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09/02/2023 | FRANCE | N°20/00874

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 09 février 2023, 20/00874


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 09 FEVRIER 2023



N° RG 20/00874

N° Portalis DBV3-V-B7E-T2NL



AFFAIRE :



[V] [I]



C/



S.A.S.U. DOJOCO









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 août 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F18/00241



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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Jean-Baptiste GEAY



Me Anne BARRES DANIEL



le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versaill...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2023

N° RG 20/00874

N° Portalis DBV3-V-B7E-T2NL

AFFAIRE :

[V] [I]

C/

S.A.S.U. DOJOCO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 août 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F18/00241

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean-Baptiste GEAY

Me Anne BARRES DANIEL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [V] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-Baptiste GEAY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 749

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/015725 du 24/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

S.A.S.U. DOJOCO

N° SIRET : 405 138 959

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Anne BARRES-DANIEL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2127 (non présente à l'audience)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier placé lors des débats : Virginie BARCZUK

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Domitille GOSSELIN

La société Dojoco ' dont le siège social se situe [Adresse 3] ' est spécialisée dans le nettoyage des bâtiments et le nettoyage industriel. Elle emploie plus de dix salariés.

La convention collective applicable est celle des entreprises de propreté du 26 juillet 2011.

Mme [V] [I], née le 28 juin 1948, a été engagée par la société Saturnes services par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en date du 16 novembre 1998 en qualité d'agent de propreté.

Elle exerçait ses fonctions notamment au sein de la résidence Michel située [Adresse 1] (93).

Par courrier du 10 mars 2010, la société Saturnes services a informé Mme [I] de la perte du marché de la Résidence Michel et du fait que son contrat de travail se poursuivra avec la société Dojoco, en application des dispositions de l'annexe VII de la convention collective applicable.

Par courrier du 12 mars 2010, la société Dojoco a informé Mme [I] de la reprise de son contrat de travail à effet au 15 mars 2010.

Mme [I] a été placée en arrêt de travail du 18 mars 2010 au 3 mai 2010.

A son retour, lors d'un entretien et par courrier du 6 mai 2010, la société Dojoco a informé Mme [I] de sa nouvelle affectation sur le site de la résidence Le Manon/Le Fanny à [Localité 9] (77), à compter du même jour.

Par courrier du 6 mai 2010, Mme [I] a refusé cette nouvelle affectation.

Par courrier du 20 mai 2010, la société Dojoco a confirmé à Mme [I] sa nouvelle affectation à compter du 25 mai 2010.

Par courriers des 25 mai 2010 et 16 juin 2010, Mme [I] a réitéré son refus de sa nouvelle affectation à la société Dojoco.

Par requête reçue au greffe le 20 août 2014, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de se voir allouer diverses sommes.

Le 1er février 2016, Mme [I] a liquidé ses droits à la retraite.

Le 8 février 2016, une décision de radiation a été prononcée.

Le 25 janvier 2018, Mme [I] a demandé le rétablissement de l'affaire au rôle.

A l'audience du bureau de jugement du 8 avril 2019, Mme [I] a sollicité la requalification de son départ à la retraite en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le versement de diverses sommes indemnitaires et salariales.

La société Dojoco a soulevé, in limine litis, la prescription de l'action de Mme [I], et a conclu, en tout état de cause, au débouté de Mme [I].

Par jugement rendu le 12 août 2019, le conseil de prud'hommes de Montmorency, section commerce, a :

- dit que les demandes de Mme [I] ne sont pas prescrites,

- débouté Mme [I] de sa demande de prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [I] de l'intégralité de ses demandes.

Mme [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 24 mars 2020.

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 24 juin 2020, Mme [I] demande à la cour de :

* infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a :

- débouté Mme [I] de sa demande de prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [I] de l'intégralité de ses demandes et notamment de celles tendant à voir :

.dire et juger que le départ à la retraite de Mme [I] s'analyse en une prise d'acte de rupture du contrat de travail qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

.condamner la société Dojoco à payer les sommes suivantes à Mme [I] :

- 8 623,08 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mai 2010 à mai 2013,

- 862,31 euros au titre des congés payés afférents,

- 239,53 euros à titre de préavis,

- 23,95 euros à titre de congés payés afférents,

- 705,17 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 2 395,30 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 437,18 euros de dommages et intérêts pour absence de visite médicale de reprise,

- 4 064 euros de dommages et intérêts pour préjudice financier distinct liés aux droits de retraite,

.ordonner à la société Dojoco de remettre à Mme [I] l'attestation pôle emploi, un certificat de travail, des bulletins de paye conformes sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

.condamner la société Dojoco à payer à Mme [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
.condamner la société Dojoco à payer à Mme [I] les intérêts au taux légal,
.condamner la société Dojoco aux entiers dépens,

* Statuant à nouveau :

- déclarer que les demandes de Mme [I] sont parfaitement recevables et bien fondées,

- requalifier le départ à la retraite de Mme [I] en prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Dojoco à payer les sommes suivantes à Mme [I] :

. 8 623,08 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mai 2010 à mai 2013,

. 862,31 euros au titre des congés payés afférents,

. 239,53 euros à titre de préavis,

. 23,95 euros à titre de congés payés afférents,

. 705,17 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

. 2 395,30 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 437,18 euros de dommages et intérêts pour absence de visite médicale de reprise,

. 8 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice financier distinct,

- ordonner à la société Dojoco de remettre à Mme [I] l'attestation pôle emploi, un certificat de travail, des bulletins de paye conformes sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

- condamner la société Dojoco à payer à Mme [I] la somme de 1 500 euros au bénéfice de Maitre Geay sur le fondement des dispositions de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner la société Dojoco à verser à Me Jean-Baptiste Geay une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi sur l'aide juridique et donner acte à Me Jean-Baptiste Geay qu'il renonce à percevoir l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle sous réserve qu'il puisse recouvrir (sic) la somme allouée sur le fondement des articles précités ainsi qu'aux entiers dépens,

- condamner la société Dojoco à payer à Mme [I] les intérêts au taux légal sur toutes les sommes auxquelles elle aura été condamnée à compter de la saisine de la juridiction, qui seront capitalisés.

Par ordonnance sur incident rendue le 20 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables comme tardives les conclusions notifiées par la société Dojoco par voie électronique le 20 octobre 2020, a rejeté la demande présentée par la société Dojoco tendant à voir écarter les pièces de Mme [I] et a condamné la société Dojoco au paiement des dépens de l'incident.

Par ordonnance rendue le 23 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 9 décembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample explosé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

Les conclusions de l'intimé ayant été déclarées irrecevables, ce dernier est réputé ne pas avoir conclu et s'être approprié les motifs du jugement.

Par application de l'article 472 du code de procédure civile, le juge d'appel ne fait droit à l'appel que si celui-ci lui paraît fondé dans ses critiques de la décision rendue par les premiers juges.

Les dispositions du jugement ayant déclaré les demandes de Mme [I] non prescrites ne font pas l'objet d'un appel, de sorte que la cour n'en est pas saisie.

Sur la demande de requalification du départ à la retraite en prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur

Mme [I] expose qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements graves commis par la société Dojoco ; qu'ayant fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2016, avant qu'il ne soit statué sur sa demande, elle demeure recevable et fondée à demander la requalification de son départ à la retraite en prise d'acte de rupture aux torts et griefs de la société Dojoco, au motif que son employeur a commis des manquements graves.

En vertu des dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié.

Le salarié peut mettre fin au contrat de travail unilatéralement en raison de faits imputables à l'employeur. Cette prise d'acte de la rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont établis et s'ils sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat, soit d'une démission dans le cas contraire.

La saisine du conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire laisse subsister la relation contractuelle, de sorte que le salarié peut prendre la décision de rompre son contrat de travail.

Le départ à la retraite rend sans objet la demande de résiliation judiciaire. Il peut être assimilé à une prise d'acte.

Le courrier de départ à la retraite peut faire clairement référence aux griefs reprochés à l'employeur. Il peut également ne viser aucun grief et être jugé équivoque s'il existe un différend antérieur ou contemporain au départ, notamment si une action en résiliation judiciaire du contrat a été engagée (Cass. Soc., 20 octobre 2015, n°14-17.473).

Les manquements invoqués par le salarié doivent être appréciés par le juge pour requalifier la prise d'acte soit en licenciement sans cause réelle et sérieuse soit en départ volontaire à la retraite (Cass. Soc., 30 septembre 2015, n°13-11.858).

C'est au salarié de rapporter la preuve de ces manquements et de leur gravité.

Le principe de la charge de la preuve applicable en matière de prise d'acte ne fait pas obstacle au principe de la répartition de la charge de la preuve entre le salarié et l'employeur qui s'applique à certains types de litiges, notamment s'agissant de l'obligation de sécurité à laquelle est tenue l'employeur.

En l'espèce, Mme [I] a initialement saisi le conseil de prud'hommes le 20 août 2014 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail qui a donc laissé subsister ce dernier. Après une tentative infructueuse de conciliation le 12 janvier 2015, l'affaire a été radiée par décision du 8 février 2016.

Mme [I] a demandé sa mise à la retraite à compter du 1er février 2016. Elle ne produit aucun courrier adressé à son employeur à cet égard, qui formulerait des griefs à son encontre, ne versant au débat que la notification de sa retraite par la Caisse nationale d'assurance vieillesse en date du 30 mars 2016 (pièce 13).

La rupture du contrat de travail étant intervenue à l'initiative de la salariée, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est devenue sans objet et Mme [I], suite à sa demande de remise au rôle datée du 25 janvier 2018, sollicite désormais la requalification de sa demande de retraite en prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur.

Il convient d'examiner les deux manquements graves de son employeur qu'elle invoque.

Sur l'absence de visite médicale de reprise

Mme [I] fait valoir que faute de lui avoir fait passer une visite médicale de reprise à l'issue de son arrêt maladie, la société Dojoco a manqué à son obligation de sécurité relative à la santé des salariés.

Le jugement rendu le 12 août 2019 par le conseil de prud'hommes de Montmorency ne comporte aucune motivation sur ce moyen.

L'obligation de sécurité qui résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par ces dispositions ne manque pas à son obligation de sécurité.

L'article R. 4624-31 du code du travail prévoit que le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail notamment après une absence d'au moins 30 jours pour cause de maladie, au plus tard dans les 8 jours de la reprise effective du travail.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.

Le non-respect par l'employeur de ses obligations relatives à la visite médicale de reprise constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail.

En l'espèce, Mme [I] a été placée en arrêt de travail du 18 mars 2010 au 3 mai 2010, soit durant plus de 30 jours.

Son employeur disposait donc d'un délai de 8 jours à compter de sa reprise du travail pour organiser une visite médicale de reprise.

Dans son courrier daté du 6 mai 2010 (sa pièce n°6), Mme [I] indique qu'elle a informé son employeur de la reprise de son travail le lundi 3 mai 2010 en début d'après-midi ; que le rendez-vous pour sa reprise d'emploi fixé au 4 mai 2010, oublié par l'employeur, a été reporté au lendemain, le 5 mai 2010 à 9 heures. Lors de cet entretien, la société Dojoco a signifié à Mme [I] son affectation sur un nouveau site, que la salariée a refusée le jour même puis de manière réitérée, de sorte qu'elle n'a pas repris son travail.

Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à reprocher un manquement de son employeur à lui faire passer une visite médicale de reprise.

Sur l'absence de fourniture d'un travail

Mme [I] fait valoir qu'à l'issue de son arrêt maladie, elle aurait dû reprendre ses fonctions sur la résidence Michel où elle intervenait depuis de nombreuses années ; que son employeur a décidé de son propre chef et sans donner d'explications de modifier son affectation ; que la nouvelle affectation avait des conséquences anormalement excessives pour elle dès lors que le nouveau site était éloigné de son domicile, qu'elle ne possède pas de véhicule et que les horaires de transport en commun l'empêchaient d'arriver à 6 heures pour prendre son poste. Elle souligne qu'en outre, cette nouvelle affectation était incompatible avec l'activité qu'elle avait conservée au sein de Saturnes services.

Elle en conclut qu'en ignorant ses difficultés, la société Dojoco l'a mise dans l'impossibilité d'exercer son emploi, la non-fourniture de travail constituant un manquement grave de l'employeur.

Il appartient à l'employeur de fournir un travail au salarié.

Le conseil de prud'hommes de Montmorency a retenu que la nouvelle affectation de Mme [I] le 6 mai 2010 est conforme aux dispositions de son contrat de travail et ne constitue en aucun cas un manquement de la société Dojoco.

L'avenant à effet du 1er février 2008 au contrat de travail liant Mme [I] à la société Saturne services (pièce 1 de l'appelante) pour un emploi d'agent de service, précise que 'Mademoiselle [V] [I] reconnaît que la profession du nettoyage s'exerçant chez des clients et dans différents lieux, la mobilité est nécessaire et indispensable. En conséquence, Mademoiselle [V] [I] accepte de pouvoir être affecté(e) à tout autre site dans la zone géographique de [Localité 8] et de la région parisienne.'

Le contrat précise que Mme [I] effectue 15,75 heures de travail hebdomadaires réparties à raison de 3 heures par jour, de 6 h à 9 h les mardi et vendredi, au sein de la résidence Michel, et les heures complémentaires à [Localité 6] et précise que 'en fonction des impératifs d'organisation de l'entreprise, les affectations et les horaires de Mademoiselle [V] [I] pourront être modifiés' notamment en cas de 'perte de chantier'.

Le contrat de travail comporte ainsi une clause de mobilité, précise dans la délimitation de la zone géographique concernée, qui est opposable à la salariée.

L'employeur qui procède à un changement des conditions de travail d'un salarié en modifiant le lieu de travail en application d'une clause de mobilité ne fait qu'exercer son pouvoir de direction (Cass. Soc., 10 juin 1997, n°94-43.889), auquel le salarié doit se soumettre sous peine de se voir licencier.

La décision de mettre en oeuvre une clause de mobilité doit être dictée par l'intérêt légitime de l'entreprise et il incombe au salarié de démontrer que la décision a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

La mise en oeuvre de la clause de mobilité doit cependant prendre en compte la situation personnelle et familiale du salarié et ne pas porter à ce dernier une atteinte qui ne serait pas justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

L'employeur commet un abus de droit en n'assurant pas au salarié les moyens de se rendre sur son nouveau lieu de travail, alors qu'il était impossible à la salariée, en l'absence de transport en commun, de se rendre à l'heure prévue sur le nouveau lieu de travail qui lui était imposé (Cass. Soc., 10 janvier 2001, n°98-46.226 et 25 mars 2009, n°07-45.281).

L'abus de droit légitime le refus du salarié de se soumettre aux nouvelles conditions qui lui sont imposées.

En l'espèce, Mme [I] ne démontre pas que son changement d'affectation a été décidé pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle, se contentant d'indiquer que la décision a été prise sans explication.

Elle habite [Adresse 2]) et travaillait à [Localité 7] et [Localité 6], à 8 kilomètres environ de son domicile.

Son nouveau poste de travail situé à [Localité 9] (77) était distant d'environ 50 kilomètres de son domicile.

Mme [I] a refusé de rejoindre ce poste. Si elle n'a pas donné des explications écrites précises sur les motifs de son refus, il ressort des courriers des 25 mai 2010 et 16 juin 2010 qu'elle a adressés à son employeur que le refus était en rapport avec le changement de lieu d'exercice de ses fonctions.

Elle invoque l'incompatibilité des horaires des transports en commun avec ses horaires de travail dans un endroit éloigné de son domicile, alors qu'elle ne dispose pas d'un véhicule.

Elle produit des fiches horaires de la SNCF Transilien qui montrent qu'un départ à 5h08 la menait sur son lieu de travail à 6h53, après 1h54 de transport, trop tard pour prendre son poste à 6 heures et que pour arriver à 6h07 elle aurait dû partir la veille à 22h29.

Mme [I] démontre en conséquence que ne pouvant se rendre sur son lieu de travail aux horaires prescrits par son employeur, la mise en oeuvre de la clause de mobilité contractuelle ne prenait pas en compte sa situation personnelle et constituait un abus de droit et un manquement grave de l'employeur à son obligation de lui fournir un travail.

Cependant, si le manquement de l'employeur pouvait justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, il n'est pas établi qu'il est la cause du départ à la retraite de Mme [I].

En effet, cette dernière, née le 28 juin 1948, a demandé sa mise à la retraite à compter du 1er février 2016 alors qu'elle était âgée de 67 ans, à presque six ans de distance de la mise en oeuvre de la clause de mobilité contractuelle. Aucune indication n'est donnée sur sa situation et ses ressources depuis 2010, alors qu'elle indique dans ses écritures qu'elle voulait poursuivre son emploi à [Localité 6] avec la société Saturnes services.

En conséquence, le départ volontaire à la retraite de Mme [I] ne saurait être requalifié en prise d'acte aux torts de l'employeur ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [I] de l'intégralité de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

Mme [I] succombant en ses prétentions, elle sera condamnée aux dépens d'appel mais également de première instance sur lesquels le conseil de prud'hommes n'a pas statué.

Elle sera déboutée de sa demande formée au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 et 75 de la loi sur l'aide juridique.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency le 12 août 2019,

Y ajoutant

Condamne Mme [V] [I] aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute Mme [V] [I] de sa demande formée au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 et 75 de la loi sur l'aide juridique.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier en pré-affectation, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00874
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;20.00874 ?
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