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02/03/2023 | FRANCE | N°20/00719

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 02 mars 2023, 20/00719


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MARS 2023



N° RG 20/00719 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-TZSR



AFFAIRE :



S.A.S. CASTEL FLEURI



C/



[G] [Z]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

N° Section : AD

N° RG : 19/00092<

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Marie-Cécile DE LA CHAPELLE



Me Nolwenn AGBOVOR







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appe...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MARS 2023

N° RG 20/00719 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-TZSR

AFFAIRE :

S.A.S. CASTEL FLEURI

C/

[G] [Z]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

N° Section : AD

N° RG : 19/00092

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Marie-Cécile DE LA CHAPELLE

Me Nolwenn AGBOVOR

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. CASTEL FLEURI

N° SIRET : 589 806 207

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Marie-Cécile DE LA CHAPELLE de la SELARL DDLC, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G393 et substitué par Me DURAND-HAKIM Karen, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G393

APPELANTE

****************

Madame [G] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Nolwenn AGBOVOR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1996 et substitué par Me François DARRICARRER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire 123645

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,

La société Castel fleuri ' dont le siège social se situe à [Localité 4] dans les Yvelines ' est spécialisée dans l'hébergement médicalisé pour personnes âgées. Elle emploie plus de dix salariés.

La convention collective applicable est celle de l'hospitalisation privée à but lucratif du 18 avril 2002.

Mme [G] [Z], née le 6 octobre 1984, a été engagée par la société Castel fleuri par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 20 décembre 2013 en qualité de cuisinière intermittente, pour une durée annuelle minimale de travail de 50 heures.

Par avenant au contrat de travail du 16 décembre 2015, la durée de travail de Mme [Z] a été portée à 60,67 heures par mois réparties de la façon suivante : travail les samedis et dimanches de 8 h à 12 h 30 et de 16 h à 18 h 30.

Par courrier du 25 juin 2018, la société Castel fleuri a demandé à Mme [Z] de confirmer qu'elle cumule son emploi avec un autre travail à temps plein et de régulariser sa situation quant à la durée légale maximale du travail.

Par courrier du 16 juillet 2018, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 28 juillet 2018.

Par courrier du 31 juillet 2018, la société Castel fleuri a demandé à Mme [Z] de lui adresser son contrat de travail avec son autre employeur et ses douze dernières fiches de paye et de justifier de ses absences des 14/15 et 21/22 juillet 2018.

Par courrier du 21 août 2018, Mme [Z] a été licenciée pour faute grave dans les termes suivants :

'Nous vous avons reçue en entretien préalable le samedi 28 juillet 2018, afin d'entendre vos explications sur les griefs suivants :

- le 25 juin 2018 nous vous avons demandé par LRAR de nous adresser le contrat de travail de votre autre employeur pour nous assurer que vous ne dépassiez pas la durée légale du travail.

- vous avez été absente les 14 et 15 juillet dernier en ne nous prévenant la veille au soir (sic) que votre frère était hospitalisé et que vous deviez vous rendre à son chevet.

Lors de l'entretien préalable vous avez déclaré être employée à temps partiel ailleurs et nous avez remis un document comme étant votre autre contrat de travail, qui ne comportait ni le nom de votre employeur ni aucune signature, prévoyant un emploi à temps partiel et refusé de nous communiquer les coordonnées de votre autre employeur.

Concernant votre absence du 14 et 15 juillet, qui d'ailleurs s'est renouvelée dans les mêmes circonstances les 21 et 22 juillet, vous avez indiqué que vous m'enverriez des justificatifs.

Je vous ai donc écrit le 31 juillet pour vous rappeler que j'attendais ces éléments par lettre RAR, simple et copie mail.

Vous m'avez répondu le 1 août suivant que 'd'après votre conseiller', vous n'aviez pas à me donner le dossier médical de votre frère, et que vous aviez demandé au secrétariat de votre autre employeur les fiches de paie et les attendiez.

Vous avez ajouté que vous étiez dans l'attente que je vous fasse une 'proposition valable de rupture conventionnelle que vous désirez tant afin qu'on en termine aimablement'.

Je vous rappelle les termes de ma réponse par mail du 2 août, si nous avons effectivement tenté de nous mettre d'accord sur une rupture amiable, cela n'a pas été possible et vous avez repris vos fonctions, que je ne demandais pas le dossier médical de votre frère mais un justificatif de vos absences, que je restais dans l'attente des éléments permettant de valider que vous ne dépassiez pas le temps de travail légal, dans le délai de 8 jours.

Je n'ai jamais reçu ces éléments.

Je suis donc contraint de prononcer votre licenciement pour faute grave constituée par l'absence de justificatifs de vos absences et d'élément prouvant la réalité de votre temps de travail malgré plusieurs demandes.

Je considère que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise. Vous savez en effet que vous êtes seule en cuisine et que vos absences si nous ne parvenons à les remplacer peuvent se révéler très préjudiciables pour nos résidents qui je vous le rappelle sont des personnes dépendantes.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cessez donc de faire partie des effectifs de notre société à compter de la date de la présente sans indemnité de préavis ni de licenciement.'

Par requête reçue au greffe le 5 avril 2019, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et de se voir allouer diverses sommes salariales et indemnitaires.

Par jugement rendu le 5 février 2020, le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye a :

- dit que le licenciement de Mme [Z] est dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS Castel fleuri à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

. 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 152,56 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

. 2 049 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 204,90 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la SAS Castel fleuri de rembourser à Pôle emploi les allocations chômages versées à Mme [Z] dans la limite de 6 mois,

- ordonné à la SAS Castel Fleuri de remettre à Mme [Z] les bulletins de paie conformes à la décision,

- condamné la SAS Castel fleuri à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 10 avril 2019, date de réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation et du prononcé pour le surplus,

- ordonné l'exécution provisoire totale en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes,

- débouté la SAS Castel fleuri de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Castel fleuri aux éventuels dépens comprenant les frais d'exécution du présent jugement.

La société Castel fleuri a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 9 mars 2020.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2020, la société Castel fleuri demande à la cour de :

Infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye du 5 février 2020 en ce qu'il a déclaré le licenciement de Mme [Z] dénué de cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS Castel Fleuri à lui verser les sommes suivantes :

. dommages-intérêts pour rupture abusive : 9 000 euros,

. indemnité de licenciement : 1 485,15 euros (sic),

. indemnité compensatrice de préavis : 2 049 euros,

. congés payés afférents : 204,90 euros,

. article 700 : 1 000 euros,

Statuant à nouveau,

- constater que le licenciement de Mme [Z] repose sur une faute grave,

En conséquence,

- débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [Z] à rembourser à la SAS Castel Fleuri la somme de 13 406,16 euros versée au titre de l'exécution provisoire,

Subsidiairement, constater que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- débouter Mme [Z] de sa demande en dommages et intérêts pour rupture abusive,

- condamner Mme [Z] à rembourser à la SAS Castel Fleuri la somme de 9 000 euros versée au titre de l'exécution provisoire à titre de dommages et intérêts,

Très subsidiairement, limiter le montant des dommages et intérêts à la somme de 3 073,50 euros,

- condamner Mme [Z] à rembourser à la SAS Castel Fleuri la somme de 5 926,50 euros versée au titre de l'exécution provisoire à titre de dommages et intérêts.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2020, Mme [Z] demande à la cour de :

- dire Mme [Z] recevable en son action et d'accueillir ses demandes,

Ainsi :

- confirmer le jugement entrepris,

A titre subsidiaire :

- dire (que) le licenciement ne repose pas sur une faute grave et

- condamner la SAS Castel Fleuri au paiement des sommes suivantes :

. indemnité de licenciement : 1 485,15 euros,

. indemnité' compensatrice de préavis : 2 049 euros,

. congés payés afférents : 204,90 euros,

En tout état de cause :

- condamner la SAS Castel Fleuri au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance rendue le 7 décembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 6 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le licenciement

La société Castel fleuri expose qu'elle s'est aperçue au mois de juin 2018 que Mme [Z] cumulait son emploi au sein de la société avec un emploi à temps plein auprès d'un autre employeur ; que Mme [Z] n'a pas communiqué les informations permettant de vérifier qu'elle ne dépassait pas le temps de travail maximal légal, malgré les demandes en ce sens ; qu'en outre elle s'est absentée deux fois sans justification en juillet 2018 ; que malgré un nouveau délai laissé après l'entretien préalable au licenciement, Mme [Z] n'a pas apporté les justificatifs demandés, de sorte qu'elle a été licenciée. Elle soutient que la faute grave est caractérisée à deux titres.

Mme [Z] répond que la société Castel fleuri lui a imposé de choisir entre ses deux employeurs et que face à son refus, elle s'est livrée à des manoeuvres de déstabilisation et a fait preuve de déloyauté, en lui demandant d'accélérer la cadence de travail ou d'accepter une rupture conventionnelle avec mépris, lui délivrant en outre un avertissement en mars 2018, dont elle demande l'annulation.

Elle fait valoir qu'elle ne dépassait pas la durée légale du travail, accomplissant 40,16 heures de travail par semaine, qu'elle n'a pas été inactive et a entrepris des démarches auprès de son autre employeur et qu'elle a produit le contrat de travail litigieux lors de l'entretien préalable. Elle soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il convient à titre liminaire de relever que si en page 5 de ses conclusions, exposant les motifs de ses prétentions, Mme [Z] écrit qu'elle 'fera même l'objet d'un avertissement infondé dont elle demande l'annulation', elle ne forme aucune demande d'annulation d'un avertissement dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile. La cour ne répondra donc pas à une demande dont elle n'est pas saisie.

Il résulte de l'article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s'apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d'une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

En l'espèce, le licenciement est fondé sur deux griefs.

1 - sur le refus de communiquer les informations relatives à un deuxième emploi

Il est reproché en premier lieu à Mme [Z] de ne pas avoir justifié de la réalité de son temps de travail auprès d'un autre employeur.

La société Castel fleuri expose qu'en vertu des articles L. 8261-1 et L. 8261-2 du code du travail, elle est tenue de mettre en demeure le salarié qui dépasse la durée maximale de travail de choisir entre ses employeurs et que si celui-ci ne le fait pas, elle peut le licencier ; que si le salarié n'a pas remis à son employeur, malgré plusieurs demandes de sa part, les documents permettant de vérifier la réalité de la durée totale de travail, il peut faire l'objet d'un licenciement pour faute grave ; que tel est le cas en l'espèce, Mme [Z] n'ayant remis au cours de l'entretien préalable au licenciement qu'une feuille sans signature où il est simplement fait état d'un contrat de travail à compter du 13 octobre 2017, sans aucun nom d'employeur ni mention du temps de travail ; que malgré le temps qui lui a été laissé après l'entretien, Mme [Z] n'a pas communiqué ses bulletins de paie, qu'elle aurait dû avoir en sa possession. Elle soutient que le seul fait de ne pas se voir communiquer les justificatifs du second emploi de la salariée lui cause un préjudice puisqu'elle ne peut pas vérifier si la durée maximale du travail est respectée ou non et si elle se trouve ou non en infraction avec les dispositions du code du travail.

Mme [Z] répond qu'elle a présenté le contrat de travail la liant à son second employeur au cours de l'entretien préalable au licenciement et qu'elle ne dépassait pas la durée maximale légale du temps de travail.

L'article L. 8261-1 du code du travail dispose que 'Aucun salarié ne peut accomplir des travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail, telle qu'elle ressort des dispositions légales de sa profession.'.

L'article L. 8261-2 du même code dispose que 'Nul ne peut recourir aux services d'une personne qui méconnaît les dispositions de la présente section.'.

S'il existe une incompatibilité entre deux contrats de travail entraînant un dépassement de la durée maximale du travail, il appartient au salarié de choisir, le cas échéant, l'emploi qu'il souhaite conserver.

Le salarié qui ne remet pas à son employeur, malgré plusieurs demandes de celui-ci, les documents permettant de vérifier la durée totale du travail, alors que de fait il dépassait la durée maximale autorisée, mettant ainsi son employeur en situation d'infraction, commet une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise (Cass. Soc., 19 mai 2010, n°09-40.923).

Le défaut de justification par le salarié de la durée de travail chez le second employeur cause un préjudice au premier employeur en ce qu'il peut se trouver en situation d'infraction si le salarié dépasse la durée maximale légale du temps de travail.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Castel fleuri a appris au mois de juin 2018, alors qu'elle voulait rencontrer Mme [Z], que cette dernière cumulait son emploi de cuisinière intermittente avec un autre emploi.

Par courrier recommandé du 25 juin 2018, la société Castel fleuri a demandé à Mme [Z] de justifier de ce second emploi 'à temps plein', qui la faisait dépasser le temps maximal de travail, et de prendre ses dispositions pour régulariser sa situation en réduisant son temps de travail chez l'autre employeur, puisque cette réduction n'était pas possible sur son poste au sein de la société. Il était demandé à Mme [Z] de faire connaître sa décision sous huitaine (pièce 4 de l'appelante).

Mme [Z] fait valoir qu'elle a entrepris des démarches auprès de son second employeur mais ne conteste pas qu'elle n'a pas adressé de justificatif de son second emploi à la société Castel fleuri avant l'entretien préalable au licenciement du 28 juillet 2018.

Elle soutient qu'elle a présenté lors de cet entretien le contrat qui la liait à son second employeur, qu'elle produit en pièce 16. Il s'agit d'un 'contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (avenant)', daté du 13 novembre 2017, signé avec la société KG Hygiène, qui prévoit un emploi de 25 heures par semaine soit 108,25 heures par mois, du lundi au vendredi de 8h à 13h.

Or la société Castel fleuri justifie par la production de sa pièce n°9 qu'elle ne s'est vu remettre au cours de cet entretien qu'une feuille sans nom d'employeur, non signée, qui fait état d'un 'contrat de travail à temps partiel à durée déterminée à compter du 13/10/2017 à 8h00", qui ne mentionne pas le temps de travail.

Ce document est manifestement un extrait tronqué de la première page d'un contrat de travail qui n'est pas celui versé par Mme [Z] au débat mais un contrat qui l'a précédé.

Par courrier recommandé du 31 juillet 2018, la société Castel fleuri a donné à Mme [Z] un délai de 8 jours pour lui adresser son contrat de travail 'en bonne et due forme' accompagné des 12 dernières fiches de paie (pièce 6 de l'appelante).

Mme [Z] était censée détenir des fiches de paye puisqu'elle travaillait depuis plusieurs mois pour le second employeur mais par courriel du 1er août 2018, elle a répondu à la société Castel fleuri qu'elle avait demandé au secrétariat de son autre employeur de lui envoyer toutes ses fiches de paye et qu'elle les attendait.

Mme [Z] ne justifie pas qu'elle a adressé à son employeur dans le délai requis son contrat de travail et/ou ses fiches de paye, de sorte que la société Castel fleuri lui a notifié son licenciement pour faute grave par courrier du 21 août 2018.

En n'ayant pas communiqué son contrat de travail et/ou ses fiches de paye justifiant de la durée de son temps de travail chez son second employeur, Mme [Z] n'a pas mis la société Castel fleuri en mesure de vérifier qu'elle ne se trouvait pas en infraction en laissant une salariée dépasser la durée maximale du temps de travail.

Le grief est donc fondé.

2 - Sur les absences injustifiées

Il est reproché en second lieu à Mme [Z] d'avoir été en absence injustifiée les 14 et 15 juillet 2018 puis les 21 et 22 juillet 2018.

La société Castel fleuri expose que Mme [Z] a été absente ces quatre jours sans autorisation de son employeur et sans en justifier, alors qu'elle ne l'avait prévenue de son absence que le 13 juillet au soir ; qu'il a fallu attendre l'entretien préalable du 28 juillet 2018 pour que Mme [Z] indique qu'elle avait une excuse et qu'elle en justifierait, ce qui n'a pas été fait malgré le délai accordé et le fait que l'attestation médicale qu'elle a produit en première instance datait du 21 juillet 2018 et qu'elle en disposait donc.

Elle fait valoir que l'attitude de la salariée manifeste un non-respect évident des règles en vigueur dans l'entreprise, ce qui n'est guère étonnant car Mme [Z] avait déjà fait l'objet de deux avertissements pour ce motif, en 2016 et 2018. Elle souligne que Mme [Z] a mis son employeur devant le fait accompli, l'empêchant de s'organiser pour assurer son remplacement dans de bonnes conditions, personne n'ayant été recruté durant ses périodes d'absence.

Mme [Z] fait valoir que son frère, diabétique, a dû se faire amputer des suites de sa maladie et que ces éléments ont été portés à la connaissance de l'employeur de ses propres aveux.

Il appartient au salarié de prévenir son employeur de ses absences et de justifier du motif de ces dernières.

Il ressort de la lettre de licenciement que Mme [Z] a prévenu son employeur le 13 juillet au soir, qui était un vendredi, que son frère était hospitalisé et qu'elle devait se rendre à son chevet. L'employeur indique qu'il ne s'est pas opposé à ce départ, qui empêchait la salariée d'être présente sur son lieu de travail les samedi 14 et dimanche 15 juillet 2018.

La lettre ne précise pas la durée d'absence qui avait été indiquée par la salariée, qui a également été absente les samedi 21 et dimanche 22 juillet 2018.

Par courrier du 31 juillet 2018, la société Castel fleuri a demandé à Mme [Z] un justificatif de ces absences, dans un délai de 8 jours.

Par courriel du 1er août 2018, Mme [Z] a répondu qu'elle n'était pas disposée à fournir le dossier médical de son frère, qui est strictement personnel et qui ne peut être demandé que par le tribunal. L'employeur a répondu le 2 août 2018 qu'il ne demandait pas le dossier médical mais un justificatif aux absences (pièce 7 de l'appelante).

Lors de l'entretien du 28 juillet 2018, Mme [Z] a indiqué qu'elle allait envoyer ces justificatifs.

Elle ne justifie pas l'avoir fait et le courrier de licenciement du 21 août 2018 fait le constat que ces justificatifs n'ont pas été produits.

Ce n'est qu'une fois l'instance prud'homale engagée que Mme [Z] a produit des documents médicaux montrant que son frère était hospitalisé à [Localité 5], qu'il a subi une intervention chirurgicale et qu'elle a été présente pour l'assister du 13 au 21 juillet 2018 (pièce 15 de l'intimée).

Force est de constater qu'au moment où le licenciement a été notifié, Mme [Z] n'avait pas justifié à son employeur du motif de son absence réitérée durant deux week-ends de travail consécutifs, malgré les demandes réitérées de son employeur qui lui avaient été adressées.

Le grief est donc fondé.

La salariée, qui avait plus de quatre années d'ancienneté au sein de la société Castel fleuri, avait déjà fait l'objet de deux avertissements :

- le 26 août 2016 pour ne pas avoir respecté les consignes données par l'équipe médicale pour l'élaboration des menus (repas froid préconisé le jour même en raison de la forte chaleur, non respecté), pour un défaut de respect de ses horaires et pour avoir téléphoné sur la ligne fixe de la cuisine pour des raisons personnelles (pièce 10 de l'appelante),

- le 9 mars 2018 pour continuer à téléphoner pour des raisons personnelles sur son temps de travail avec la ligne fixe attribuée à la cuisine, pendant des heures 'exagérément grandes' (pièce 11 de l'appelante).

Les griefs imputés à Mme [Z], qui sont établis, constituent une violation des obligations résultant de son contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et justifie son départ immédiat, sans indemnité ni préavis. Le licenciement pour faute grave est donc fondé.

La décision de première instance sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a dit que le licenciement de Mme [Z] est dénué de cause réelle et sérieuse et qu'elle a alloué à Mme [Z] une somme de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les sommes de 1 152,56 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 2 049 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 204,90 euros au titre ces congés payés afférents.

Statuant à nouveau, la cour dira que le licenciement de Mme [Z] repose sur une faute grave et déboutera Mme [Z] de ses demandes salariales et indemnitaires.

Sur les demandes accessoires

La demande de remboursement des sommes versées par l'employeur au titre de l'exécution provisoire du jugement est sans objet, dès lors que l'infirmation de cette décision vaut titre exécutoire pour la restitution des sommes versées.

La décision de première instance sera infirmée en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Mme [Z] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [Z] sera condamnée à verser à la société Castel fleuri la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 février 2020 par le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [G] [Z] repose sur une faute grave,

Déboute Mme [G] [Z] de ses demandes en paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne Mme [G] [Z] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne Mme [G] [Z] à verser à la société Castel fleuri une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [G] [Z] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier en pré-affectation, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00719
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;20.00719 ?
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