COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 MARS 2023
N° RG 20/01884 -
N° Portalis DBV3-V-B7E-UBFN
AFFAIRE :
[H] [D]
C/
S.E.L.A.R.L. MMJ
Association UNEDIC AGS CGEA IDFE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Août 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Section : I
N° RG : 19/00435
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Arnaud LEROY
Me Armelle PHILIPPON MAISANT
Me Sophie CORMARY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [H] [D]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Arnaud LEROY de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON ET ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1683
APPELANT
****************
S.E.L.A.R.L. MMJ en la personne de Maître [C] [T], es qualité de mandataire ad hoc de la société GTSI
N° SIRET : 841 400 468
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Armelle PHILIPPON MAISANT de la SCP MAISANT ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J055
Association UNEDIC AGS CGEA IDFE prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 et substitué par Me Jeanne-Marie DELAUNAY, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,
Rappel des faits constants
La société Gears & Transmission Solutions for Industry (GTSI) avait pour activité la fabrication d'engrenages. Elle employait plus de dix salariés et appliquait la convention collective de la métallurgie.
M. [H] [D] a été engagé par cette société, selon contrat à durée indéterminée du 30 juillet 1992, et était, dans le dernier état de la relation contractuelle, chef d'équipe, agent de maîtrise, niveau V, échelon 2, moyennant un salaire mensuel de 3 531,78 euros brut.
La société GTSI a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 23 février 2018, puis en liquidation judiciaire par jugement du 15 juin 2018, la clôture pour insuffisance d'actifs ayant été prononcée le 18 mars 2022, mettant fin au mandat du liquidateur.
Selon ordonnance du 7 septembre 2022, la société MMJ en la personne de Me [F] [T] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société GTSI et est intervenue volontairement à la présente procédure.
Le salarié a demandé à bénéficier de sa retraite anticipée pour carrière longue en mars 2018 et a quitté ses fonctions le 31 mai 2018.
N'ayant pas obtenu paiement de la totalité de son solde de tout compte et sollicitant la garantie de l'Unedic sur ce solde, M. [H] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency par requête reçue au greffe le 25 septembre 2019.
La décision contestée
Par jugement contradictoire rendu le 11 août 2020, la section industrie du conseil de prud'hommes de Montmorency a :
- débouté M. [H] [D] de l'intégralité de ses demandes,
- laissé les éventuels dépens à la charge de chacune des parties.
M. [H] [D] avait saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency des demandes suivantes :
- fixer au passif de la société GTSI les sommes suivantes :
. 8 366,25 euros net restant dû au titre du solde de tout compte,
. 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. dépens,
- dire et juger le jugement opposable à l'AGS qui devra garantie selon leurs plafonds et barèmes, en l'espèce intégralement pour la somme de 8 366,25 euros net,
- exécution provisoire (article 515 du code de procédure civile).
La procédure d'appel
M. [D] a interjeté appel du jugement par déclaration du 4 septembre 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/01884.
Par ordonnance rendue le 4 janvier 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 12 janvier 2023.
Prétentions de M. [D], appelant
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 21 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [D] demande à la cour d'appel de :
- réformer le jugement dont appel,
statuant à nouveau,
- fixer au passif de la société GTSI représentée par la société MMJ prise en la personne de Me [T] en qualité de mandataire ad'hoc :
. 8 366,25 euros restant dus au titre du solde de tout compte,
. 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. dépens,
- dire que l'arrêt qui sera opposable à l'Unedic AGS CGEA qui devra garantie selon ses plafonds et barèmes, en l'espèce intégralement pour la somme de 8 366,25 euros net.
Prétentions de la société MMJ prise en la personne de Me [T] en qualité de mandataire ad'hoc de la société Gears & Transmission Solutions For Industry (GTSI), intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 20 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société MMJ, ès qualités, demande à la cour d'appel de :
- la recevoir en son intervention volontaire.
- lui donner acte qu'elle s'en rapporte à la justice quant à la recevabilité et au bien-fondé de l'appel interjeté par M. [H] [D],
- déclarer que les créances éventuellement fixées au passif de la liquidation judiciaire seront garanties par l'AGS et ce dans la limite des plafonds applicables.
Prétentions de l'Unedic, délégation AGS CGEA Île-de-France Est
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 20 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'Unedic, délégation AGS CGEA Île-de-France Est demande à la cour de :
vu l'article L. 3253-8 du code du travail,
- confirmer le jugement dont appel,
en conséquence,
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
en tout état de cause,
- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure,
- juger que la demande qui tend à assortir les intérêts aux taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code du commerce,
- juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 32153-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Le 31 mai 2018, la société GTSI a établi au profit de M. [D] un solde de tout compte pour un montant total de 19 135,22 euros, indiquant qu'elle paierait 4 195,49 euros et que le solde, soit 14 939,73 euros serait payé par l'AGS (pièce 7 du salarié).
L'AGS indique qu'elle a en réalité payé la somme de 8 238,71 euros (sa pièce 1) mais qu'elle n'a pas versé le solde, soit la somme de 10 485,63 euros, correspondant à l'indemnité de départ à la retraite, pour laquelle elle estime ne pas devoir sa garantie.
M. [D] demande en conséquence dans le cadre de la présente instance, que la somme restant due soit fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société GTSI d'une part et qu'elle soit garantie par l'AGS d'autre part.
Sur la fixation au passif
Il résulte du solde de tout compte établi par la société GTSI qu'il est dû à M. [D] une indemnité de départ à la retraite conventionnelle de 10 614,78 euros brut, laquelle n'a été réglée ni par l'employeur, ni par l'AGS, ainsi qu'ils l'admettent tous les deux.
Au regard de son contrat de travail et de sa demande de départ à la retraite, M. [D] justifie du bénéfice de cette indemnité dont le principe et le montant ne sont remis en cause par aucune des parties.
L'indemnité étant cependant exprimée en brut, pour déterminer la somme due exprimée en net, il y a lieu de reprendre le calcul proposé par le salarié, lequel a déduit la somme versée par l'AGS (6 573,48 euros) du montant de la somme totale retenue comme devant être versée par cet organisme dans le cadre du solde de tout compte (14 939,73 euros), soit la somme de 8 366,25 euros net.
Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et qu'en application des dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, les éventuelles créances du demandeur ne pourront faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire.
Il y a dès lors lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société GTSI au profit de M. [D] la somme de 8 366,25 euros net, par infirmation du jugement entrepris.
Sur la garantie de l'AGS
Pour refuser de garantir l'indemnité de départ à la retraite de M. [D], l'AGS oppose que les créances qui résultent d'une rupture du contrat de travail postérieure au jugement d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de l'employeur ne relèvent de la garantie de l'AGS qu'à la condition que le contrat ait été rompu par l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur judiciaire, que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le contrat de travail a été rompu à l'initiative du salarié, lequel a demandé le bénéfice d'une retraite anticipée.
M. [D] conteste la jurisprudence citée par l'AGS à l'appui de son argumentation, l'estimant trop ancienne et prise sous l'empire des anciens textes. Il soutient qu'aucune condition concernant la personne à l'origine de la rupture n'est aujourd'hui imposée par le texte.
L'article L. 3253-8 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, dispose : « L'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre :
1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;
2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :
a) Pendant la période d'observation ;
b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;
c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité ;
3° Les créances résultant de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposé le contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, ait proposé ce contrat aux intéressés au cours de l'une des périodes indiquées au 2°, y compris les contributions dues par l'employeur dans le cadre de ce contrat et les salaires dus pendant le délai de réponse du salarié ;
4° Les mesures d'accompagnement résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l'employeur, conformément aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, dès lors qu'il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 1233-58 avant ou après l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;
5° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :
a) Au cours de la période d'observation ;
b) Au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
c) Au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L. 621-4 et L. 631-9 du code de commerce ;
d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation et au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité.
La garantie des sommes et créances mentionnées aux 1°, 2° et 5° inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts. »
Il est de jurisprudence constante que la garantie de l'AGS ne peut être mise en 'uvre sur le fondement des dispositions précitées qu'à la condition que le contrat ait été rompu par l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur judiciaire, selon le cas, au cours d'une des périodes visées par ce texte (Cass. Soc. 20 avril 2005 n° 02-47.063 toujours d'actualité après l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013).
En l'espèce, M. [D] a demandé sa mise à la retraite en mars 2018 dans le mois suivant le placement en redressement judiciaire de la société intervenu le 23 février 2018 de sorte que les dispositions de l'article L. 3253-8 2° du code du travail ont vocation à s'appliquer.
Cependant, il est établi que c'est M. [D] qui a sollicité sa mise à la retraite, que les organes de la procédure ou l'employeur n'ont pas été à l'initiative de la rupture du contrat de travail. La créance indemnitaire de M. [D] ne peut donc pas bénéficier de la garantie de l'AGS pour cette raison.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
M. [D], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency le 11 août 2020, excepté en ce qu'il a débouté M. [H] [D] de sa demande tendant à dire que l'AGS devait garantir intégralement le paiement de la somme de 8 366,25 euros net,
statuant à nouveau et y ajoutant,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société GTSI au profit de M. [H] [D] la somme de 8 366,25 euros net correspondant à l'indemnité de départ à la retraite du salarié,
CONDAMNE M. [H] [D] au paiement des entiers dépens,
DÉBOUTE M. [H] [D] de sa demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,