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15/02/2023 | FRANCE | N°21/01162

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 15 février 2023, 21/01162


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 FEVRIER 2023



N° RG 21/01162



N° Portalis DBV3-V-B7F-UOK5



AFFAIRE :



SARL IPSILON



C/



[I] [U] [B] épouse [D]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre : 0

N° Section : E
>N° RG : 19/00394



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la ASSOCIATION AVOCALYS



la SELARL THIVILLIER AVOCAT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TRO...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 FEVRIER 2023

N° RG 21/01162

N° Portalis DBV3-V-B7F-UOK5

AFFAIRE :

SARL IPSILON

C/

[I] [U] [B] épouse [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre : 0

N° Section : E

N° RG : 19/00394

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la ASSOCIATION AVOCALYS

la SELARL THIVILLIER AVOCAT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL IPSILON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620

Représentant : Me Pierre-jacques CASTANET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0349

APPELANTE

****************

Madame [I] [U] [B] épouse [D]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me David WEISS de la SELARL THIVILLIER AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G119 substitué par Me Eynard, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

Mme [I] [U] [B] épouse [D] (ci-après Mme [D]) a été embauchée à compter du 9 mars 2015 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de 'gestionnaire administrative marques et modèles' (statut d'employé) par la société IPSILON, ayant une activité de conseil en propriété industrielle et employant habituellement au moins onze salariés.

À compter du 14 décembre 2015, Mme [D] a été promue dans le poste de 'responsable administrative marques et modèles, adjointe de [V] [H]' (statut de cadre).

Mme [D] a été placée en arrêt de travail pour maladie dans le courant des mois de septembre et octobre 2017.

À compter du 7 décembre 2017, Mme [D] a été à nouveau placée en arrêt de travail pour maladie, lequel a été renouvelé sans discontinuité par la suite.

Par lettre du 23 octobre 2018, la société IPSILON a convoqué Mme [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 14 novembre 2018, la société IPSILON a notifié à Mme [D] son licenciement pour absence continue depuis le 7 décembre 2017 entraînant une désorganisation et une perturbation au sein de l'entreprise et la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif.

En dernier lieu, la rémunération moyenne mensuelle de Mme [D] s'élevait à 4 500 euros brut.

Le 3 avril 2019, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société IPSILON à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour violation de l'obligation de prévention des risques professionnels.

Par un jugement du 25 mars 2021, le conseil de prud'hommes (section encadrement) a :

- dit que le licenciement de Mme [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société IPSILON à payer à Mme [D] les sommes suivantes :

* 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'un manquement à l'obligation de prévention des risques professionnels ;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné le remboursement des indemnités versées par Pôle emploi à Mme [D] dans la limite de trois mois ;

- débouté la société IPSILON de ses demandes reconventionnelles ;

- laissé les dépens de l'instance à la charge de chacune des parties.

Le 16 avril 2021, la société IPSILON a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 3 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société IPSILON demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- dire le licenciement de Mme [D] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [D] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 04 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [D] demande à la cour de confirmer le jugement attaqué sauf sur le montant des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'obligation de prévention des risques professionnels et, statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant, de condamner la société IPSILON à lui payer les sommes suivantes :

* 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'obligation de prévention des risques professionnels ;

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 6 décembre 2022.

SUR CE :

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que Mme [D] soutient que son licenciement pour absence prolongée est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que :

- cette absence résulte d'une surcharge de travail et d'un manquement de l'employeur à son obligation de prévention des risques ;

- elle n'a pas été remplacée à son poste de responsable administrative marques et modèles ;

Qu'elle réclame en conséquence l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalente à quatre mois de salaire brut ;

Considérant que la société IPSILON soutient que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse aux motifs que :

- aucun manquement à l'obligation de sécurité à l'égard de Mme [D] n'est établi, pas plus qu'un lien de causalité entre les conditions de travail et la dégradation de l'état de santé ;

- Mme [D] a été remplacée par l'embauche de Mme [N] selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 octobre 2018 dans l'emploi de 'gestionnaire administrative marques et modèles', puisque l'emploi de Mme [D] 'correspondait pour les trois quarts' à ce poste de gestionnaire ;

Considérant que si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne pouvant toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement total et définitif par l'engagement d'un autre salarié ;

Qu'en l'espèce, sur le moyen tiré de l'absence de remplacement total et définitif de la salariée licenciée, il ressort des débats et des pièces versées que, alors que Mme [D] occupait au moment du licenciement, le poste de 'responsable administrative marque et modèles, adjointe de [V] [H]', avec le statut de cadre, la société IPSILON se prévaut de l'embauche de Mme [N] dans l'emploi de 'gestionnaire administrative marques et modèles' avec le statut d'employé; que la société IPSILON fait donc état d'une embauche dans un poste distinct et inférieur à celui occupé par Mme [D], qui correspond d'ailleurs au premier poste qu'elle occupait dans l'entreprise ; que la société IPSILON reconnaît d'ailleurs que Mme [D] n'a pas été remplacée totalement dans son poste puisqu'elle soutient que les fonctions attachées au poste de 'gestionnaire administrative marques et modèles' ne recouvrait que les 'trois quarts' des fonctions occupées par Mme [D] dans son poste de 'responsable administrative marques et modèles, adjointe de [V] [H]' ;

Qu'il s'ensuit que la société IPSILON ne démontre pas qu'elle a procédé au remplacement total et définitif de Mme [D] par l'engagement d'un autre salarié ;

Que le licenciement est donc, pour ce seul motif et sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens soulevés, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Qu'en conséquence, eu égard à son ancienneté de trois années complètes et à l'effectif de la société IPSILON au moment du licenciement, Mme [D] est fondée à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant compris entre trois et quatre mois de salaire brut en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige ; qu'eu égard notamment à son âge (née en 1978) et à sa rémunération, il y a lieu de confirmer l'allocation d'une somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des risques professionnels :

Considérant que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l'article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs et que ne méconnaît cependant pas son obligation légale l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

Qu'en l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont estimé que la société IPSILON n'avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour remédier à la surcharge de travail de Mme [D] ;

Que la cour ajoute que la société IPSILON n'a apporté aucune réponse au courriel précis et circonstancié envoyé par Mme [D] le 26 septembre 2017 dans lequel elle se plaint de la persistance de cette surcharge et de conséquences sur sa santé ; que la société IPSILON ne justifie pas non plus de la tenue d'un document unique d'évaluation des risques prévus par les dispositions de l'article R. 4121-1 du code du travail ;

Que le préjudice résultant de ces manquements à l'obligation de sécurité sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société IPSILON aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [D] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'infirmer en ce qu'il statue sur les dépens ; que la société IPSILON, qui succombe majoritairement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [D] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur et les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Ordonne le remboursement par la société IPSILON, aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [I] [U] [B] épouse [D] du jour de son licenciement au jour du jugement attaqué et ce dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société IPSILON à payer à Mme [I] [U] [B] épouse [D] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Condamne la société IPSILON aux dépens de première instance et d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01162
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;21.01162 ?
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