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15/02/2023 | FRANCE | N°21/00299

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 15 février 2023, 21/00299


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 FÉVRIER 2023



N° RG 21/00299

N° Portalis DBV3-V-B7F-UI53



AFFAIRE :



[K] [R]





C/



Société AUTO MULTI SERVICES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CHARTRES

Section : AD

N° RG : F 19/0035

9



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nathalie GAILLARD



Me Séverine DUCHESNE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE FÉVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 FÉVRIER 2023

N° RG 21/00299

N° Portalis DBV3-V-B7F-UI53

AFFAIRE :

[K] [R]

C/

Société AUTO MULTI SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CHARTRES

Section : AD

N° RG : F 19/00359

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nathalie GAILLARD

Me Séverine DUCHESNE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE FÉVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [K] [R]

née le 12 janvier 1980 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Nathalie GAILLARD de la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) - AIDAT-ROUAULT ISABELLE - GAILLARD NATHALIE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000001

APPELANTE

****************

Société AUTO MULTI SERVICES

N° SIRET : 501 219 083

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Séverine DUCHESNE de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 48

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [R] a été engagée par la société Auto Multi Services, en qualité de secrétaire comptable et administrative, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er juin 2010.

Cette société est spécialisée dans la commercialisation de prestations de conseil, la programmation par mode informatique de réglages de boitiers électroniques de véhicules motorisés ainsi que la distribution d'outillage. Elle applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

Le 1er juin 2018, M. [U], époux de la salariée a commis des faits de violence à l'encontre de M. [E], collègue de travail de la salariée, sur le lieu de travail, en raison de la relation extraconjugale entretenue par M. [E] avec et la salariée.

La salariée a été en arrêt de travail pour maladie pendant la période du 10 au 13 juillet 2018, du 16 au 27 juillet 2018 et du 10 au 26 avril 2019.

Par lettre du 28 mai 2019, la salariée a fait l'objet d'un avertissement pour différents manquements à ses obligations professionnelles, sanction contestée par lettre du 10 juin 2019.

La salariée a été en arrêts de travail successifs pour maladie du 28 mai au 15 septembre 2019.

Lors de sa visite de reprise le 15 juillet 2019, le médecin du travail a conclu que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par lettre du 18 juillet 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 29 juillet 2019.

Elle a été licenciée par lettre du 1er août 2019 pour inaptitude dans les termes suivants :

« Madame,

Nous vous notifions, par la présente, votre licenciement, suite à l'avis d'inaptitude rendu par le Médecin du Travail, le Docteur [B] [C], dans lequel il vous déclare inapte à votre poste de secrétaire comptable et administrative.

Vous avez été convoqué à un entretien préalable le lundi 29 Juillet 2019 à 10 heures mais vous avez fait le choix de ne pas vous y présenter.

Lors de cet entretien, nous vous aurions exposé les motifs de votre licenciement :

Après une étude de poste effectuée le 1er Juillet 2019, le Médecin du Travail, dans sa fiche du 15 Juillet 2019, vous a déclaré inapte en précisant que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

En application de l'article L. 1226-2-1 du code du travail, cette mention, figurant dans l'avis d'inaptitude, nous dispense de rechercher un poste de reclassement dans l'Entreprise.

La rupture de votre contrat de travail deviendra effective à la date d'envoi de cette lettre. S'agissant d'une inaptitude d'origine non-professionnelle, vous n'effectuerez pas de préavis et ne bénéficierez pas d'une indemnité compensatrice de préavis (')»

Le 2 décembre 2019, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et d'obtenir le paiement de sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 6 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Chartres (section activités diverses) a:

en la forme,

- reçu Mme [R] épouse [U] en ses demandes,

- reçu la société Auto Multi Services en sa demande reconventionnelle,

au fond,

- dit que le licenciement de Mme [R] épouse [U] est bien fondé, compte tenu de l'inaptitude à tout poste au sein de la société Auto Multi Services,

en conséquence,

- débouté Mme [R] épouse [U] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté société Auto Multi Services de sa demande reconventionnelle,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné Mme [R] épouse [U] aux entiers dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 26 janvier 2021, Mme [R] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [R] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

y faisant droit,

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres le 6 janvier 2021 en ce qu'il a dit que son licenciement est bien fondé compte tenu de l'inaptitude a tout poste au sein de l'entreprise Auto Multi Services et l'a déboutée de ses demandes,

- prononcer la nullité de son licenciement pour inaptitude,

en conséquence,

- condamner la société Auto Multi Services à lui verser les sommes suivantes :

. 45 000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral la moyenne des douze derniers mois de salaire étant de 2 160,50 euros,

. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et . 4 000 euros au titre de la procédure devant la cour d'appel,

- rejeter toutes demandes contraires de la société Auto Multi Services,

- condamner l'employeur aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Auto Multi Services demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnité de procédure,

statuant à nouveau de ce chef,

- condamner Mme [R] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires aux termes des présentes,

y ajoutant,

- condamner Mme [R] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner Mme [R] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la rupture

La salariée soutient que son licenciement pour inaptitude est nul dans la mesure où son inaptitude résulte du harcèlement moral subi de la part de l'employeur depuis juin 2018, ce que ce dernier conteste.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui du harcèlement moral allégué, la salariée invoque les réprimandes et réflexions de son employeur liées à ses arrêts de travail avec des relances pour revenir travailler pendant lesdits arrêts, une éviction, un retrait de ses fonctions et des pressions de la part de Mme [N], des pressions de Mme [V], épouse du gérant, et de Mme [D] [X], amie du gérant, et une dégradation de son état de santé.

La salariée produit des SMS d'« [D] », que la salariée qualifie d'amie du gérant et que l'employeur qualifie de cliente, et de « Gwladys », qui ne permettent toutefois pas de caractériser les faits allégués par la salariée.

Elle produit également une attestation de sa mère et une lettre du 10 juin 2019 dans laquelle elle conteste un avertissement, dont elle ne sollicite toutefois pas l'annulation.

La dégradation de l'état de santé de la salariée est par ailleurs démontrée par la multiplicité des arrêts de travail, les prescriptions médicales et les lettres de ses médecins qui, s'ils font état des problèmes professionnels relatés par la patiente, sont toutefois vagues et insuffisants à établir leur lien avec l'état de santé de la salariée, qui connaissait également des problèmes personnels.

Les deux seuls éléments précités qui sont établis, émanant uniquement de la salariée, et d'une proche n'étant pas directement témoin des faits allégués par la salariée,ne suffisent pas à caractériser des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

En conclusion, même en tenant compte des éléments médicaux, la salariée ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Le harcèlement moral n'est donc pas établi.

Dès lors, le licenciement pour inaptitude de la salariée n'est pas nul de ce chef.

La salariée ne contestant pas son licenciement pour inaptitude sur un autre fondement, il convient de le dire fondé.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a dit fondé le licenciement pour inaptitude de la salariée et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

La salariée soutient avoir subi un important préjudice moral dès lors que, selon elle, l'employeur a utilisé les difficultés qu'elle rencontrait dans sa vie privée et son état de santé pour lui infliger un traitement inhumain et dégradant.

Toutefois, la salariée n'apportant aucun élément au soutien de ses affirmations, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Succombant, la salariée sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Toutefois, pour des raisons d'équité, il n'y a pas lieu de faire application à son encontre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE Mme [R] aux dépens d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00299
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;21.00299 ?
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