COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 82E
6e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 16 FEVRIER 2023
N° RG 21/01237 -
N° Portalis DBV3-V-B7F-UO2L
AFFAIRE :
S.A.S. SOCIETE TOURISTIQUE ET THERMALE D'ENGHIEN LES BAINS
S.A.S. SOCIETE IMMOBILIERE ET D'EXPLOITATION DE L'HOTEL D U LAC
S.A.S. PAVLAC
C/
Fédération CGT DES PERSONNELS DU COMMERCE, DE LA DISTRIBUTION ET DES SERVICES
FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES CGT-FO
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 avril 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Pontoise
N° Section :
N° RG : 21/00243
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Raphaël BORDIER
Me Fanny COUTURIER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. SOCIETE TOURISTIQUE ET THERMALE D'ENGHIEN LES BAIN S (STTE)
N° SIRET : 831 842 828
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentant : Me Raphaël BORDIER de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
S.A.S. SOCIETE IMMOBILIERE ET D'EXPLOITATION DE L'HOTEL D U LAC (SIEHL)
N° SIRET : 775 742 919
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentant : Me Raphaël BORDIER de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
S.A.S. PAVLAC
N° SIRET : 790 129 050
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentant : Me Raphaël BORDIER de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
APPELANTES
****************
Fédération CGT DES PERSONNELS DU COMMERCE, DE LA DISTRIBUTION ET DES SERVICES
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentants : Me Fanny COUTURIER, Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 191 et Me Damien CONDEMINE, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1364
FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES CGT-FO
[Adresse 3]
[Localité 5]
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Décembre 2022, Madame Catherine BOLTEAU SERRE, présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN
Vu le jugement rendu le 13 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Pontoise,
Vu la déclaration d'appel des sociétés STTE, SIEHL et Pavlac du 23 avril 2021,
Vu les conclusions des sociétés STTE, SIEHL et Pavlac du 22 juillet 2021,
Vu les conclusions de la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services du 25 août 2021,
Vu l'ordonnance de clôture du 16 novembre 2022.
EXPOSE DU LITIGE
La société touristique et thermale d'[Localité 8] (STTE) dont le siège social se situe [Adresse 1]), est spécialisée dans l'organisation de jeux de hasard et d'argent. Elle emploie plus de dix salariés.
La société immobilière et d'exploitation de l'hôtel du lac (SIEHL) dont le siège social se situe [Adresse 2]), est spécialisée dans l'hôtellerie. Elle emploie plus de dix salariés.
La société Pavlac dont le siège social se situe [Adresse 4]), est spécialisée dans la restauration traditionnelle. Elle emploie plus de dix salariés.
Ces trois sociétés appartiennent au groupe Lucien Barrière et composent l'unité économique et sociale (UES) du resort Barrière d'[Localité 8] reconnue par l'accord collectif du 30 octobre 2018.
Ces trois sociétés et les organisations syndicales ont conclu le 31 mars 2019 un accord collectif de rémunération prévoyant notamment pour le personnel de ces sociétés, à l'exception des personnels de jeux rémunérés au pourboire, une prime de fin d'année dite 13ème mois.
A la suite du premier confinement résultant de l'épidémie de la Covid-19, une charte de reprise a été établie le 29 mai 2020 entre les partenaires sociaux et la direction du groupe Barrière pour faciliter la reprise des activités et organiser celle-ci sur la base du volontariat en cas de reprise partielle d'activité. La charte prévoyait que quelle que soit la décision du salarié sur une reprise ou non du travail, celle-ci n'aurait aucun impact sur le 13ème mois, l'intéressement et la participation.
Lors du second confinement à compter du 30 octobre 2020, le directeur des ressources humaines groupe, dans une note d'information du 4 décembre 2020, a indiqué :
'Une proratisation du 13ème mois sera effectuée sur les périodes d'activité partielle des collaborateurs sur les mois de novembre et décembre. Il n'y aura aucun rappel sur la première moitié du 13ème mois qui a été versée en juin 2020.'.
Par message du même jour, la directrice des ressources humaines de l'UES du resort d'[Localité 8] a informé les membres du comité social et économique (CSE) de cette décision dans les termes suivants :
'la décision a été prise de tenir compte des absences pour cause d'activité partielle depuis le 30 octobre 2020 sur le calcul de la prime.'.
Estimant que les sociétés composant l'UES du resort Barrière d'[Localité 8] violaient les dispositions de l'accord collectif du 31 mars 2019, la fédération CGT des personnels de commerce, de la distribution et des services a sollicité, par requête du 8 janvier 2021, l'autorisation de les assigner à jour fixe.
Par ordonnance du 12 janvier 2021, le président du tribunal judiciaire de Pontoise a autorisé la fédération CGT des personnels de commerce, de la distribution et des services à faire assigner les sociétés constituant l'UES du resort Barrière d'[Localité 8] pour l'audience du 2 mars 2021.
Par actes du 15 janvier 2021, la fédération CGT des personnels de commerce, de la distribution et des services a fait citer les sociétés STTE, SIEHL et Pavlac devant le tribunal judiciaire de Pontoise aux fins de les voir condamner au versement de dommages et intérêts en violation de l'accord collectif du 31 mars 2019.
La fédération des employés et cadres CGT Force ouvrière est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement rendu le 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a :
- constaté que l'accord d'entreprise du 31 mars 2019 et la charte de reprise du 29 mai 2020 imposent aux sociétés constituant l'UES resort d'[Localité 8] de ne pas tenir compte des périodes d'activités partielles dans la détermination de la prime de fin d'année (13ème mois),
- constaté que les sociétés constituant l'UES resort d'[Localité 8] n'ont pas respecté' les termes de l'article 5 de l'accord du 31 mars 2019 et la charte de reprise du 20 mai 2020,
- dit que le non-respect de l'accord d'entreprise et de la charte porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession,
- débouté la fédération des employés et cadres CGT Force ouvrière de sa demande tendant à voir ordonner aux sociétés de verser aux salariés un reliquat de prime de 13ème mois,
- condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser chacune à la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,
- condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser chacune à la fédération des employés et cadres CGT Force ouvrière la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,
- condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser à la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser à la fédération des employés et cadres CGT Force ouvrière la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL aux entiers dépens,
- rappelé que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.
Les sociétés STTE, SIEHL et Pavlac ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 avril 2021.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 22 juillet 2021, la société touristique et thermale d'[Localité 8] (STTE), la société immobilière et d'exploitation de l'hôtel du lac (SIEHL) et la société Pavlac demandent à la cour de :
- infirmer partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 13 avril 2021 en ce qu'il a :
. constaté que l'accord d'entreprise du 31 mars 2019 et la charte de reprise du 29 mai 2020 imposent aux sociétés constituant l'UES resort d'[Localité 8] de ne pas tenir compte des périodes d'activités partielles dans la détermination de la prime de fin d'année (13ème mois),
. constaté que les sociétés constituant l'UES resort d'[Localité 8] n'ont pas respecté les termes de l'article 5 de l'accord du 31 mars 2019 et la charte de reprise du 20 mai 2020,
. dit que le non-respect de l'accord d'entreprise et de la charte porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession,
. condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser chacune à la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,
. condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser chacune à la fédération des employés et cadres CGT Force ouvrière la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,
. condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser à la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser à la fédération des employés et cadres CGT Force ouvrière la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL aux entiers dépens.
Y ajoutant :
- dire et juger que la charte de reprise du 29 mai 2020 a pris fin le 30 octobre 2020 et ne trouvait dès lors pas à s'appliquer aux périodes d'activité partielle de novembre et décembre 2020,
- dire et juger que les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL n'ont pas violé l'article 5 de l'accord collectif de rémunération du 31 mars 2019 en proratisant la prime de fin d'année à due concurrence des périodes d'activité partielle des mois de novembre et décembre 2020,
- débouter la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et la fédération des employés et cadres CGT Force ouvrière de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions en ce qu'elles sont infondées,
- condamner la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et la fédération des employés et cadres CGT Force ouvrière à verser chacune à la Société Touristique et Thermale d'[Localité 8], à la Société Immobilière et d'exploitation de l'Hôtel du Lac et à la société Pavlac la somme de 2 000 euros chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et la fédération des employés et cadres CGT Force ouvrière aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions du 25 août 2021, la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 13 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Pontoise en ce qu'il a :
. constaté que l'accord d'entreprise du 31 mars 2019 et la charte de reprise du 29 mai 2020 imposent aux sociétés constituant l'UES resort d'[Localité 8] de ne pas tenir compte des périodes d'activités partielles dans la détermination de la prime de fin d'année (13ème mois),
. constaté que les sociétés constituant l'UES resort d'[Localité 8] n'ont pas respecté les termes de l'article 5 de l'accord du 31 mars 2019 et la charte de reprise du 20 mai 2020,
. dit que le non-respect de l'accord d'entreprise et de la charte porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession,
. condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser chacune à la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,
. condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser à la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL aux entiers dépens.
Y ajoutant :
- condamner in solidum les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL à verser à la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner les sociétés Pavlac, la STTE et la SIEHL aux entiers dépens.
Par acte du 25 juin 2021 délivré à personne habilitée, les appelantes ont procédé à la signification de la déclaration d'appel à la fédération des employés et cadres CGT-FO. Leurs conclusions lui ont été signifiées le 23 juillet 2021.
La fédération des employés et cadres CGT-FO n'a pas constitué avocat.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les sociétés appelantes font valoir que la charte de reprise du 29 mai 2020 n'avait pas vocation à s'appliquer lors du second confinement où l'ensemble des salariés s'est retrouvé placé en activité partielle ; que l'existence de la charte de reprise était conditionnée à celle d'une reprise d'activité organisée dans le cadre d'un dispositif de volontariat ; qu'en l'absence de poursuite des activités postérieurement au 30 octobre 2020, la charte n'avait plus d'objet ; que le fait que la charte ait été signée avec les organisations syndicales représentatives ne lui confère pas la nature d'un accord collectif et qu'il ne peut en être déduit que la charte aurait été réputée conclue pour une durée déterminée de 5 ans ; que si les parties signataires de la charte ont pris soin de préciser que la décision des collaborateurs de reprendre ou non une activité n'aurait pas d'impact sur leur 13ème mois, c'est que le placement en activité partielle impacte en principe le calcul de la prime ; que les stipulations de l'accord collectif du 31 mars 2019 ont été respectées ; que la liste des absences prises en compte pour la réduction de la prime de 13ème n'est pas exhaustive de sorte que conformément à l'article 1188 du code civil, il fallait rechercher la commune intention des parties ; que l'activité partielle ne fait pas partie des absences assimilées par la loi à du temps de travail effectif.
L'intimée soutient au contraire que les sociétés appelantes ont violé l'accord d'entreprise du 31 mars 2019 qui est clair et non équivoque et prévoit de manière exhaustive et exclusive les causes de suspension du contrat de travail réduisant au prorata des absences la prime de 13ème mois ; que l'activité partielle ou le chômage partiel ne sont pas visés ; que l'accord n'a pas été dénoncé ou remis en cause ; que la volonté des parties était bien d'établir une liste limitative, les autres sociétés du groupe ayant adopté une rédaction différente en ne fixant pas de liste limitative. Elle fait valoir également que les sociétés appelantes ont violé la charte de 2020 ; que cette charte vaut accord collectif au niveau du groupe ; qu'à défaut de précision sur la durée, elle a été conclue pour une durée indéterminée conformément aux dispositions de l'article L. 2222-4 alinéa 2 du code du travail ; que selon le préambule de la charte, les partenaires sociaux ont souhaité que celle-ci s'applique au minimum tant que la reprise totale de l'activité ne pouvait être envisagée.
1- sur la charte du 29 mai 2020
L'article L. 1222-4 du code du travail dispose que 'la convention ou l'accord est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée.
A défaut de stipulation de la convention ou de l'accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans.
Lorsque la convention ou l'accord arrive à expiration, la convention ou l'accord cesse de produire ses effets.'
Aux termes des articles L. 2222-5 et L. 2222-6 dudit code 'la convention ou l'accord prévoit les formes selon lesquelles et le délai au terme duquel il pourra être renouvelé ou révisé' et 'la convention ou l'accord prévoit les conditions dans lesquelles il peut être dénoncé, et notamment la durée du préavis qui doit précéder la dénonciation.'
La charte de reprise est bien un accord collectif négocié entre le groupe Barrière et les syndicats représentatifs au sens de l'article L. 2222-4 précité. Elle n'a pas fait l'objet d'une révision ou d'une dénonciation.
En l'espèce, la charte de reprise ne prévoit pas de durée de sorte qu'elle est présumée être conclue pour cinq ans.
Les appelantes affirment que la durée de cinq ans ne s'applique pas et qu'en l'absence de disposition légale imposant une stipulation expresse, celle-ci peut résulter des termes de l'accord, de son objet ou de la commune intention des parties.
Aux termes de l'article 1188 du code civil, 'le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes.
Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.'
La recherche de la commune intention des parties relève du pouvoir souverain du juge du fond.
En l'espèce, suite au confinement lié à la pandémie de Covid-19, imposé en France entre le 17 mars et le 10 mai 2020, la charte de reprise du 29 mai 2020 a été conclue dans le cadre de la sortie de ce confinement entre les partenaires sociaux par le groupe Lucien Barrière auquel appartiennent les trois sociétés appelantes composant l'union économique et sociale (UES) du resort Barrière d'[Localité 8].
Il est notamment mentionné au préambule de la charte que 'les partenaires sociaux et la direction du groupe Barrière ont décidé de la rédaction de la présente charte pour faciliter la reprise de nos activités tant de manière opérationnelle que pour l'ensemble des salariés ; le groupe Barrière n'ayant pas souhaité négocier un accord sur l'activité partielle individualisée.
Dans tous les cas, le travail doit être réparti équitablement entre chaque collaborateur. La reprise du travail ne devra notamment pas se faire au détriment du statut ou de la rémunération.
La présente charte donne des éléments d'organisation nécessitant l'adhésion des équipes.
Ces éléments doivent être mis en avant uniquement si la reprise totale ne peut pas être envisagée.'
La charte de reprise prévoyait ainsi une reprise d'activité partielle fondée sur le volontariat des salariés.
Il était notamment précisé que 'quelles que soient les décisions prises par les collaborateurs sur une reprise du travail, celle-ci n'aura aucune incidence sur l'évolution professionnelle de ces derniers. Ils n'auront pas non plus d'impact sur le 13e mois, intéressement et participation.'.
La charte de reprise a été instaurée à la sortie du premier confinement face à une situation exceptionnelle celle de la pandémie du Covid. Elle était censée régler la reprise d'activité partielle fondée sur le volontariat des salariés du groupe Barrière et ce, jusqu'à une reprise totale d'activité laquelle n'est pas intervenue immédiatement du fait du deuxième confinement imposé à compter du 30 octobre 2020.
Conformément au préambule de la charte de reprise disposant que 'ces éléments [par conséquent l'activité partielle selon le volontariat mais également le maintien du 13ème mois pour tous les salariés volontaires ou pas pour une activité partielle] doivent être mis en avant uniquement si la reprise totale ne peut pas être envisagée', à compter du 30 octobre 2020,
Or, la reprise totale d'activité n'a pu être envisagée à l'époque du fait du deuxième confinement.
Les sociétés appelantes ne contestent pas que la charte de reprise n'a fait l'objet ni d'une révision ni d'une dénonciation.
En conséquence, en l'absence de reprise totale d'activité à compter du 30 octobre 2020, la charte non révisée non dénoncée a continué à produire ses effets, notamment s'agissant du paiement du 13ème mois aux salariés sans réduction de la prime du fait de l'absence d'activité en novembre et décembre 2020.
Les sociétés appelantes ont donc bien méconnu l'application de la charte de reprise.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2- sur l'accord collectif de rémunération du 31 mars 2019
Cet accord (pièce n° 4 appelantes) a été conclu par les trois sociétés appelantes avec les organismes sociaux, suite à un transfert d'activité entre l'ancien délégataire de service public, la SEETE et le nouveau délégataire la société STTE, dont les circonstances sont rappelées dans le préambule de l'accord, rendant nécessaire la conclusion d'un seul accord se substituant à l'ensemble des accords, engagements unilatéraux et usages antérieurement en vigueur au sein des sociétés de l'UES ayant le même objet.
L'article 5 'prime de fin d'année (13ème mois)' de l'accord s'appliquant au personnel des trois sociétés à l'exception des personnels de jeux rémunérés au pourboire, stipule :
'5. 2 : modalités de calcul
[']
En cas de suspension du contrat de travail, la prime est réduite au prorata des périodes d'absences suivantes :
- maladies non professionnelles
- absence sans solde
- absence injustifiée
- mise à pied
- absence autorisée non rémunérée
- congé parental d'éducation
- congé sabbatique
- congé pour création d'entreprise
- mi-temps thérapeutique.'
Il n'appartient pas au juge du fond d'interpréter une clause claire et non équivoque.
En l'espèce, l'accord prévoit de façon précise les causes de suspension du contrat de travail réduisant au prorata des absences la prime de 13e mois. Il ne vise pas, parmi ces causes, les périodes d'activité partielle.
De même, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer comme le font les sociétés appelantes que la commune intention des parties a été d'inscrire, dans l'accord, le principe selon lequel la prime de fin d'année a été calculée au prorata de l'ensemble des périodes assimilées par la loi à du temps de travail effectif et de ne neutraliser que les seules absences assimilées par la loi à du temps de travail effectif (congés payés, RTT, formation, temps consacré au mandat de représentant du personnel, accident du travail/maladie professionnelle, maternité/paternité/adoption).
En effet, l'accord n'indique pas que la prime est réduite au prorata des périodes d'absences suivantes 'notamment', de sorte que la liste est bien exhaustive et exclusive.
L'intimée justifie (pièce n° 8) qu'une autre société du groupe Barrière, la société des hôtels et du casino de Deauville (SHCD) a adopté une formulation différente lors de la signature avec les syndicats représentatifs de l'accord d'entreprise du 3 avril 2012 qui prévoyait en son article 3 relatif au 13e mois que : 'les critères de présence effective sont ceux définis pour la participation. Ne sont notamment pas considérés comme temps de présence pour le calcul du 13e mois progressif les jours d'absence pour maladie, congé individuel de formation. Les congés maternité et paternité sont considérées comme de la présence effective.'
De même, les sociétés appelantes ne peuvent faire valoir que si les partenaires sociaux ont pris soin de préciser dans la charte de reprise que la décision prise par les collaborateurs de reprendre ou non leur activité lors de la reprise après le premier confinement n'aurait pas d'impact sur le 13e mois, c'est bien que le placement en activité partielle impactait en principe le calcul du 13e mois et qu'à défaut cette mention dans la charte aurait été inutile.
En effet, la charte de reprise du 29 mai 2020 a été conclue au niveau du groupe et non des trois sociétés appelantes alors que l'accord de rémunération du 31 mai 2019 résulte des négociations entre ces trois sociétés et les syndicats représentatifs.
En conséquence, il n'existe aucune contradiction entre les deux textes.
L'accord de rémunération du 31 mars 2019 s'appliquant, les sociétés appelantes ont donc bien méconnu ledit accord en considérant que novembre et décembre 2020 étaient des absences réduisant le paiement du 13e mois.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
3-sur la demande de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de l'atteinte à l'intérêt collectif
Les sociétés appelantes font valoir que l'intimée ne démontre pas l'existence et encore moins l'ampleur du préjudice objet de sa demande de dommages-intérêts.
L'intimée soutient que la violation des dispositions collectives par l'employeur entraîne nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession.
En l'espèce, la non-application par l'employeur d'un accord collectif dont le syndicat a été signataire porte un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession qu'il défend et justifie l'octroi de dommages-intérêts.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
4- sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Les sociétés appelantes seront condamnées in solidum à payer à la fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Elles seront déboutées de leur demande à ce titre et condamnées aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise en date du 13 avril 2021,
Y ajoutant
Condamne in solidum la société touristique et thermale d'[Localité 8] (STTE), la société immobilière et d'exploitation de l'hôtel du lac (SIEHL) et la société Pavlac à payer à la fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
Déboute la société touristique et thermale d'[Localité 8] (STTE), la société immobilière et d'exploitation de l'hôtel du lac (SIEHL) et la société Pavlac de leur demande à ce titre,
Condamne la société touristique et thermale d'[Localité 8] (STTE), la société immobilière et d'exploitation de l'hôtel du lac (SIEHL) et la société Pavlac aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin greffier en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier en pré-affectation, Le président,