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01/02/2023 | FRANCE | N°21/01148

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 01 février 2023, 21/01148


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 FEVRIER 2023



N° RG 21/01148



N° Portalis DBV3-V-B7F-UOH7



AFFAIRE :



[T] [I]



C/



S.A.R.L. AMBULANCES PHENIX









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX

N° Chambre :

N° Section : C
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) - AIDAT-ROUAULT ISABELLE - GAILLARD NATHALIE



Me Mathilde PUYENCHET







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 FEVRIER 2023

N° RG 21/01148

N° Portalis DBV3-V-B7F-UOH7

AFFAIRE :

[T] [I]

C/

S.A.R.L. AMBULANCES PHENIX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 19/00101

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) - AIDAT-ROUAULT ISABELLE - GAILLARD NATHALIE

Me Mathilde PUYENCHET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [T] [I]

né le 23 Août 1995 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Nathalie GAILLARD de la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) - AIDAT-ROUAULT ISABELLE - GAILLARD NATHALIE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000001

APPELANT

****************

S.A.R.L. AMBULANCES PHENIX

N° SIRET : 838 199 073

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Mathilde PUYENCHET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

[T] [I] a été engagé par la société Ambulances Phénix suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 11 juin 2018 en qualité d'ambulancier, catégorie ouvrier, position B, degré 2, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 567,58 euros pour 152 heures de travail annualisées.

Par lettre datée du 3 décembre 2018, le salarié a démissionné de son poste.

Le 27 novembre 2019, [T] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Dreux afin d'obtenir la requalification de sa démission en un licenciement imputable à l'employeur ainsi que la condamnation de la société Ambulances Phénix au paiement de dommages et intérêts en réparation de divers chefs de préjudice et d'indemnités au titre de la rupture du contrat de travail, ainsi qu'à la remise de documents.

Par jugement mis à disposition le 16 février 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont dit que la démission est sans équivoque, ont débouté [T] [I] de toutes ses demandes, ont rejeté la demande reconventionnelle de la société Ambulances Phénix et ont laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le 16 avril 2021, [T] [I] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 8 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [T] [I] demande à la cour d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, de requalifier sa démission en un licenciement imputable à l'employeur, de condamner la société Ambulances Phénix à lui verser les sommes suivantes :

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture imputable à l'employeur,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de souscrire une mutuelle pour le salarié,

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'amplitude horaire,

* 1 567,58 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 156,75 euros au titre des congés sur préavis,

* 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour transmission tardive des documents de fin de contrat, soit le 13 avril 2021, pour une rupture au 10 décembre 2018,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, et aux entiers dépens de première instance et d'appel,

et à lui remettre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 19 juin 2020, le carnet d'heures de l'embauche jusqu'à la démission et les justificatifs d'une souscription d'une mutuelle pour les salariés et de demande de visite médicale d'embauche à la médecine du travail.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 14 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Ambulances Phénix demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter [T] [I] de l'intégralité de ses demandes et de condamner celui-ci à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 13 décembre 2022.

MOTIVATION

Sur la demande de remise de documents sous astreinte

Le salarié demande la condamnation de la société à lui remettre sous astreinte son carnet d'heures de l'embauche jusqu'à la démission ainsi que les justificatifs d'une souscription d'une mutuelle pour les salariés et de demande de visite médicale d'embauche à la médecine du travail.

La société ne fait pas valoir d'élément en réponse sur cette demande.

Les pièces dont il est sollicité la remise ne sont pas utiles à la solution du litige. Il convient de débouter l'appelant de cette demande. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la requalification de la démission en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ses conséquences

Le salarié fait valoir que sa démission est consécutive à ses conditions de travail 'devenues insupportables' et au non-respect par l'employeur de 'ses multiples obligations', à savoir le non paiement de toutes les heures supplémentaires de travail effectuées, l'absence de remise de tous les bulletins de paie et des insultes, menaces et 'ordres inacceptables' de la part du gérant ; que dans ces conditions, sa démission équivaut à une prise d'acte de la rupture du contrat de travail en raison de l'attitude fautive de l'employeur ; qu'il convient donc de condamner celui-ci aux conséquences pécuniaires de la rupture (dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail imputable à l'employeur et pour préjudice moral, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents).

La société soutient que le salarié a démissionné en des termes clairs et non équivoques ; que celui-ci ne s'est jamais rendu dans les locaux de la société afin de récupérer les documents sollicités par lettre de son avocat du 9 avril 2019, quatre mois après sa démission ; qu'il n'a jamais invoqué de faits fautifs de l'employeur avant sa saisine prud'homale plus d'un an après sa démission ; qu'il a été intégralement payé des heures supplémentaires qu'il a accomplies entre juin et septembre 2018 puis ayant été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 25 septembre jusqu'à sa démission, ainsi qu'il ressort de ses bulletins de paie ; qu'il ne fournit pas d'élément étayant et chiffrant sa demande d'heures supplémentaires ; qu'il doit être débouté de toutes ses demandes.

La démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de mettre un terme à la relation de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués rendaient impossible la poursuite du contrat de travail ou dans le cas contraire d'une démission.

Sur le caractère clair et non équivoque de la démission

La lettre de démission du salarié datée du 3 décembre 2018 est ainsi rédigée :

'Par la présente, je vous notifie mon choix de démissionner dès maintenant de mon poste. Mon préavis se termine le lundi 10/12/18.

Je vous demande de me payer sur mon solde de tout compte les heures supplémentaires du mois de juillet car vous m'avez payer que 182 heures'.

Dans la mesure où dans sa lettre de démission, le salarié invoque des heures supplémentaires réalisées en juillet 2018 mais non payées par l'employeur, il ne peut être retenu une manifestation claire et non équivoque de démissionner de sa part. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Il convient donc d'examiner le bien-fondé des manquements de l'employeur invoqués par le salarié à l'encontre de l'employeur.

Sur les manquements de l'employeur allégués par le salarié

S'agissant du non-paiement allégué des heures supplémentaires accomplies

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Force est de constater que le salarié se borne à invoquer de manière générale et vague le non-paiement par l'employeur de toutes les heures supplémentaires exécutées, sans produire le moindre élément au soutien de cette demande, ne serait-ce qu'un chiffrage ou un décompte des heures de travail effectuées non payées. La cour relève par ailleurs qu'il n'a pas formé de demande auprès du conseiller de la mise en état de communication de pièces dans le cadre de la mise en état de cette procédure.

En l'absence de tout élément fourni au soutien de cette demande, la cour ne peut retenir l'existence d'heures supplémentaires non payées.

S'agissant de l'absence de remise de tous les bulletins de paie

Le salarié indique dans ses écritures n'avoir reçu que les bulletins de paie de juin, juillet et septembre 2018 et que ceux des mois d'août et octobre à décembre 2018 n'ont été produits pour la première fois par la société que par l'intermédiaire des conclusions de son avocat.

La société indique que l'ensemble des bulletins de paie ont été remis au salarié au fur et à mesure et ont été à nouveau adressés à son avocat afin qu'il les répercute à l'avocat du salarié conformément à sa demande en avril 2019.

Les bulletins de paie en cause sont en tout état de cause produits devant la cour.

S'agissant des insultes, menaces et ordres inacceptables de la part du gérant

Au soutien de ses allégations formulées de manière générale sans exemple précis et daté et sans citer les propos insultants et menaçants allégués, le salarié produit des attestations d'une collègue de travail, d'une voisine et de son compagnon. Les auteurs de ces attestations ne relatent aucun fait précis et daté dont ils auraient été témoins relatifs au comportement du gérant de la société. En particulier, l'attestation de Mme [R] [N] [G], ancienne collègue du salarié, est rédigée en des termes insuffisamment précis et circonstanciés. Les faits allégués ne sont pas établis.

Il résulte de ce qui précède qu'aucun manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail n'est établi à l'encontre de la société.

Il convient par conséquent de retenir que la démission du salarié produit les effets d'une démission.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes de requalification de la démission en un licenciement imputable à l'employeur, de dommages et intérêts pour rupture imputable à l'employeur et pour préjudice moral, celui-ci ne justifiant pas au surplus d'un préjudice distinct, et d'indemnité de préavis et congés payés afférents.

Sur le non-respect de l'obligation de souscrire une mutuelle pour le salarié

Le salarié ne justifie en tout état de cause d'aucun préjudice causé par le manquement qu'il allègue. Il sera débouté de cette demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le non-respect de l'amplitude horaire

Au soutien de cette demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'amplitude horaire, le salarié n'articule aucun moyen de fait. Il sera débouté de cette demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la transmission tardive des documents de fin de contrat

Il ressort des échanges de courriers entre les parties que les documents de fin de contrat ont été tenus à disposition du salarié par l'employeur au siège de la société et que celui-ci n'a pas souhaité se déplacer pour les récupérer. La demande de dommages et intérêts de ce chef n'est pas fondée, le salarié ne justifiant au surplus d'aucun préjudice. Celui-ci sera débouté de cette demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les frais irrépétibles et infirmé en ce qu'il statue sur les dépens.

Eu égard à la solution du litige, le salarié sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

La société sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il a dit que la démission est sans équivoque et en ce qu'il statue sur les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la démission est équivoque,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

CONDAMNE [T] [I] aux entiers dépens,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01148
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;21.01148 ?
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