas du travail effectif,

au caractère aléatoire, telle une prime de non-accident,

- prime de résultat qui n'est pas en relation avec la prestation de travail de chaque salarié.

Au vu des différences entre le salaire minimum garanti mensuel selon la convention collective et le salaire versé de 60,64 euros en 2018, de 61,92 euros en 2019, de 62,72 euros en 2020, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire du salarié, soit un total cumulé de 1 491,05 euros, outre les congés payés afférents à hauteur de 149,10 euros, l'employeur ne démontrant pas qu'il s'est acquis des minima dus au salarié.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur l'obligation de sécurité

Le salarié fait valoir que l'employeur n'a mis en place aucune des mesures préconisées par le médecin du travail, en ne modifiant pas ses horaires en les transposant le matin.

L'employeur indique que le médecin du travail a émis une simple préconisation et n'a pas imposé un aménagement des horaires de travail, puis après étude de poste, n'a plus fait référence à des horaires du matin. Il précise également avoir proposé un poste sur un service de matinée suite à l'obtention d'un nouveau marché et que le salarié a refusé cette proposition.

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l'article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Ne méconnaît cependant pas son obligation légale l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Dans le cadre de la visite médicale d'information du 22 mars 2018, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude avec la préconisation suivante : 'privilégier horaires du matin pour raison médicale'.

Après sollicitation de l'employeur face à une difficulté pour modifier les horaires du salarié, le médecin du travail a répondu par courriel du 17 avril 2018 ' le salarié poursuit l'exécution de son contrat de travail'.

Le médecin du travail a réalisé une étude de poste le 27 juin 2018 et n'a plus émis de préconisation postérieurement à cette étude.

Il s'en déduit que le médecin du travail n'a plus émis de préconisation après étude du poste du salarié, il ne peut donc être tenu rigueur à l'employeur de ne pas avoir mis en oeuvre les préconisations du médecin du travail.

Aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est ainsi établi.

M. [Y] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié considère que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail d'une part, en s'obstinant à refuser d'appliquer le bon coefficient et en lui versant une rémunération moindre, d'autre part en refusant de mettre en oeuvre les préconisations du médecin du travail.

L'employeur fait valoir qu'il n'a commis aucun manquement à l'obligation de sécurité et que le salarié a reçu un salaire supérieur au minimum conventionnel, qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que la société n'exécute pas de bonne foi son contrat de travail. Il soutient qu'en tout état de cause, le salarié ne justifie pas de l'exécution déloyale de son contrat de travail, ni du préjudice qu'il aurait subi.

En l'espèce, l'employeur n'a pas commis de manquement en refusant de mettre en oeuvre les préconisations du médecin du travail comme indiqué dans les développements qui précèdent.

En outre, le salarié ne caractérise pas, au titre de l'application d'un coefficient inférieur, un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'allocation d'un rappel de salaire, outre intérêts au taux légal. Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes.

La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera ordonnée.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Polybuis succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel. Elle devra régler à M. [Y] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [O] [Y] de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société Polybuis pour manquement à l'obligation de sécurité et au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- débouté la société Polybuis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société Polybuis à payer à M. [O] [Y] :

à titre de rappel de salaire 1 491,05 euros,

au titre des congés payés afférents 149,10 euros

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Condamne la société Polybuis aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Polybuis à payer à M. [O] [Y] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03295
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.03295 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award