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15/02/2023 | FRANCE | N°21/00532

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 15 février 2023, 21/00532


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 FÉVRIER 2023



N° RG 21/00532

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKSD



AFFAIRE :



Société SNGST



C/



[U] , [B], [O] [H]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire d'ARGENTEUIL

Section : AD

N° RG : F19/00198

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nathalie MULS-BRUGNON,



Me Nadine VERNHET-LANCTUIT



Copie numérique adressée à :



Pôle Emploi







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE FÉVRIER...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 FÉVRIER 2023

N° RG 21/00532

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKSD

AFFAIRE :

Société SNGST

C/

[U] , [B], [O] [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire d'ARGENTEUIL

Section : AD

N° RG : F19/00198

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nathalie MULS-BRUGNON,

Me Nadine VERNHET-LANCTUIT

Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE FÉVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société SNGST exerçant sous le nom commercial OCTOPUS SECURITE

N° SIRET : 327 917 118

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Nathalie MULS-BRUGNON, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1016

APPELANTE

****************

Monsieur [U] , [B], [O] [H]

né le 26 août 1973 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Nadine VERNHET-LANCTUIT de la SCP TORRE/VERNHET LANCTUIT, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 18

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [H] a été engagé par la société Néo Sécurité en qualité d'agent d'exploitation, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 8 janvier 1996. Son contrat de travail a été repris, avec reprise de son ancienneté, suivant avenant du 1er juillet 2014 par la société SNGST au coefficient 130, niveau 3.

Cette société, exerçant sous le nom commercial Octopus sécurité, est spécialisée dans la prévention et la sécurité. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Par lettre du 6 avril 2019, l'employeur a indiqué au salarié que sa carte professionnelle n'était plus valide.

Le 8 avril 2019, la société SNGST a notifié au salarié la suspension de son contrat de travail en raison de l'expiration, le 6 avril 2019, de sa carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).

Par lettre du 23 avril 2019, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 2 mai 2019.

Le salarié a été licencié par lettre du 29 mai 2019 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:

« Régulièrement convoqué par lettre du 23 avril 2019, vous vous êtes bien présenté à l'entretien préalable du 2 mai 2019 au bureau principal de notre Société, sise [Adresse 2]. Lors de cet entretien, vous n'avez pas désiré être assisté.

Nous vous avons présenté les faits suivants :

Après contrôle administratif, il est constaté que votre carte professionnelle n'est plus valide depuis le 6 avril 2019.

Conformément à votre contrat de travail, ce document est indispensable pour la poursuite de notre collaboration.

Le 8 avril 2019, nous vous demandions de nous présenter votre carte professionnelle valide au plus tard le 16 mai 2019.

À ce jour, nous sommes toujours en attente de votre carte professionnelle valide.

Votre SST était valide jusqu'au 11 janvier 2019.

Vous auriez dû vous occuper de votre renouvellement de votre carte professionnelle 3 mois avant la date butoir et votre SST vous aurait permis d'obtenir le renouvellement de votre carte professionnelle par le CNAPS bien avant la date d'expiration de celle-ci.

Nous vous rappelons que vous êtes tenu de vous tenir à jour de vos habilitations et la carte professionnelle en est une essentielle.

Lors de notre entretien, vous nous avez déclaré que vous n'aviez pas regardé la date de fin de validation et que vous pensiez que c'était automatique.

Nous pensons avoir été très patients.

En application des dispositions du Code de la Sécurité intérieure, toute personne qui souhaite exercer une activité de sécurité privée doit détenir une carte professionnelle délivrée par le CNAPS.

À ce jour, la présentation de votre carte professionnelle valide n'a pas été faite.

Aujourd'hui, nous ne pouvons plus vous faire travailler, nous avons été, comme vous pouvez le constater, très patients, d'autant plus que vous auriez dû faire le nécessaire bien avant la date butoir.

Nous vous rappelons que l'accès aux professions de sécurité privée entrant dans le champ d'application de la loi du 12 juillet 1983 est subordonné à l'obtention préalable par le salarié d'une carte professionnelle. Cette carte est demandée par le salarié lui-même auprès du CNAPS.

Après vérification, le CNAPS attribue un numéro qui est unique, personnel et valable 5 ans sur tout le territoire.

L'article 6 de la loi du 12 juillet 1983, modifié par l'Ordonnance du 6 mai 2010, impose l'obtention d'une carte professionnelle à l'une des activités mentionnées. Vous êtes Agent de sécurité et de ce fait, vous êtes donc obligé pour pouvoir travailler dans notre métier de présenter votre carte professionnelle valide.

Le décret 2012-870 du 10 juillet 2012, relatif au Code de déontologie des personnes physiques et morales exerçant des activités de sécurité stipule clairement que les entreprises et leurs dirigeants s'interdisent d'employer ou de commander, même pour une courte durée des personnels de sécurité ne satisfaisant pas aux conditions de qualifications professionnelles ou ne possédant pas les autorisations requises pour exercer leurs missions.

De ce fait, vous n'êtes plus en mesure d'honorer votre contrat de travail.

De plus l'article 25 du Code de déontologie stipule : « les salariés doivent être en mesure de présenter leur carte professionnelle à toute demande des clients, des mandants ou des autorités et organismes habilités. Ils justifient de leur identité auprès des autorités qui ont à en connaitre, immédiatement ou, en cas d'impossibilité, dans les plus brefs délais »

L'article 27 du Code de déontologie précise que les salariés ont l'obligation d'informer sans délai leur employeur des modifications, suspension ou retrait de leur carte professionnelle, d'une condamnation pénale devenue définitive, de la modification de leur situation au regard des dispositions législatives et réglementaires qui régissent le travail des ressortissants étrangers, ou d'une suspension ou d'un retrait de leur permis de conduire lorsqu'il est nécessaire à l'exercice de leurs missions.

Du fait que votre carte professionnelle est périmée et dans l'impossibilité de vous planifier sans celle-ci, il a donc été décidé de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Votre préavis ne peut donc être exécuté et de ce fait, ne pourra être rémunéré. Vous ne ferez plus partie de nos effectifs à compter de ce jour.

Dans le cas où votre contrat de travail comporterait une clause de non concurrence, nous vous informons que vous êtes expressément dispensé de l'exécuter et que vous devez donc la considérer levée par la présente dès votre sortie de nos effectifs.

Les documents sociaux sont à votre disposition dans nos locaux.»

Le 1er août 2019, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire. Par jugement du 26 janvier 2021, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil (section activités diverses) a :

- dit que le licenciement de M. [H] intervenu le 29 mai 2019 est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société SNGST, exerçant sous le nom commercial Octopus Sécurité, prise en son représentant légal à verser à M. [H] les sommes suivantes :

. 1 000 euros net au titre des dommages et intérêts pour remise tardive du solde de tout compte,

. 1 436 euros brut au titre de rappel de salaire du mois d'avril 2019,

. 143,60 euros brut au titre des congés payés y afférant,

. 1 703,77 euros brut au titre de rappel de salaire du mois de mai 2019,

. 170,37 euros brut au titre des congés payés y afférant,

. 168,49 euros brut au titre du solde de congés payés jusqu'au mois de mars 2019,

. 3 531,74 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 353,17 euros brut au titre des congés payés y afférant,

. 90,10 euros au titre du solde de l'indemnité légale de licenciement,

. 21 200 euros net au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société SNGST exerçant sous le nom commercial Octopus Sécurité, prise en son représentant légal de remettre à M. [H] l'attestation pour Pôle emploi conforme à la présente décision, le certificat de travail conforme à la présente décision ainsi qu'un bulletin de paie récapitulatif conforme à la décision,

- dit que les intérêts au taux légal emporteront capitalisation à compter du 31 juillet 2019,

- ordonné l'exécution provisoire sur le tout,

- fixé la moyenne des salaires à 1 765,87 euros bruts,

- débouté M. [H] pour le surplus des demandes,

- débouté la société SNGST, exerçant sous le nom commercial Octopus Sécurité, de ses demandes,

- mis les dépens à la charge de la société SNGST, exerçant sous le nom commercial Octopus Sécurité, prise en son représentant légal, y compris l'intégralité des frais d'exécution par voie d'huissier s'il y a lieu.

Par déclaration adressée au greffe le 22 février 2021, la société SNGST a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société SNGST demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- déclarer mal fondé M. [H] en son appel incident,

- infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les chefs de jugement dont appel,

statuant à nouveau,

sur la rupture du contrat de travail,

- dire le licenciement de M. [H] fondé sur une cause réelle et sérieuse et infirmer le jugement de ce chef,

- débouter M. [H] de ses demandes afférentes à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et infirmer le jugement de condamnation de ces chefs,

sur les autres demandes,

- débouter M. [H] de sa demande de condamnation à dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux et infirmer le jugement de condamnation de ce chef,

- débouter M. [H] de sa demande de rappels de salaire pour les mois d'avril, et mai 2019 ainsi que des congés payés afférents et infirmer le jugement de condamnation de ce chef,

- débouter M. [H] de sa demande en paiement d'un solde de congés payés jusqu'au mois de mars 2019 et infirmer le jugement de condamnation de ce chef,

- débouter M. [H] de sa demande présentée au titre de la capitalisation des intérêts à compter du 31 juillet 2019 et infirmer le jugement de condamnation de ce chef,

- dire n'y avoir lieu à fixer la moyenne des salaires à la somme de 1 765, 87 euros bruts et infirmer le jugement de fixation de ce chef,

- débouter M. [H] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et infirmer le jugement de condamnation de ce chef,

- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens d'appel.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [H] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel sous le n°RG F19/00198 en ce qu'il a condamné la société SNGST exerçant sous le nom commercial Octopus Sécurité à lui régler les sommes suivantes :

. 1 000 euros net au titre des dommages et intérêts pour remise tardive du solde de tout compte,

. 1 436,00 euros brut à titre de rappel de salaire avril 2019,

. 146,63 euros brut au titre des congés payés y afférents,

. 1 703,77 euros brut au titre du salaire mai 2019,

. 170,37 euros brut au titre des congés payés y afférents,

. soit un total de rappel de salaire pour cette période de 3 140,07 euros brut et 314,00 euros brut de congés payés y afférents,

. 168,49 euros brut au titre du solde indemnité de congés payés jusqu'au mois de mars 2019,

. 3 531,74 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, soit l'équivalent de 2 mois de salaire sur la base de 1 765,87 euros brut,

. 353,17 euros brut au titre des congés payés y afférents,

. 90,10 euros net au titre du solde indemnité légale de licenciement,

. 1 500 euros net en application de l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif et certificat de travail et attestation Pôle emploi conforme à la décision,

- la condamnation de la société SNGST aux intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts sur les chefs de condamnation,

- la condamnation de la société SNGST aux dépens à qui comprendront les frais éventuels d'exécution forcée par voie d'huissier,

et statuant de nouveau,

- infirmer le quantum relatif à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SA SNGST exerçant sous le nom commercial Octopus Sécurité à lui régler

. 30 020 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 17 mois de salaire selon le barème Macron, en vertu de l'article 1235-3 du code du travail,

y ajoutant,

. 2 000 euros net en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la rupture

L'employeur fait valoir que le salarié a été licencié pour absence de carte professionnelle valide l'autorisant à exercer la mission de surveillance et sécurité privée et qu'il appartenait au salarié lui-même de demander son renouvellement auprès du Conseil national des activités privées de sécurité dans les délais requis et ce avant la fin de la validité de sa carte de Sauveteur Secouriste du travail, nécessaire également pour le renouvellement de la carte professionnelle.

Le salarié réplique que l'employeur a failli à son obligation de formation de sorte qu'il n'a pas bénéficié de toutes ses formations à temps et n'a pas pu faire valider le renouvellement de sa carte professionnelle. Il ajoute qu'il a, en outre, sollicité en amont la délivrance de cette nouvelle carte et a fait diligence dans l'envoi des documents réclamés.

**

Selon les dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure ' nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 (....)

4° S'il ne justifie pas de son aptitude professionnelle selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. (...)

Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat (...)'.

Aux termes de l'article L. 617-9 du même code 'est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende le fait, pour les personnes mentionnées à l'article L. 612-25 :

1°) d'employer une personne non titulaire de la carte professionnelle mentionnée à l'article L.612-20 en vue de la faire participer à l'une des activités mentionnées à l'article L. 611-1 (...)".

Selon l'article R. 612-17 du même code, 'La demande de renouvellement de la carte professionnelle est présentée, trois mois au moins avant sa date d'expiration, dans les mêmes conditions que celles prévues par la présente sous-section pour une demande de délivrance de la carte à l'exception, pour les ressortissants étrangers, de la production du document prévu au 3° de l'article R. 612-15. Elle comprend également l'attestation du suivi d'un stage de maintien et d'actualisation des compétences dans les conditions fixées à l'article R. 625-8. Lorsque la demande est complète, le Conseil national des activités privées de sécurité en délivre récépissé.

Ce récépissé permet, jusqu'à l'intervention d'une décision expresse, une poursuite régulière de l'activité professionnelle.'

Il est constant qu'est fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié ne remplissant plus les conditions posées par l'article 6 de la loi du 12 juillet 1983 (Soc., 28 novembre 2006, pourvoi n° 05-43.016 ; Soc., 7 juillet 2015, pourvoi n° 14-13.681), devenu l'article L.612-20 du code de la sécurité intérieure précité.

Cependant, la remise du récépissé de la demande de carte professionnelle permet, jusqu'à l'intervention d'une décision expresse, une poursuite régulière de l'activité professionnelle (Soc., 18 janvier 2018, pourvoi n°16-18.770).

Enfin, pour exercer la fonction d'agent de sécurité confirmé, coefficient 130, le salarié doit justifier d'une formation AFPS ou SST (formation au secourisme) conformément aux prescriptions de la convention collective.

En l'espèce, l'emploi occupé par le salarié nécessitait qu'il soit en possession d'une carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et qu'il justifie, pour obtenir le renouvellement de cette carte, d'une attestation du suivi d'un stage de maintien et d'actualisation des compétences, et d'un certificat validant la formation de Sauveteur secouriste du travail (SST) requis pour l'emploi occupé.

Au cas présent, la carte professionnelle du salarié expirait le 6 avril 2019 et le salarié disposait d'un délai pour présenter la demande de renouvellement compris entre le 6 octobre 2018 et le 6 janvier 2019.

En outre, la carte SST délivrée au salarié le 11 janvier 2017, était valide jusqu'au 11 janvier 2019.

Il n'est pas contesté, d'une part, que le salarié n'a pas effectué le stage permettant la délivrance d'une nouvelle carte SST et, d'autre part, qu'il a saisi le CNAPS pour le renouvellement de sa carte professionnelle le 28 février 2019, soit tardivement au regard de l'article R. 612-17 susvisé.

Dès lors, le salarié n'a plus été en mesure de présenter une carte professionnelle valide le 6 avril 2019, date à laquelle l'employeur lui a écrit pour lui indiquer que sa carte professionnelle n'était plus valide.

Par lettre du 10 avril 2019, le salarié a demandé à l'employeur de lui dispenser la formation SST pour compléter son dossier de demande de renouvellement de sa carte professionnelle.

Le compte rendu de l'entretien préalable fait mention que le salarié avait considéré que le renouvellement de sa carte professionnelle était automatique.

Toutefois, s'il n'appartenait pas à l'employeur d'effectuer de son propre chef la demande de renouvellement, mais bien directement au salarié de s'en occuper, il ressort cependant des pièces du dossier que les formations SST, nécessaires à l'obtention de la carte professionnelle, ont été non seulement 'déclarées' par l'employeur en 2014 et en 2017 mais également ' dispensées' par ce dernier. Il en est de même pour la formation suivie par le salarié le 16 novembre 2018 dans le cadre de 'l'obligation de formation au maintien et à l'actualisation des compétences'.

Le salarié justifie également que, quand bien même sa carte SST n'était plus valide depuis le 6 janvier 2019, l'employeur l'a maintenu en activité pendant trois mois et ne lui a pas demandé de suivre une nouvelle formation SST, qu'il avait pourtant organisée précédemment.

Enfin, l'employeur n'indique pas avoir attiré l'attention du salarié sur la nécessité de procéder au renouvellement de sa carte professionnelle, lui ayant uniquement demandé deux jours après l'expiration de la validité de cette carte de se présenter à un entretien pour régulariser sa situation.

Dans ce contexte, l'employeur étant l'organisateur habituel des formations nécessaires à la poursuite de l'activité du salarié, a été lui-même défaillant dans le suivi du dossier administratif du salarié.Alors que M. [H] a continué à travailler sans certificat SST valide, il ne peut être reproché au seul salarié un manque de rigueur dans l'accomplissement des diligences indispensables à l'exercice de son activité professionnelle.

Certes, l'employeur n'avait plus la possibilité d'affecter le salarié sur un emploi d'agent de sécurité confirmé puisqu'il était dépourvu de carte professionnelle valide, mais le salarié justifiait qu'il avait déposé une demande de renouvellement depuis le 28 février 2019 et que son attestation du suivi d'un stage de maintien et d'actualisation des compétences était récente.

En effet, la pièce 7, communiquée par le salarié, s'analyse en un récépissé de la demande de renouvellement de la carte professionnelle lui permettant donc, jusque l'intervention d'une décision expresse, la poursuite régulière de son activité professionnelle.

L'employeur a d'ailleurs suspendu le contrat du salarié dans l'attente qu'il soit en possession d'une carte valide. Cette suspension a été de courte durée.

Dans ces conditions, l'employeur qui n'a entrepris aucune démarche afin d'anticiper le risque de la perte de la carte professionnelle du salarié, et ne lui a pas permis de suivre rapidement une formation en vue de l'obtention d'un certificat SST valide, a empêché que la demande de renouvellement puisse être complétée dans les délais.

L'employeur n'a pas davantage envisagé de trouver une solution intermédiaire alors que le salarié présentait une ancienneté de 23 ans et qu'avant le renouvellement litigieux, il n'est pas établi l'existence de difficultés relatives aux précédents renouvellements de la carte professionnelle du salarié.

Ainsi, ces faits pris dans leur contexte ne justifiaient pas la rupture du contrat de travail, cette sanction apparaissant en tout état de cause disproportionnée en raison de la négligence de l'employeur à l'égard d'un salarié justifiant d'une importante ancienneté et de l'absence de toute remise en cause de ses capacités à assurer ses fonctions pendant la durée de la relation contractuelle.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'employeur a annoncé au salarié le 8 avril 2019 qu'il suspendait son contrat de travail à défaut de justifier d'une carte professionnelle valide et a déclaré le salarié en absence injustifiée sur le bulletin de paye d'avril 2019. Le salarié n'a de plus pas travaillé à temps plein en mars 2019.

Le salaire de référence sera donc calculé d'après les trois derniers salaires à temps complet, de décembre 2018 à février 2019, soit une rémunération moyenne brute de 1 765,87 euros, et non de 1 723,87 euros comme retenu à tort par l'employeur, confirmant à ce titre la décision des premiers juges.

. sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité légale de licenciement

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, peu important à ce stade du litige que le salarié n'avait plus de carte valide et que le contrat était suspendu, le salarié peut prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, contestée en son principe mais non en son montant par l'employeur.

Le salarié a également droit au paiement de l'indemnité légale de licenciement en sa totalité, sur la base d'un salaire brut de 1 765,87 euros et en ce compris la période de préavis, ce qui porte de 5 à 7 mois le prorata à calculer pour l'année 2019, soit une somme totale due de 12 110,13 euros dont il convient de déduire le versement de 10 183,66 euros intervenu lors du solde de tout compte, de sorte que l'employeur reste redevable de la somme de 90,10 euros.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA SNGST à verser au salarié les sommes de 3 531,74 euros brut outre 353,17 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que la somme de 90,10 euros au titre du solde d'indemnité légale de licenciement.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.

. Sur les rappels de salaire

Comme indiqué précédemment, le contrat a été suspendu par l'employeur qui n'a pas prévu le renouvellement du certificat SST, ce qui, indépendamment de l'absence de demande de renouvellement par le salarié de sa carte professionnelle dans les délais impartis, était de nature à l'empêcher de travailler par le seul effet de la carence de l'employeur.

La suspension du contrat de travail n'étant pas régulière, l'employeur est donc redevable des salaires dus jusqu'au prononcé de la rupture par lettre du 29 mai 2019, des congés payés afférents outre du solde de congés payés pour les mois de mars et avril 2019 dont les montants ne sont pas discutés utilement par l'employeur, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement des sommes de 1 436 euros pour le mois d'avril 2019 et 1 703,77 euros pour le mois de mai 2019, outre les congés payés afférents.

. Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l'article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, M. [H] ayant acquis une ancienneté de 23 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 mois et 17 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, de son âge (45 ans), de son ancienneté, des indemnités chômage qui lui ont été versées puis de l'allocation de retour à l'emploi, de la formation suivie en Vente Distribution d'avril à août 2021 et du titre professionnel obtenu à son issue, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, il y a lieu de condamner la SA SNGST à lui payer la somme de 21 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le solde des congés payés

Les parties s'accordent sur le nombre de jours de congés payés non pris, donc encore dus lors de la rupture, soit 21,77 jours mais ne parviennent pas au même montant, le salarié sollicitant un solde de 168,40 euros.

L'employeur a fait mention sur le bulletin de paye du mois de mai 2019 d'un coefficient de base de 61,58 euros et le salarié sollicite l'application d'un coefficient de 69,32 euros.

Le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés est déterminé après la comparaison entre la règle de calcul du 1/10ème et la règle du salaire théorique. Il doit être retenu entre ces deux règles celle qui est la plus favorable au salarié. En ne prenant que la règle du 1/10 ème, qui suppose la prise en compte du salaire de base, mais aussi de toutes les sommes qui sont la contrepartie directe du travail du salarié, comme en l'espèce la prime de dimanche, la cour détermine une base de calcul qui est supérieure à celle revendiquée par le salarié.

Dans la limite des prétentions du salarié, il conviendra de faire droit à cette demande, le solde de l'indemnité compensatrice de congés payés s'élevant à 168,49 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de cette somme.

Sur la demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux

En vertu de l'article L.1234-19 du code du travail, à l'expiration du contrat de travail l'employeur délivre un certificat de travail.

Aux termes de l'article R.1234-9 alinéa 1 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

Le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi, que l'employeur a obligation de remettre, sont quérables, le salarié devant se déplacer chez l'employeur.

Il appartient au salarié de démontrer qu'il s'est heurté à une inertie ou un refus de son employeur et de justifier de l'existence d'un préjudice.

Au cas présent, la lettre de licenciement précise que les documents sociaux sont à la disposition du salarié dans les locaux de l'employeur et que, pour établir le solde de tout compte, le salarié est invité à restituer les effets, insignes, badges, carte professionnelle mis à sa disposition.

Le salarié a réceptionné cette lettre recommandée le 1er juin 2019 et ne s'est pas présenté dans les locaux de la société.

Les parties ont ensuite échangé plusieurs lettres, le salarié y contestant le licenciement et la suspension préalable de son contrat, et l'employeur y confirmant que la remise du solde de tout compte était soumise à la restitution par le salarié du matériel et effets confiés.

Le salarié a adressé par envoi postal ce matériel le 7 septembre 2019 et l'employeur lui a adressé les documents sociaux le 16 octobre 2019.

Il s'ensuit que le salarié ne s'est pas présenté chez l'employeur pour récupérer ses documents sociaux et restituer ses effets professionnels, de sorte qu'il ne s'est pas heurté à l'inertie de l'employeur ou à un refus injustifié.

Infirmant le jugement, il convient de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné à la société SNGST de remettre à M. [H] les documents sociaux conformes à la décision des premiers juges.

Les intérêts courent au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour le surplus, et les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

La SA SNGST, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à verser au salarié une indemnité de 2 500 euros à ce titre en cause d'appel.

Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a condamné la SA SNGST au paiement de la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il condamne la SA SNGST à payer à M. [H] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive du solde de tout compte,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

DEBOUTE M. [H] de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive du solde de tout compte,

CONDAMNE la SA SNGST à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [H] dans la limite de six mois,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SA SNGST aux dépens d'appel, et à verser à M. [H] une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Aurélie Prache, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

                                                                                                             

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00532
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;21.00532 ?
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