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15/02/2023 | FRANCE | N°21/02937

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 15 février 2023, 21/02937


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 FEVRIER 2023



N° RG 21/02937



N° Portalis DBV3-V-B7F-UYTV



AFFAIRE :



[D] [L]



C/



S.A.S.U. YSEBAERT





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F20/0009

7



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Franck LAFON



Me Pascal FORZINETTI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versail...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 FEVRIER 2023

N° RG 21/02937

N° Portalis DBV3-V-B7F-UYTV

AFFAIRE :

[D] [L]

C/

S.A.S.U. YSEBAERT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F20/00097

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Franck LAFON

Me Pascal FORZINETTI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [D] [L]

née le 10 Mai 1971 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Franck LAFON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Christine FAUCONNET de la SELARL CONTE-JANSEN & FAUCONNET AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 543

APPELANTE

****************

S.A.S.U. YSEBAERT

N° SIRET : 834 249 088

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Pascal FORZINETTI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 3

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [L] a été engagée par la société YDI suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 octobre 2002 en qualité de responsable qualité, classé ingénieur, niveau IV, avec le statut de cadre.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

La société AMS France est venue aux droits de la société YDI, le contrat de travail de Mme [L] a alors été transféré à cette société.

Puis le contrat de travail de la salariée a été transféré en application de l'article L. 1224-1 du code du travail à la société Ysebaert à compter du 20 décembre 2017.

Par lettre du 17 janvier 2019, la société Ysebaert a adressé à Mme [L] une proposition de modification de son contrat de travail. 

Par lettre du 15 février 2019, la salariée a refusé cette proposition. 

Par lettre du 18 avril 2019, la société Ysebaert a adressé à Mme [L] des propositions de reclassement.

Le 2 mai 2019, la salariée a refusé ces propositions. 

Par lettre du 15 mai 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 29 mai 2019.

Par lettre du 20 juin 2019, l'employeur a licencié la salariée pour motif économique.

Le 24 février 2020, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin d'obtenir la condamnation de la société Ysebaert à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement infondé, le paiement d'heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos.

Par jugement en date du 21 juillet 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes, débouté la société Ysebaert de sa demande reconventionnelle et mis les dépens à la charge respective des parties.

Le 7 octobre 2021, Mme [L] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 9 janvier 2023, Mme [L] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé fondé son licenciement pour motif économique, l'a déboutée de sa demande relative à un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Ysebaert de son appel incident,

- statuant à nouveau : condamner la société Ysebaert à lui payer à titre de rappels de salaire les sommes suivantes: 

* 675,92 euros outre 67,59 euros de congés payés afférents au titre de l'année 2019,

* 4 669,69 euros outre 466,97 euros de congés payés afférents au titre de l'année 2018,

* 7 843,83 euros outre 784,38 euros au titre des congés payés afférents (sauf à parfaire) au titre de l'année 2017,

* 400,54 euros à titre de contrepartie obligatoire en repos,

- condamner la société Ysebaert à lui payer les sommes de :

* 54 675 euros nets (plafond du barème) à titre de dommages et intérêts pour licenciement infondé,
* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 2 500 euros pour la procédure d'appel,
- rejeter la demande présentée par la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Ysebaert aux entiers dépens pouvant être recouvrés directement. 

 

Par conclusions signifiées par voie électronique le 4 janvier 2023, la société Ysebaert demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,

- et y ajoutant : condamner Mme [L] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance prud'homale, outre la somme de 3 000 euros au titre du même article en cause d'appel,

- condamner Mme [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- à titre subsidiaire, faire application du barème résultant de l'article L. 1235-3 du code du travail. 

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 10 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

« À la suite de notre entretien qui s'est tenu le 29 mai 2019, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs économiques suivants dans les conditions posées à l'article L. 1233-3 du Code du Travail et pour les motifs suivants : 

Le Groupe GALILE s'était porté acquéreur de l'activité confinement de la société AMS FRANCE connue sous le nom commercial d'Ysebaert. Cette reprise a été rendue effective le 20 décembre 2017 par la création de la société Ysebaert. Les contrats de travail attachés à cette activité dont le vôtre ont été transférés de plein droit à cette date et se sont poursuivis au sein de cette nouvelle entité. 

Au sein d'AMS, vous occupiez les fonctions de Responsable Qualité et dépendiez hiérarchiquement du Directeur d'Exploitation de la dite société. 

Ainsi que cela vous a été expliqué, il s'avère que la taille, la structure, l'organisation de même que l'évolution de la société Ysebaert depuis sa création ne justifient plus l'existence d'un poste de Responsable Qualité à ce niveau tel qu'il était jusque-là défini et configuré au risque de compromettre la compétitivité de notre entreprise. 

En effet, l'essentiel de notre activité est fondé sur le service au client sur site et n'appelle l'intervention de compétence qualité que dans la proportion de 10 % des dossiers traités. Par conséquent, conserver plus longtemps votre contrat de travail dans son état et son contenu actuel ne se justifie plus et il nous est indispensable de pouvoir le faire évoluer. 

Ce sont là les raisons qui nous ont conduits en application de l'article L. 1222-6 du Code du Travail à envisager une modification de votre contrat de travail ainsi qu'il suit : par courrier LRAR du 17 janvier 2019 nous vous avons proposé une réduction de l'exercice de votre fonction qualité ; tout en vous confiant d'autres missions en lieu et place qui puissent correspondre à l'ensemble des qualifications et compétences que vous détenez. 

Nous vous avons donc proposé à cette occasion un poste de chargé d'intervention et d'administration dont la nature et le contenu étaient intégralement décrits dans le courrier précité du 17 janvier 2019. Par courrier du 15 février 2019 reçu le 19, vous avez expressément refusé cette proposition de modification de votre contrat de travail, ce qui était votre droit le plus strict et n'avez émis aucun autre avis à la date d'échéance de votre délai de réflexion. 

Conformément à l'article L. 1233-4 du Code du Travail, nous avons alors immédiatement entrepris des recherches de reclassement dans notre entreprise ainsi que dans toutes les entreprises du Groupe GALILE situées sur le territoire français. 

Malheureusement, nous n'avons pu identifier un autre emploi susceptible de vous être proposé à ce titre. 

Lors de notre entretien du 29 mai dernier, nous vous avons proposé le bénéfice du CSP. N'ayant pas reçu dans un délai de 21 jours votre décision d'adhérer ou non au CSP, vous êtes considérée comme ayant refusé le bénéfice de ce dispositif. (...) ». 

La salariée conteste le motif économique du licenciement, faisant valoir qu'elle a été conservée initialement par la société Ysebaert afin de lui permettre d'obtenir le certificat CEFRI, grâce à la continuité de l'activité confinement et à la continuité du personnel, puis de passer un audit afin de conserver le certificat. Elle ajoute qu'elle est passée d'une entreprise de plusieurs dizaines de salariés à une entreprise de quatre salariés, appartenant à un groupe organisé et doté de fonctions supports, que son poste s'est retrouvé en doublon. Elle relève que l'entreprise ne produit pas de bilan et connaît une croissance depuis 2018, ne démontrant pas la menace sur sa compétitivité telle qu'invoquée.

L'employeur fait valoir qu'après cession de l'activité confinement à la société Ysebaert, l'activité de la salariée s'est trouvée réduite, le poste étant surdimensionné par rapport aux besoins de l'entreprise Ysebaert, le groupe Galile étant déjà doté d'un service qualité. L'employeur précise que la modification du contrat de travail proposée constituait une conséquence nécessaire du transfert de l'activité confinement. Il soutient que la réorganisation consistait à supprimer le poste de responsable assurance qualité, ayant pour objectif de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et de son service assurance qualité groupe.

Aux termes de l'article L. 1222-6 du code du travail, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.

La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus.

A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

En application des dispositions de l'article L. 1233-3 3° du code du travail, dans sa version applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

Ainsi, deux conditions doivent être remplies pour que l'entreprise puisse se prévaloir du motif lié à la sauvegarde de la compétitivité, il faut à la fois que la compétitivité de l'entreprise soit menacée et que la réorganisation mise en oeuvre soit nécessaire pour y faire face.

Il appartient à l'employeur de démontrer la menace sur sa compétitivité.

Il appartient au juge, parce qu'il est tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique, de vérifier l'adéquation entre la situation économique et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail.

En l'espèce, la salariée qui exerçait les fonctions de responsable qualité était rattachée à la branche confinement ainsi qu'à la branche instrumentation au sein d'AMS France qui comptait plusieurs dizaines de salariés, elle était également personne compétente en radioprotection. Lors de la cession de l'activité confinement, son contrat de travail a été transféré à la société Ysebaert qui comptait quatre salariés.

Au vu de l'organigramme et du curriculum vitae versés aux débats par l'employeur, le groupe Galile comprend une responsable qualité groupe depuis 2017, Mme [I], rattachée au directeur général, oeuvrant pour l'ensemble du groupe Galile comprenant donc la société Ysebaert.

Il ne peut être tenu rigueur à l'employeur d'avoir tardé plus d'une année avant de mettre en oeuvre la procédure pour licenciement économique comme allégué par la salariée, l'employeur ayant le pouvoir de mettre en place une nouvelle organisation après le rachat d'une activité, et la salariée ne démontrant pas que la certification et son renouvellement n'auraient pu être obtenus sans sa présence, alors qu'une responsable qualité groupe est en fonction, le transfert de son contrat de travail ayant été expressément prévu à l'acte de cession de l'activité à la société Galile.

La nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécie au niveau du secteur d'activité confinement commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe Galile auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

L'entreprise Ysebaert fait état dans la lettre de licenciement de ce que 'la taille, la structure, l'organisation de même que l'évolution de la société Ysebaert depuis sa création, ne justifient plus l'existence d'un poste de responsable qualité à ce niveau, tel qu'il était jusque-là défini et configuré, au risque de compromettre la compétitivité de notre entreprise'.

Elle ajoute que le service qualité n'intervient que pour 10% des dossiers clients traités et qu'il n'est donc plus justifié de conserver le poste dans son contenu actuel.

Cependant, l'employeur qui se contente de faire état d'un poste de responsable qualité en doublon pour le groupe et d'un poste surdimensionné pour la seule entreprise Ysebaert, ne démontre pas de menace pour la compétitivité, porteuse de difficultés économiques à venir au niveau du secteur d'activité au sein du groupe Galile si la suppression du poste n'est pas décidée en temps utile.

Or, la sauvegarde de la compétitivité étant seule en mesure de légitimer une réorganisation pouvant entraîner un licenciement économique, le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la salariée qui compte une ancienneté de plus de seize ans et qui est âgée de 48 ans lors de la rupture du contrat de travail a droit à des dommages et intérêts compris entre trois et treize mois et demi de salaire brut.

La salariée justifie d'une reconversion professionnelle, d'un contrat d'appui au projet d'entreprise renouvelé, puis de la perception d'allocations pôle emploi avant de démarrer une activité de consultant après avoir créé sa propre société ne lui permettant actuellement pas de se verser une rémunération.

Il lui sera donc alloué une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires et la contrepartie au repos

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, la salariée avait une durée contractuelle de travail de 35 heures hebdomadaires qu'elle devait respecter en tant que cadre disposant d'une certaine autonomie dans l'organisation de son travail.

Son contrat de travail contient une clause de rémunération forfaitaire, mais ne précise pas de limite au forfait invoqué, elle n'est donc pas opposable à la salariée.

La salariée verse aux débats la copie de ses agendas pour les années 2018 et 2019 faisant apparaître jour par jour son heure de prise de poste vers 8h15, son heure de fin de poste variant entre 17h et 18h30 en général, ses jours de congés payés et RTT, outre un décompte par semaine du nombre d'heures supplémentaires qu'elle considère avoir accomplies, de leur paiement à un taux horaire majoré de 25% et de 50% et du total annuel : s'élevant à 5 heures supplémentaires par semaine en 2017, soit 7 843,83 euros pour l'année 2017, 4 669,69 euros pour l'année 2018, 675,92 euros pour l'année 2019. Elle reproche à l'employeur d'avoir refusé de verser les éléments issus du système de pointage et confirme s'être conformée au système de pointage dans l'entreprise selon la pratique en vigueur. Il y a lieu de considérer que la salariée présente des éléments suffisamment précis de sorte que l'employeur est en mesure d'y répondre.

L'employeur fait état que la salariée n'avait pas d'obligation de pointage mais il ne conteste pas que la salariée a suivi le système de pointage en vigueur. La cour constate donc l'absence de ces relevés aux débats.

L'employeur relève que la salariée était rémunérée à un niveau supérieur au minimum conventionnel ce qui est inopérant sur la réalité des heures de travail effectuées. Il indique que la salariée bénéficiait d'une autonomie pour accomplir les missions qui lui étaient confiées, qu'elle n'a jamais demandé à son employeur l'autorisation d'accomplir des heures supplémentaires. Il conteste le décompte produit, la salariée se constituant des preuves à elle-même, ayant récupéré les heures sur certains jours et ayant bénéficié de RTT. Or le fait que la salariée bénéficie de congés payés et de RTT, est inopérant sur l'accomplissement des heures de travail. En outre, la salariée avait le droit de travailler moins certains jours afin de compenser des heures supplémentaires d'autres jours, dans la limite de l'accomplissement du minimum des trente-cinq heures hebdomadaires de son contrat de travail au vu de son statut de cadre et de sa liberté d'organisation.

L'employeur verse aux débats des comptes-rendus d'entretien pour les années 2014 à 2016 limités à une page, antérieurs aux périodes considérées et qui ne sont pas signés par la salariée qui indique ne pas en avoir eu connaissance. Ils ne peuvent donc être retenus comme des éléments probants et connus de la salariée.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que la salariée a accompli des heures supplémentaires non rémunérées conformément à l'exécution des missions qui lui étaient demandées qu'elle évalue à :

5 843,83 euros pour l'année 2017, outre 584,38 euros au titre des congés payés afférents,

3 700 euros pour l'année 2018, outre 370 euros au titre des congés payés afférents,

540 euros pour l'année 2019, outre 54 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

La salariée ne démontre pas qu'elle a accompli en 2017 des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Ysebaert aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Ysebaert succombant à la présente instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Maître Franck Lafon, pourra recouvrer les dépens pour ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. La société Ysebaert devra également régler à Mme [L] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement économique de Mme [D] [L] est dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Ysebaert à payer à Mme [D] [L] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne le remboursement par la société Ysebaert à l'organisme Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées à Mme [D] [L] dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Ysebaert à payer à Mme [D] [L] les sommes suivantes à titre d'heures supplémentaires :

5 843,83 euros pour l'année 2017, outre 584,38 euros au titre des congés payés afférents,

' 3 700 euros pour l'année 2018, outre 370 euros au titre des congés payés afférents,

' 540 euros pour l'année 2019, outre 54 euros au titre des congés payés afférents,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes,

Condamne la société Ysebaert aux dépens de première instance et d'appel et dit que Maître Franck Lafon pourra les recouvrer directement pour ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

Condamne la société Ysebaert à payer à Mme [D] [L] un montant de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02937
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;21.02937 ?
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