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09/03/2023 | FRANCE | N°19/07786

France | France, Cour d'appel de Versailles, 2e chambre 2e section, 09 mars 2023, 19/07786


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 22G



2e chambre 2e section



ARRET N°.



CONTRADICTOIRE



DU 09 MARS 2023



N° RG 19/07786 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TRUQ



AFFAIRE :



[S] [R]





C/



[R] [I] divorcée [R]





LE PROCUREUR GENERAL





Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Septembre 2019 par le Juge aux affaires familiales de PONTOISE

N° Chambre :

Cabinet :

N° RG : 17/06167



Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le : 09.03.23



à :



Me Sabine DOUCINAUD-GIBAULT, avocat au barreau de VAL D'OISE



Me Angela CHAILLOU, avocat au barreau de VAL D'OISE



TJ PONTOISE



PG





RÉP...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 22G

2e chambre 2e section

ARRET N°.

CONTRADICTOIRE

DU 09 MARS 2023

N° RG 19/07786 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TRUQ

AFFAIRE :

[S] [R]

C/

[R] [I] divorcée [R]

LE PROCUREUR GENERAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Septembre 2019 par le Juge aux affaires familiales de PONTOISE

N° Chambre :

N° Cabinet :

N° RG : 17/06167

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le : 09.03.23

à :

Me Sabine DOUCINAUD-GIBAULT, avocat au barreau de VAL D'OISE

Me Angela CHAILLOU, avocat au barreau de VAL D'OISE

TJ PONTOISE

PG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [R]

né le 10 Janvier 1959 à [Localité 22] (PAKISTAN)

de nationalité Pakistanaise

[Adresse 2]

[Localité 17]

Représentant : Me Sabine DOUCINAUD-GIBAULT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 120 - N° du dossier 007577

APPELANT

****************

Madame [R] [I] divorcée [R]

née le 03 Avril 1963 à [Localité 22] (PAKISTAN)

de nationalité Pakistanaise

[Adresse 13]

[Localité 17]

Représentant : Me Angela CHAILLOU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 186B

Présente

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/20198 du 04/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIMEE

****************

LE PROCUREUR GENERAL

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 12]

[Localité 16]

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2022 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François NIVET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Jacqueline LESBROS, Présidente de chambre,

Monsieur François NIVET, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Françoise DUCAMIN,

FAITS ET PROCEDURE

Mme [R] [I] et M. [S] [R], tous deux de nationalité pakistanaise, se sont mariés à [Localité 20] (canton de [Localité 19], district de [Localité 22]) au Pakistan.

De cette union sont issus six enfants aujourd'hui majeurs :

-[L], née le 30 mai 1992, aujourd'hui âgée de 30 ans,

-[O], née le 9 janvier 1994, aujourd'hui âgée de 29 ans,

-[G], né le 11 janvier 1995, aujourd'hui âgé de 28 ans,

-[Z], né le 20 mai 1997, aujourd'hui âgé de 25 ans,

-[U], né le 26 décembre 1998, aujourd'hui âgé de 24 ans,

-[M], née le 23 septembre 2004, aujourd'hui âgée de 18 ans.

Par une ordonnance de non-conciliation du 19 septembre 2013, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Pontoise a notamment :

-attribué à titre onéreux à M. [R] la jouissance du domicile conjugal qui était alors la maison située [Adresse 1] à [Localité 17],

-dit que chacun des époux devra assumer la moitié du remboursement de l'emprunt immobilier.

Par un jugement réputé contradictoire en date du 4 décembre 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Pontoise a notamment :

-prononcé le divorce des époux aux torts de M. [R],

-dit que le dispositif du présent jugement sera mentionné en marge de l'acte de mariage et des actes de naissance de chacun des époux,

-ordonné la liquidation et la partage des intérêts patrimoniaux des époux,

-dit que Mme [I] reprendra l'usage de son nom de naissance,

-débouté Mme [I] de sa demande de dommages-intérêts,

-dit que les parents exerceront en commun l'autorité parentale, la résidence habituelle des enfants étant fixée chez la mère,

-dit que sauf meilleur accord des parties, le père accueillera l'enfant mineur [M], à charge pour lui d'aller le chercher ou de le faire chercher par une personne digne de confiance et de le reconduire ou faire reconduire, de la manière suivante :

* pendant les périodes scolaires : les deuxième et quatrième fins de semaine de chaque mois du vendredi 19 heures au dimanche 19 heures,

* pendant les vacances scolaires : la première moitié des vacances scolaires les années paires, la seconde moitié les années impaires,

-laissé au libre choix des enfants [Z] et [U] vu leur âge leurs relations avec leur père,

-constaté l'insolvabilité du père et l'a dispensé de toute contribution alimentaire jusqu'à son retour à meilleur fortune,

-ordonné l'exécution provisoire du présent jugement en ce qui concerne les mesures relatives aux enfants,

-rejeté le surplus des demandes,

-condamné M. [R] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi du 10 juillet 1991.

Par acte d'huissier signifié le 12 octobre 2017, Mme [I] a fait assigner son ex-époux aux fins de liquidation et partage de la communauté dissoute par le jugement de divorce du 4 décembre 2014 et de désignation d'un notaire avec mission d'établir les comptes de l'indivision et les droits de chacune des parties.

Par jugement du 12 septembre 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Pontoise a notamment :

-constaté la compétence du juge français pour statuer sur les demandes formées avec application de la loi française,

-déclaré les demandes recevables,

-ordonné qu'il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Mme [I] et M. [R] et portant notamment sur les biens immobiliers sis [Adresse 13] et [Adresse 1] à [Localité 17],

-désigné Maître [V] [D], dont l'étude est située [Adresse 3] à [Localité 21], pour y procéder dans un délai d'un an en application des dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile et fixé les modalités d'exercice de sa mission,

-renvoyé les parties à formuler devant le notaire leurs propositions de partage afin que ce dernier puisse établir un projet d'acte liquidatif et si besoin un procès-verbal de difficultés,

-condamné M. [R] aux dépens,

-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le 7 novembre 2019, M. [R] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a statué à partir d'un acte de mariage faux et d'un divorce obtenu sur un acte de mariage faux.

Par arrêt du 19 juin 2021, la cour d'appel de Versailles a notamment :

avant dire-droit

-écarté des débats la pièce n°11 produite par Mme [I],

-révoqué l'ordonnance de clôture,

-ordonné la réouverture des débats,

-invité le ministère public à conclure sur :

* la force probante de ces documents produits par les parties, au regard des règles fixant l'établissement de tels actes au Pakistan,

* la compatibilité des dispositions que comportent l' 'acte de mariage religieux musulman' et le 'contrat de mariage' produits par M. [R] avec l'ordre public français.

* la loi applicable au régime matrimonial des époux.

-invité les parties à :

-justifier de l'existence ou de l'inexistence d'une vie commune et d'un domicile commun au Pakistan entre le 14 janvier 1980 et le 23 avril 1986, date à laquelle M. [R] a bénéficié d'une carte de résident en France,

-conclure sur la recevabilité de la demande d'annulation du jugement de divorce du 4 décembre 2014.

-réservé les demandes et les dépens.

Dans ses dernières conclusions d'appelant du 6 octobre 2022, M. [R] demande à la cour de:

-ORDONNER le rejet des débats de la pièce n°17 (numérotée 18 dans son bordereau de pièces et intitulée « Attestation de Monsieur [A] »), produite par Madame [R] [I] en date du 27 septembre 2021, comme non conforme aux exigences de l'article 202 du Code de Procédure Civile ;

-ORDONNER le rejet des débats de la pièce n°19 produite par Madame [R] [I] en date du 28 septembre 2022 comme obtenue par fraude ;

-DÉCLARER Monsieur [S] [R] recevable et bien fondé en son appel ;

-DÉCLARER Madame [R] [I] recevable et mal fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

-DÉBOUTER Madame [R] [I] de l'ensemble de ses demandes ;

En conséquence, y faisant droit :

A titre principal :

-DIRE ET JUGER que les époux [R] ont contracté mariage en date du 14 janvier 1980 et non en date du 12 juin 1987 ;

-DIRE ET JUGER le Jugement de divorce en date du 4 décembre 2014 nul et de nul effet comme fondé sur un acte de mariage falsifié ;

-ANNULER le Jugement de divorce en date du 4 décembre 2014 comme fondé sur un acte falsifié;

-ANNULER le Jugement déféré en date du 12 septembre 2019 comme consécutif à un Jugement de divorce nul qui emporte dissolution d'un mariage inexistant invoqué au moyen d'un acte de mariage falsifié ;

A titre subsidiaire :

-INFIRMER le Jugement déféré en date du 12 septembre 2019 en toutes ses dispositions ;

-DIRE ET JUGER que le régime matrimonial des époux [R] mariés le 14 janvier 1980 est soumis à la loi pakistanaise ;

A titre infiniment subsidiaire :

-INFIRMER le Jugement déféré en date du 12 septembre 2019 en toutes ses dispositions ;

-DIRE ET JUGER que Madame [R] [I] ne justifie pas avoir entrepris toute démarche pour parvenir à un partage amiable de son régime matrimonial ;

-DECLARER Madame [R] [I] irrecevable en ses demandes en application des dispositions de l'article 1360 du Code de Procédure Civile ;

-DIRE ET JUGER que tout Notaire éventuellement désigné devra faire application de la loi pakistanaise pour régler la liquidation-partage du régime matrimonial des époux

[R] ;

En tout état de cause :

-CONDAMNER Madame [R] [I] à payer à Monsieur [S] [R] la somme de 2.400 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

-CONDAMNER Madame [R] [I] aux entiers dépens de la présente instance et ses suites.

Dans ses dernières conclusions d'intimée du 10 octobre 2022, Mme [I] demande à la cour de :

Il plaira à la Cour d'Appel de bien vouloir :

-Déclarer recevable et bien fondée Madame [R] [I] en ses demandes,

-Retenir la compétence du juge français et déclarer la loi française applicable,

-Constater que le jugement de divorce rendu le 4 décembre 2014 a acquis force de chose jugée,

-Constater que les époux se sont mariés le 12 juin 1987 et que le régime matrimonial est soumis à la loi française,

-Constater que Madame [I] a fait des démarches amiables préalables,

En conséquence,

-Débouter Monsieur [R] de sa demande aux fins de voir déclarer nul et de nul effet le jugement de divorce rendu le 4 décembre 2014,

-Débouter Monsieur [R] de sa demande subsidiaire tenant à déclarer le régime matrimonial soumis à la loi pakistanaise,

-Débouter Monsieur [R] de sa demande infiniment subsidiaire tenant à voir déclarer Madame [I] irrecevable faute d'avoir satisfait à son obligation de démarches amiables préalables,

-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance,

-Débouter Monsieur [R] de sa demande d'article 700,

-Condamner Monsieur [S] [R] aux entiers dépens.

Par conclusions du 18 octobre 2021, le ministère public a conclut à la compétence de la juridiction française, à la non-application de la loi pakistanaise du mariage en raison de sa non-conformité à l'ordre public international et à l'application de la loi française au régime matrimonial des époux.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'irrecevabilité de l'appel nullité du divorce du 4 décembre 2014 et ses conséquences sur la demande de nullité du jugement du 19 février 2019

Aux termes de l'article 460 du code de procédure civile la nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi, l'appel nullité n'étant ouvert qu'en l'absence d'autre voie de recours pour faire sanctionner l'irrégularité.

Il ressort des pièces de la procédure que l'appelant était présent et assisté d'un avocat lors de l'audience de conciliation tenue le 9 septembre 2013, que l'ordonnance de non-conciliation a été rendue le 19 septembre 2013 de façon contradictoire et n'a fait l'objet d'aucun recours.

L'article 656 du code de procédure civile dispose que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée la signification est faite à domicile.

M. [R] soutient qu'il n'a pas eu connaissance de la seconde phase de la procédure de divorce car il 'était suivi au Pakistan pour des problèmes de diabète sur cette période 2014/début 2015, de sorte qu'il y passait la majorité de son temps' et que Mme [I] en a profité pour diligenter la procédure de divorce sans qu'il en ait connaissance. Il précise être parti au Pakistan en avril 2014, qu'il devait revenir en septembre 2014 et que, suite à ses problèmes de santé, il n'est rentré en France qu'en avril 2016.

Le jugement de divorce du 4 décembre 2014, réputé contradictoire, porte mention de ce que 'M. [R] n'a pas constitué avocat, bien que régulièrement assigné par acte remis au domicile à un tiers présent'. Ce jugement a été signifié à M. [R] le 17 décembre 2014 par acte d'huissier de justice, à l'initiative de Mme [R] au [Adresse 2] à [Localité 17]. L'huissier de justice a indiqué que le domicile est certain, ainsi qu'il résulte des vérifications suivantes :

- le nom est inscrit sur la boîte aux lettre,

- l'adresse est confirmée par le voisinage.

Il n'a cependant pas pu remettre la signification à personne, car personne n'était présent ou ne répondait à ses appels et qu'il n'a pas pu avoir d'indication sur le lieu où rencontrer le destinataire de l'acte, dont copie a en conséquence été déposée à l'étude. Un avis de passage conforme aux prescriptions de l'article 655 du code de procédure civile a été laissé à l'adresse de M. [R].

La lettre prévue par l'article 658 de ce code comportant les mêmes mentions que l'avis de passage a été adressée dans le délai prévu par la loi.

Il n'est pas indifférent de relever que la signification du jugement de divorce a été effectuée à l'adresse du domicile familial dont M. [R] s'est vu attribuer la jouissance aux termes de l'ordonnance de non-conciliation, et à laquelle il indique toujours être domicilié aux termes de ses dernières conclusions d'intimé.

Il ne démontre pas avoir effectué de changement de domiciliation à la date de la signification de la requête en divorce, puis du jugement de divorce. Ces actes et les diligences s'y rapportant ont été effectués par actes d'huissier à son domicile de façon parfaitement régulière.

Il lui appartenait au demeurant, s'il se rendait durablement à l'étranger, de faire assurer un suivi de son courrier pour avoir connaissance des affaires le concernant, ne serait-ce que le paiement des factures, d'autant qu'il a constamment conservé le même logement à [Localité 17]. Suite à l'ordonnance de non-conciliation, il ne pouvait ignorer qu'une instance en divorce suivrait, à l'initiative de la partie la plus diligente.

L'acte de signification étant régulier, il a fait courir le délai d'appel, de sorte que le jugement de divorce du 4 décembre 2014 est donc définitif.

Il y a lieu en outre de préciser que l'appel nullité n'a pas vocation à réparer la négligeance d'un plaideur qui n'aurait pas valablement exercé une voie de recours qui était ouverte et qui est désormais fermée.

L'appel-nullité formé par M. [R] à l'encontre du jugement de divorce du 4 décembre 2014 est dès lors irrecevable.

En conséquence, il n'y a pas lieu de déclarer nul le jugement du 12 septembre 2019.

Sur l'effet dévolutif de l'appel et les prétentions saisissant la cour

Il ressort de l'article 562 alinéa 1er du code de procédure civile que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

L'article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue, dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ainsi, les mentions tendant à voir 'constater' figurant au dispositif des conclusions ne constituent pas des prétentions au sens de l'article précité, mais tout au plus un récapitulatif des moyens développés par les parties, ne conférant pas, hormis les cas prévus par la loi, de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Sur la demande de rejet des pièces 'n° 17 (numérotée 18 dans le bordereau de pièces)' et 19 de Mme [I]

M. [R] demande à la cour d'ordonner le rejet des débats des pièces produites par l'intimée comme non conforme aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile pour la pièce n° 17 (numérotée 18 dans le bordereau de pièces) et obtenue par fraude pour la pièce n° 19.

Il expose que le premier document est une lettre 'prétenduement écrite de la main de Monsieur [A], neveu du père de Madame [I]', ne rapportant aucun élément de fait circonstancié, et relève qu'aucune pièce d'identité de l'auteur n'est jointe.

Il indique que le second document est un acte de mariage peu lisible et obtenu manifestement par fraude pour justifier du remariage de M. [R] au Pakistan.

La pièce n° 18 de Mme [I] est un document manuscrit rédigé en anglais, non signé, et sa traduction dactylographiée en français par un traducteur interprète en date du 2 septembre 2021. L'auteur du document indique s'appeler M. [A], né le 2 février 1963 au Pakistan, et précise être le neveu de M. [F] [H], père de l'intimée.

Aux termes de l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés.

Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles.

Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.

L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

En l'espèce, l'attestation délivrée par M. [A] au bénéfice de l'intimée, ne respecte pas les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, en ce qu'elle n'est pas signée de la main de son auteur, ne comporte pas la mention des lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ni même son prénom. M. [A] n'indique pas que son témoignage est établi en vue de sa production en justice et qu'il a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. Ce document n'est accompagné d'aucune pièce d'identité. Aucun des éléments tenant à la pièce n°18 ne permet de vérifier que M. [A] est bien l'auteur de ce qui est présenté comme une attestation.

Si les conditions de forme prévues à l'article 202 du code de procédure civile pour la validité des attestations produites en justice ne sont pas prescrites à peine de nullité, toutefois cette attestation non conforme sera écartée des débats comme dépourvue de force probante.

La pièce n° 19 produite par Mme [I] est la copie d'un acte de mariage célébré le 27 mai 2014 au Pakistan entre M. [R] et Mme [P] [C].

L'appelant ne démontre pas que cette pièce aurait été obtenue frauduleusement. Elle ne sera donc pas écartées des débats.

Sur la juridiction compétente concernant la liquidation du régime matrimonial

Mme [R] [I] et M. [S] [R] sont tous deux de nationalité pakistanaise et mariés à [Localité 20] (canton de [Localité 19], district de [Localité 22]) au Pakistan.

Le juge français doit en présence d'éléments d'extranéité, vérifier d'office sa compétence des règles de compétence internes, le règlement européen n°2016/1103 du 24 juin 2016 ne s'appliquant qu'aux instances introduites après le 29 janvier 2019.

Ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge, le juge français est compétent pour statuer sur les demandes relatives au régime matrimonial sur le fondement des dispositions de l'article 1070 du code de procédure civile, notamment lorsque la résidence de la famille est située en France ou lorsque la résidence habituelle du parent avec lequel résident les enfants mineurs est en France et que l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents.

En l'espèce, la résidence habituelle de la mère, avec laquelle résidait1'enfant encore mineur à la date de la requête, est située à [Localité 17] (95) de sorte que le juge français est compétent, ce qui n'est contesté par aucune des parties.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la loi applicable au régime matrimonial

En l'espèce, les parties s'opposent quant à la loi applicable à leur régime matrimonial.

Il n'est pas contesté, quelle que soit la date du mariage retenue, que les époux se sont mariés au Pakistan.

En l'état, la confrontation des pièces produites ne permet pas d'établir avec certitude la date du mariage des époux.

Pour attester du régime matrimonial auquel seraient soumis les conjoints, M. [R] a produit:

* un acte de 'mariage religieux musulman', 'établi conformément aux articles 8 et 10 de l'ordonnance de 1961 relative à la famille musulmane'. Il indique que la date de célébration du mariage entre [R] [S] et [I] [R] est le 14 janvier 1980, et au regard de la mention 'Age de l'époux': 'janvier 1959".

Ce document comporte notamment les mentions suivantes :

'17) Conditions spéciales : 1) chacun des époux conserve après le mariage les propriétés qu'il possédait avant son union. 2) si un bien est acheté par les deux époux, à raison de 50% chacun, le bien sera commun aux deux époux. Si l'un des époux ne paie sa part intégrale, la totalité du bien appartiendra à l'autre époux. 3) Si un des époux décède, 50% de ses biens reviendront à l'époux vivant, 50% sera attribué aux enfants du défunt.

18) (...) L'époux n'a pas délégué le pouvoir de divorcer à l'épouse. Si l'épouse divorce elle perd tous ses droits sur la propriété des biens'.

* un 'contrat de mariage' daté du 7 janvier 1980, reprenant pour l'essentiel les dispositions concernant le statut des biens et précisant que 'seule la loi pakistanaise pourra être appliquée pour ce mariage (entre M. [R] et Mme [I]) quelque soit le lieu dans le monde.', et que 'Si un divorce devait être envisagé pour une raison quelconque, aucune propriété ne sera divisée'.

A supposer ces actes valables, ils ne sauraient conduire à l'application de la loi pakistanaise aux effets patrimoniaux du divorce dès lors que leurs dispositions apparaissent contraires à l'ordre public international en matière d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage que la législation française garantit à toute personne relevant de sa juridiction , en ce qu'elles prévoient une déchéance automatique de tout droit de l'épouse qui divorce dans le partage des biens.

La loi désignée par le contrat de mariage étant écartée, la loi applicable au régime matrimonial des époux mariés avant le 1er septembre 1992, date d'entrée en vigueur de 1a convention de La Haye du 14 mars 1978, est déterminée, à défaut de désignation expresse par les époux dans un contrat, en considération de la fixation du premier domicile matrimonial, lequel est le lieu où les époux entendent fixer ou fixent effectivement leur établissement et le lieu de leurs intérêt d'une manière stable.

L'ensemble des éléments de la procédure démontre amplement la volonté commune des époux d'établir leur résidence en France à titre habituel depuis octobre 1990, date d'arrivée de l'épouse sur le sol français, et d'y établir le centre de leurs intérêts personnels et patrimoniaux.

Au vu des pièces produites, il apparaît que M. [R] n'apporte aucun élément attestant que les époux ont établi leur premier domicile conjugal au Pakistan, et qu'ils aient mené une vie commune dans ce pays jusqu'à leur arrivée en France. Il y a lieu d'observer que l'époux est venu en France en

1980 et y a résidé avant d'obtenir une carte de résident le 23 avril 1986, que l'épouse l'a rejoint en octobre 1990, qu'ils n'ont eu d'enfants qu'après l'arrivée de Mme [I] en France ( laquelle a reçu sa carte de résident le 23 avril 1986), la première naissance intervenant le 30 mai 1992 en France où sont également nés les autres enfants.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, dès la première acquisition immobilière effectuée par le couple le 26 décembre 1991, les époux ont conjointement déclaré devant notaire qu'ils vivaient alors ensemble à [Localité 18].

Enfin, lors de leur seconde acquisition immobilière, le 5 janvier 2007, les époux ont déclaré être soumis au régime légal français de communauté de biens réduite aux acquêts à défaut de contrat préalable à leur union et comme ayant établi leur premier domicile familial en France après leur mariage.

Un acte notarié en date du 25 février 2008 produit par M. [R] précise que 'les époux sont soumis au régime légal français de la communauté réduite aux acquêts à défaut de contrat de mariage préalable à leur union et comme ayant établi leur premier domicile matrimonial en France après leur mariage, ainsi qu'ils le déclarent et le reconnaissent expressément. Ce régime n'a subi aucune modification conventionnelle ou judiciaire depuis'.

Il ressort de ces éléments que non seulement il n'est pas démontré que les conjoints aient établi leur premier domicile conjugal au Pakistan mais il s'avère qu'ils ont réitéré, devant notaire, à plusieurs reprises, qu'ils sont 'soumis au régime légal français de la communauté réduite aux acquêts à défaut de contrat de mariage préalable à leur union et comme ayant établi leur premier domicile matrimonial en France', de sorte que, contrairement à ce que soutient M. [R], il n'a pas été victime d'une fraude, ni même d'une erreur, les constatations opérées par le notaire résultant de ses propres déclarations devant cet officier public ministériel, étant précisé que l'aveu extrajudiciaire n'est admissible que s'il porte sur des points de fait, ce qui est le cas en espèce, et non sur des points de droit.

Il y a lieu dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'application de la loi française s'agissant du régime matrimonial des époux, en retenant qu'ils ont fixé leur premier domicile commun en France.

M. [R] sera débouté de ses demandes concernant la date du mariage des époux, l'application de la loi pakistanaise du régime matrimonial.

Sur le partage judiciaire et la désignation d'un notaire

Aux termes de l'article 815 du code civil nul ne peut être contraint de demeurer dans l'indivision et le partage judiciaire peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou par convention.

Selon l'article 840 du code civil le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer.

L'article 1360 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

M. [R] reproche au premier juge d'avoir accueilli la demande de Mme [I] de voir ordonner le partage du régime matrimonial des époux alors qu'elle ne justifiait pas de démarches pour parvenir à un partage amiable, qu'elle ne démontre pas avoir contacté un notaire liquidateur pour établir un projet de partage que l'appelant aurait refusé.

Il expose que les échanges de courriers entre avocats produits permettent simplement d'établir qu'il 'a toujours revendiqué le bénéfice du régime matrimonial pakistanais adopté par les parties (...) et le fait que Mme [I], n'ayant jamais contribué au financement des biens achetés en indivision pendant le mariage, elle ne pouvait en revendiquer de quelconques droits'.

Il ajoute que si le partage était impossible, c'était donc en raison du positionnement de l'intimée et non de son fait, dès lors que ses demandes s'avéraient légitimes.

Mme [I] sollicite la confirmation du jugement déféré de ce chef. Elle précise que le patrimoine à partager consiste en :

- un appartement de type F3 sis [Adresse 13] à [Localité 17] constituant les lots 125 (appartement) et [Cadastre 14] (cave) d'un immeuble en copropriété édifié sur un terrain cadastré section AB n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11], bien acquis par acte notarié du 26 décembre 1991 au prix de 380.000 Francs (soit 57.930, 62 euros),

- un terrain à bâtir sis [Adresse 1] à [Localité 17] , sur lequel le couple a fait édifier en 2009 une maison à usage d'habitation cadastrée section AO n° [Cadastre 15], étant précisé que le terrain a été acquis par acte notarié du 5 janvier 2007 pour un prix de 118.000 euros, que la maison est divisée en trois appartements, que M. [R] en occupe un et loue les deux autres sans reverser la moitié des loyers à l'intimée.

Elle indique souhaiter racheter la part de son mari et financer la soulte destinée à lui revenir à l'aide d'un prêt bancaire qu'elle pourra obtenir avec l'aide de ses enfants.

Elle rappelle les éléments pris en compte par le premier juge concernant les démarches diligentées en vain pour tenter d'aboutir à un partage amiable.

Elle ajoute que l'article 1360 du code de procédure civile n'impose que des démarches amiables préalables et non la saisine d'un notaire.

En l'espèce, les parties n'ont pas apporté davantage d'éléments qu'en première instance à l'appui de leurs prétentions.

Le premier juge a retenu que :

- Mme [I] a exposé dans son assignation la consistance du patrimoine à partager et ses propositions,

-elle a également produit, afin de justifier des démarches amiables entreprises pour parvenir

à un partage amiable :

* un courrier adressé par son conseil à son ex-époux par lettre recommandée avec accusé de réception le 20 février 2017,

* un courrier officiel adressé par son conseil à celui de M. [R] le 28 avril 2017,

* un mail officiel adressé à son nouveau conseil le 12 septembre 2017.

-de son côté, M. [R] a produit deux courriers officiels adressés par son conseil à celui de Mme [I] indiquant qu'il s'oppose à tout accord amiable,

celle-ci n'ayant selon lui aucun droit sur les biens acquis durant le mariage.

Le premier juge en a déduit qu'il existe manifestement des désaccords des parties portant. sur l'ensemble des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision, et que, compte tenu des désaccords persistants entre les ex-époux, les perspectives de partage amiable sont à exclure en l'état. Il a aussi relevé qu'aucune des pièces versées ne laisse par ailleurs supposer qu'i1 a été sursis au partage, par convention notamment.

Par des motifs dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence et qu'il convient d'adopter, le premier juge a fait une juste application des règles de droit, comme une exacte appréciation des faits et documents de l'espèce, en :

- ordonnant judiciairement, compte tenu de ces constatations, l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision ayant existé entre les parties et portant sur les biens immobiliers sis [Adresse 13] et[Adresse 1]s à [Localité 17],

- et en désigant un notaire pour procéder aux opérations de partage, par application de l'article 1364 du code civil, compte tenu de la complexité du patrimoine essentiellement immobilier et des comptes qui devront être faits entre les parties (remboursement du crédit et occupation des biens immobiliers).

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [R] succombant en son appel, il ne paraît pas inéquitable de le condamner aux entiers dépens d'appel et de le débouter de la demande qu'il a formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS 

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après débats en chambre du conseil,

ÉCARTE des débats la pièce n° 18 produite par Mme [R] [I],

DÉCLARE recevable la pièce n° 19 produite par Mme [R] [I],

DÉCLARE irrecevable l'appel-nullité formé à l'encontre du jugement du 4 décembre 2014,

DÉBOUTE M. [S] [R] de sa demande de sa demande de nullité du jugement du 12 septembre 2019,

CONFIRME le jugement du 12 septembre 2019 en toutes ses dispositions déférées à la cour,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE M. [S] [R] aux entiers dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Jacqueline LESBROS, Présidente de chambre et par Madame ASETTATI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 2e chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 19/07786
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;19.07786 ?
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