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02/03/2023 | FRANCE | N°20/00119

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 02 mars 2023, 20/00119


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MARS 2023



N° RG 20/00119 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-TV7Z



AFFAIRE :



[R] [O] [G]



C/



Société COVADIS







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 17/03726









Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Jean-claude DURIMEL



Me Stéphanie GIRAUD





le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MARS 2023

N° RG 20/00119 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-TV7Z

AFFAIRE :

[R] [O] [G]

C/

Société COVADIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 17/03726

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean-claude DURIMEL

Me Stéphanie GIRAUD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [O] [G]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-claude DURIMEL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0511

APPELANT

****************

Société CO-VA-DIS

N° SIRET : 418 703 674

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Stéphanie GIRAUD de la SELAS CABINET JURIDIQUE SAONE RHONE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 688

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Vu le jugement rendu le 11 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre,

Vu la déclaration d'appel de M. [R] [O] [G] du 11 janvier 2020,

Vu les conclusions de M. [R] [O] [G] du 19 juin 2020,

Vu les conclusions de la société Co-va-dis du 8 septembre 2020,

Vu l'ordonnance de clôture du 5 octobre 2022.

EXPOSE DU LITIGE

La société Co-va-dis, dont le siège social se situe [Adresse 1]) exerce sous l'enseigne E. Leclerc dans le secteur d'activité de l'hypermarché. Elle emploie plus de dix salariés.

La convention collective applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

M. [R] [O] [G], né le 17 septembre 1970, a été engagé par la société Co-va-dis par contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 juin 2015 en qualité d'ouvrier d'entretien.

Par courrier du 12 octobre 2017, la société Co-va-dis a convoqué M. [G] à un entretien préalable à un licenciement fixé au 26 octobre 2017.

Par courrier du 3 novembre 2017, la société Co-va-dis a notifié à M. [G] son licenciement pour faute grave.

La lettre de licenciement indiquait :

'Le 26 septembre 2017, vous avez eu une attitude totalement déplacée et inadmissible.

En effet, vers 9h45, alors que vous vous trouviez dans le bureau de la maintenance en présence de votre responsable Monsieur [X] et d'un stagiaire mineur venant juste d'arriver dans l'entreprise, vous avez sans motif valable critiqué et dénigré l'entreprise et la direction, précisant "dans cette entreprise on n'écoute personne", 'je ne parle avec personne", 'je ne prends jamais de pause depuis que je suis là', 'c'est niet pour moi au niveau financier", vous plaignant également de ne pas participer à des réunions avec, selon vos propres termes, 'tout ce que vous faites gagner à l'entreprise'.

Monsieur [X] vous avait indiqué quelques minutes plus tôt qu'il ne pouvait s'occuper du stagiaire le temps d'une réunion à laquelle il devait assister.

Compte tenu de vos propos, entendus par différentes personnes se trouvant dans les bureaux voisins, Madame [W], responsable du personnel, s'est déplacée jusqu'à vous pour vous demander de cesser et de mesurer vos propos.

Vous vous êtes alors emporté, en montant le ton, de manière agressive, en gesticulant et en vous rapprochant d'elle de manière menaçante, obligeant votre responsable à faire appeler l'agent de sécurité et s'interposer pour tenter de vous calmer.

Vous avez cherché à provoquer Madame [W] en criant 'Ah! Vous étiez en train d'écouter', ce à quoi elle vous a répondu qu'elle n 'avait pas besoin d'écouter puisque vous parliez suffisamment fort pour être entendu depuis son bureau, ce qui a également été confirmé par plusieurs salariés présents dans les bureaux alentours.

Quelques minutes plus tard sortant du bureau de la maintenance, vous êtes passé devant le bureau du directeur et y avez vu Madame [W], que vous avez alors interpellée de nouveau en lui disant suffisamment fort pour que de nombreuses personnes vous entendent : 'Arrêtes [sic] ton cirque '.

Votre comportement agressif et menaçant ainsi que vos paroles ne peuvent être tolérés.

Vos critiques concernant le fait de ne pas avoir été convié à cette réunion sont totalement inappropriées dans la mesure où, dans le cadre de vos fonctions d'employé de maintenance, votre présence n'était pas requise à cette réunion et qu'en tout état de cause, il ne vous appartenait pas d'en être juge.

Quant à vos allégations, elles sont parfaitement infondées : il est impensable de prétendre que vous ne parlez avec personne, alors que vous bavardez très régulièrement avec de nombreux membres du personnel, et ce même pendant votre temps de travail. Vous échangez de plus régulièrement avec votre responsable, la direction et le service du personnel.

S'agissant de vos pauses, non seulement vous les prenez, mais nous souhaitons vous rappeler que vous ne respectez pas les règles en vigueur dans l'entreprise puisque vous persistez à ne pas pointer votre temps de pause comme cela est pourtant prévu par le règlement intérieur, et ce malgré nos multiples rappels.

Vous avez, en adoptant ce type de comportement, failli à vos obligations professionnelles et contractuelles et avez enfreint les dispositions de notre règlement intérieur, lequel prévoit dans son article 8 que ' Chaque salarié doit respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de savoir être en collectivité. Toute rixe, injure, insulte, comportement agressif, incivilité est interdit dans l'entreprise, a fortiori lorsqu'ils peuvent faire l'objet de sanctions pénales.

Sont également formellement proscrits les attitudes provocatrices, les manquements à la bienséance, les manifestations de fanatisme religieux ou idéologique. Chaque salarié doit demeurer intègre, impartial et équitable, s'interdire de divulguer ou communiquer à des tiers des informations, renseignements ou documents confidentiels ».

De plus, l'article 38 du réglement intérieur précise que "les sanctions, y compris le licenciement sans préavis ni indemnité avec mise à pied conservatoire immédiate, pourront être appliquées, notamment et à titre d'illustration, dans les cas suivants ' [.. .] rixes, injures, violences contre tout membre du personnel'.

Toute forme de violence verbale et/ou physique est totalement inacceptable et nous ne saurions tolérer que nos salariés se livrent à de tels comportements et de telles démonstrations d'agressivité, que ce soit dans les propos ou dans les gestes, pendant et sur le lieu de travail.

La Direction et les membres de l'encadrement ont toujours adopté un comportement correct et courtois envers le personnel, et il est de règle dans l'entreprise qu'il en soit de même des salariés.

Nous ne pouvons souffrir d'exception et de transgression à un code de civilité auquel nous sommes particulièrement attentifs et ce pour préserver la bonne marche de notre entreprise.

Par ailleurs, vous ne vous êtes pas soucié des conséquences préjudiciables pour l'entreprise de votre attitude, de tels actes et paroles agressifs envers un membre du personnel causant nécessairement un trouble au sein de l'équipe, plombant de fait l'ambiance de travail et l'image du magasin.

Vous ne pouvez ignorer ces dispositions, dans la mesure où vous aviez déjà fait l'objet d'une sanction pour des faits similaires, dont vous n'avez à l'évidence pas tenu compte.

De plus, vous ne respectez pas vos horaires de travail. En effet, alors que vous devez prendre votre poste à 6h30, nous avons constaté que :

- Le 25/09/2017 : vous êtes arrivé à 6h42

- Le 26/09/2017 : vous êtes arrivé à 6h52

- Le 10/10/2017: vous êtes arrivé à 6h17

- Le 11/10/2017: vous êtes arrivé à 6h17

- Le 12/10/2017: vous êtes arrivé à 6h21

- Le 13/10/2017: vous êtes arrivé à 6h42

- Le 14/10/2017: vous êtes arrivé à 6h14

- Le J6/10/2017: vous êtes arrivé à 6h41

- Le 17/10/2017: vous êtes arrivé à 6h42

- Le I9/10/2017: vous êtes arrivé à 6h42

- Le 20/10/2017: vous êtes arrivé à 6h43

- Le 21/10/2017 : vous êtes arrivé à 6h53

- Le 26/10/2017: vous êtes arrivé à 6h36

- Le 27/10/2017: vous êtes arrivé à 6h17

- Le 28/10/2017: vous êtes arrivé à 6h16

- Le 31/10/2017: vous êtes arrivé à 6h44

Vous n'êtes pas sans savoir qu'une telle attitude désorganise le bon fonctionnement de l'entreprise et que vous devez respecter strictement vos horaires de travail. Vous êtes en effet soumis à des horaires de travail précis, lesquels sont affichés.

Nous vous rappelons que l'article 3 du règlement intérieur de l'entreprise précise que 'les salariés doivent strictement respecter les horaires de travail qui leurs sont applicables et qui sont fixés par la direction. Le non-respect de leurs horaires par les salariés peut entrainer des sanctions'. Quant à l'article 4, il prévoit que :"A défaut d'autorisation et/ou de motif valable, les retards et absences constituent des fautes qui peuvent être sanctionnées'.

Vos agissements ne sauraient être tolérés plus longtemps compte tenu des incidences pour l'entreprise'.

M. [G] avait fait antérieurement l'objet d'un avertissement en date du 7 novembre 2016 et d'une mise à pied disciplinaire de deux jours, le 14 avril 2017.

Par requête reçue au greffe le 18 décembre 2017, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et solliciter la condamnation de la société Co-va-dis à lui verser diverses sommes indemnitaires.

Par jugement rendu le 11 décembre 2019, la section commerce du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Co-va-dis, exerçant sous l'enseigne E. Leclerc, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les éventuels dépens à la charge de M. [G].

M. [G] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11 janvier 2020.

Aux termes de ses conclusions en date du 19 juin 2020, M. [R] [O] [G] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamner la SAS Co-va-dis à verser à M. [G] les sommes suivantes :

. 3 800 euros : indemnité de préavis,

. 380 euros : congés payés sur préavis,

. 443 euros : indemnité légale de licenciement,

. 6 650 euros : indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse,

. 2 000 euros : article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 8 septembre 2020, la société Co-va-dis demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a mis les éventuels dépens à la charge de M. [G],

En conséquence,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [G] est bien fondé,

- débouter M. [G] de sa demande de 433 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- débouter M. [G] de sa demande de 3 800 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 380 euros au titre des congés payés afférents,

- débouter M. [G] de sa demande de 6 650 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [G] de sa demande de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [G] à payer à la société Co-va-dis la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [G] aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2022.

La date des plaidoiries fixée initialement au 18 octobre 2022 a été renvoyée au 3 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- sur le licenciement pour faute grave

Le salarié soutient que les griefs avancés par l'employeur ne sont pas établis ; que les retards allégués portent sur quelques minutes seulement ; qu'il travaillait souvent au-delà de l'horaire contractuel ; que s'agissant de l'attitude déplacée alléguée par l'employeur, le salarié affirme qu'il a seulement haussé le ton lors d'une discussion relative à ces conditions de travail ; qu'il s'agit d'un fait unique durant toute la relation de travail.

L'employeur fait valoir que le licenciement est intervenu alors que le salarié avait fait l'objet de deux sanctions disciplinaires pour des manquements professionnels ; que M. [G] a eu une attitude déplacée à l'égard de son responsable et ce devant témoins dont un stagiaire mineur, en portant des accusations mensongères à l'encontre de l'employeur et en ayant une attitude menaçante et agressive à l'égard de plusieurs personnes de l'entreprise ; que M. [G] devant prendre son poste à 6 heures 30 le matin ne respectait pas ses horaires de travail ; qu'il prenait bien ses temps de pause mais refusait de les pointer conformément au règlement intérieur.

L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

S'agissant du licenciement pour faute grave, celle-ci résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Les sanctions antérieures peuvent être prises en considération pour apprécier la gravité de l'ensemble des fautes reprochées au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement dont les termes sont rappelés ci-dessus fait état de deux griefs :

- une attitude totalement déplacée et inadmissible le 26 septembre 2017

- le non-respect des horaires de travail.

- sur le comportement de M. [G]

Selon la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est fait grief à M. [G] d'avoir le 26 septembre 2017 proféré des critiques à l'encontre de l'entreprise alors qu'il se trouvait avec le responsable maintenance dans le bureau de ce dernier, se plaignant de la façon dont il était traité, et ce devant un jeune stagiaire, de s'être énervé et d'avoir haussé le ton, d'avoir eu une attitude agressive et menaçante à l'égard de la responsable du personnel.

Les faits sont attestés par M. [X] responsable maintenance qui indique notamment ' M. [G] m'a demandé en quoi consistait cette réunion et a commencé à se plaindre en disant qu'il n'allait jamais en réunion que ce n'était pas normal qu'il n'avait jamais vu ça dans d'autres entreprises etc ; (pour information M. [G] est un employé de maintenance. Si une réunion ne concerne pas directement le service maintenance il n'a pas à être convié). Les explications lui ont été données mais il a continué à insister pendant de longues minutes. Le jeune stagiaire qui n'était pas dans le bureau au début de la conversation est arrivé entre temps et même si les paroles ne lui étaient pas destinées il a entendu une grande partie de ces critiques. Ce n'était pas le moment de parler de ça (et ce n'est pas la première fois que cela arrive)' (pièce n°14 employeur).

Mme [W], responsable du personnel, confirme les dires de M. [X] rapportant les propos tenus par M. [G] : 'on n'écoute personne, il ne parle à personne, il ne prend jamais de pause, depuis qu'il est là c'est 'niet' pour lui au niveau financier, il ne participe pas à des réunions avec tout ce qu'il fait gagner à l'entreprise etc. Tout cela devant un stagiaire qui vient d'arriver dans l'entreprise .' (pièce n° 11 employeur).

Elle atteste également de sa propre intervention auprès de M. [G] : 'J'interviens en lui demandant s'il n'est pas un peu gêné de dire autant de bêtises sur l'entreprise devant un stagiaire qui vient de débuter. Quelle belle image du magasin ! A cet instant il s'énerve et se met à me provoquer en me disant 'Ah ! Vous étiez en train d'écouter' et s'approche de moi menaçant. Je lui ai répondu que je me trouvais dans le bureau juste en face (à 3 pas) et que je n'avais pas besoin d'écouter puisque l'on entendait clairement ce qu'il disait les deux portes des bureaux étant ouvertes. Il vociférait au point que le service sécurité s'est déplacé pour se rendre compte de ce qui se passait tant le ton montait. Je suis allée dans le bureau du directeur M. [Z] pour expliquer le déroulement des faits quand M. [G] [R] est passé en disant haut et fort 'Arrête ton cirque'.'.

Mme [H] [U], chef comptable, confirme avoir été témoin de l'échange houleux entre M. [G] et Mme [W] et affirme elle-même avoir entendu de son bureau M. [G] se plaindre et critiquer la société. Suite à la remontrance de la responsable du personnel, selon Mme [U], 'M. [G] s'est emporté, une fois de plus sa réaction fut très agressive. Il a manqué de respect envers Mme [W].'. Elle confirme également qu'un agent de sécurité a été appelé et que M. [G] a demandé à Mme [W] 'd'arrêter son cirque'. Elle ajoute que des salariés qui se rendaient à une réunion ont vu et entendu 'son incorrection ainsi que sa gestuelle envers la responsable du personnel'.

Mme [J], responsable qualité, atteste de même avoir été témoin du comportement de M. [G] le 26 septembre 2017 à l'égard de M. [X] et de Mme [W] et indique avoir appelé le PC sécurité par peur que M. [G] 'mette un coup à Mme [W]. Son chef M. [X] s'est interposé entre les deux pour calmer M. [G]'.

Ces attestations sont conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, émanent de personnes qui ont été témoins directs des faits en raison de la proximité des bureaux de chacune d'elles.

Le fait qu'elles aient été rédigées dans les locaux du magasin comme le souligne le conseil de prud'hommes dans un temps bref après les faits (26, 27 et 30 septembre 2017) ne permet pas d'en déduire, comme l'indique à tort le jugement, qu'elles ne résultent pas d'un acte individuel, libre et indépendant, ni que l'employeur serait intervenu de façon 'impérative'.

Eu égard au lieu où se sont déroulés les faits reprochés - les bureaux de l'entreprise -, l'employeur qui a la charge de la preuve des faits fautifs invoqués, ne pouvait démontrer la réalité desdits faits que par des attestations des salariés témoins des faits, sauf à faire témoigner un jeune stagiaire mineur.

De même, le fait pour l'employeur d'avoir sollicité ces attestations dans un temps proche de l'incident, ne permet pas d'affirmer comme l'indique à tort le jugement que la société Co-va-dis avait dès cet instant décidé le licenciement pour faute grave de M. [G].

Les termes utilisés dans les attestations manuscrites établissent que chaque salarié a témoigné de façon libre et indépendante, décrivant chacun à leur manière les faits qui se recoupent de sorte que le comportement de M. [G] tel que rapporté est clairement et suffisamment démontré.

Si un salarié a parfaitement le droit de discuter avec l'employeur de ses conditions de travail voire de les contester, il lui appartient de le faire dans un contexte propice, sans incivilité, sans agressivité.

Le contrat de travail de M. [G] prévoit en préambule que le salarié reconnait avoir pris connaissance notamment du règlement intérieur et à la rubrique 'obligations générales' que le salarié 's'engage pendant la durée de son contrat à respecter les instructions qui pourront être données par l'entreprise et à se conformer aux règles régissant le fonctionnement interne de celle-ci.'

L'article 8 du règlement intérieur 'comportement général du salarié' stipule que 'chaque salarié doit respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de savoir être en collectivité. ['] Toute rixe, injure, insulte, comportement agressif, incivilité est interdit dans l'entreprise, a fortiori lorsqu'ils peuvent faire l'objet de sanctions pénales. ['] Sont également formellement proscrits les attitudes provocatrices des manquements à la bienséance ['].

L'article 38 dudit règlement indique également que 'les sanctions y compris le licenciement sans préavis ni indemnité avec mise à pied conservatoire immédiate pourront être appliqués et à titre d'illustration, dans les cas suivants :

[...]

- rixes, injures, violences contre tout membre du personnel ;

- insultes et/ou voies de fait envers tout membre du personnel ;

- critiques et dénigrements systématiques ;

- manque de respect vis-à-vis du personnel de l'entreprise [...]'.

En l'espèce, l'altercation provoquée par M. [G] résulte à l'origine d'une contestation relative à une réunion à laquelle il n'était pas convié. Aux termes de son attestation, M. [X] a donné toutes les explications utiles au salarié, agent de maintenance, indiquant notamment que ce dernier n'avait pas à participer à des réunions ne concernant pas son service.

S'agissant des autres plaintes de M. [G], à supposer que celles-ci soient légitimes, l'employeur les contestant dans la lettre de licenciement, il lui appartenait d'en discuter calmement avec son supérieur hiérarchique notamment dans le cadre d'un entretien et non de façon agressive devant témoins, en l'espèce un stagiaire mineur et plusieurs salariées.

En outre, son comportement à l'égard de la responsable du personnel, Mme [W], alertée par l'altercation, ne peut se justifier par le droit du salarié à discuter ses conditions de travail.

En effet, la dispute à ce sujet a eu lieu avec M. [X] son supérieur hiérarchique et non avec la responsable du personnel intervenue pour le calmer. L'agressivité de M. [G] à l'égard de Mme [W] et la teneur des propos tenus à son égard notamment 'arrête ton cirque' dépassent les limites de ce qui peut être accepté de la part d'un salarié, notamment quand ce dernier a déjà été sanctionné pour des faits similaires.

En effet, par lettre du 14 avril 2017, l'employeur a sanctionné le salarié d'une mise à pied disciplinaire de 2 jours pour notamment 'insubordination agressivité et manque de respect' à l'égard du directeur du magasin M. [Z] le 14 mars 2017 et à l'égard de Mme [U], chef comptable, le 15 mars 2017, hurlant à l'encontre du premier, lui tenant des propos très grossiers et adoptant une attitude menaçante à son égard, s'énervant à l'encontre de la seconde de manière virulente avec un comportement agressif (pièce n° 5 intimée). Le salarié n'a pas contesté la sanction.

Dans ce contexte de réitération d'un tel comportement, le grief sera retenu.

- sur le non-respect des horaires

La lettre de licenciement fait état également du non-respect par le salarié de ses horaires de travail, notamment d'une arrivée quotidienne après 6 heures 30 entre le 25 septembre et le 31 octobre 2017.

Le salarié ne conteste pas que l'horaire était bien une arrivée prévue à 6 heures 30 mais affirme qu'il arrivait aussi avant 6 heures 30, travaillait au-delà de l'horaire contractuel et que les pauses contractuelles n'étaient jamais prises en raison de la charge de travail.

Aux termes de l'article L. 3171-2 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce, 'lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Les délégués du personnel peuvent consulter ces documents.'

En l'espèce, l'employeur produit l'horaire du personnel des services généraux, soit deux personnes dont M. [G] mentionnait les jours et les heures de travail des deux salariés matin et après-midi.

M. [G] travaillait sur une base de 36 heures 45 du lundi au samedi le matin seulement à compter de 6 heures 30, sauf le jeudi où il travaillait le matin de 6 heures 30 à 11 heures et également de 12 heures à 16 heures (pièce n°15 intimée).

Pour justifier des retards systématiques du salarié le matin, l'employeur produit une édition des badgeages du 25 septembre au 3 novembre 2017 (pièce n°16).

Or, la convocation à l'entretien préalable pour des faits fautifs qui 'appellent en raison de leur nature une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement' est datée du 26 septembre 2017 (pièce n° n°6 intimée).

Si l'entretien préalable prévu le 5 octobre 2017 n'a eu lieu que le 26 octobre 2017 en raison de l'arrêt de travail du salarié et à la demande de ce dernier, il s'agissait toujours de la même convocation, le courrier adressé au salarié le 13 octobre 2017 ne constituant pas une nouvelle convocation mais le report de l'entretien préalable.

Il en résulte que l'employeur ne pouvait sanctionner des faits postérieurs au 26 septembre 2017, date de la convocation, sauf à adresser une nouvelle convocation annulant la précédente pour prendre en compte les faits postérieurs au 26 septembre 2017.

En l'espèce, selon la lettre de licenciement et l'édition du badgeage, seul un retard du salarié les 25 et 26 septembre 2017 pouvait être sanctionné.

Or, le lundi 25 septembre 2017, le salarié est certes arrivé à 6 heures 42 au lieu de 6 heures 30 mais est parti à 12 heures 41 au lieu de 12 heures 30. Il n'est pas mentionné de pause. Aucun élément du dossier ne permet d'affirmer qu'il a pris une pause sans badger.

Le mardi 26 septembre, jour des faits relatés ci-dessus, M. [G] est arrivé à 6 heures 52 et est reparti à 12 heures 40 avec une pause de 8 minutes.

Ce seul élément est insuffisant pour retenir le grief.

En effet, il est certes justifié que M. [G] avait fait l'objet d'un avertissement le 7 novembre 2016 pour des absences injustifiées et des retards quotidiens le matin systématiques et très importants du 8 septembre au 8 novembre 2016 allant de 45 minutes à près de 4 heures (pièce n°3).

De même, la lettre de mise à pied du 14 avril 2017 (pièce n°5) citée ci-dessus fait état de très nombreux retards de février à avril 2017 de 12 minutes à 1 heure 21 minutes.

Cependant, ces retards déjà sanctionnés ne peuvent être pris en compte dans la sanction infligée en novembre 2017 que s'il est justifié de nouveaux retards avant la date de convocation à l'entretien préalable du 26 septembre 2017. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

En conséquence, le grief ne peut être retenu.

***

Il résulte de l'ensemble des éléments que le comportement agressif et grossier réitéré de M. [G] constitue à lui seul une violation importante des obligations contractuelles du salarié rendant impossible le maintien de celui-ci dans l'entreprise, même pendant la période du préavis et justifie le licenciement pour faute grave.

Le fait que l'employeur n'ait pas signifié une mise à pied conservatoire dans l'attente de la procédure est indifférent s'agissant pour un employeur d'une simple faculté comme le rappelle le règlement intérieur, étant en outre établi que M. [G] a été en arrêt de travail à compter du 27 septembre 2017 jusqu'au 9 octobre 2017.

Le jugement sera confirmé en ce que les premiers juges ont considéré que la faute grave était établie sur le grief relatif au comportement du salarié et ont débouté ce dernier de ses demandes de préavis, congés payés sur préavis, indemnité légale de licenciement et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

M. [G] sera condamné à payer à la société Co-va-dis la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Il sera débouté de sa demande à ce titre et condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 11 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre,

Y ajoutant,

Condamne M. [R] [O] [G] à payer à la société Co-va-dis la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Déboute M. [R] [O] [G] de sa demande à ce titre,

Condamne M. [R] [O] [G] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin greffière en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier en pré-affectation, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00119
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;20.00119 ?
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