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01/03/2023 | FRANCE | N°21/02812

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 01 mars 2023, 21/02812


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 MARS 2023



N° RG 21/02812



N° Portalis DBV3-V-B7F-UYB4



AFFAIRE :



[K] [E]



C/



S.A.S. HEMA FRANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 19/0014

0



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Michel VERNIER



la ASSOCIATION VEIL JOURDE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versai...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 MARS 2023

N° RG 21/02812

N° Portalis DBV3-V-B7F-UYB4

AFFAIRE :

[K] [E]

C/

S.A.S. HEMA FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 19/00140

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Michel VERNIER

la ASSOCIATION VEIL JOURDE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [E]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Michel VERNIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 192

APPELANT

****************

S.A.S. HEMA FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Pauline LARROQUE DARAN de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T06 substitué par Me Marine GUILLE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [K] [E] a été embauché, à compter du 29 mai 2017, selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable régional (statut de cadre) par la société HEMA FRANCE SAS, spécialisée dans le commerce d'objets pour la maison et employant habituellement au moins onze salariés.

M. [E] a assuré à ce titre la direction de plusieurs magasins situés en Île-de-France.

Du 5 novembre 2018 au 6 janvier 2019, M. [E] a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Du 7 au 11 janvier 2019, M. [E] a pris des congés payés et des jours au titre de la réduction du temps de travail.

Par lettre du 14 janvier 2019, la société HEMA FRANCE SAS a convoqué M. [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 28 janvier 2019, la société HEMA FRANCE SAS a notifié à M. [E] son licenciement pour faute grave.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la rémunération moyenne mensuelle de M. [E] s'élevait à 6 458,93 euros brut.

Le 26 février 2019, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles pour contester la validité de son licenciement, et à titre subsidiaire son bien-fondé, et demander la condamnation de la société HEMA FRANCE SAS à lui payer notamment des indemnités de rupture, des dommages-intérêts et des rappels de salaire.

Par un jugement du 15 septembre 2021, le conseil de prud'hommes (section encadrement) a :

- dit que le licenciement de M. [E] n'est pas nul ;

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

- fixé la moyenne des salaires à la somme de 6 458,93 euros ;

- condamné la société HEMA FRANCE SAS à payer à M. [E] les sommes suivantes :

* 19 376,79 euros à titre d'indemnité conventionnelle de préavis et 1 937,67 euros au titre des congés payés afférents ;

* 3 229,46 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 6 458,93 euros pour non-respect de la procédure de licenciement avec intérêts légaux à compter de la date du bureau de conciliation et de mise en état ;

- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

- dit que l'ensemble des sommes allouées produiront intérêts légaux à compter de la convocation devant le bureau de conciliation ;

- condamné la société HEMA FRANCE SAS au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société HEMA FRANCE SAS aux entiers dépens.

Le 28 septembre 2021, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 23 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [E] demande à la cour de :

1°) confirmer le jugement attaqué sur l'indemnité conventionnelle de préavis et les congés payés afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

2°) d'infirmer le jugement attaqué pour le surplus et statuant à nouveau de :

- à titre principal, dire son licenciement nul en application de l'article L. 1132-4 du code du travail et condamner la société HEMA FRANCE SAS à lui payer une somme de 38 753 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

- à titre subsidiaire, dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société HEMA FRANCE SAS à lui payer une somme de 38 753 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, après avoir jugé inconventionnelles les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

- condamner la société HEMA FRANCE SAS à lui payer les sommes suivantes :

* 19 376,79 euros à titre de dommages-intérêts pour les circonstances brutales et vexatoires entourant le licenciement ;

* 257,41 euros à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2018 ;

* 3 818,74 euros à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2018 ;

* 373,86 euros à titre de rappel de salaire du mois de janvier 2019 ;

* 4 000 euros à titre de rappel de prime de remplacement et 400 euros au titre des congés payés afférents ;

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société HEMA FRANCE SAS aux dépens.

Aux termes de ses conclusions du 1er février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société HEMA FRANCE SAS demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement attaqué sur le débouté des demandes de M. [E], l'infirmer sur le licenciement et les condamnations prononcées à son encontre ainsi que sur le débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, dire que le licenciement repose sur une faute grave et débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter M. [E] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- à titre infiniment subsidiaire, limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 6 458,93 euros équivalente à un mois de salaire et dire que les dommages-intérêts alloués au salarié s'entendent comme des sommes brutes, avant CSG, CRDS et charges sociales ;

- en tout état de cause, débouter M. [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner à lui payer une somme de 1 000 euros à ce titre.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 13 décembre 2022.

MOTIVATION

Sur la nullité du licenciement à raison d'une discrimination liée à l'état de santé et les dommages-intérêts pour licenciement nul :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français' ; qu'aux termes de l'article L. 1134-1 du même code : ' Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. / Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. / Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles' ;

Qu'en l'espèce, la cour relève que M. [E] fait valoir à juste titre que l'engagement de la procédure de licenciement fait immédiatement suite à la fin de son arrêt de travail pour maladie ; qu'il présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte liée à son état de santé ;

Que la société HEMA FRANCE SAS établit pour sa part que la présence d'écarts de caisse dans les magasins dont M. [E] assurait la direction, qui est le motif du licenciement, a été constatée et a été signalée au salarié par courriel du 12 octobre 2018, soit antérieurement à l'arrêt de travail pour maladie intervenu du 5 novembre 2018 au 6 janvier 2019 ; qu'elle prouve ainsi que sa décision de licenciement est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le débouté de la demande de nullité du licenciement pour discrimination liée à l'état de santé et de la demande de dommages-intérêts à ce titre ;

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [E], qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : 'en date du 8 janvier 2019, nous avons été alertés par M .[E] [S] [M], conseiller sécurité international, au sein du siège social de notre groupe en Hollande, au sujet d'un volume (en euros) très important d'écarts de caisse pour le réseau de magasins d'HEMA France.

Un écart de caisse et la différence entre ce qui a été encaissé par un magasin et ce qui est remis en banque réellement.

Dans son rapport (courriel du 8 janvier 2019), présentant les écarts de caisse pour le mois de décembre 2018 :

Il apparaît que le volume global pour HEMA France est de 19 937 euros dont 6 976 euros uniquement pour la région dont vous avez la charge [...].

Dans son rapport (courriel du 17 janvier 2019), présentant les écarts de caisse pour l'année fiscale en cours (février 2018 à décembre 2018) :

Il apparaît que le volume global pour HEMA France est 121 529 euros dont 39 449 euros uniquement pour la région dont vous avez la charge [...].

Ces résultats positionnent ainsi votre région comme étant celle (parmi les six régions commerciales d'HEMA France) qui totalise le plus d'écart de caisse pour la période [...].

Pour autant, l'entreprise (via son service 'sécurité internationale') a mis en place dès le mois d'octobre 2018,un reporting mensuel sur ce sujet devenu très critique pour HEMA France, et vous en étiez régulièrement destinataire.

Ce reporting mensuel fait apparaître explicitement l'ensemble des écarts de caisse pour chaque magasin de la région commerciale placée sous votre responsabilité.

Vous disposiez donc de tous les éléments pour mener les investigations nécessaires et mettre en 'uvre les actions correctrices et/ou disciplinaires pour endiguer cette perte de cash, de fait, extrêmement préjudiciable à notre entreprise.

Sur l'année 2018, la totalité des magasins de votre région présente des écarts de caisse (soit 12 magasins).

Or, on observe que seuls deux magasins sur l'ensemble de la période ont fait l'objet de mesures disciplinaires relatives à ce sujet : les magasins de Gare [6] et de [Localité 5]. Pour les 10 autres magasins, aucune action disciplinaire n'a été diligentée par vos soins.

Force est de constater que ces différents éléments font apparaître :

- une incapacité à prendre la mesure de la gravité de la situation doublée d'une absence d'implication de votre part sur ce sujet critique et central, inhérent à vos missions de responsable régional.

- Un manquement grave à vos obligations de contrôle, vérifications des flux financiers au sein des magasins placés sous votre responsabilité.

- Un déficit inacceptable dans la mise en 'uvre d'actions correctrices au sein des magasins placés sous votre responsabilité au regard de la gravité de la situation.

Ces nombreux manquement sont bien évidemment incompatibles avec l'exécution régulière de ce que nous sommes en droit d'attendre d'un collaborateur doté d'un tel niveau de responsabilités et sont en outre fortement préjudiciable aux intérêts de l'entreprise.

Au regard de votre incapacité à nous fournir des explications de nature à vous décharger de votre responsabilité, de vos carences manifestent et des conséquences sur l'organisation des activités de votre périmètre régional et de sa commercialité, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. En conséquence de quoi nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour faute grave [...]' ;

Considérant que M. [E] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que les faits reprochés relèvent d'une insuffisance professionnelle et non d'une faute et qu'en tout état de cause, ces faits ne sont pas établis ou ne lui sont pas imputables ; qu'il réclame en conséquence l'allocation d'indemnités de rupture ainsi que d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant équivalent à six mois de salaire en faisant valoir que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont incompatibles avec les stipulations de l'article 24 de la Charte sociale européenne et de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'organisation internationale du travail ;

Que la société HEMA FRANCE SAS soutient que les manquements réitérés de M. [E] par rapport aux procédures internes ainsi que son inaction et sa passivité par rapport aux signalements d'écarts de caisse sont constitutifs d'une faute grave ; qu'elle conclut donc au débouté des demandes ; qu'à titre subsidiaire, elle soutient que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut excéder un mois de salaire ;

Considérant que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque ; qu'en application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ; que l'insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié ; que l'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées par les parties que, par courriel du 12 octobre 2018, M. [M], responsable de la sécurité au sein de la société mère aux Pays-Bas, a alerté pour la première fois, à cette date, l'ensemble des directeurs de magasins installés en France, et notamment M. [E], de la présence d'écarts de caisse dans leurs établissements et a préconisé des mesures correctrices ; que M. [E] a été placé peu de temps après, à compter du 5 novembre 2018, en arrêt de travail pour maladie, et ce jusqu'au 6 janvier 2019, puis a été autorisé à prendre des congés payés et des jours au titre de la réduction du temps de travail jusqu'à sa convocation à l'entretien préalable au licenciement ; qu'il ne peut donc lui être reproché des écarts de caisse antérieurs au 12 octobre 2018, ni la persistance d'écarts de caisse au delà du 5 novembre 2018, alors qu'il était absent de l'entreprise ;

Que pour la période comprise entre le 12 octobre et le 5 novembre 2018, M. [E] justifie, par un courriel du 12 octobre 2018, avoir immédiatement recherché auprès de ses subordonnées l'origine des écarts de caisse en litige et justifie également, par une attestation de son ancienne supérieure hiérarchique, de la difficulté et du temps nécessaires pour identifier les causes de ces écarts ; que ces éléments excluent ainsi toute abstention volontaire ou mauvaise volonté de la part de M. [E] dans l'exécution de ses tâches, seules à même de fonder un licenciement disciplinaire ;

Qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune faute imputable à M. [E] n'est établie et que son licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse, contrairement ce qu'ont estimé les premiers juges ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Qu'en conséquence, M. [E] est fondé à réclamer l'allocation des sommes suivantes, dont les montants ne sont au demeurant pas discutés par l'employeur :

- 19 376,79 euros à titre d'indemnité de préavis et 1 937,67 euros au titre des congés payés afférents ;

- 3 229,46 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Que le jugement sera ainsi confirmé sur ces points ;

Qu'en outre, M. [E] est fondé à réclamer, eu égard à son ancienneté d'une année complète, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant compris entre un mois et deux mois de salaire brut en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, étant précisé que ces dispositions ne sont pas contraires à l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail et que les stipulations de l'article 24 de la Charte sociale européenne ne peuvent être invoquées par l'appelant faute d'effet direct dans le présent litige ; qu'eu égard à son âge (né en 1977), à sa rémunération moyenne, à sa situation postérieure au licenciement (chômage jusqu'au 2 juin 2019), il y a lieu d'allouer à l'appelant une somme de 10 000 euros brut à ce titre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires entourant le licenciement:

Considérant, en l'espèce, qu'en tout état de cause, M. [E] ne verse aux débats aucun élément pour justifier de l'existence d'un préjudice à ce titre ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur les dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement :

Considérant que la société HEMA FRANCE SAS ne demande pas l'infirmation du jugement sur ce point ; qu'il y a ainsi lieu de confirmer le jugement à ce titre ;

Sur le rappel de salaire d'un montant de 257,41 euros au titre du mois de décembre 2018 et le rappel de salaire d'un montant de 373,86 euros au titre du mois de janvier 2019 :

Considérant en l'espèce, que la société HEMA FRANCE SAS ne démontre par aucune pièce que les retenues sur salaire litigieuses correspondent à une régularisation afférentes à la CSG et à la CRDS en matière de maintien de salaire pendant l'arrêt de travail pour maladie ; qu'il y a donc lieu de condamner la société HEMA FRANCE SAS à payer à M. [E] les sommes suivantes :

- 257,41 euros à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2018 ;

- 373,86 euros à titre de rappel de salaire du mois de janvier 2019 ;

Que le jugement sera infirmé sur ces chefs ;

Sur le rappel de salaire d'un montant de 3 818,74 euros au titre du mois de décembre 2018 :

Considérant en l'espèce que la société HEMA FRANCE SAS ne fournit aucune explication à la retenue d'un montant de 3 818,74 euros opérée au mois de décembre 2018 sur le salaire de l'appelant ; qu'elle sera donc condamnée à payer cette somme à M. [E];

Que le jugement sera infirmé sur ce chef ;

Sur le rappel de 'prime de remplacement' et les congés payés afférents :

Considérant que pour qu'une pratique d'entreprise acquière la valeur contraignante d'un usage, dont les salariés pourront se prévaloir, elle doit être constante, générale et fixe, ces conditions étant cumulatives ;

Qu'en l'espèce, M. [E] ne démontre pas le caractère de généralité de la prime de remplacement en cause ; qu'il y a donc lieu de le débouter de sa demande de rappel de prime à ce titre et de congés payés afférents, faute de démonstration de l'usage invoqué ; que le jugement sera confirmé sur ce chef ;

Sur les intérêts légaux :

Considérant qu'il y lieu de rappeler que les sommes allouées à M. [E] portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du présent arrêt en ce qui concerne la créance d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'en outre, la société HEMA FRANCE SAS, qui succombe majoritairement en appel, sera condamnée à payer à M. [E] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il statue sur le bien-fondé du licenciement de M. [K] [E], l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les rappels de salaire des mois de décembre 2018 et janvier 2019, les intérêts légaux,

Confirme le jugement attaqué pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [K] [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société HEMA FRANCE SAS à payer à M. [K] [E] les sommes suivantes:

- 257,41 euros à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2018,

- 3 818,74 euros à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2018,

- 373,86 euros à titre de rappel de salaire du mois de janvier 2019,

- 10 000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les sommes allouées à M. [K] [E] portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du présent arrêt en ce qui concerne la créance d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société HEMA FRANCE SAS à payer à M. [K] [E] une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Condamne la société HEMA FRANCE SAS aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02812
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;21.02812 ?
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