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01/02/2023 | FRANCE | N°21/00994

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 01 février 2023, 21/00994


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 FEVRIER 2023



N° RG 21/00994



N° Portalis DBV3-V-B7F-UNJP



AFFAIRE :



[Y] [G]



C/



S.A.S.U. ZOETIS FRANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG

: 19/01417



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Yoann SIBILLE



Me Christophe DEBRAY







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 FEVRIER 2023

N° RG 21/00994

N° Portalis DBV3-V-B7F-UNJP

AFFAIRE :

[Y] [G]

C/

S.A.S.U. ZOETIS FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 19/01417

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Yoann SIBILLE

Me Christophe DEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [G]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Yoann SIBILLE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 664

APPELANT

****************

S.A.S.U. ZOETIS FRANCE

N° SIRET : 752 526 657

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

Représentant : Me François MACQUERON de la SELARL LUSIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

M. [Y] [G] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 mars 1989 par la société Laboratoires Pfizer.

À compter de septembre 2010, M. [G] a été nommé dans l'emploi de 'directeur des opérations régionales de la région est' (statut de cadre, catégorie 8).

En 2013, le contrat de travail a été transféré à la société ZOETIS FRANCE, appartenant à un groupe de sociétés installées en France et à l'étranger.

À la fin de l'année 2015, la société ZOETIS FRANCE a mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi.

Le 12 décembre 2015, en réponse à un questionnaire adressé par la société ZOETIS FRANCE, M. [G] a refusé de recevoir des postes de reclassement situés hors du territoire national.

Par lettre du 22 décembre 2015, la société ZOETIS FRANCE a adressé à M. [G] une proposition de poste de reclassement dans un emploi de catégorie inférieure (catégorie 7), que celui-ci a acceptée le 5 janvier 2016.

Le 2 février 2016, la société ZOETIS FRANCE a adressé à M. [G] une proposition d'avenant à son contrat de travail en vue de son affectation dans ce poste, que M. [G] a refusé le 3 mars suivant.

Par lettre du 10 mars 2016, la société ZOETIS FRANCE a adressé à M. [G] une deuxième proposition de poste dans un emploi de catégorie inférieure (catégorie 7), que celui-ci a accepté le 4 avril suivant.

Le 18 avril 2016, la société ZOETIS FRANCE a adressé à M. [G] une proposition d'avenant à son contrat de travail en vue de son affectation dans cet autre poste, que celui-ci a refusé le 22 mai suivant.

Le 19 mai 2016, M. [G] a demandé son reclassement dans un poste relevant de la catégorie 6.

Par lettre du 6 juin 2016, la société ZOETIS FRANCE a indiqué à M. [G] qu'elle n'accèdait pas à la 'demande de recevoir une troisième offre de reclassement, estimant avoir rempli vis-à-vis de vous notre obligation de reclassement avec les deux offres de reclassement que vous avez déjà reçues'.

Par lettre du 17 juin 2016, la société ZOETIS FRANCE a notifié à M. [G] son licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société ZOETIS FRANCE employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle de M. [G] s'élevait à 5 891,44 euros brut.

Le 18 juin 2018, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société ZOETIS FRANCE à lui payer notamment une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté dans le reclassement.

Par jugement du 4 mars 2021, le conseil de prud'hommes (section encadrement) a :

- dit que la société ZOETIS FRANCE n'a pas manqué à son obligation de loyauté dans sa recherche de reclassement de M. [G] ;

- dit que le licenciement de M. [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [G] de ses demandes ;

- condamné M. [G] à payer à la société ZOETIS FRANCE une somme de 1 000 euros ;

- condamné M. [G] aux dépens.

Le 31 mars 2021, M. [G] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 29 juin 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [G] demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué et statuant à nouveau de :

- dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société ZOETIS FRANCE à lui payer une somme de 159 068,88 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société ZOETIS FRANCE à lui payer une somme de 159 068,88 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et non-respect des obligations en matière de reclassement ;

- condamner la société ZOETIS FRANCE à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 27 septembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société ZOETIS FRANCE demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

- débouter M. [G] de ses demandes ;

- condamner M. [G] à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 22 novembre 2022.

SUR CE :

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que M. [G] soutient que la société ZOETIS FRANCE n'établit pas avoir rempli son obligation de reclassement aux motifs que :

- elle ne prouve pas avoir accompli des recherches de reclassement exhaustives et ne prouve pas une impossibilité de reclassement en son sein et au sein du groupe notamment par la production du registre du personnel ;

- elle n'a pas donné de suite à sa demande du 19 mai 2016 de reclassement dans un poste qu'il avait identifié et qui était disponible au moment du licenciement ;

Que M. [G] réclame en conséquence une somme de 159 068,88 euros ;

Considérant que la société ZOETIS FRANCE soutient qu'elle a rempli son obligation de reclassement de manière loyale et sérieuse aux motifs que :

- elle a proposé tous les postes disponibles en son sein et au sein des sociétés du groupe situées sur le territoire français ;

- les deux postes proposés étaient adaptés aux compétences de M. [G] ;

- M. [G] a fait preuve d'une particulière déloyauté en refusant les offres de reclassement à la dernière minute et en demandant un reclassement dans un poste d'une qualification et d'une rémunération inférieure à ceux qu'il avait refusés, lequel n'était de surcroît pas disponible ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ;

Que l'employeur est tenu de rechercher et de proposer aux salariés les postes disponibles, dans l'entreprise mais aussi dans le cadre des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il incombe à l'employeur de prouver qu'il n'a pu reclasser le salarié ; qu'il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible, à l'époque du licenciement, dans l'entreprise, ou s'il y a lieu dans le groupe auquel elle appartient ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées que la lettre de licenciement mentionne, après avoir rappelé les deux refus d'accepter les avenants afférents aux deux postes de reclassement, que 'malheureusement, nous n'avons pas été en mesure de trouver au sein de notre société et des autres sociétés du groupe en France, d'autres poste correspondant à votre formation, à votre qualification et votre expérience, que ce soit sur une catégorie similaire, équivalente ou inférieure' et que 'votre reclassement sur un poste de catégorie similaire, équivalente ou inférieure n'ayant pu aboutir, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement économique' ;

Que toutefois, la société ZOETIS FRANCE ne justifie par aucune pièce d'autres recherches de reclassement que celles ayant abouti aux deux propositions de postes et de l'absence d'autres postes disponibles en son sein et au sein des sociétés ZOETIS FRANCE du groupe en France au moment du licenciement, contrairement à ce qui est mentionné dans la lettre de rupture ;

Que par ailleurs, la société ZOETIS FRANCE n'est pas fondée à invoquer une déloyauté de M. [G] puisque les postes refusés entraînaient une modification du contrat de travail qu'il était donc en droit de refuser, que les lettres d'envoi des avenants en cause mentionnaient cette possibilité de refus, qu'elle reconnaît d'ailleurs dans ses propres conclusions (p.16) que ces refus étaient 'son droit' et que les délais de refus ont été respectés par le salarié ;

Que dans ces conditions, la société ZOETIS FRANCE ne justifie pas d'une impossibilité de reclassement de M. [G] en son sein et au sein des sociétés du groupe en France ;

Que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;

Que M. [G] est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige ; qu'eu égard à son âge (né en 1965), à sa rémunération, et à son ancienneté (27 années),il y a lieu d'allouer à l'intéressé une somme de 100 000 euros à ce titre ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et non-respect des obligations en matière de reclassement :

Considérant en l'espèce que M. [G] invoque en réalité à ce titre un manquement à l'obligation de loyauté dans le reclassement ; que ce manquement est sanctionné par le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique et est indemnisé par le biais de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'il est dit ci-dessus ; que M. [G] n'établit ni même n'allègue l'existence d'un préjudice distinct à ce titre ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société ZOETIS FRANCE aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées, le cas échéant, à M. [G] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; que la société ZOETIS FRANCE sera condamnée à payer à M. [G] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué, sauf sur le débouté de la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et non-respect des obligations en matière de reclassement,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que le licenciement de M. [Y] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société ZOETIS FRANCE à payer à M. [Y] [G] une somme de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société ZOETIS FRANCE à payer à M. [Y] [G] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance en appel,

Ordonne le remboursement par la société ZOETIS FRANCE, aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [Y] [G] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société ZOETIS FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00994
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;21.00994 ?
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