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01/02/2023 | FRANCE | N°21/00321

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 01 février 2023, 21/00321


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 1 FÉVRIER 2023



N° RG 21/00321

N° Portalis DBV3-V-B7F-UJCY



AFFAIRE :



[O] [B]



C/



Société PROCLIM CVC









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CHARTRES

Section : I

N° RG : F 19/00128



C

opies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Antoine GUEPIN



Me Jordana HESLOT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE PREMIER FÉVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 1 FÉVRIER 2023

N° RG 21/00321

N° Portalis DBV3-V-B7F-UJCY

AFFAIRE :

[O] [B]

C/

Société PROCLIM CVC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CHARTRES

Section : I

N° RG : F 19/00128

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Antoine GUEPIN

Me Jordana HESLOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER FÉVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [B]

né le 22 mars 1978 à Chartres (28000)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Antoine GUEPIN de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021

APPELANT

****************

Société PROCLIM CVC

N° SIRET : 799 543 798

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jordana HESLOT, Constitué, avocat au barreau de PARIS et Me Camille CAZENAVE, Plaidant, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 1er décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [B] a été engagé par la société Proclim CVC, en qualité de plombier-chauffagiste, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er août 2008.

Cette société est spécialisée dans le génie climatique, le traitement de l'air et l'ingénierie. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés et elle applique la convention collective nationale des Ouvriers du département de la Seine Saint Denis.

Le 3 août 2012 (selon la société) ou le 18 décembre 2013 (selon le salarié), le salarié a été victime d'un accident du travail. Il a été en arrêt de travail continu jusqu'au 17 mai 2018.

Le 18 mai 2018, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude du salarié 'à son poste de travail en un examen médical unique', avec possibilité 'd'occuper un emploi sans manutention sans gestes répétitifs et sans port de charges égales et ou supérieures à 500 grammes de façon répétée et prolongée dans le temps'.

Par lettre du 13 février 2019, le salarié été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 25 février 2019.

Il a été licencié par lettre du 28 février 2019 pour faute grave dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable en date du 25 février 2019 auquel vous avez été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 février 2019.

A l'occasion de cet entretien, au cours duquel vous étiez assisté par Madame [Z] l'assistant du salarié, nous vous avons exposé les motifs qui nous conduisaient à envisager votre licenciement, et avons recueilli vos explications.

Préalablement, il convient de rappeler que vous avez été embauché par la société PROCLIM à compter du 1er août 2008, par un contrat à durée indéterminée à temps plein, en qualité de plombier chauffagiste.

Le 3 août 2012, vous avez été victime d'un accident du travail à la suite duquel vous avez été placé en arrêt de travail.

Le 18 mai 2018, nous avons été destinataire d'un avis du Médecin du travail, qui concluait :

« Inapte à son poste de travail en un examen médical unique.

Pourrait occuper un emploi sans manutention sans gestes répétitifs et sans port de charges égales ou supérieures à 500 grammes de façon répétée et prolongés dans le temps ».

Nous avons immédiatement engagé une réflexion et entamé des recherches afin de favoriser le maintien de votre emploi au regard des difficultés sérieuses qui existent actuellement sur le marché du travail.

Tenant compte de l'avis strict rendu par le Médecin du travail, nous vous avons instantanément proposé par mail un poste d'encadrant de chantier compatible avec votre état de santé. Cette proposition est néanmoins restée sans réponse.

Vous étiez alors attendu le 22 mai 2018 sur un chantier situé à [Localité 5].

Toutefois, le 22 mai 2018, nous avons été alertés par Monsieur [R] [G] chargé d'affaires de votre absence à votre poste de travail.

Nous avons tenté de vous joindre par téléphone à plusieurs reprises, sans succès.

Prenant acte de votre silence, nous vous avons mis en demeure de justifier de votre absence par lettre recommandée en date du 25 mai 2018.

Toujours sans nouvelles de votre part, par lettre recommandée en date du 7 juin 2018, nous vous avons sommé de vous présenter sur le chantier TEREOS à [Localité 5] ou de bien vouloir, à tout le moins, justifier votre absence.

De même que le précédent, ce courrier n'a pas reçu de réponse.

Après de nombreuses tentatives, nous avons finalement réussi à vous joindre par téléphone le 13 juin 2018. Au cours de cette conversation téléphonique, vous avez prétendu nous faire parvenir les justificatifs de vos absences dans les plus brefs délais.

Tel ne fut cependant pas le cas.

Nous n'avons donc eu d'autre choix que de vous envoyer un troisième courrier daté du 20 juin 2018, vous demandant à nouveau, soit de vous présenter à votre poste de travail, soit de justifier de vos absences depuis le 22 mai 2018.

Ce n'est que par courrier du 28 juin 2018 que vous avez daigné nous répondre, sans pour autant justifier de votre silence et votre absence depuis plus d'un mois.

Vous vous êtes en effet contenté d'exiger que soit procédé à votre licenciement pour inaptitude, ou, à défaut, que soit repris le paiement de votre salaire.

Par courrier en date du 1er juillet 2018, nous avons alors fixé un rendez-vous dans l'objectif de nous rencontrer et de vous interroger sur le motif de vos absences.

Au cours de cette entrevue du 5 juillet 2018, vous avez pour la première fois refusé le poste de reclassement que nous vous avions proposé le 18 mai 2018.

Prenant acte de ce refus, nous avons alors convenu d'un nouveau rendez-vous fixé au 20 juillet 2018, afin de vous proposer un deuxième poste de reclassement.

La veille, vous avez annulé ce rendez-vous.

Nous vous avons alors une nouvelle fois demandé de vous présenter au siège de la société le 31 juillet suivant.

Cette fois, non seulement vous ne vous êtes pas présenté mais vous n'avez même pas pris la peine de nous prévenir.

Par courrier en date du 8 août 2018, nous vous avons invité à nous faire connaître le poste que vous souhaitiez occuper au sein de notre société et ce toujours dans une démarche active pour tenter de vous reclasser dans un poste conforme à vos attentes et aux prescriptions médicales.

Ce courrier est resté, une nouvelle fois, sans réponse.

En outre, vous n'avez jamais repris le travail.

En vous comportant de la sorte depuis le mois de mai 2018 vous êtes allé à l'encontre de toutes vos obligations contractuelles.

En effet, tout d'abord, en qualité de plombier chauffagiste, vous ne pouviez ignorer l'importance de la présence de tous les ouvriers sur un chantier, alors et surtout que vous deviez assurer son encadrement

Pour autant, vous n'avez pas hésité à ne pas vous présenter sur le chantier le 22 mai 2018, sans même avoir pris la peine d'en avertir au préalable vos collègues qui vous y attendaient, ou la Direction.

De tels agissements ont gravement nuit au bon fonctionnement de la société, compte tenu du fait que vous étiez attendu pour exercer le poste d'encadrant de chantier.

Par ailleurs, et alors même que nous vous avons sollicité à des très nombreuses reprises par téléphone ou par divers courriers (courriers des 25 mai, 7 juin, 20 juin, 1er juillet, 15 juillet, 14 juillet 2018), vous avez persisté dans votre absence injustifiée, laquelle est constitutive d'une insubordination fautive.

De plus, vous n'avez jamais répondu aux propositions de reclassement que nous avions émises, les postes répondant pourtant parfaitement au poste sédentaire préconisé par le Médecin du travail.

Plus grave encore, vous n'avez pas hésité à ignorer nos nombreuses demandes de rendez-vous, sans jamais prendre la peine de nous répondre.

Vous avez en effet refusé systématiquement de nous rencontrer afin de discuter d'un reclassement au sein de notre société.

Vous n'êtes pas sans avoir que vous étiez dans l'obligation de justifier de vos absences ou de reprendre le travail.

En outre, vous n'avez pas manqué de nous répéter à plusieurs reprises votre souhait d'être licencié, réelle raison de votre attitude.

Au regard de la particulière gravité des griefs évoqués ci-dessus, vous conviendrez aisément qu'un tel comportement est parfaitement inadmissible, des lors que nous avons tout mis en 'uvre afin de pourvoir à votre reclassement au sein de la société.

Lors de l'entretien préalable vous avez admis les faits et avez argué que vous auriez systématiquement refusé les postes proposés pour motifs personnels, sans pour autant justifier des motifs de vos agissements fautifs persistants.

Cet entretien ne nous a donc pas permis de modifier notre appréciation des faits. Dès lors, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave, sans préavis, ni indemnité de licenciement.

Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de l'entreprise à la première présentation de cette lettre. »

Le 3 mai 2019, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement d'un rappel de salaires, ainsi que diverses sommes de nature indemnitaire.

Par ordonnance du 20 juin 2019, le bureau de conciliation et d'orientation a condamné la société Proclim CVC à verser à M. [B] la somme de 13 290 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 18 juin 2018 au 18 décembre 2018.

Par jugement du 7 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Chartres (section industrie) a :

en la forme,

- reçu M. [B] en ses demandes,

- reçu la société Proclim CVC en sa demande reconventionnelle,

au fond,

- confirmé l'ordonnance rendue par le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de chartres le 20 juin 2019,

- dit et jugé que le licenciement de M. [B] est un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamné la société Proclim CVC à payer à M. [B] les sommes suivantes :

. 8 232,42 euros à titre de rappel de salaires et congés payés afférents,

. 2 658 euros à titre de rappel de congés payés,

. 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Proclim CVC de fournir l'ensemble des bulletins de paie à M. [B] dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement, puis sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; le conseil de prud'hommes de Chartres se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- débouté M. [B] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Proclim CVC de sa demande reconventionnelle,

- ordonné l'exécution provisoire de droit,

- condamné la société Proclim CVC aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution.

Par déclaration adressée au greffe le 28 janvier 2021, M. [B] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 27 septembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [B] demande à la cour de :

- dire et juger qu'il est recevable et bien-fondé en ses demandes,

- débouter la société Proclim CVC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Chartres du 7 janvier 2021 en ce qu'il a condamné la société Proclim CVC à lui payer les sommes de :

. 8 232, 42 euros au titre de rappel de salaires et congés payés afférents,

. 2 658 euros au titre de rappel de congés payés,

. 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Chartres du 7 janvier 2021 en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes financières,

statuant à nouveau,

- condamner la société Proclim CVC à lui payer la somme de 2 000 euros au titre du préjudice distinct causé pour non-paiement des salaires,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave notifié le 28 février 2019 est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Proclim CVC à lui payer les sommes de :

. 11 075 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et à titre subsidiaire la somme de 5 537,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

. 4 430 euros au titre de l'indemnité de préavis,

. 22 150 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner la production de l'ensemble de ses bulletins de paie régularisés dans un délai de 2 mois à compter du jugement à intervenir, puis sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner la société Proclim CVC à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Proclim CVC aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Proclim CVC demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres en ce qu'il a :

. confirmé l'ordonnance rendue par le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Chartres,

. condamné la société Proclim CVC à payer à M. [B] les sommes suivantes :

* 8 232,42 euros au titre de rappel de salaire et congés payés afférents,

* 2 658 euros à titre de rappel de congés payés,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres en ce qu'il a :

. dit et jugé le licenciement de M. [B] comme étant fautif et donc fondé sur une cause réelle et sérieuse,

. débouté M. [B] de l'ensemble de ses autres demandes fins et prétentions,

statuant à nouveau,

- débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre, en conséquence,

- infirmer l'ordonnance rendue par le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Chartres le 20 juin 2019 ;

- condamner M. [B] à lui verser la somme de 13 290 euros à titre de remboursement,

en tout état de cause,

- condamner M. [B] à verser à la concluante la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le bien fondé du licenciement

Le salarié explique avoir été licencié pour faute grave alors qu'il était en situation d'inaptitude médicale. Il expose que son refus du poste de reclassement ne peut constituer un motif de licenciement pour faute mais a pour seule conséquence éventuelle de lui faire perdre les indemnités spéciales dues en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle. Il ajoute que l'employeur n'a ni formulé de nouvelles propositions de reclassement après la seule proposition de ' responsable de suivi de chantier' ni procédé à son licenciement pour inaptitude, attendant six mois pour le licencier pour faute grave.

L'employeur affirme que si le refus de postes de reclassement proposé par l'employeur ne saurait être regardé comme une faute, la manière de procéder du salarié peut en revanche être fautive, ce qui est le cas alors que plusieurs propositions de reclassement et lettres de relance ont été adressées au salarié, qui a également été convoqué à plusieurs entretiens afin de discuter de son reclassement au sein de l'entreprise.

Il ajoute que le salarié a fait lui-même obstacle à l'obligation de reclassement de l'employeur et que les silences répétitifs conjugués au refus automatique du salarié des postes de reclassement proposés, conformes aux préconisations du médecin du travail, sont constitutifs d'une faute grave justifiant son licenciement ou, à titre subsidiaire, que le licenciement du salarié est fondé sur une cause réelle et sérieuse en raison de l'impossibilité du reclassement.

**

Selon les dispositions de l'article L.1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Selon l'article L.1226-12, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

En l'espèce, après avoir subi un accident du travail et avoir bénéficié d'avis d'arrêts de travail jusqu'au 17 mai 2018, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail le 18 mai 2018.

Les échanges entre les parties sont les suivants, à compter de l'avis d'inaptitude :

- le courriel du 18 mai 2018 intitulé ' reprise de travail', que le salarié affirme ne pas avoir reçu , l'employeur le priant 'd'être présent le 22 mai 2018 à 8h00 précises sur le chantier Tereos pour l'encadrement de celui-ci.',

- la lettre du 25 mai 2018 rappelant les termes de ce courriel et indiquant au salarié qu'il n'a pas repris son poste de travail le 22 mai 2018,

- les lettres des 7 et 20 juin 2018, rappelant au salarié son absence injustifiée et lui demandant d'en justifier, de se présenter sur le chantier Tereos ' afin d'encadrer celui-ci dans le cadre de votre reclassement',

- la réponse du salarié le 28 juin 2018 qui indique s'être renseigné auprès de l'inspection du travail qui l'a informé de ce que l'employeur devait le convoquer pour un reclassement et qu'en cas de refus, l'employeur devait le licencier et lui verser son salaire jusqu'au licenciement,

- la lettre du 1er juillet 2018, l'employeur faisant part au salarié de son étonnement alors que son reclassement a été notifié dès le 18 mai 2018 conformément aux directives du médecin du travail, le salarié ne lui ayant jamais fait part de son refus,

- la réponse du salarié le 10 juillet 2018 qui indique à l'employeur que, suite à l'entretien qui s'est tenu dans ses locaux le 5 juillet 2018, il refusait le reclassement proposé,

- la lettre de l'employeur du 13 juillet 2018 indiquant que la convocation à l'entretien du 5 juillet 2018 n'avait pas d'abord pour but de faire part au salarié des modalités de son reclassement mais de lui demander transmettre les justificatifs concernant ses absences à son poste de travail, l'employeur demandant ensuite au salarié de se présenter au siège social de l'entreprise le 20 juillet 2018 afin de lui proposer un ' second poste de reclassement' et afin que le salarié lui remette les justificatifs de ses absences,

- le courriel du salarié qui répond qu'il n'a pas reçu son salaire pour le mois de juin 2018 et que l'entretien du 20 juillet 2018 n'a pas lieu d'être, invitant l'employeur à appeler M. [E], inspecteur du travail,

- les lettres des 24 juillet et 8 août 2018 de l'employeur fixant une nouvelle date de rencontre, le 31 juillet 2018, et indiquant que le salarié n'a pas repris son poste, ni répondu à ses lettres recommandées, a décliné l'offre de reclassement du 18 mai puis 5 juillet 2018 et ne s' est pas présenté aux convocations des 20 et 31 juillet 2018 pour un second poste de reclassement, l'employeur ayant demandé au salarié de lui indiquer quel emploi il souhaitait occuper au sein de l'entreprise et connaître sa position par rapport à ce poste.

Il ressort de l'ensemble de ces pièces que l'employeur a imposé de manière comminatoire au salarié de reprendre son activité professionnelle sur un chantier en qualité 'd'encadrant' sans davantage de précision, aucune information n'étant donnée à la cour sur le contenu de ce poste.

En effet, les premiers échanges ne contiennent pas une proposition formelle et claire de reclassement et il n'est pas établi que l'employeur a proposé au salarié un poste adapté à sa situation, l'employeur se situant d'emblée sur le terrain de l'absence injustifiée.

De son côté, le salarié a fait part de son refus de reclassement sur le poste proposé à la suite de l'entretien du 5 juillet 2018 peu important que l'employeur indique lui-même qu'il ne s'agissait pas d'un entretien portant sur le reclassement.

Dans ce contexte, alors que le salarié a clairement exprimé un refus motivé de se représenter devant l'employeur à compter du 24 juillet 2018, après avoir décliné le 5 juillet 2018 le reclassement envisagé par l'employeur, et précisé qu'il ne viendrait pas au prochain entretien, il appartenait à l'employeur, en présence d'un tel refus du salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, de procéder à son licenciement pour inaptitude conformément aux dispositions de l'article L.1226-12 précité.

Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef de sorte que le licenciement pour faute grave de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

Aux termes de l'article L.1226-15 du code du travail en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L.1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'artice L.1226-14.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3-1, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [B] ayant acquis une ancienneté de 10 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 mois et 10 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant non contesté de la rémunération mensuelle versée au salarié (2 215 euros euros bruts), de son âge (40 ans), de son ancienneté, des indemnités chômage qui lui ont été versées à compter du 18 mars 2019 et de l'aide au retour à l'emploi à compter d'octobre 2021, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, de son état de santé, il y a lieu de condamner la société Proclim CVC à lui payer la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L. 1226-14, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L .1235-5 et ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Au cas présent, l'employeur n'établit pas que le refus du salarié est abusif en ce qu'il n'a jamais adressé au salarié une proposition de reclassement conformément aux textes précités.

Il convient de rappeler également que l'employeur n'a pas repris le paiement du salaire de M. [B] après l'avis d'inaptitude et a reproché au salarié une absence injustifiée de mai à fin juillet 2018.

En tout état de cause, le salarié n'a pas refusé sans motif légitime un poste approprié à ses capacités et comparable à l'emploi précédemment occupé, l'employeur n'ayant pas produit aux débats les caractéristiques de ce poste ' d'encadrant de chantier'.

Dès lors le salarié a droit au versement de l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévusà l'article L.1234-5, soit deux mois. Le salarié peut donc prétendre au paiement de la somme totale de 4 430 euros, montant non utilement discuté par l'employeur.

Le salarié peut également prétendre au versement de l'indemnité spéciale de licenciement qui s'élève à la somme de 11 075 euros, également non discutée par l'employeur en son calcul ( 1/4 de 2 215 x 10 mois = 5 537,50 € x 2 = 11 075 €).

En conséquence, infirmant la décision des premiers juges, l'employeur sera condamné à verser au salarié les sommes de 20 000 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4 430 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 11 075 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement.

Sur le rappel de salaire

Le salarié expose que l'employeur n'a pas repris le paiement du salaire un mois après l'avis d'inaptitude alors qu'il n'a été ni licencié ni reclassé de sorte qu'il est fondé à réclamer un rappel de salaires du 18 juin 2018 au 13 février 2019, date de l'engagement de la procédure de licenciement. Il ajoute que la validité des propositions de reclassement et ses éventuels refus n'ont aucune incidence sur l'obligation qui pèse sur l'employeur de reprendre le paiement du salaire.

L'employeur réplique avoir proposé un poste de reclassement au salarié le 18 mai 2018 compatible avec son état de santé et qu'elle a donc satisfait à son obligation de reclassement à laquelle le salarié a fait obstacle en dépit d'autres propositions de poste. Il indique solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a confirmé l'ordonnance rendue par le bureau de conciliation et d'orientation et le remboursement par le salarié de la somme de 13 290 euros, outre le rejet du solde réclamé.

Aux termes de l'article L.1226-11 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

Le refus par le salarié des propositions de reclassement formulées par l'employeur ne dispense pas celui-ci de verser le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Au cas présent, le salarié forme une demande de rappel de salaires pour la somme de 21 522,42 euros comprenant la provision accordée par le bureau de conciliation et d'orientation à hauteur de 13 290 euros brut à titre de rappel de salaire du 18 juin 2018 au 18 décembre 2018, ce qui a été confirmé par les premiers juges.

L'employeur était tenu de reprendre le paiement du salaire un mois après l'avis d'inaptitude, le salarié n'ayant pas été reclassé et ce jusque la rupture, du18 juin 2018 au 13 février 2019, la date d'engagement de la procédure de rupture.

L'employeur est donc tenu au paiement des salaires jusqu'à la rupture pour la somme totale de 21 522,42 euros, non utilement discutée.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- confirmé l'ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation qui a condamné l'employeur à verser un rappel de salaire jusqu'au 18 décembre 2018,

- condamné l'employeur à verser au salarié le surplus de salaire jusqu'au 13 février 2019 pour la somme de 8 232,42 euros, congés payés afférents.

Sur le rappel de congés payés

Le salarié soutient avoir été privé du paiement de ses congés payés de 2016 à 2018, et estime avoir droit au paiement de ses congés payés, dans la limite d'une année.

L'employeur indique que le salarié ne démontre pas qu'il n'a pas pris ses congés payés ni qu'ils ne lui ont pas été payés.

En application de l'article L. 3154- 5 du code du travail, les périodes d'arrêt suite à un accident du travail sont assimilées à du temps de travail effectif et sont prises en compte notamment pour le calcul du nombre de jours de congés payés.

Il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

L'employeur qui ne produit aucune pièce aux débats n'établit pas que le salarié a été rempli de ses droits afférents aux congés payés.

Le salarié sollicite, à juste titre, le paiement d'un rappel de congés payés pour la somme de 2 658 euros et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour non paiement des salaires

Le salarié fait valoir qu'en raison du comportement fautif de l'employeur, il n'a perçu aucun revenu pendant huit mois et qu'il est évident, sans besoin de démonstration particulière, que l'absence totale de salaire lui est préjudiciable,l'employeur ayant tardé à engager la procédure de licenciement.

Or, si l'employeur est tenu de reprendre le paiement du salaire dans les conditions des articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du code du travail, ces dispositions ne lui imposent pas de délai pour licencier le salarié.

Toutefois, il est établi que l'employeur n'a pas repris le paiement du salarié de sorte que le salarié s'est retrouvé sans aucun revenu pendant plusieurs mois, ce qui constitue un réel préjudice.

La décision des premiers juges sera donc infirmée et l'employeur sera condamné à verser au salarié pour compenser son préjudice une indemnisation à hauteur de 800 euros.

Sur la remise des documents

Il convient d'enjoindre à l'employeur de remettre des bulletins de salaire conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur l'article 700 et les dépens

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner l'employeur aux dépens de l'instance d'appel.

Il y a lieu de condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement entrepris mais seulement en ce qu'il confirme l'ordonnance rendue le 20 juin 2019 par le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Chartres qui condamne la société Proclim CVC à verser à M. [B] la somme de 13 290 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 18 juin 2018 au 18 décembre 2018, condamne la société Proclim CVC à payer à M. [B] les sommes de 8 232,42 euros à titre de rappel de salaires et congés payés afférents, de 2 658 euros à titre de rappel de congés payés, de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il ordonne à la société Proclim CVC de fournir l'ensemble des bulletins de paie à M. [B] dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement, puis sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le conseil de prud'hommes de Chartres se réservant le droit de liquider l'astreinte, en ce qu'il déboute la société Proclim CVC de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles et condamne la société Proclim CVC aux dépens,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement pour faute grave de M. [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Proclim CVC à payer à M. [B] les sommes suivantes :

- 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 430 euros au titre de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L.1226-14 du code de travail,,

- 11 075 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

- 800 euros à titre de dommages-intérêts pour non paiement des salaires,

ORDONNE la remise par la société Proclim CVC à M. [B] des bulletins de salaire conformes,

REJETTE la demande d'astreinte,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Proclim CVC à payer à M. [B] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute l'employeur de sa demande fondée sur ce texte,

CONDAMNE la société Proclim CVC aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Marine Mouret, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00321
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;21.00321 ?
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