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01/02/2023 | FRANCE | N°21/00081

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 01 février 2023, 21/00081


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 83C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 1er FÉVRIER 2023



N° RG 21/00081

N° Portalis DBV3-V-B7F-UH34



AFFAIRE :



[U] [O]



C/



Société ISOBOX ISOLATION









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de MANTES LA JOLIE

Section : I

N° RG : F 19/00195<

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Elise BRAND



Me Martine DUPUIS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE PREMIER FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 1er FÉVRIER 2023

N° RG 21/00081

N° Portalis DBV3-V-B7F-UH34

AFFAIRE :

[U] [O]

C/

Société ISOBOX ISOLATION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de MANTES LA JOLIE

Section : I

N° RG : F 19/00195

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Elise BRAND

Me Martine DUPUIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, dont la mise à disposition a été fixée au 18 janvier 2023, puis prorogée au 1er février 2023, dans l'affaire entre :

Monsieur [U] [O]

né le 19 juillet 1962 à [Localité 3] (MAROC)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Elise BRAND de l'AARPI BFL, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 102

APPELANT

****************

Société ISOBOX ISOLATION anciennement ISOBOX TECHNOLOGIES

N° SIRET : 450 541 461

[Adresse 14]

[Adresse 14]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Xavier REY de la SCP FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de BLOIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [O] a été engagé en qualité d'électromécanicien en poste, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 2 janvier 1990, par la société Isobox.

Cette société est spécialisée dans le moulage de matières expansées. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale de la plasturgie.

Il était affecté à l'usine de [Localité 6] et occupait le poste de responsable de fabrication. Le salarié percevait une rémunération brute mensuelle de 3 121,69 euros (moyenne des 12 derniers mois).

Le 1er août 2014, la société Isobox Technologies, nouvellement dénommée Isobox Isolation, a été rachetée par la division Industries du groupe allemand Knauf.

Un projet de réorganisation reposant notamment sur la fermeture de l'usine de [Localité 6] et le transfert du service administration des ventes du site de [Localité 6] vers celui de [Localité 12], en [Localité 12], et la suppression de 45 emplois à [Localité 2] ([Localité 4]), a été présenté le 24 novembre 2014 à la représentation du personnel, convoquée à cette fin le 5 novembre 2014.

Le 19 février 2015, un accord collectif est intervenu portant sur le planning d'arrêt de la production et le dispositif d'absence temporaire autorisée, la compensation financière supra conventionnelle, et la libre circulation dans le cadre des opérations de désengagement de la production.

Après une nouvelle réunion du comité central d'entreprise du 26 février 2015, en l'absence de signature d'un accord par les organisations syndicales, la société Isobox Technologies a saisi le 3 mars 2015 l'unité territoriale des [Localité 13] de la Direccte Ile-de-France d'une demande d'homologation du document unilatéral contenant les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi (le PSE).

Le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique donnant lieu à la mise en oeuvre du PSE de la société Isobox Technologies a été homologué par la Direccte le 18 mars 2015.

Le 21 avril 2015, un avenant à l'accord collectif du 19 février 2015 a prorogé la durée de la dispense d'activité.

Par décision du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision d'homologation du PSE, en raison du non-respect par la société Isobox Technologies de l'obligation d'information des repreneurs potentiels prévue par le 1° de l'article L. 1233-57-14 du code du travail.

Le recours formé contre ce jugement par la société Isobox Technologies et le ministère du travail a été rejeté par la cour administrative d'appel de [Localité 7] par arrêt du 18 février 2016, à l'encontre duquel aucun pourvoi n'a été déposé.

Entre-temps, la procédure de licenciement pour motif économique des salariés des sites de [Localité 6] et [Localité 2], concernés par ce projet, a été engagée, et les licenciements des salariés non protégés, notamment du site de [Localité 2], ont été notifiés le 26 mai 2015.

Le 15 décembre 2015, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement de M. [O], salarié protégé du site de [Localité 6].

Le recours engagé devant le ministre du travail contre cette décision de refus a fait l'objet d'une décision de rejet implicite le 13 juin 2016. Sur recours hiérarchique de l'employeur, le ministre du Travail a, le 29 juin 2016 annulé la décision de l'inspecteur du travail, pour erreur de droit.

Le 8 février 2016, le salarié avait saisi, avec d'autres salariés, le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie de diverses demandes au titre de cette procédure de licenciement collectif pour motif économique.

La société Isobox Isolation a repris la procédure de licenciement et, après avoir proposé plusieurs possibilités de reclassement, qui ont été refusées par le salarié,un nouveau refus d'autorisation de licenciement a été décidé par l'inspecteur du travail le 21 octobre 2016 au motif du non-respect du délai entre la convocation et l'entretien préalable du salarié, placé depuis février 2015 en dispense d'activité avec maintien de rémunération.

Le 20 avril 2017, le conseil de prud'hommes Mantes-la-Jolie, à la demande du salarié, a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de l'issue du litige portant sur le refus d'autorisation de licenciement.

La société Isobox Technologies s'est désistée le 14 juin 2017 du recours contentieux qu'elle avait initié le 12 février 2016 devant le tribunal administratif de Versailles.

Le 23 octobre 2017, la société a proposé au salarié des possibilités de reclassement sur l'ensemble du territoire national après recherche en son sein et auprès des autres sociétés du groupe auquel elle appartient. Le salarié n'a pas accepté ces propositions.

A l'issue de la période de protection, par lettre du 6 novembre 2017, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 17 novembre 2017.

Le salarié a été licencié par lettre du 30 novembre 2017 pour motif économique dans les termes suivants:

« 1. Rappel de la situation antérieure

Pour rappel, le groupe KNAUF comporte trois activités (Divisions) distinctes :

- Bâtiment;

- Insulation;

- Industries.

La Division Industries est spécialisée dans la production d'emballages en polystyrène, de pièces moulées en polystyrène expansé et de pièces techniques en résine alvéolaire, et met en 'uvre des procédés industriels de moulage, d'injection plastique et de thermoformage.

La société ISOBOX TECHNOLOGIES fait partie de la Division Industries.

Cette Division a connu une importante dégradation de ses résultats.

C'est dans ce contexte que la société ISOBOX TECHNOLOGIES a intégré la Division Industries du groupe KNAUF en 2014. Cette société avait elle même atteint ses limites économiques et financières avec des résultats s'étaient dégradés et des investissements que la société n'avait pas été en mesure de financer par ses propres résultats.

L'intégration de la société ISOBOX TECHNOLOGIES à la Division Industries a par ailleurs augmenté le déséquilibre entre capacité installée et capacité nécessaire pour répondre au besoin du marché.

Des mesures devaient donc être prises pour redresser cette situation globale et assurer la pérennité de l'activité.

De plus, la Division Industries ne pouvait pas assurer le financement d'importants chantiers de mise aux normes de différents sites de la société ISOBOX TECHNOLOGIES, dont celui de [Localité 6], outre des coûts additionnels significatifs pour répondre aux exigences environnementales et des assureurs.

Outre des difficultés économiques, l'augmentation de certains coûts (matières premières, énergies, logistique notamment) et le ralentissement de l'activité économique ont imposé la prise de mesures indispensables pour assurer la pérennité et la sauvegarde de la compétitivité de la Division Industries avec l'adaptation des capacités de production aux besoins des clients et permettre un retour à l'équilibre financier des différents sites de production.

Pour la société ISOBOX TECHNOLOGIES, cela s'est notamment traduit par :

- la concentration de la production sur 4 sites : [Localité 9], [Localité 11], [Localité 10] et [Localité 12]

- et la fermeture du site de [Localité 6].

Une importante réorganisation de la société a donc été réalisée avec la mise en 'uvre d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique en 2015.

2. Présentation de la situation actuelle

Suite à la mise en place de cette précédente réorganisation, la société ISOBOX TECHNOLOGIES a poursuivi sa restructuration et a :

- cédé l'activité de production de l'atelier de [Localité 8] à la société Knauf Industries Ouest (avec les équipements qui y étaient rattachés) et l'activité de production de l'atelier de [Localité 12], de l'atelier de [Localité 10] et de l'atelier de [Localité 11] à la société Knauf Industries Est (avec les équipements qui y étaient rattachés).

- et réorienté le développement de l'activité commerciale vers une activité de négoce

Par ailleurs, les résultats n'ont cessé de se détériorer malgré la précédente réorganisation.

Pour preuve, le résultat d'exploitation de la société ISOBOX TECHNOLOGIES 2015 était négatif à hauteur de 1 348 531 € contre (- 458 452 €) au titre du précédent exercice.

L'évolution contrastée des marchés, la baisse du chiffres d'affaires à 32 685 666 € ont été constaté en 2016. Le résultat opérationel 2016, malgré une nette amélioration, est resté négatif de

- 669 631€ avant opération de transfert de charge.

La situation nette de l'entreprise reste très dégradée avec des fonds propres déficitaires de 12 204 416€.

Afin de simplifier les flux administratifs et réduire les côuts, la Division Industries a pris la décision au cours du premier semestre 2017 de mettre fin à l'activité de négoce de la société ISOBOX TECHNOLOGIES et de facturer directement les clients par les entités de production (sous deux marques distinctes, Knauf Industries et Isobox Technologies).

Ces nouvelles mesures sont indispensables à la sauvegarde de la compétitivité et à la pérennité de la société et de notre secteur d'activité, à savoir la Division Industries.

Le poste que vous occupez, à savoir Responsable Fabrication, se trouve donc supprimé et la société n'est pas en mesure de vous proposer l'intégration d'un quelconque autre poste au sein de l'entreprise qui a désormais cessé toute activité de production/fabrication et négoce, ce qui conduit désormais à la fermeture du site de [Localité 6].

Vous ne pouvez pour autant être maintenue en dispense d'activité avec un maintien de votre rémunération.

3. Propositions de reclassement

Dans ces conditions, la société ISOBOX TECHNOLOGIES vous a formulé des propositions de reclassement en dehors de la société, en l'absence de tout poste disponible en interne.

En effet, par courrier du 23 octobre 2017, nous vous avons envoyé toutes les possibilités de reclassement susceptibles de vous être proposées sur le territoire national après recherches au sein de la société ISOBOX TECHNOLOGIES et au sein des autres sociétés du groupe auquel elle appartient.

Par courrier daté du 26 octobre 2017 vous avez décliné nos propositions.

4. Licenciement

Dans ces conditions, compte tenu de la situation actuelle tel qu'exposée ci-dessus et des difficultés économiques qui en résultent, de l'obligation de la société ISOBOX TECHNOLOGIES et de la Division Industries du groupe auquel nous appartenons de poursuivre sa réorganisation pour assurer la sauvegarde leur compétitivité, de la cessation de toute activité de production avec fermeture du site auquel vous êtes rattaché,de la suppression de votre poste qui résulte de cette réorganisation, de l'impossibilité de vous reclasser à un autre poste que celui auquel vous étiez affecté et de votre refus des offres de reclassement soumises, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement individuel pour motif économique.

Votre contrat de travail viendra à expiration suite à un préavis d'une durée de 2 mois à compter de la première présentation de ce courrier, ceci sous réserve des dispositions applicables au congé de reclassement qui vous sont exposées ci-après. »

M. [O] a refusé le congé de reclassement.

Le 12 juin 2018, M. [O] a sollicité la reprise de la procédure devant le conseil de prud'hommes.

Une ordonnance de radiation a été prononcée le 18 avril 2019 pour défaut de diligences des parties et l'affaire a été réinscrite au rôle le 7 novembre 2019.

Par jugement du 26 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie (section industrie) a :

- dit non prescrite l'action de M. [O],

- fixé le salaire mensuel brut à 3 109,69 euros sur la base des 12 derniers mois précédant le congé de reclassement (janvier à décembre 2017),

- constaté que la société Isobox Isolation a manqué à la gestion des risques psycho-sociaux résultant de la situation de la fermeture de l'établissement,

- condamné la société Isobox Isolation à verser à M. [O] la somme de :

. 3 109,69 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l'obligation de sécurité qui incombe à l'employeur,

- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement, conformément à l'article 1231-7 du code civil,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire hormis les cas où elle est de droit,

- condamné la société Isobox Isolation à payer à M. [O] la somme de :

. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [O] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Isobox Isolation en sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la société Isobox Isolation supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution.

Par déclaration adressée au greffe le 18 décembre 2020, M. [O] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2022.

Il doit être ici ajouté que par arrêt du 3 février 2022 (RG 18/02238 ; 18/02272 ; 18/02276) concernant des salariés non protégés du site de Bannalec, licenciés dans le cadre du même PSE que celui précité, la cour d'appel de Rennes a, notamment, confirmé le jugement entrepris en ses dispositions de condamnations au titre de l'indemnité supra conventionnelle de licenciement (en deniers ou quittance), des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation légale de sécurité, ainsi que sur les dépens. Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, elle a condamné la société à payer notamment aux salariés concernés diverses sommes à titre d'indemnité en application des dispositions de l'article L. 1235-16 du code du travail, de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation légale de rechercher un repreneur en cas de fermeture d'établissement, et, pour l'un d'eux, de dommages-intérêts pour non-octroi des offres valables d'emploi prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, en déboutant les deux autres. Ces arrêts n'ont pas fait l'objet de pourvois.

Enfin, par plusieurs arrêts du 24 février 2022 (RG 18/02273 ; 18/02274 ; 18/02278 ; 18/02279 ; 18/02282), la cour d'appel de Rennes a constaté le désistement de la société Isobox Isolation dans les affaires concernant cinq autres salariés, auxquels la société avait été condamnée par le conseil de prud'hommes de Quimper à verser, notamment, diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour manquement à l'obligation légale de sécurité.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement qui a :

. qualifié l'action de non prescrite,

. qui a condamné aux dépens, la société Isobox Isolation,

- réformer le jugement en ce que : . le conseil l'a débouté de sa demande de condamner la société Isobox Isolation à lui verser la somme de 38 750 euros à titre d'indemnité supra légale ou conventionnelle de licenciement telle que prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi,

. le conseil l'a débouté de sa demande d'assortir cette obligation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte devant commencer à courir dans le mois suivant la notification de la décision à intervenir, la juridiction de céans se réservant la faculté de liquider cette astreinte,

. le conseil l'a débouté de sa demande de condamner la société Isobox Isolation à lui verser les sommes suivantes :

* 60 000 euros en réparation du préjudice résultant de la privation de l'ensemble des autres mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi,

* 85 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant soit du caractère irrégulier de son licenciement, soit de l'absence de cause réelle et sérieuse de la mesure de licenciement dont elle a fait l'objet à raison de l'annulation par le tribunal administratif puis par la cour administrative d'appel, de la décision d'homologation du plan de restructuration pour motif économique de la société Isobox Isolation,

. le conseil l'a débouté de sa demande de qualifier son licenciement de nul ou à titre subsidiaire, de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. le conseil l'a débouté de sa demande de condamner la société Isobox Isolation à lui verser les sommes suivantes :

* 85 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant soit de la nullité de la mesure de licenciement dont il a fait l'objet, soit de l'absence de cause réelle et sérieuse de cette mesure,

* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination dont il a été la victime,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de recherche sérieuse d'un repreneur,

. le conseil de prud'hommes a limité la condamnation de la société Isobox Isolation à lui verser les sommes suivantes :

* 3 109,69 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité,

* 500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- condamner la société Isobox Isolation à lui verser la somme de 38 750 euros à titre d'indemnité supra légale ou conventionnelle de licenciement telle que prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi,

- assortir cette obligation d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, l'astreinte devant commencer à courir dans le mois suivant la notification de la décision à intervenir, la juridiction de céans se réservant la faculté de liquider cette astreinte,

- condamner la société Isobox Isolation à lui verser les sommes suivantes:

. 60 000 euros en réparation du préjudice résultant de la privation de l'ensemble des autres mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi,

. 85 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse, de la mesure de licenciement dont il a fait l'objet et ce à raison de l'annulation par le tribunal administratif puis la cour administrative d'appel, de la décision d'homologation du plan de restructuration pour motif économique de la société Isobox Isolation,

- qualifier son licenciement de nul ou, subsidiairement, de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Isobox Isolation à lui verser les sommes suivantes:

. 85 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la nullité ou, subsidiairement, de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement,

. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des faits de discrimination dont il a été la victime,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation par l'employeur, de son obligation de sécurité,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation par l'employeur, de son obligation de chercher un repreneur,

- débouter la société Isobox Isolation de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Isobox Isolation à lui verser la somme de 3 500 euros au visa l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Isobox Isolation demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie du 26 novembre 2020 en ce qu'il a : . dit non prescrite l'action de M. [O], . fixé le salaire mensuel brut à 3 109,69 euros sur la base des 12 derniers mois (janvier à décembre 2017), . constaté qu'elle a manqué à la gestion des risques psycho-sociaux résultant de la situation de la fermeture de l'établissement, . l'a condamnée à verser à M. [O] la somme de 3 109,69 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l'obligation de sécurité qui incombe à l'employeur, . dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement, conformément à l'article 1231-7 du code civil, . l'a condamnée à payer à M. [O] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, . l'a déboutée en sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile, . dit qu'elle supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie du 26 novembre 2020 en ce qu'il a :

. dit n'y avoir lieu à exécution provisoire hormis les cas où elle est de droit,

. débouté M. [O] du surplus de ses demandes,

statuant à nouveau,

- déclarer l'action de M. [O] prescrite et donc irrecevable,

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [O],

en tout état de cause,

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [O] à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] aux dépens.

MOTIFS

Sur la prescription

Le salarié soutient que la convocation devant le bureau de jugement du 15 juin 2018 réceptionnée par l'employeur le 18 juin 2018 vaut citation en justice, qu'elle est intervenue dans le délai d'un an suivant la notification du licenciement, qui s'inscrit dans le PSE dont l'homologation a été ultérieurement annulée, et que cette convocation a interrompu le délai de prescription concernant les demandes liées à la rupture de son contrat de travail.

Il ajoute, à titre subsidiaire, que son action n'est pas prescrite car il l'a engagée par la saisine du conseil de prud'hommes le 8 février 2016 en contestant la procédure engagée par l'employeur ayant conduit à une décision de refus d'autoriser son licenciement, devenue définitive en l'état du désistement de l'employeur de son recours formé devant le tribunal administratif contre le rejet du recours grâcieux formé devant le ministre du Travail le 5 février 2016, de sorte que, son action n'étant pas régie par le décret du 2 mai 2016, il pouvait en application du principe de l'unicité de l'instance, alors applicable, former des demandes relatives au licenciement prononcé à l'issue de sa période de protection. Il fait ainsi valoir que sa saisine initiale a interrompu toutes les prescriptions découlant du contrat de travail.

L'employeur soutient que l'action en contestation du licenciement du salarié est prescrite dans la mesure où :

- la saisine du conseil de prud'hommes le 8 février 2016, lors de laquelle le salarié a formulé à titre conservatoire des demandes liées à la contestation de son licenciement, est intervenue avant la notification de ce licenciement de sorte que, indépendamment du principe de l'unicité de l'instance, cette saisine ne pouvait interrompre un délai de prescription qui ne pouvait courir qu'à compter de la notification du licenciement,

- la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes du 15 juin 2018 ne constituait qu'un acte de reprise d'instance et n'avait pas pour effet d'interrompre la prescription de l'action relative à la mesure de licenciement. Seule la convocation initiale en audience de conciliation valait citation en justice et pouvait interrompre les prescriptions alors en cours.

- le salarié n'a contesté sa mesure de licenciement que dans ses conclusions du 15 avril 2019 déposées au greffe le 6 novembre 2019 soit hors du délai de contestation d'un an qui expirait le 30 novembre 2018.

**

Il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016. (Soc., 1 juillet 2020, pourvoi n 18-24.180, publié ; Soc., 16 novembre 2022, pourvoi n° 20-17.187, diffusé)

Cette règle de l'unicité de l'instance permettait ainsi à un salarié ayant saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à son contrat de travail de soumettre, jusqu'à la clôture des débats devant la cour d'appel saisie de la critique du jugement rendu, de nouvelles demandes dérivant du même contrat de travail, même si celles-ci avaient pour fondement un fait survenu après le prononcé du jugement.

Au cas présent, par acte de saisine du 8 février 2016, le salarié a engagé une action prud'homale contre la société Isobox Technologies saisissant le conseil de prud'hommes de diverses demandes liées au contrat de travail entre les parties, contenant une demande de sursis à statuer sur les demandes relatives au licenciement pour motif économique qui n'avait pas encore été notifié.

Il en résulte que l'instance ainsi introduite est, en tout état de cause, soumise au principe de la recevabilité des demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail, lesquelles pouvaient donc être formulées devant le conseil de prud'hommes déjà saisi le 8 février 2016.

Se pose donc ensuite la question de savoir si ces demandes du salarié au titre de la contestation de son licenciement sont prescrites.

Selon l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version en vigueur du 24 septembre 2017 au 22 décembre 2017, applicable au litige, toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité social et économique ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour motif économique, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement.

Il résulte de ce texte qu'il existe donc deux points de départ possibles au délai de prescription de l'action introduite par le salarié en contestation de son licenciement intervenu dans le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique : la date de la dernière réunion du comité social et économique (ou le cas échéant du comité d'entreprise) portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique ou la date de notification au salarié de son licenciement.

L'article R. 1452-1 du code du travail prévoit que le conseil de prud'hommes est saisi soit par une demande, soit par la présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation, et que la saisine du conseil de prud'hommes, même incompétent, interrompt la prescription.

Et selon l'article R. 1452-5 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur du 01 mai 2008 au 26 mai 2016, applicable au litige, sous réserve des dispositions du second alinéa de l'article R. 1452-1, la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation vaut citation en justice.

Enfin, selon l'article 373 du code de procédure civile, 'l'instance peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense.

A défaut de reprise volontaire, elle peut l'être par voie de citation.'

En l'espèce, par acte de saisine du 8 février 2016, soit dans le délai de douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise, qui s'est tenue le 26 février 2015, le salarié a engagé une action prud'homale contre la société Isobox Technologies saisissant le conseil de prud'hommes de diverses demandes liées au contrat de travail entre les parties contenant une demande de sursis à statuer sur ses demandes relatives au licenciement pour motif économique qui n'avait pas encore été notifié faute d'autorisation de l'administration.

Il ressort en effet de la convocation du 15 juin 2018 (pièce n°28 du salarié) qui reprend les demandes initiales du salarié, que ce dernier a, dès la saisine du 8 février 2016, sollicité du conseil de prud'hommes de 'dire et juger en conséquence sans cause réelle et sérieuse la mesure de licenciement pour motif économique dont les salariés ont fait l'objet' et la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lors de la reprise d'instance, intervenue après le licenciement du salarié, le 30 novembre 2017, ce dernier a maintenu sa demande de requalification de son licenciement pour motif économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par conséquent, par sa saisine du 8 février 2016, le salarié a interrompu la prescription de son action en contestation de son licenciement, peu important que la rupture ait été notifiée postérieurement à cette saisine, le 30 novembre 2017, de façon différée par rapport aux autres salariés, par le seul effet du statut de salarié protégé de l'intéressé.

L'action de M. [O] en contestation de son licenciement, qui a été engagée dans le délai de douze mois suivant la dernière réunion du comité d'entreprise conformément aux dispositions de l'article L. 1235-7 précité, n'est donc pas prescrite et les demandes qu'il a formées à ce titre sont recevables.

Au surplus, l'instance engagée par le salarié le 8 février 2016 a fait l'objet d'un sursis à statuer prononcé par le conseil de prud'hommes le 20 avril 2017. Puis, le 12 juin 2018, le salarié, qui avait in fine été licencié par lettre du 30 novembre 2017 rappelant le délai de prescription de l'action en contestation individuelle, prévu à l'article L. 1235-7 précité, qui lui est donc opposable, a sollicité la reprise d'instance pour voir trancher son action en contestation du licenciement.

La convocation devant le bureau de jugement adressée le 15 juin 2018 aux parties par le greffe du conseil de prud'hommes liste les différents chefs de demande du salarié, dont, notamment, une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et fixe une date d'audience devant le bureau de jugement à laquelle les parties sont ainsi convoquées, de sorte que cette convocation vaut citation en justice, au même titre que la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation.

Ainsi, tel que l'ont retenu les premiers juges, la demande de réinscription du 12 juin 2018 saisit donc bien le conseil de prud'hommes d'une contestation de son licenciement et de diverses demandes de condamnation afférentes à cette rupture, peu important que ses écritures développant ces demandes n'aient pas été notifiées dans le même délai à l'employeur, aucun texte ne l'imposant.

L'employeur ne conteste pas avoir réceptionné cette convocation le18 juin 2018, ainsi que l'établit la copie de l'accusé de réception. Cette convocation, l'informant de la contestation par le salarié de son licenciement, a été adressée au défendeur, la société Isobox Technologies, dans le délai d'un an suivant la notification du licenciement, intervenue le 30 novembre 2017.

En tout état de cause, l'action de M. [O] en contestation de son licenciement, qui a été engagée dans le délai d'un an suivant la notification de son licenciement, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-7 précité, n'est donc pas prescrite et les demandes qu'il a formées à ce titre sont recevables.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a 'dit et jugé non prescrite l'action de M. [O]'.

Sur l'application du PSE aux salariés titulaires de mandat de représentation du personnel

Le salarié soutient que, à aucun moment, l'employeur n'a rétracté à son égard la procédure de licenciement qu'il avait initiée en sollicitant l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail, par deux fois refusée, et que le fait que l'employeur ait, purement et simplement, attendu l'expiration de la période de protection du concluant pour le licencier, ne peut s'analyser en une renonciation de l'employeur à procéder au licenciement pour motif économique de l'intéressé dans le cadre du plan de restructuration initialement présenté aux instances représentatives du personnel et homologué par l'administration.

Il ajoute que la cause réelle du licenciement n'est pas une évolution défavorable de la situation de l'employeur, mais la fermeture de l'établissement de [Localité 6] sur lequel la société Isobox Technologies n'avait plus aucune activité, ni aucun actif depuis le 17 mars 2015, et qui s'inscrit dans le plan de restructuration pour motif économique ayant donné lieu au plan de sauvegarde de l'emploi dont l'intéressé doit normalement bénéficier au même titre que les salariés de ce site qui ont été licenciés dans le cadre de ce PSE, et pour lesquels la société s'est désistée de l'appel formé contre les jugements du conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie ayant fait droit à leurs demandes.

Il expose que le plan de sauvegarde de l'emploi n'a fait l'objet devant la juridiction administrative, d'aucune contestation de telle sorte qu'il est devenu totalement incontestable et son contenu ne peut plus évidemment être remis en cause devant les juridictions judiciaires qui n'ont plus aucune compétence en cette matière, qu'aucune des parties n'a jamais demandé l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi, mais seulement l'annulation de la décision d'homologation.

L'employeur objecte qu'il n'avait pas la possibilité de procéder à de nouveaux licenciements sur la base d'un dispositif frappé d'annulation, que le salarié se doit d'être un minimum cohérent : il ne peut avoir tiré avantage de l'annulation de l'homologation (qui a conduit à ne pas le licencier au titre de la procédure en 2015) et réclamer désormais l'application du PSE, qu'il ne s'agissait pas d'exclure M. [O] du bénéfice du PSE, mais que ce dispositif ne pouvait lui être appliqué, de sorte qu'il a fait l'objet d'un licenciement individuel avec un motif économique autonome plusieurs années après.

Il ajoute que la conclusion du salarié selon laquelle l'annulation de la décision d'homologation n'a aucunement affecté tant le contenu que l'exécution du plan de sauvegarde de l'emploi, ne trouve à s'appliquer que pour les salariés dont le contrat de travail a été rompu préalablement à l'annulation, que si, malgré l'annulation de cette décision d'homologation, le PSE a continué à s'appliquer et à bénéficier à l'ensemble des salariés déjà licenciés, il ne pouvait s'appliquer à de nouvelles ruptures post-annulation de la décision d'homologation, que, contrairement à ce que soutient le salarié, la société n'a jamais soutenu que l'annulation de la décision d'homologation avait entrainé l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi, la discussion ne portant que sur l'application d'une indemnité supra conventionnelle non intégrée au PSE.

Il expose que par ailleurs il n'existe pas d'engagement unilatéral sur lequel le salarié pourrait s'appuyer, que les déclarations qui ont pu être faites par la direction lors des réunions du Comité Central d'Entreprise s'inscrivaient dans un contexte juridiquement encadré à une date où l'homologation était valable, pour obtenir le bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi, que le licenciement du salarié n'entre pas dans le champ d'application de l'accord du 19 février 2015, au terme duquel la société avait conditionné le versement et le maintien de l'indemnité à l'absence d'annulation de la décision d'homologation, de sorte que, la décision d'homologation ayant été annulée, la condition suspensive a disparu avec l'anéantissement rétroactif de l'engagement de verser l'indemnité.

**

Il est constant que lorsque le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée (cf. Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 19/07/2017, 391849, Publié au recueil Lebon).

Lorsque le salarié dont le poste a été supprimé a été exposé au même titre que les salariés dont le site avait été fermé, à un licenciement économique, il est bien-fondé à solliciter l'attribution, faite par l'employeur aux seuls salariés concernés par la fermeture d'un site, de l'indemnité spécifique prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi. (cf. Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-23.457, Bull. 2013, V, n° 243).

Ce n'est que lorsque deux procédures de licenciement économique collectif sont successivement engagées dans l'entreprise accompagnées de plans de sauvegarde de l'emploi distincts, que le salarié licencié dans le cadre de la première procédure n'est pas dans une situation identique à celle des salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure au cours de laquelle a été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant les avantages revendiqués sur le fondement de l' égalité de traitement par le salarié licencié dans la précédente procédure. (cf. Soc., 29 juin 2017, pourvoi n° 15-21.008, Bull. 2017, V, n° 109).

Au cas présent, il est constant et non contesté que le projet de réorganisation présenté le 24 novembre 2014 aux représentants du personnel par la société Isobox Technologies prévoyait la fermeture du site et la suppression de la totalité de l'effectif de l'établissement de [Localité 6], soit 38 postes, dont celui de M. [O]. (Cf les différentes versions d'un projet d'accord collectif majoritaire sur le contenu du PSE, pièce 85S, page 11 à pièce 89, pages 12-13, et le document unilatéral définitif, pièce 95S, page 13-14).

Ainsi, la décision de la Direccte homologuant le document unilatéral fixant les mesures du PSE (pièce 154S) précise que 'le projet de restructuration envisage la fermeture de l'établissement de [Localité 6] (...) Que ce projet de fermeture a pour conséquence un projet de licenciement collectif pour motif économique'.

Le jugement (pièce 155S) du tribunal administratif annulant cette décision d'homologation indique quant à lui que 'le document unilatéral litigieux fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi afférent à un même projet de licenciement collectif sur une même période de trente jours, portant sur 83 emplois supprimés du fait de la cessation des activités de production de Bannalec et de la fermeture de l'établissement de [Localité 6].'

Par lettre recommandée du 25 août 2015 (pièce 15S) l'employeur a ainsi indiqué au salarié que 'dans le cadre de la procédure actuellement en cours, nous sommes contraints d'envisager votre licenciement pour motif économique' et l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement par lettre du 4 septembre 2015. L'employeur a ensuite demandé à l'inspecteur du travail, le 21 octobre 2015, l'autorisation de licencier ce salarié protégé, qui lui a été réfusée par décision du 15 décembre 2015.

En outre, le document unilatéral établi par l'employeur fixant, à défaut d'accord collectif majoritaire, le contenu du PSE indique en page 49 : 'Le présent du (sic) document unilatéral est conclu pour la durée de la mise en application des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, dont elle fixe le contenu.

Elle s'applique uniquement aux ruptures du contrat de travail initiées dans le cadre du projet de licenciement économique initié au Comité central d'entreprise le 24 novembre 2014.'

De plus, lors d'une réunion du 17 mars 2015 (pièce commune 66S), l'employeur s'est engagé à ce que le plan soit appliqué à l'ensemble du personnel y compris les salariés titulaires de mandat de représentation du personnel.

En effet, à l'interpellation des délégués du personnel indiquant : « Nous souhaitons un engagement écrit de votre part précisant que la société Isobox Technologies ne sera pas dissoute et qu'il restera à l'effectif des salariés licenciés de la société Isobox Technologies qui peuvent continuer à prétendre à l'exécution du plan de sauvegarde de l'emploi », le compte-rendu indique que « Monsieur [N] [alors le président de la société] répond officiellement que la société Isobox Technologies perdurera de façon à ce que les engagements pris dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi soient honorés ».

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que le fait que la notification de la rupture du contrat de travail de M. [O] ne soit pas intervenue à la même date que pour les salariés non-protégés ne tient donc qu'au statut protecteur de l'intéressé, imposant à l'employeur de solliciter l'autorisation administrative de le licencier, qu'il n'a jamais obtenue.

Dès lors, le statut protecteur dont bénéficiait M. [O] lors de la procédure de licenciement collectif mise en oeuvre par la convocation des représentants du personnel le 5 novembre 2014 (pièce 9 des salariés) ne saurait être la cause d'un traitement indemnitaire de l'intéressé différent de celui des salariés non protégés, au risque d'une atteinte au principe d'égalité de traitement des salariés concernés par la même procédure de licenciement pour motif économique collectif, en défaveur des salariés protégés inclus dans ce licenciement collectif.

L'annulation par le juge administratif de la décision d'homologation du document unilatéral portant PSE ne dispensait pas l'employeur d'attribuer à M. [O], dans le cadre de la rupture de son contrat de travail, les mêmes indemnités que celles dont il aurait bénéficié si, n'ayant pas été salarié protégé, il avait été licencié en même temps que ses collègues.

En conséquence, M. [O], salarié protégé inclus dans ce licenciement collectif, mais dont la rupture du contrat a seulement été différée, et donc, à cet égard, placé dans une situation identique à celles des salariés licenciés dans le cadre de la procédure initiée par consultation des délégués du personnel sur le projet de réorganisation de la société ayant donné lieu à élaboration d'un document unilatéral portant PSE dans lequel figurait la suppression de son emploi, est bien-fondé à soutenir qu'il doit bénéficier des mesures du PSE ou négociées dans le cadre de la procédure de licenciement collectif dans laquelle s'inscrit son licenciement in fine notifié le 30 novembre 2017.

Sur l'indemnité supra conventionnelle de licenciement prévue par le PSE

Le salarié fait valoir que l'alinéa 2 de l'article 1.2 de l'accord du 19 février 2015 prévoit simplement qu'en cas d'absence d'homologation par l'administration du travail du document unilatéral, l'accord du 19 février 2015 deviendra caduc, et que l'accord du 19 février 2015 ne prévoit aucunement l'hypothèse d'une suppression de la prime supra conventionnelle.

A l'argument de la société selon lequel l'accord du 19 février 2015 prévoyant une amélioration du PSE par le versement notamment d'une indemnité supra conventionnelle contient une clause qui stipulerait qu'en cas d'annulation par les juridictions administratives de la décision d'homologation, cette indemnité supra conventionnelle ne serait plus due, le salarié réplique qu'une telle clause interprétée de la sorte serait nécessairement nulle, dans la mesure où l'employeur ne peut subordonner le versement d'une indemnité supra conventionnelle prévue par PSE à l'interdiction qui serait faite au salarié de contester la mesure de licenciement pour raison économique dont il a fait l'objet dans toutes ces composantes.

Il ajoute qu'il tient son droit au versement de cette prime non pas directement de l'accord du 19 février 2015 mais du PSE lequel n'a fait l'objet quant à lui, d'aucune annulation, que si l'accord du 19 février 2015 ne s'était pas contenté de prévoir une simple amélioration du plan de sauvegarde de l'emploi et si comme le soutient la société, il avait fixé l'obligation pour l'employeur de verser aux salariés une indemnité supra conventionnelle de licenciement, cet accord constituerait une partie du PSE devant faire l'objet d'une validation par l'administration.

L'employeur soutient qu'aucun dispositif de versement d'une indemnité supra conventionnelle n'a été convenu dans le contenu du PSE qui opère expressément un renvoi à l'accord collectif, et que l'annulation par le juge administratif de la décision d'homologation du 18 mars 2015 a eu pour effet d'anéantir rétroactivement l'accord du 19 février 2015 qui est tenu pour non-avenu.

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La cour relève que le projet de document en vue de l'élaboration unilatérale du PSE (pièce 92, page 40) indiquait d'abord que 'l'indemnité supra conventionnelle est acquise à tous les salariés licenciés pour raison économique au titre du présent PSE, indépendamment de leur retour ou non à l'emploi et de la forme de ce retour (contrat de travail, création /reprise d'entreprise (...)...). '

Dans le cadre de la procédure d'information-consultation des institutions représentatives du personnel, et suite à un processus de médiation sous l'égide de la Direccte, la société Isobox Technologies et les organisations syndicales représentatives ont ensuite conclu le 19 février 2015 un accord collectif d'entreprise (pièce commune 93S), qui indique, s'agissant de son champ d'application, qu'il s'applique 'uniquement aux ruptures de contrat de travail initiées dans le cadre du projet de licenciement économique présenté au comité central d'entreprise le 24 novembre 2014.'

S'agissant de sa durée, il indique qu'il est 'conclu pour la durée de la mise en application des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi intégré au document unilatéral dans le cadre du projet présenté au comité central d'entreprise le 24 novembre 2014 et qui sera soumis au terme de la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel à l'homologation de la Direccte.'

L'accord contient également :

- dans le Titre I « Dispositions générales », un article 1.2 qui prévoit une condition suspensive ainsi libellée : « A défaut d'homologation du document unilatéral élaboré dans le cadre du projet présenté au Comité central d'entreprise depuis le 24 novembre 2014, le présent accord sera néanmoins caduc et sans effet ».

- dans le Titre II « Engagements », un article 2.2 intitulé : « Compensation financière supra conventionnelle », selon lequel 'il est décidé aux termes de l'amélioration du document unilatéral contenant le plan de sauvegarde de l'emploi, d'attribuer en complément des sommes et des aides prévues au plan de sauvegarde de l'emploi, une indemnité financière supra conventionnelle de rupture du contrat travail.

Cette indemnité faite partie intégrante des mesures prévues au plan de sauvegarde de l'emploi (...)

L'indemnité supra conventionnelle est acquise à tous les salariés licenciés pour motif économique au titre du plan de sauvegarde de l'emploi tel que présenté au CCE au cours des réunions organisées depuis le 24 novembre 2014.'

Le salarié fait valoir que le dernier alinéa de l'article 2.2 du projet d'accord prévoyait à l'origine, selon un document qu'il a retrouvé constituant la pièce 92 visée dans le bordereau de communication, qui toutefois ne pas figure pas dans le dossier remis à la cour, mais dont la société ne conteste pas l'existence ni qu'il lui ait été communiqué, que :

"D'un commun accord, les parties conviennent que l'éventuelle annulation par la juridiction administrative (Tribunal Administratif, Cour Administrative d'Appel ou Conseil d'Etat) de la décision d'homologation du document unilatéral rendue par la DIRECCTE, entraînera l'annulation du présent article (2.2) sans remettre en cause les autres clauses de l'accord avec obligation pour les salariés de restituer l'indemnité supra conventionnelle prévue au présent accord et qui aurait déjà été versée".

La cour relève que ce document avait bien été produit devant la cour d'appel de Rennes, devant laquelle il constituait la pièce commune 161 sur laquelle cette juridiction se fonde notamment pour en déduire que la commune intention des partenaires était bien de ne pas conditionner le droit acquis au titre de cette indemnité supra conventionnelle à une absence d'annulation ultérieure par le juge administratif de la décision d'homologation, mais seulement à une absence de décision d'homologation prise par l'autorité administratrive équivalant à un refus, analyse que partage la présente cour.

Il sera ici souligné que la société n'a pas formé de pourvois contre les arrêts de la cour d'appel de Rennes précités ayant confirmé sa condamnation à payer, à des salariés licenciés du site de Bannalec, l'indemnité supra conventionnelle dont M. [O] demande ici le versement.

Ainsi, si l'accord du 19 février 2015 prévoit un mécanisme de caducité en cas de non homologation du document unilatéral, en revanche il ne prévoit aucune caducité en cas d'annulation de la décision d'homologation, tel que cela figurait initialement dans la première version de l'accord. D'ailleurs, cet accord et son contenu ne sont pas mentionnés dans la décision d'homologation du document unilatéral établi par l'employeur qui ne fait qu'y renvoyer.

En effet, la cour d'appel constate que le document unilatéral précité contient, à son chapitre II sur « Le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi », un paragraphe V sur la « Compensation financière supra conventionnelle » selon lequel : « Suite aux négociations organisées du 17 au 19 février 2015, la société Isobox Technologies et les organisations syndicales représentatives ont conclu un accord aux termes duquel le versement d'une indemnité supra conventionnelle a été convenu, dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi.

Cette indemnité supra conventionnelle vient remplacer le dispositif présenté dans le cadre de la précédente version du présent document unilatéral ».

Ainsi que le soutient à juste titre l'employeur, l'accord n'a pas été juridiquement intégré au document unilatéral portant PSE. L'indemnité qu'il prévoit remplace ainsi celle initialement prévue par le document unilatéral.

Dès lors, le fondement de l'engagement de l'employeur à payer cette indemnité étant l'accord du 19 février 2015 - dont la caducité n'est pas encourue puisque le document unilatéral a bien fait l'objet d'une homologation - et non le document unilatéral portant PSE, l'annulation de la décision d'homologation de ce document est sans incidence sur l'obligation de l'employeur à payer cette indemnité aux salariés licenciés dans le cadre de la procédure de licenciement économique collectif initiée le 24 novembre 2014, parmi lesquels M. [O], auquel l'accord du 19 février 2015 doit également s'appliquer.

Contrairement à ce que soutient la société, l'annulation par le juge administratif de la décision d'homologation du 18 mars 2015 ne peut avoir eu pour effet d'anéantir rétroactivement l'accord du 19 février 2015, qui n'était pas un acte soumis à l'homologation de l'administration, procédure au surplus non applicable à un accord majoritaire, soumis le cas échéant à une validation par l'administration mais non à une homologation.

Il convient en conséquence, par voie d'infirmation du jugement, de condamner la société Isobox Isolation à verser à M. [O] la somme de 38 750 euros à titre d'indemnité supra conventionnelle de licenciement, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur la privation de l'ensemble des autres mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi

Le salarié soutient que, à la différence des autres salariés licenciés à la faveur de la fermeture de l'établissement dans le cadre de la même restructuration pour raison économique, alors qu'il était bien inclus dans le PSE, alors que le PSE prévoyait bien qu'il s'appliquait bien à l'ensemble des salariés licenciés pour motif économique à la faveur de la fermeture de l'établissement de [Localité 6] et alors encore, que l'employeur avait pris solennellement l'engagement devant les représentants du personnel qu'il n'y avait aucune difficulté quant à l'exécution du PSE les concernant, l'employeur a privé le salarié titulaire d'un mandat de représentation du personnel du bénéfice du plan.

Il ajoute que la décision de ne pas faire bénéficier les salariés du PSE constitue en réalité une véritable punition à l'égard des intéressés qui se sont effectivement engagés à obtenir le meilleur plan possible et à défendre au mieux l'intérêt collectif des salariés, et que la privation des mesures du plan a fait obstacle au reclassement du salarié.

L'employeur objecte que le salarié ne pouvait bénéficier des dispositions prévues par ledit plan en raison de l'annulation de la décision d'homologation antérieure de plus de deux ans à son licenciement, que d'autres mesures lui ont été appliquées, dont le bénéfice d'un congé de reclassement, et à titre subsidiaire, qu'il ne démontre pas son préjudice ni l'étendue de celui-ci.

Il ajoute que, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande du salarié au titre du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, les préjudices allégués par le salarié résultant de la « privation » des moyens prévus au PSE seraient nécessairement déjà indemnisés par les dommages et intérêts alloués au titre de la rupture (Soc., 27 janvier 2021 n° 18-23.535).

**

Lorsque l'employeur a attendu la fin de la période de protection du salarié pour, sous le couvert d'une mise à la retraite ne répondant pas aux conditions légales, procéder à une rupture du contrat de travail qui s'inscrit dans le cadre d'un projet de licenciement collectif consécutif à la fermeture du site auquel était affecté le salarié, ce dont il résulte qu'était nécessairement différée à son égard la mise en oeuvre des engagements pris dans le plan de sauvegarde de l'emploi, le salarié est bien-fondé à obtenir le paiement des indemnités prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi (cf. Soc., 19 mai 2015, pourvoi n° 13-27.763, Bull. 2015, V, n° 97).

De même, s'il résulte de l'article L. 1233-61 du code du travail que le plan de sauvegarde de l'emploi qui, pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre, intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, ne peut s'appliquer à un salarié dont le contrat de travail a été rompu avant son adoption, le salarié qui a été privé du bénéfice des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation (Soc., 14 avril 2021, pourvoi n° 19-19.050, publié).

Au cas présent, il n'est pas contesté que la décision d'homologation du document unilatéral portant mesures du PSE n'a pas été annulée pour absence ou insuffisance du PSE mais pour un motif de légalité interne, tenant à un défaut de motivation de la Direccte s'agissant du respect par l'employeur de son obligation de rechercher un repreneur, motif qui n'est donc pas susceptible d'entraîner la nullité du licenciement ni celle du PSE.

Dès lors, le PSE n'étant pas nul du seul fait de l'annulation de la décision d'homologation, les mesures qu'il contient restent applicables, l'employeur indiquant d'ailleurs lui-même les avoir exécutées au bénéfice des salariés non protégés des sites de [Localité 2] et de [Localité 6].

M. [O], qui a été privé du bénéfice de ces mesures et indemnités, est bien-fondé à solliciter le paiement de dommages-intérêts au titre de la privation de l'ensemble des autres mesures contenues dans le PSE.

Toutefois, d'une part, le salarié, qui a été dispensé d'activité avec maintien de sa rémunération jusqu'au licenciement notifié en novembre 2017, puis a été en recherche d'emploi, ne justifie pas de son préjudice, lequel, d'autre part, est en tout état de cause indemnisé par l'octroi d'une somme au titre de l'indemnité sollicitée en application de l'article L. 1235-16 , qui ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'il sera dit plus loin.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement d'une somme en réparation du préjudice résultant de la privation de l'ensemble des autres mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse, de la mesure de licenciement suite à l'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral portant PSE,

Le salarié rappelle dans la 2eme partie de ses conclusions que les conséquences liées à l'annulation par les juridictions administratives des décisions de validation ou d'homologation ne sont pas les mêmes suivant que la décision de validation ou d'homologation est annulée à raison d'une insuffisance du PSE ou à raison d'une irrégularité grave de procédure, qu'en l'espèce,

il ne s'agit pas d'une annulation pour insuffisance du PSE, mais d'un autre motif d'annulation permettant au salarié de prétendre à une indemnité ne pouvant être inférieure à six mois de rémunération selon l'article L.1235-16 du code du travail.

L'employeur objecte que les moyens développées le salarié sont totalement contradictoires, sollicitant d'abord l'application du PSE dont la décision d'homologation a été annulée définitivement en février 2016 alors que son contrat a été rompu en novembre 2017, et, ensuite, opposant que son licenciement de novembre 2017 serait nécessairement privé de cause réelle et sérieuse en raison de cette même annulation de la décision d'homologation, alors que le licenciement a été notifié dans le cadre d'une procédure individuelle de licenciement deux ans après. L'employeur expose ainsi qu'il est impossible pour M. [O] de se se prévaloir d'un licenciement irrégulier au motif de l'annulation de la décision d'homologation, puisque son licenciement n'est pas intervenu en application de la décision d'homologation du 18 mars 2015, celle-ci ayant été définitivement annulée, de sorte qu'aucune réparation ne lui est donc due à ce titre sur la base d'un tel moyen qui manque en fait.

A titre subsidiaire, il ajoute qu'il a été octroyé à chacun des autres salariés licenciés du site de [Localité 6] des dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixés par le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie à 6 mois de salaire, que M. [O] a perçu une indemnité conventionnelle de licenciement, prévue pour compenser la perte de l'emploi.

Il précise que le salarié ne peut se prévaloir d'une indemnité supérieure au barème prévu à l'article L.1235-3 du code du travail, qui devrait tenir compte de l'indemnité supra conventionnelle à laquelle la société serait éventuellement condamnée dans le cadre du présent litige.

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Pour les entreprises in bonis, est nul le licenciement intervenu en l'absence de toute décision administrative, malgré une décision négative ou suivi d'une annulation de la décision administrative en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi.

Le juge peut ordonner la réintégration du salarié, si elle est impossible ou si le salarié ne la demande pas, le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. (articles L. 1235-10 et L. 1235-11 du code du travail).

En revanche, selon l'article L. 1235-16 du code du travail, 'L'annulation de la décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 pour un motif autre que celui mentionné au dernier alinéa du présent article et au deuxième alinéa de l'article L. 1235-10 donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

A défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. (...)'

Il résulte de ces textes que la procédure de licenciement collectif pour motif économique n'est nulle qu'en cas d'annulation, par la juridiction administrative d'une décision ayant procédé à la validation de l'accord ou à l'homologation du document élaboré par l'employeur, qui se fonde sur l'absence ou l'insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi . (cf. Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-12.522, 19-12.527, publié).

Toutefois, lorsqu'il résulte des motifs de la décision d'annulation du juge administratif que l'administration n'aurait pas dû valider un accord collectif contenant les mesures du PSE car cet accord était affecté d'un vice dans ses conditions de négociation de nature à l'entacher de nullité,

un salarié peut alors, au soutien de demandes salariales ou indemnitaires formées contre l'employeur, se prévaloir du défaut de validité de l'accord collectif déterminant le contenu du PSE, qui résulte des motifs de la décision du juge administratif annulant la décision de validation de cet accord. Dans cette hypothèse, le juge judiciaire saisi de ces demandes est alors bien fondé à écarter l'application des clauses de cet accord. (cf. Soc., 27 mai 2021, pourvoi n° 18-26.744, publié)

Il ressort donc des jurisprudences précitées que l'annulation de la décision d'homologation n'entraîne la nullité de la procédure de licenciement et du PSE que si les motifs de l'annulation portent sur une insuffisance ou une absence du PSE, seuls de nature à emporter nullité de la procédure de licenciement.

Par ailleurs, l'indemnité prévue par l'article L. 1235-16 du code du travail qui répare le préjudice résultant pour le salarié du caractère illicite de son licenciement, ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui répare le même préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi. (Soc., 16 février 2022, pourvoi n° 19-21.144, 19-21.145, 19-21.146, 19-21.147, 19-21.149, 19-21.150, 19-21.152, 19-21.140, 19-21.141, 19-21.142, 19-21.143, publié)

Enfin, il résulte, d'une part, de l'article L. 1234-9 du code du travail que l'indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, est la contrepartie du droit de l'employeur de résiliation unilatérale du contrat de travail, et, d'autre part, de l'article L.1235-3 du même code que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l'emploi. (cf. Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 18-23.535, publié au Rapport)

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Au cas présent, la cour a précédemment retenu que M. [O] était un salarié protégé inclus dans le projet de licenciement collectif ayant donné lieu à l'élaboration du document unilatéral portant PSE, dont la décision d'homologation a été annulée par le juge administratif.

En effet, la décision de l'autorité administrative homologuant le document unilatéral de l'employeur fixant le PSE a été annulée par jugement du tribunal administratif de Strasbourg. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de [Localité 7] du 18 février 2016. Aucun pourvoi n'a été formé contre cette décision.

Peu important qu'in fine la rupture de son contrat de travail lui ait été notifiée ultérieurement, à l'expiration de sa période de protection, il en découle que le licenciement de M. [O], qui est intervenu alors que la décision d'homologation du document unilatéral fixant le PSE avait été annulée, entre dans les prévisions de l'article L. 1235-16 du code du travail et ouvre droit à une indemnité au moins égale aux six derniers mois de salaire, qui n'est pas plafonnée, contrairement à celle prévue par l'article L. 1235-3 dans sa rédaction applicable au licenciement de ce salarié.

Le salarié qui a été privé illégitimement de son emploi subit un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue, dans les limites de l'article L. 1235-16 du code du travail, peu important les diligences accomplies par l'entreprise dans le cadre de la recherche de reclassement ou des mesures d'accompagnement puisque, finalement, la rupture du contrat de travail est intervenue alors que la décision d'homologation, nécessaire pour une telle rupture, a été annulée.

L'indemnité prévue par l'article L. 1235-16 du code du travail se cumule avec l'indemnité conventionnelle de licenciement. En effet, cette indemnité, qui, contrairement à la première, n'a pas pour objet de réparer les conséquences du caractère illégitime de la rupture du contrat de travail, se trouve due, sous condition d'ancienneté, dans toutes les hypothèses de licenciement, sauf faute grave ou lourde. Il en est de même de l'indemnité supra-conventionnelle, due en application des dispositions négociées dans le cadre de l'accord collectif du 19 février 2015, ainsi qu'il a été rappelé précédemment.

Eu égard à l'ancienneté du salarié (27 années), qui a été dispensé d'activité avec maintien de sa rémunération jusqu'à son licenciement, à sa recherche d'emploi, à sa rémunération moyenne mensuelle brute (3 121,69 euros sur la base, non critiquée, du montant calculé par le salarié), à son âge (55 ans) lors du licenciement et aux circonstances de celui-ci, le préjudice subi est supérieur aux six derniers mois de salaire.

Infirmant le jugement, l'indemnité due en application de l'article L. 1235-16 du code du travail doit en conséquence être arrêtée à la somme brute de 65 000 euros, au paiement de laquelle la société Isobox Isolation sera donc condamnée.

Sur la nullité du licenciement,

Le salarié soutient ensuite dans la 3eme partie de ses conclusions que les dommages-intérêts pour licenciement nul se cumulent avec les dommages-intérêts qui sont dus à raison du caractère irrégulier du licenciement résultant de l'annulation de la décision d'homologation par le juge administratif, qu'en cas d'annulation de la décision d'homologation, l'article L.1235-16 du code du travail prévoit une sanction spécifique à raison du caractère irrégulier du licenciement, que cette sanction spécifique ne se substitue pas aux dommages-intérêts qui peuvent être dus en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou dénué de fondement. Il ajoute que le licenciement nul produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que dès lors il peut prétendre à des dommages-intérêts de ce chef.

Il fait valoir que dès lors que les évènements en lien avec la mesure de licenciement sont survenus pendant la période de protection du salarié, l'employeur ne peut attendre, pour licencier, l'expiration de la période de protection sauf à détourner la procédure de protection, ce qui entraîne nécessairement la nullité du licenciement, qu'en l'espèce, la société a contesté les refus d'autorisation devant le juge administratif, et qu'elle aurait pu très bien mener à bien cette contestation, ce qu'elle a refusé de faire puisqu'elle s'est désistée en définitive, que le licenciement du salarié titulaire d'un mandat de représentation du personnel à l'issue de sa période de protection et alors que le licenciement a été refusé par deux fois, est nécessairement nul, et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur objecte que la jurisprudence invoquée par le salarié n'a pas été rendue en matière de licenciement collectif pour motif économique, lequel motif doit nécessairement être apprécié à la date du licenciement, que contrairement à un licenciement pour motif disciplinaire, le licenciement pour motif économique ne permet pas un détournement de procédure, qu'à la date du licenciement, soit au 30 novembre 2017, la société a fondé la rupture du contrat de travail du salarié sur un motif économique autonome, distinct du motif ayant conduit initialement en décembre 2014 - février 2015 à la mise en place d'un PSE, que la notification de licenciement évoque d'ailleurs des éléments qui n'existaient pas pendant la période de protection, outre l'impossibilité de maintenir ce salarié en dispense d'activité de façon indéterminée avec maintien de sa rémunération, et, enfin, que cette demande ne saurait se cumuler avec les éventuels dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui auraient été octroyés par la cour, les dommages-intérêts au titre de la nullité visant à réparer le même préjudice, à savoir la perte de l'emploi.

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L'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit s'assurer de l'existence d'une décision de validation ou d'homologation du PSE, et l'annulation, par la suite, de la décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité de l'autorisation de licenciement. (CE, 19 juillet 2017, req. 391849, précité).

Après expiration de la période de protection, l'employeur toutefois ne retrouve pas une liberté totale pour licencier le salarié anciennement protégé.

Ainsi, le licenciement prononcé à l'expiration de la période légale de protection ne peut être motivé par les faits invoqués devant l'autorité administrative et qui ont donné lieu à une décision de refus d'autorisation du licenciement (Soc., 3 juillet 2003, pourvoi n° 00-44.625, Bulletin civil 2003, V, n 213), ni pour des faits identiques à ceux qui ont donné lieu à refus d'autorisation de licenciement pendant la période de protection (Soc., 19 décembre 1990, pourvoi n° 88-43.526, publié ; Soc., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-16.434, 13-16.805, publié). Dans ce cas, le juge judiciaire ne peut toutefois analyser le licenciement prononcé par l'employeur en un licenciement nul intervenu en violation du statut protecteur (cf. Soc., 2 février 2022, pourvoi n° 19-21.810, diffusé), le licenciement étant seulement alors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

De plus, le licenciement du salarié, prononcé à l'expiration de la période légale de protection dont il bénéficiait, en raison du motif économique précédemment invoqué devant l'administration du travail et qui avait donné lieu à une décision de refus d'autorisation administrative de licenciement, laisse supposer l'existence d'une discrimination syndicale rendant nul le licenciement de l'intéressé. (cf. Soc., 21 avril 2022, pourvoi n° 20-15.089, diffusé).

En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que l'autorisation de licencier le salarié dans le cadre du projet de licenciement économique collectif ayant donné lieu à élaboration d'un PSE a été par deux fois refusée, l'employeur s'étant désisté de la contestation de ces refus qu'il avait formée devant le juge administratif. Il n'est pas davantage contesté que le licenciement du 30 novembre 2017 a été notifié à l'issue de la période de protection du salarié.

Or, il résulte des motifs de la lettre de licenciement pour motif économique notifiée le 30 novembre 2017 que son motif est identique à celui qui avait été soumis à l'autorisation de l'inspecteur du travail. Apprécié à la date de notification du licenciement, le motif invoqué par l'employeur à l'appui de sa décision est identique à celui énoncé dans ses demandes successives d'autorisation de licenciement adressées à l'administration, en l'espèce la décision de concentration de la production de la société et par conséquent la fermeture du site de [Localité 6] (cf pièce 42S dossier individuel).

Dès lors, le licenciement notifié au salarié pour des faits connus pendant la période de protection, en l'espèce la fermeture du site de [Localité 6] entraînant la suppression de tous les emplois de ce site, dont celui de M. [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cependant, il est constant que des salariés auxquels a été versée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l'insuffisance du PSE et du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, sont ainsi déjà indemnisés du préjudice résultant de la perte de leur emploi et de la perte d'une chance d'un retour à l'emploi. (cf. Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 18-23.535,précité).

Dès lors, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulant pas avec l'indemnité versée en application de l'article L. 1235-16 précité, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [O] en paiement d'une somme de 85 000 euros à titre de licenciement nul, ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la discrimination syndicale subie,

S'agissant de la discrimination syndicale, qui n'est pas invoquée par le salarié comme motif de nullité du licenciement, M. [O] fait valoir que l'employeur a refusé de le reclasser alors qu'il en avait l'obligation, a volontairement refusé de suspendre les obligations qui résultaient du contrat de travail pour permettre à l'intéressé de rechercher un emploi en externe alors même qu'il ne lui fournissait plus aucune tâche à accomplir, a refusé de réintégrer le salarié, et, sans aucune raison objective et valable si ce n'est la détention du mandat, a refusé de lui appliquer le PSE alors qu'elle en avait expressément pris l'engagement devant les intéressés, le 17 mars 2015, et surtout que lors de la réunion du comité d'entreprise qui s'est tenue le 7 juillet 2015, le représentant de l'employeur l'a clairement menacé en faisant notamment état de sa qualité de conseiller prud'hommes. Il invoque un préjudice à la fois matériel et économique puisque il a été privé du PSE mais également moral compte tenu de l'humiliation qui ait résulté de la menace proférée.

L'employeur réplique que, en raison de l'annulation de la décision d'homologation, c'est de façon parfaitement légitime et donc sans la moindre discrimination que le salarié n'a pu bénéficier des dispositions contenues dans le PSE, qu'il a bénéficié de plusieurs propositions de reclassement qu'il a toutes déclinées, qu'il a eu la possibilité de bénéficier d'un congé de reclassement, qu'il s'est vu verser une indemnité conventionnelle de licenciement de 37 274 euros après avoir perçu pendant près de 3 ans sa rémunération avec dispense de son activité.

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En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, le licenciement de M. [O], prononcé a l'expiration de la période légale de protection dont il bénéficiait, repose strictement sur les faits et le motif économique précédemment invoqués devant l'autorité administrative, et qui ont donné lieu a une décision de refus d'autorisation du licenciement.

Alors que cette décision avait fait l'objet d'un contentieux devant les juridictions administratives, dont la société Isobox Isolation a choisi de se désister, elle a procédé au licenciement de M. [O] le 30 novembre 2017 sans y avoir été autorisée par l'autorité administrative.

Au surplus, le salarié produit en pièce commune n°35 une lettre des délégués du personnel à M. [K] [Z], DAF d'Isobox. Cette lettre retranscrit les propos tenus par ce dernier lors d'une réunion du 7 juillet 2016, selon lesquels :

'La solution c'est qu'il faut que vous compreniez que vous êtes salariés protégés, que je viens de déclarer la clôture du PSE, que vous partirez même plus avec un congé de reclassement;

vous irez au conseil de prud'hommes, et prendrez ce que le conseil de prud'hommes vous allouera et vous serez très loin des indemnités supra légales

je sui un financier, je suis payé par une entreprise et je ferais tout pour que les gars qui n'ont pas reçu leurs indemnités supra légales aujourd'hui ne l'auront jamais;

et je suis là pour vous piquer le maximum de pognon et je le ferai

jusqu'à la dernière goutte de sang, et vous verrez que votre rôle de représentant sera extrêmement ingrat

On est en train de parler d'une procédure qui va durer 3 ou 4 ans. Pendant ce temps là, les gens n'auront pas leur argent, faut pas croire, ils auront pas leur argent'

(...)

Cà s'appelle une deuxième loterie, c'est la cour d'appel et si la cour d'appel elle dit non d'une pipe ces gars là ils ont refusé de signer un plan où ils ont déjà 30, 32 mois de salaire, vous imaginez pas, c'est absolument anormal, hein, donc... mais regardez la loi El Khomri on peut dire tout le bien qu'elle fait...

Je sais certainement mieux que votre avocate comment çà se passe en conseil de prud'hommes et en cour d'appel, j'ai rédigé plus de 800 jugements dans ma vie'

Cette attitude de nature à laisser supposer, à elle seule et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres faits invoqués par le salarié, l'existence d'une discrimination illicite, ne peut être justifiée par la société Isobox Isolation, dont il doit être relevé qu'elle ne s'explique pas sur la pièce 35S précitée, par des éléments étrangers à1'activité syndicale de l'intéressé.

Les énonciations qui précédent doivent ainsi conduire à constater que M. [O] a été victime de discrimination syndicale au cours de sa période d'emploi au sein de la société Isobox Isolation.

Il convient dés lors de condamner la société Isobox Isolation à indemniser M. [O] du préjudice né de la discrimination illicite dont il a ainsi fait l'objet.

Au regard de la gravité des manquements discriminatoires dont a été victime l'intéressé, telle qu'elle ressort des circonstances de fait ci-dessus rappelées, et de leurs conséquences pour celui-ci compte-tenu notamment de la persistance dans le temps des manquements fautifs considérés, infirmant le jugement, le préjudice subi par le salarié a raison de la discrimination syndicale dont il a été victime peut étre évalué a la somme de 10 000 euros, au paiement de laquelle la société Isobox Isolation doit être condamnée.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Le salarié expose que les risques psychosociaux liés aux conditions particulières de l'annonce de la fermeture étaient maximum au sein de l'établissement, ainsi que l'établissent les attestations produites, tous les salariés décrivant une situation épouvantable, de stress, d'angoisse, de refus de tout dialogue social et de pressions émanant de l'employeur dans le contexte de la fermeture d'établissement, qu'à de multiples reprises en effet, le CHSCT et le comité d'établissement ont saisi l'employeur de la difficulté sans la moindre réaction de la part de la société, et que les autres juridictions saisies ont d'ailleurs indemnisé les salariés licenciés de leurs demandes formées à ce titre.

L'employeur réplique que la cour n'a pas la compétence pour apprécier le respect par la société de son obligation de sécurité lors de l'élaboration du PSE, qu'aucun manquement à l'obligation de sécurité n'a été évoqué concernant le site de [Localité 6], le salarié entendant en réalité s'appuyer exclusivement sur des éléments qui ne relèvent pas de son établissement pour établir une demande qui se révèle donc non fondée et dont le préjudice qui en serait résulté n'est pas démontré.

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Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version en vigueur du 11 novembre 2010 au 1er octobre 2017, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Il est constant que le juge judiciaire est compétent pour connaître de demandes tendant au contrôle des risques psychosociaux consécutifs à la mise en oeuvre d'un projet de restructuration. (Cf. Soc., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-13.887, publié)

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'employeur, sans citer la jurisprudence sur laquelle il se fonde, le juge judiciaire est compétent pour connaître de demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant pour le salarié du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité dans le cadre de la mise en oeuvre du projet de restructuration dans lequel s'intègre le licenciement de ce salarié, ce qui est précisément la situation de M. [O].

Au cas présent, il s'évince des pièces et documents versés aux débats que l'employeur n'a procédé à aucune évaluation des risques psycho-sociaux dans le cadre du PSE, mais il n'est pas contesté qu'il a mis en place une cellule psychologique (cf pièces 67 à 70E) visant à prendre en charge les situations à risque et les personnes en difficulté, que ces éléments ne sont pas utilement contredits par le salarié, étant précisé que les attestations des salariés du site de [Localité 2] sont inopérantes en ce qui concerne les risques psycho-sociaux concernant le site de [Localité 6]

En effet, le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité doit s'apprécier site par site, dans la mesure où chacun de ces sites comportent des risques distincts pour les salariés qui y travaillent.

Il convient en conséquence, par voie d'infirmation du jugement, de débouter le salarié de sa demande à ce titre.

Sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à la recherche d'un repreneur

Le salarié rappelle que si le juge administratif retient un manquement de l'employeur au regard de l'application de la loi [Localité 5], le juge judiciaire, dessaisi de son pouvoir de statuer en sens contraire, reste néanmoins compétent s'agissant de l'indemnisation du préjudice résultant pour le salarié, de cette situation. Il ajoute que le préjudice lié à la perte de chance d'obtenir la poursuite du contrat de travail est distinct dans son objet et dans sa cause, du caractère irrégulier du licenciement qui est sanctionné par des dommages-intérêts, et que, faute d'avoir cherché un repreneur, l'employeur a privé le salarié de la chance d'un transfert de son contrat de travail et donc d'une poursuite des relations contractuelles.

Il fait valoir qu'en l'espèce l'employeur n'a pas seulement manqué à son obligation de rechercher un repreneur pour le seul établissement de [Localité 2] mais bien comme le retient la cour administrative d'appel de Nancy au terme d'une décision parfaitement claire et définitive, également pour l'établissement de [Localité 6], ce dont il est résulté pour lui un préjudice non seulement financier mais également moral.

L'employeur objecte qu'à la date de son licenciement en novembre 2017, en tout état de cause cette obligation de recherche de repreneur n'existait plus à la charge de la société, et, subsidiairement, qu'il ne verse aucun élément pour justifier de ce préjudice tant sur le plan économique que sur le plan moral.

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Selon l'article L. 1233-57-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, en l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir notamment vérifié le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20, relatives à la recherche d'un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement.

Il en résulte que le respect du principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l'employeur de son obligation de recherche d'un repreneur, laquelle relève de la seule compétence de la juridiction administrative. (cf Soc., 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-20.969, publié, le rapport citant, pour un exemple de contrôle par le juge administratif de l'obligation de rechercher un repreneur, l'arrêt de la cour administrative d'appel de [Localité 7] du 18 février 2016 rendu dans la présente affaire.)

En effet, la sanction appliquée à l'entreprise employant mille salariés ou plus qui se dispense de rechercher un repreneur en cas de fermeture d'établissement est donc en premier lieu le refus par l'administration de valider ou d'homologuer le PSE. La demande de reversement des aides publiques dont l'entreprise avait pu bénéficier peut, le cas échéant, s'y ajouter.

Le dispositif est donc entièrement administratif. Par conséquent, admettre la compétence des juridictions judiciaires pour sanctionner un manquement de l'employeur à son obligation de rechercher un repreneur serait contraire à la volonté du législateur de 2013, renouvelée en 2014, de confier à l'administration le suivi du PSE et de la reprise de l'activité et, par voie de conséquence, d'attribuer aux juridictions administratives un bloc de compétence correspondant à l'ensemble des mesures contenues dans le PSE.

Cette solution prévaut y compris lorsqu'est allégué un abus de droit par l'employeur (cf. Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 19-23.248, publié).

En l'espèce, dans l'arrêt précité du 18 février 2016, la cour administrative d'appel de [Localité 7] a relevé que la société Isobox Technologies a décidé après son intégration dans le groupe Knauf La Rhénane courant août 2014 de procéder à la fermeture de son établissement de [Localité 6] ([Localité 13]) et de cesser toute activité de production industrielle dans son établissement de [Localité 2] ([Localité 4]), ce qui l'a conduite à établir un projet de licenciement collectif concernant 83 salariés au total (38 du site [Localité 6] et 45 sur les 51 du site de [Localité 2]) impliquant l'élaboration d'un PSE.

Cette même cour a rappelé que dans pareil contexte il appartenait à l'autorité administrative avant de décider l'homologation du document unilatéral de s'assurer du respect par l'employeur des dispositions légales précitées et qu'en réponse à l'argumentaire de ce dernier qui soutenait, avoir mis en oeuvre la procédure légale de recherche d'un repreneur, elle a retenu au contraire que 'la seule circonstance que le cabinet de conseil BPI Group a considéré qu'une " action lourde de recherche de repreneurs, même réalisée méthodiquement, n'a que très peu de chances d'aboutir " n'exonérait pas l'employeur de l'obligation d'information des repreneurs potentiels posée par le 1° de l'article L. 1233-57-14 du code du travail ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la réunion du comité central d'entreprise qui s'est tenue le 24 novembre 2014 que l'employeur avait prévu d'informer les repreneurs potentiels de son intention de céder l'établissement de [Localité 6] au moyen d'une publication dans un journal d'annonces légales ; que la société n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle a bien procédé à une telle publication ou à toute autre forme d'information des repreneurs potentiels ; qu'elle indique avoir seulement, par l'intermédiaire du cabinet de conseil BPI Group, informé deux acteurs locaux du projet de fermeture de l'établissement de [Localité 6], à savoir la communauté d'agglomération de Mantes en [Localité 13] et l'agence d'urbanisme et de développement de la Seine Aval ;

que si les comptes-rendus des deux entretiens réalisés avec ces acteurs par le cabinet BPI Group, établissent que ce cabinet a fait un état des lieux de la situation territoriale de l'établissement de [Localité 6], ils ne comportent aucune mention d'une quelconque information qui aurait été transmise par au moins un de ces acteurs à d'éventuels repreneurs ; qu'ainsi, aucun des éléments produits ne permet d'établir que l'employeur aurait procédé à l'information des repreneurs potentiels de son intention de fermer l'établissement de [Localité 6].'

Il en résulte que le manquement de l'employeur à son obligation de rechercher un repreneur a, ainsi, déjà été sanctionné par le juge administratif, qui, dans une décision définitive, a confirmé l'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral portant PSE prononcée pour ce motif par le tribunal administratif.

La présente cour est en conséquence incompétente pour connaître de la demande de dommages-intérêts présentée par M. [O] à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Isobox Isolation succombant, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, et de condamner la société Isobox Isolation aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer au salarié la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile exposés en appel, et enfin de rejeter sa demande fondée sur ce texte.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il dit et juge non prescrite l'action de M. [O], condamne la société Isobox Isolationà payer à M. [O] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société Isobox Isolation en sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que la société Isobox Isolation supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT M. [O] bien fondé à solliciter le bénéfice des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Isobox Technologies de février 2015,

DIT que le licenciement de M. [O] notifié le 30 novembre 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE en conséquence la société Isobox Isolation à lui verser les sommes suivantes :

- 38 750 euros à titre d'indemnité supra conventionnelle de licenciement,

- 65 000 euros bruts en application de l'article L. 1235-16 du code du travail,

CONDAMNE la société Isobox Isolation à verser à M. [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale,

DIT n'y avoir lieu assortir ces différentes condamnations du prononcé d'une astreinte,

DÉBOUTE M. [O] de sa demande en paiement d'une somme en réparation du préjudice résultant de la privation de l'ensemble des autres mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi, de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, et de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité dans la présentation et la mise en 'uvre du plan de sauvegarde de l'emploi, et de sa demande de nullité du licenciement,

SE DÉCLARE incompétente pour statuer sur la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à la recherche d'un repreneur,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Isobox Isolation à payer à M. [O] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel et la déboute de sa demande fondée sur ce texte,

CONDAMNE la société Isobox Isolation aux dépens d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Marine Mouret, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00081
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;21.00081 ?
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