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08/02/2023 | FRANCE | N°21/02687

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 08 février 2023, 21/02687


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 FEVRIER 2023



N° RG 21/02687



N° Portalis DBV3-V-B7F-UXCM



AFFAIRE :



[F] [V]



C/



S.A. SIERRA WIRELESS





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° R

G : F20/00806



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELAS JDS AVOCATS



la SELARL LEXAVOUE [Localité 8]-[Localité 9]







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 FEVRIER 2023

N° RG 21/02687

N° Portalis DBV3-V-B7F-UXCM

AFFAIRE :

[F] [V]

C/

S.A. SIERRA WIRELESS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F20/00806

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELAS JDS AVOCATS

la SELARL LEXAVOUE [Localité 8]-[Localité 9]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [V]

né le 15 Mai 1977 à [Localité 6] (92)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Anne-sophie CARLUS de la SELAS JDS AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0028 substitué par Me Lymia KENZOUA, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A. SIERRA WIRELESS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES vestiaire : 625

Représentant : Me Alice KLEIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [V] a été engagé par la société Wavecom suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2005 en qualité d'ingénieur validation, position 2.11, coefficient 115.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils.

Par avenant du 4 octobre 2006, il a été affecté auprès de la filiale américaine Wavecom Inc dans le cadre d'une expatriation à compter du 1er avril 2007 pour une durée de trois ans en qualité d'ingénieur de validation protocole.

Par lettre du 14 novembre 2007, il a été nommé spécialiste dans le domaine du 'standardization' au sein de la filière Experts.

Suite à l'acquisition de la société Wavecom par la société Sierra Wireless en 2009, le contrat de travail de M. [V] a été transféré à la société Sierra Wireless. Par lettre du 26 octobre 2010, le salarié a été informé que son titre était désormais ingénieur spécialiste senior, test logiciel.

Par lettre du 16 février 2011, le salarié a démissionné de ses fonctions au sein de la société Sierra Wireless, faisant état de son déménagement à [Localité 5].

M. [V] a été engagé par la société Sierra Wireless suivant un contrat de travail à durée déterminée à compter du 21 mai 2011 jusqu'au 31 juillet 2012 pour surcroît temporaire d'activité en qualité d'ingénieur spécialiste senior, test logiciel.

Du 16 août 2012 au 31 décembre 2018, M. [V] a travaillé dans le cadre de missions portées par la société Portageo suivant des contrats de prestation de service par lesquels la société Portageo s'est engagée à réaliser les travaux décrits dans un ordre de mission.

M. [V] a créé une entreprise individuelle à responsabilité limitée immatriculée le 31 janvier 2019 au registre spécial des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée.

M. [V] a ensuite travaillé en qualité de prestataire indépendant pour la société Sierra Wireless suivant un contrat de prestataire indépendant conclu à compter du 10 janvier 2019 pour une durée d'un an.

Par lettre du 11 juillet 2019, la société Sierra Wireless a notifé à M. [V] la rupture de ce contrat de services à effet du 26 juillet 2019.

Le 10 juillet 2020, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir la requalification de la relation de travail avec la société Sierra Wireless en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que la condamnation de la société Sierra Wireless au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour travail dissimulé, en réparation du préjudice de perte de chance de bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi et de diverses indemnités et sommes liées à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 27 juillet 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre et a laissé à chaque partie la charge des frais irrépétibles et les entiers dépens.

Le 1er septembre 2021, M. [V] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 9 décembre 2022, M. [V] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre et a laissé à chaque partie la charge des frais irrépétibles et les entiers dépens,

- statuant à nouveau : requalifier en contrat de travail à durée indéterminée sa relation de travail avec la société Sierra Wireless,

- juger que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamner la société Sierra Wireless à lui payer les sommes de :

* 28 350 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 835 euros au titre des congés payés y afférents,

* 26 523 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 75 600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi établi au bénéfice des salariés licenciés,

* 56 700 euros pour travail dissimulé,

* 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel,

- juger que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation de la société à comparaître devant le bureau de conciliation et d'orientation, en application de l'article 1231-7 du code civil,

- ordonner la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Sierra Wireless aux entiers dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'exécution de la décision à intervenir.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 24 février 2022, la société Sierra Wireless demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement,

- à titre subsidiaire, juger que l'action en requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 25 mars 2011 en contrat de travail à durée indéterminée est prescrite et dès lors, déclarer irrecevable la demande de Monsieur [V] en requalification de ce contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

- à titre principal, juger que l'ensemble des demandes de M. [V] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement sont infondées,

- débouter en conséquence M. [V] de l'ensemble de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- juger que M. [V] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice justifiant de l'octroi de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue à l'article L. 1235-3 du code du travail,

- débouter en conséquence M. [V] de sa demande à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que la demande de M. [V] au titre du bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi est infondée,

- débouter en conséquence M. [V] de sa demande au titre du bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi,

- juger que M. [V] ne démontre ni l'existence d'une rupture de contrat de travail, ni d'intention de dissimulation d'emploi, que sa demande relative au travail dissimulé est infondée,

- débouter en conséquence M. [V] de sa demande au titre du travail dissimulé,

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour accueillait les demandes de M. [V] tendant à la requalification en contrat de travail à durée indéterminée et à la reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que l'ancienneté de M. [V] ne saurait être reprise qu'à compter du 16 août 2012 au plus tôt,

- condamner M. [V] à lui payer la somme de 7 125,59 euros à titre de remboursement de la prime de fin de contrat à durée déterminée versée en juillet 2012,

- en conséquence, réduire l'indemnisation de M. [V] au titre de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à due proportion de son ancienneté à compter du 16 août 2012 au plus tôt,

- en tout état de cause, rejeter l'ensemble des pièces en anglais sans traduction communiquées par M. [V], débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, en ce compris ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et des intérêts légaux, condamner M. [V] au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner M. [V] aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 13 décembre 2022.

MOTIVATION

Sur l'exception d'incompétence matérielle

Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

Les périodes travaillées dans le cadre de missions portées par la société Portageo puis en qualité de prestataire indépendant étant requalifiées ci-après en contrat à durée indéterminée, l'exception d'incompétence doit être rejetée, la cour étant matériellement compétente pour statuer sur les différends s'élevant à l'occasion de ce contrat de travail.

Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande de rejet de pièces en anglais

Le principe d'exclusivité de la langue française devant les juridictions nationales conduit à écarter des débats les pièces produites par M. [F] [V] en anglais sans traduction en langue française.

Sur la prescription de l'action en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

La société Sierra Wireless soulève la prescription de l'action en requalification du contrat à durée déterminée conclu le 25 mars 2011 en contrat à durée indéterminée sur le fondement de l'article L. 1471-1 du code du travail, le point de départ du délai étant le terme du dernier contrat.

Le salarié sollicite la requalification de sa relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 mai 2011, date de conclusion du contrat à durée déterminée.

L'action en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est soumise au délai de deux ans applicable aux actions en exécution du contrat de travail prévu par l'article L. 1471-1 du code du travail.

Si l'action est fondée sur la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.

En l'espèce, l'action en requalification des périodes travaillées par le salarié est relative à une période de contrat à durée déterminée, suivie de contrats de prestations de service dans le cadre de missions de portage, suivie d'un contrat de prestation de service dans le cadre d'un statut d'entrepreneur individuel.

Il y a lieu d'examiner la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée séparément de la demande de requalification, des périodes de travail par le biais d'une société de portage et par le biais d'une entreprise individuelle, ces dernières n'étant pas soumises au même régime juridique que le contrat à durée déterminée.

Par conséquent, l'action étant fondée sur la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée, pour surcroît d'activité, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat à durée déterminé le 31 juillet 2012.

L'instance ayant été introduite plus de deux ans après le 31 juillet 2012, l'action est donc prescrite et la demande en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée doit être déclarée irrecevable.

Sur la demande de requalification des contrats de portage salarial puis de prestation de service en tant qu'indépendant et ses conséquences

Le salarié indique qu'il a continué à exercer les mêmes fonctions que lorsqu'il travaillait dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, puis d'un contrat à durée déterminée. Il expose qu'il a, en réalité, continué à bénéficier d'un contrat de travail, réunissant les trois conditions liées à la rémunération, la prestation de travail et au lien de subordination. Il précise qu'en tant que cadre il bénéficiait à ce titre d'une certaine autonomie dans l'exécution de ses missions mais qu'il recevait des directives, qu'il était contrôlé et devait rendre compte.

La société Sierra Wireless conclut à l'absence de lien de subordination, l'existence de contrats de travail antérieurs n'étant pas probant, la société ayant accepté de recourir aux services de M. [V] par le biais de portage salarial, puis ayant répondu à la demande du salarié de travailler comme indépendant. Elle fait valoir que M. [V] n'était pas intégré à la communauté de travail de la société, qu'il n'avait pas de bureau attitré et travaillait essentiellement à son domicile, qu'il disposait d'une totale liberté dans l'organisation de son travail, la gestion et le suivi de ses prestations. Elle conclut que M. [V] ne démontre pas l'existence d'un pouvoir de direction ou de sanction et que ses équipements lui étaient fournis dans le cadre de sa prestation de service. Elle fait valoir que la prestation de service comportait de nouvelles missions distinctes des fonctions salariées précédentes, que M. [V] était présent comme consultant aux réunions de l'organisme 3GPP, que la facturation a été effectuée prestation par prestation.

ll résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail est la convention par laquelle une personne physique s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre personne, physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

Il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, le salarié a travaillé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'ingénieur spécialiste expérimenté, test logiciel.

Il ressort des déclarations de M. [V] confirmées par le témoignage de M. [D], ingénieur expert, test logiciel, que pour pouvoir suivre son épouse à [Localité 5], il a dû démissionner, le service des ressources humaines de la société n'acceptant alors pas qu'il poursuive son activité en télétravail à temps plein.

Au vu du contrat versé aux débats, il a été embauché, de nouveau et sans période d'inactivité, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, conclu au motif d'un surcroît d'activité, à un poste d'ingénieur spécialiste expérimenté, test logiciel.

Il ressort des témoignages de trois ingénieurs M. [W] du 17 novembre 2021, M. [D] du 22 novembre 2011, M. [E] du 21 novembre 2021, ce dernier ayant été manager de M. [V] d'avril 2014 à avril 2019 et de l'analyse des nombreux ordres de mission versés aux débats, qu'à l'issue de cette période de salariat, M. [V] a travaillé dans le cadre de missions portées par la société Portageo puis dans le cadre d'une prestation de service avec un statut d'indépendant à compter du 10 janvier 2019, poursuivant la même activité d'ingénieur spécialiste expérimenté, test logiciel, notamment sur le logiciel embarqué des produits Sierra Wireless, les tests d'interopérabilité entre les produits Sierra Wireless et les différents vendeurs d'infrastructure réseau et a représenté Sierra Wireless dans certaines activités de standardisation et de certification.

M. [V] a bénéficié d'une adresse électronique au sein de la société qu'il a conservée pendant toute la relation de travail. Il avait une ligne téléphonique et apparaissait sur l'organigramme de la société. Un bureau lui était dédié au sein de l'immeuble de la société à [Localité 7] au vu d'un projet 2016, même s'il effectuait son travail exclusivement en télétravail comme permis par ses fonctions.

Il a également poursuivi son rôle d'expert représentant la société dans des conférences techniques internationales comme le 3GP pendant toute la relation de travail.

Il a perçu une rémunération calculée sur un montant facturé relativement fixe de 25 500 euros, ou 29 355 hors taxes par trimestre sur plusieurs années, puis sur un montant facturé de 14 677,5 euros hors taxes pour 1,5 mois, puis sur un montant facturé de 99 225 euros hors taxes pour 10,5 mois hors frais de mission.

Il ressort de l'analyse de courriels versés aux débats que M. [V] recevait des directives, des courriels lui demandant d'effectuer des tâches précises, qu'il pouvait faire l'objet d'un contrôle, notamment de ses jours de congés et d'absences, qu'il rendait compte par le biais de compte-rendus hebdomadaires et de rapports d'activité, qu'il bénéficiait de matériel et d'équipement fournis par la société Sierra Wireless même s'il disposait d'une certaine liberté dans l'organisation de son travail, inhérente aux fonctions exercées.

Ainsi, M. [W], M. [D], témoignent qu'il travaillait comme un salarié et M. [E], son manager précise qu'il 'faisait partie de l'équipe validation que j'ai managé d'avril 2014 à août 2019 et, à ce titre il a géré et pris en charge les mêmes activités, les mêmes tâches et les mêmes travaux que les employés Sierra Wireless de l'équipe validation du site d'[Localité 7] (définition des plans de validation, exécution des tests, reporting hebdo, participation aux réunions internes de l'équipe, gestion des sous-traitants, participation aux réunions avec les clients...).

Il était aussi un des représentants actifs de la société Sierra Wireless au sein du comité de normalisation 3GPP GERAN Télécom.'

En outre, M. [V] justifie avoir créé puis fermé une société Eirl exclusivement pour son activité pour la société Sierra Wireless après avoir cessé la relation avec la société Portageo, sa société ayant fait l'objet d'une radiation le 16 septembre 2019 peu après la fin des relations de travail avec la société Sierra Wireless, démontrant ainsi le lien de dépendance économique avec la société Sierra Wireless.

Ainsi, M. [J] qui était ancien salarié de la société dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée suivi d'un contrat à durée déterminée, a continué à travailler après le terme de son dernier contrat dans un lien de subordination avec la société, même s'il disposait d'une certaine liberté dans l'organisation de son travail, son activité n'étant que la suite de son activité salariée antérieure d'ingénieur spécialiste en matière de test logiciels. Il doit être considéré comme ayant travaillé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 16 août 2012.

Il y a lieu de dire qu'il a fait l'objet d'un licenciement à la date du 26 juillet 2019 dénué de cause réelle et sérieuse, en l'absence de motif de rupture.

Par conséquent, il a droit à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois de salaire qu'il convient de fixer à 28 350 euros, montant non contesté par la société intimée, outre une somme de 2 835 euros au titre des congés payés afférents.

Il a droit également à une indemnité conventionnelle de licenciement de 21 877 euros, montant calculé à partir d'une date de requalification à compter du 16 août 2012.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable, alors qu'il est âgé de 42 ans et a une ancienneté de sept ans, il a, en outre, droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse compris entre trois mois et huit mois de salaire, qu'il convient de fixer à 57 000 euros.

La société Sierra Wireless n'est pas fondée à obtenir le remboursement de la prime de fin de contrat à durée déterminée versée à M. [V], la période de requalification du travail ne comprenant pas le contrat à durée déterminée. Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de 1'emp1oi

En application des dispositions de l'article L.1233-61 du code du travail, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile.

En l'espèce, le salarié ne produit pas d'éléments aux débats afin d'évaluer la perte de chance invoquée de bénéficier du plan de sauvegarde pour l'emploi, celle-ci n'est donc pas caractérisée. Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, le salarié n'établit pas l'élément intentionnel dans la soustraction de la société intimée aux obligations énumérées à l'article L. 8221-5 du code du travail mentionné ci-dessus.

Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Sierra Wireless aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera ordonnée.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Sierra Wireless succombant à la présente instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Elle devra également régler à M. [V] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Rejette l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société Sierra Wireless,

Rejette les pièces en anglais sans traduction communiquées par M. [F] [V],

Déclare irrecevable l'action en requalification du contrat à durée déterminée de M. [F] [V] en contrat à durée indéterminée,

Dit que M. [F] [V] a travaillé avec la société Sierra Wireless dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 16 août 2012,

Dit que le licenciement de M. [F] [V] prononcé le 26 juillet 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Sierra Wireless à payer à M. [F] [V] les sommes suivantes :

28 350 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

2 835 euros au titre des congés payés afférents,

21 877 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes,

Condamne la société Sierra Wireless à payer à M. [F] [V] la somme de :

57 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

cette somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Ordonne le remboursement par la société Sierra Wireless à l'organisme Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées à M. [F] [V] dans la limite de six mois d'indemnités,

Déboute M. [F] [V] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi,

Déboute M. [F] [V] de sa demande à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

Déboute la société Sierra Wireless de sa demande en remboursement de la prime de fin de contrat à durée déterminée,

Condamne la société Sierra Wireless aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Sierra Wireless à payer à M. [F] [V] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02687
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;21.02687 ?
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