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01/02/2023 | FRANCE | N°20/02342

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 01 février 2023, 20/02342


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 FEVRIER 2023



N° RG 20/02342



N° Portalis DBV3-V-B7E-UDPQ



AFFAIRE :



S.A.S. DACO FRANCE



C/



[I] [K]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG

: F18/01284



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELEURL ARENA AVOCAT



Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 FEVRIER 2023

N° RG 20/02342

N° Portalis DBV3-V-B7E-UDPQ

AFFAIRE :

S.A.S. DACO FRANCE

C/

[I] [K]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F18/01284

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL ARENA AVOCAT

Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. DACO FRANCE

N° SIRET : 300 482 916

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Représentant : Me Géraldine LEPEYTRE de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0108 substitué par Me Fanny PLAUT PIERSON, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Madame [I] [K]

née le 10 Février 1959 à [Localité 6] (INDE)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 428

Représentant : Me Cyrielle GENTY de la SELARL PRIMARD-BECQUET ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [I] [K] a été engagée par la société Daco France suivant un contrat de travail à durée déterminée à compter du 11 octobre 1995 jusqu'au 31 décembre 1995 en qualité de conditionneuse, contrat prolongé jusqu'au 8 mars 1996. Elle a, de nouveau, été embauchée en contrat à durée déterminée du 20 août 1996 au 20 décembre 1996 en qualité de conditionneuse. Les relations de travail se sont poursuivies suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en qualité de conditionneuse, coefficient 110, à compter du 2 mai 1997.

Par contrat en date du 1er septembre 2006, la durée de travail de la salariée a été portée à 128 heures par mois réparties selon planning, l'ancienneté a été reprise au 20 août 1996, les fonctions de la salariée étant celles d'agent de production, niveau 1. Une clause de mobilité type figurant au contrat de travail a fait l'objet de ratures.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

En dernier lieu, la salariée percevait une rémunération brute mensuelle moyenne de 2 156,56 euros calculée sur les douze derniers mois.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 septembre 2017, la société Daco s'est vue désignée repreneur du site industriel de la société Geo située à [Localité 4].

Le 2 octobre 2017, une procédure d'information-consultation de la délégation unique du personnel de la société Daco a été initiée.

Le 2 janvier 2018, la société Daco France a proposé à la salariée une modification de son contrat de travail pour motif économique, à savoir une réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, portant sur un transfert de son lieu de travail d'[Localité 5] à [Localité 4].

Le 22 janvier 2018, Mme [K] a refusé la proposition de modification de son contrat de travail.

La société Daco France a initié une procédure d'information-consultation des représentants du personnel concernant un projet de licenciement économique de moins de dix salariés.

Par lettre du 21 mars 2018, la société Daco France a proposé à la salariée deux postes de reclassement.

Le 26 mars 2018, la salariée a refusé ces propositions.

Par lettre du 26 mars 2018, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 9 avril 2018.

Mme [K] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle et son contrat de travail a été rompu pour motif économique à l'issue du délai de réflexion, soit le 30 avril 2018.

Le 23 octobre 2018, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir la condamnation de la société Daco France au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 7 octobre 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- jugé que le licenciement de Mme [K] était sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Daco France à lui verser la somme de 35 583,24 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [K] au titre de sa demande de nullité du licenciement ainsi que des dommages et intérêts afférents,

- débouté les parties de l'exécution provisoire,

- dit que les créances salariales produiraient les intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2018, date de présentation à la société Daco France de la lettre la convoquant devant le conseil de prud'hommes, et que les créances indemnitaires produiront les intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1236-6 et 1231-7 du code civil,

- condamné la société Daco France au paiement de la somme de 895 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Daco France aux entiers dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 20 octobre 2020, la société Daco France a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 28 septembre 2021, la société Daco France demande à la cour de :

- juger que le licenciement de Mme [K] est parfaitement fondé et repose sur une cause économique,

- juger qu'elle a rempli ses obligations en la matière,

- en conséquence, à titre principal, infirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [K] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'a condamnée à lui verser la somme de 35 583,24 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit que les créances salariales produiraient les intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2018, date de présentation de la lettre la convoquant devant le conseil de prud'hommes, et que les créances indemnitaires produiraient les intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1236-6 et 1231-7 du code civil, l'a condamnée au paiement de la somme de 895 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- subsidiairement, réduire les dommages et intérêts alloués au minimum légal soit 6 469,53 euros correspondant à 3 mois de salaire,

- en toutes hypothèses, confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de nullité du licenciement ainsi que de tous les dommages-intérêts y afférent,

- condamner Mme [K] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 24 août 2021, Mme [K] demande à la cour de :

- à titre principal, infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à la nullité de son licenciement,

- et en conséquence, dire et juger que son licenciement est nul,

- condamner la société Daco France à lui verser la somme de 35 583,24 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu en ce qu'il a dit et jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, dire et juger que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Daco France à lui verser la somme de 35 583,24 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, condamner la société Daco France au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- dire que les sommes allouées seront productives des intérêts de droit,

- condamner le défendeur aux entiers dépens de la procédure.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 6 décembre 2022.

MOTIVATION

Sur la validité du licenciement et ses conséquences

La salariée sollicite des dommages et intérêts pour licenciement nul. Elle indique que d'une part, la procédure de consultation et d'information des représentants du personnel n'a pas été respectée, que d'autre part, aucun plan de sauvegarde de l'emploi n'a été mis en place en dépit du nombre de salariés concernés, que le licenciement est nul sur le fondement des dispositions des articles L. 1235-10 et L. 1235-11 du code du travail.

L'employeur conclut au rejet de ces demandes. Il fait valoir qu'il a procédé aux informations-consultations obligatoires liées au projet de réorganisation et qu'en l'absence de refus de plus de dix salariés de modification de leur contrat de travail pour motif économique dont le licenciement était envisagé, il n'était pas tenu de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi.

Aux termes de l'article L. 1222-6 du code du travail, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.

La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus.

A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

En application des dispositions de l'article L. 1233-3 3° du code du travail, dans sa version applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

Aux termes de l'article L. 1233-25 du code du travail, lorsqu'au moins dix salariés ont refusé la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail, proposée par leur employeur pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique.

En l'espèce, au vu du document d'information, de la convocation et des procès-verbaux des réunions extraordinaire du CHSCT et du CE du 18 octobre 2017, de la convocation et des procès-verbaux des réunions extraordinaires du CHSCT et du CE du 7 novembre 2017, l'employeur a mis en oeuvre une procédure d'information-consultation de la délégation unique du personnel de la société Daco sur un projet de réorganisation impliquant le déménagement partiel de l'activité, notamment des lignes de production intégrant le site d'[Localité 4], de nature à entraîner la modification pour motif économique des contrats de travail des salariés concernés. L'employeur a ainsi présenté notamment le marché du fruit sec, l'état de la concurrence, la situation de l'entreprise et la menace sur la compétitivité selon lui, outre le projet de réorganisation ainsi que les conséquences sociales du projet. Les membres de la délégation unique du personnel au comité d'entreprise et le CHSCT ont ainsi rendu un avis favorable sur le projet.

Dans un second temps, cinq salariés y compris Mme [K] ont refusé la proposition de modification de leur contrat de travail pour motif économique. Au vu de la convocation et du procès-verbal de la réunion extraordinaire de la délégation unique du personnel en tant que délégation du comité d'entreprise du 20 mars 2018, de la note d'information, l'employeur a mis en oeuvre une procédure d'information-consultation des représentants du personnel concernant un projet de licenciement économique de moins de dix salariés. L'employeur a ainsi présenté notamment les postes rattachés au site d'[Localité 5] pour lesquels une modification du lieu de travail est envisagée, la procédure de modification des contrats de travail prévue à l'article L. 1222-6 du code du travail et le calendrier prévisionnel du projet. Les membres de la délégation unique du personnel ont ainsi rendu un avis favorable sur le projet de licenciement collectif, résultant du refus d'une modification du contrat de travail pour motif économique.

Ainsi, l'employeur a bien respecté les procédures de consultation liées au projet de réorganisation ainsi qu'au licenciement économique de moins de dix salariés conformément aux dispositions légales.

Il n'était pas tenu de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi, puisque moins de dix salariés avaient refusé la proposition de modification de leur contrat de travail pour motif économique. La demande de dommages et intérêts formée par la salariée sur le fondement de la nullité du licenciement sera donc rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

'[...] nous tenions à réitérer par écrit les explications que nous vous avons fournies oralement:

Motif économique

Comme vous le savez, la décision a été prise de réorganiser l'activité de la société Daco France et ainsi de transférer les dix lignes de conditionnement de fruits secs ainsi que toute l'activité logistique sur le site d'[Localité 4], ce transfert ayant pour conséquence une modification de votre contrat de travail.

À cet égard, la délégation unique du personnel en tant que délégation au comité d'entreprise a été régulièrement consultée sur les raisons économiques, d'ordres conjoncturels et structurels, conduisant à cette décision et le projet de licenciement pour motif économique a été notifié à l'autorité administrative le 26 mars 2018.

Dans le cadre de ce projet de réorganisation, nous vous avons proposé une modification de votre contrat par courrier du 2 janvier 2018. Pour mémoire, cette proposition de modification portait sur votre lieu de travail.

Vous disposiez à cet effet d'un délai de réflexion d'un mois pour accepter ou refuser cette modification.

Or, par courrier du 22 janvier 2018 en recommandé avec accusé de réception, reçu le 24 janvier 2018, vous nous avez fait part de votre refus d'accepter la modification de votre contrat de travail.

Nous avons alors procédé à une recherche active et individualisée de reclassement.

Par courrier du 21 mars 2018, remis en main propre, nous vous avons proposé des offres de reclassement que vous avez toutes refusées.

Nous poursuivons néanmoins nos recherches de reclassement. Toutefois, la situation actuelle limite grandement nos capacités de vous trouver un poste disponible et compatible avec vos compétences professionnelles.

Aussi, à défaut de reclassement, nous envisageons de rompre votre contrat pour le motif économique précisé ci-après.

La société Daco France est confrontée à une concurrence accrue qui l'a conduit à devoir se réorganiser et se moderniser afin de sauvegarder sa compétitivité.

Bien que le marché des fruits secs soit développé avec l'avènement des hypermarchés et supermarchés en France, la consommation reste toutefois très saisonnière (septembre ' décembre). La vente de fruits secs ne représente, en effet, que 3 % à 7 % du chiffre d'affaires des fruits et légumes, avec une pointe à 10 % lors des fêtes de fin d'année.

Ce marché est, par ailleurs, indirectement concurrencé par des produits de substitution comme les jus de fruits frais ou les compotes et fait souvent doublon avec le rayon épicerie.

L'absence de marques fortes leader sur le marché rend les opérateurs interchangeables sans que le consommateur s'en émeuve, et le merchandinsing en pâtit. Les marques de distributeurs (« MDD») représentent, par ailleurs, 40 % à 45 % des ventes. Les opérateurs se livrent, par conséquent, à du dumping pour maintenir leurs parts de marché sur leurs propres marques, ce qui impacte la qualité du produit.

Les industriels du secteur sont ainsi contraints d'innover avec notamment :

' la conception/développement de nouveau packaging (emballages refermables, sécables') ;

' le développement de nouveaux produits.

En outre, les exigences imposées par la grande distribution sont de plus en plus fortes :

' prix compétitifs ;

' logistique performante ;

' participation au budget de promotion de l'enseigne ;

' exigences renforcées sur la qualité des produits ;

' pression sur les marges ;

' concentration de la distribution ;

' développement des MDD.

Daco se trouve, au fil des années, dans une situation de dépendance économique accrue à l'égard de la grande et de la moyenne distribution se traduisant par :

' un nombre réduit de clients ;

' un nécessaire référencement ;

' des contrats commerciaux négociés annuellement avec des marges réduites.

Le marché est partagé entre cinq acteurs majeurs et est dominé par Maître Prunille du fait de sa position de premier producteur européen du pruneau.

Dans le secteur des pistaches et amandes, Wonderfull Pistachios ans Almonds (U.S.A) préempte les parts de marché de ces deux familles de produits. D'autres concurrents comme Sun Color ou l'allemand Seeberger et divers intervenants de plus petite taille sont également bien implantés.

Ces différents acteurs se livrent une concurrence acerbe tant en termes de prix que sur le plan marketing. À cela s'ajoute, l'évolution du positionnement de Maître Prunille (coopérative agricole), dont l'activité d'origine était centrée sur les fruits séchés (pruneaux, abricots, prunes) et qui a décidé d'élargir sa gamme et de conquérir le segment des fruits secs et à coque.

Afin de maintenir sa compétitivité au regard du contexte susvisé, Daco a dû prendre un certain nombre de mesures telles que :

' le lancement de nouveaux produits ;

' la création de nouvelles formes de conditionnement ;

' le développement de la distribution de ces produits sous MDD ;

' le développement de la notoriété de la marque ;

' le développement international ;

' la mise en place de nouveaux outils marketing.

Daco entend poursuivre sa stratégie d'innovation. À cet égard, plusieurs axes de développement sont envisagés :

' le snacking petit conditionnement type « Pocket » avec le lancement d'une gamme de six références en sachet par dose de 25 g au prix de 0,95 € avec l'ambition de développer les rayons dédiés snacking, magasin de proximité, station-service, cinéma, point Relay distribution automatique ;

' le segment santé/bien-être : le développement de nouveaux produits tels que les graines grillées sans sel à teneur en sel et sucre réduit, sans huile ajoutée ;

' le marché du bio : Daco entend investir plus largement à travers sa propre marque mais également les marques distributeurs ;

' la refonte intégrale de la gamme des aides à la pâtisserie « couleur cuisine ».

La poursuite de ce plan d'innovation se heurte toutefois à un outil industriel saturé et vieillissant qui freine les perspectives de développement et fragilise la compétitivité de Daco.

La saturation progressive du site d'[Localité 5] ne permet pas, en l'état, à Daco de répondre à la concurrence et de s'adapter aux évolutions des marchés auxquels elle s'adresse.

La société notamment limitée dans ses capacités de production et contrainte par manque de place d'avoir recours à la sous-traitance pour le conditionnement et la fabrication dans toute l'Europe.

En outre, le site d'[Localité 5] construit en 1980 est vieillissant et rend les conditions de travail complexes.

L'usine ne dispose d'aucun système de climatisation de sorte que la conservation des stocks de matières premières et produits finis n'est pas assurée en cas de canicule.

De même Daco se voit confrontée à des problématiques de fabrication liée à l'absence de température contrôlée et dirigée avec une hygrométrie adaptée aux fruits secs : produits collants, pertes de texture, délais de consommation raccourcis, effets de vieillissement accélérés.

Par ailleurs, l'ergonomie et le confort des salariés ne sont pas assurés de manière optimale du fait de la promiscuité des outils de fabrication.

Pour mener les projets innovants préalablement décrits et améliorer ses capacités de production, il était donc indispensable que Daco se dote d'un outil industriel de premier plan qui soit capable d'absorber de nouveaux marchés et volumes et d'accueillir de nouveaux matériels de fabrication et process.

Le site doit être en mesure d'assurer la bonne mise sur le marché de nouveaux produits dans des délais plus courts, tout en assurant un taux de service optimal.

C'est dans ces conditions que Daco a décidé en juin dernier de déposer une offre de reprise portant, essentiellement, sur les installations et actifs de la société Géo, dont le site de production situé à [Localité 4] (78).

Ce site de production est apparu comme une solution industrielle pouvant s'avérer compatible avec le plan de développement détaillé ci-dessus. Il est idéalement situé pour maintenir la capacité de la société de servir ses clients en flux tendu au niveau national.

La surface du site d'[Localité 4] représente 10 fois la surface de production actuelle ce qui permet d'envisager :

' la réunion des activités de production et de stockage ;

' l'implantation de nouveaux process de fabrication et de conditionnement ;

' la création d'une cellule conditionnement de produits bio ;

' le lancement de gammes dédiées aux circuits de distribution alternatifs ;

' la ré- internalisation des fabrications sous-traitées à l'étranger ;

' l'intégration de nouveaux métiers de transformation et de process (du grillage au broyage, de l'enrobage à l'aromatisation), et de conditionnement (offrir tous types d'emballages) ;

' une cellule entièrement consacrée aux mélanges avec 2 grandes unités de mélange et homogénéisateurs de matières doit nous permettre de viser la tête des marchés de mélanges et mix divers en France, en GMS et industrie ;

Le site d'[Localité 4] offre, par ailleurs, des locaux sociaux adaptés et des conditions de travail optimales (superficie, climatisation, luminosité, volume des espaces, réfectoire, parking du personnel, accès handicapés, infirmerie) comparés au site d'[Localité 5].

Il a ainsi été envisagé le déménagement de la totalité des 10 lignes de conditionnement de fruits secs ainsi que de toute l'activité logistique entraînant la modification de votre contrat de travail tel que rappelé ci-dessus.[...] .'

L'employeur fait valoir que le licenciement est fondé et repose sur une cause économique. Il expose que la réorganisation était motivée par des considérations économiques, la concurrence accrue sur un marché étroit, un outil industriel saturé et vieillissant. Il ajoute que la réorganisation était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.

La salariée conteste le motif économique invoqué à l'appui du licenciement. Elle fait valoir que l'employeur ne démontre pas les menaces qui auraient pesé sur sa compétitivité et qu'une partie de l'activité a été maintenue à [Localité 5]. Elle ajoute que son employeur avait conscience de son impossibilité de voir son lieu de travail modifié et aurait pu prendre en considération ce facteur en la conservant sur le site d'[Localité 5], au besoin en adaptant son poste.

Aux termes de l'article L. 1233-3 3° du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

Deux conditions doivent être remplies pour que l'entreprise puisse se prévaloir de ce motif, il faut à la fois que la compétitivité de l'entreprise soit menacée et que la réorganisation mise en oeuvre soit nécessaire pour y faire face.

Il appartient à l'employeur de démontrer la menace sur sa compétitivité.

Il appartient au juge, parce qu'il est tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique, de vérifier l'adéquation entre la situation économique et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail.

En l'espèce, la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécie au niveau de l'entreprise Daco puisqu'elle n'appartient pas à un groupe.

Dans son document d'information à l'attention des institutions représentatives du personnel, l'entreprise Daco fait état concernant son positionnement sur le marché du fruit sec :

- du contexte du marché du fruit sec, le marché s'est développé avec la grande distribution. La consommation conserve un caractère saisonnier marqué à l'automne avec une pointe de consommation lors des fêtes de fin d'année. Le marché évolue et s'est fortement développé grâce aux politiques d'innovation des intervenants majeurs, par de nouveaux consommateurs conscients des enjeux de santé, de bien-être et soucieux de mieux manger.

- des exigences de la grande distribution, avec une pression sur la négociation des prix, une organisation en flux tendu afin de limiter les stocks, une pression sur les marges des industriels, la concentration de la distribution et la centralisation des référencements. Cependant, l'entreprise n'allègue, ni n'établit d'éléments chiffrés montrant qu'il résulterait des exigences de la grande distribution une diminution de ses prix de vente, de son chiffre d'affaires.

- de la concurrence, avec cinq acteurs majeurs se partageant le marché avec un acteur dominant Maître Prunille du fait de sa position de premier producteur européen du pruneau, un acteur majeur du marché des pistaches et amandes Wonderful Pistachios and Almonds, la présence d'autres concurrents comme Sun Color ou Seeberger et divers intervenants de plus petite taille. Cependant, l'entreprise n'allègue, ni ne démontre que ses parts de marché seraient en diminution et ne verse pas aux débats d'analyse détaillée de son chiffre d'affaires et de ses parts de marché par produits ainsi que de leur évolution et des prévisions pour l'avenir.

- d'une situation de dépendance accrue vis à vis de la grande et moyenne distribution. L'entreprise indique avoir dû entreprendre des actions comme le lancement de nouveaux produits, la création de nouvelles formes de conditionnement, le développement de la distribution de ses produits sous marque de distributeur, le développement de la notoriété de la marque, le développement à l'international, la mise en place de nouveaux outils marketing afin d'avoir une meilleure connaissance du consommateur final et une capacité plus grande à répondre à ses besoins. Cependant, par là même, l'entreprise développe les éléments clés de sa politique marketing passée et ne fait pas état de l'existence de menaces particulières sur sa compétitivité, à défaut de production d'éléments chiffrés montrant notamment une dégradation de son chiffre d'affaires.

- de perspectives de développement. L'entreprise mentionne plusieurs axes de développement envisagés, ce faisant elle présente essentiellement les éléments clés de sa politique marketing en matière de développement pour les années à venir et ne fait pas ressortir de menaces particulières sur sa compétitivité à défaut de production d'éléments chiffrés prévisionnels de son chiffre d'affaires.

- d'un outil industriel saturé. L'entreprise fait état d'une saturation de son site à [Localité 5] du fait de la croissance des volumes et des marchés, de la nécessité d'externaliser le stockage des matières premières et des produits finis sur d'autres sites et entrepôts, du fait que le site d'[Localité 5] est devenu un site uniquement de production et du coût de la multiplication des autres sites, sans cesse en augmentation, entraînant des coûts de navettes inter-sites. L'entreprise souligne qu'elle ne peut pas augmenter les capacités de production sur le site d'[Localité 5] et est contrainte d'avoir recours à la sous-traitance pour le conditionnement et la fabrication dans toute l'Europe. Elle indique avoir déposé une offre de reprise portant essentiellement sur les installations et les actifs de la société Géo, comprenant le site d'[Localité 4] afin de se développer sur un bâti existant dans le cadre de sa stratégie de croissance et de développement. Cependant, l'entreprise n'allègue ni ne présente d'éléments chiffrés relatifs à sa marge opérationnelle montrant une menace sur sa compétitivité.

- de conditions de travail peu adaptées à l'évolution de l'entreprise. L'entreprise fait valoir que son outil industriel sur le site d'[Localité 5] est vieillissant, qu'il ne dispose pas de système de climatisation, ni de système de température contrôlée et dirigée avec une hygrométrie adaptée aux fruits secs. Elle déplore des conditions de confort et d'ergonomie qui ne sont pas optimales pour les salariés, des difficultés à assurer les audits de certification, des retours clients de plus en plus critiques, un sous-dimentionnement du site et son caractère exigu, source de pénibilité.

Cependant, l'entreprise n'allègue ni ne produit d'éléments chiffrés montrant une dégradation de sa marge opérationnelle et faisant état d'une menace sur sa compétitivité.

Ainsi, l'entreprise Daco ne démontre pas la menace sur sa compétitivité invoquée. Par conséquent, la réorganisation ne justifie pas des licenciements pour motifs économiques.

Le licenciement de la salariée est donc dénué de caractère réel et sérieux.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la salariée, née le 10 février 1959, qui compte une ancienneté de plus de vingt-deux ans et qui est âgée de 59 ans lors de la rupture du contrat de travail a droit à des dommages et intérêts compris entre trois et seize mois et demi de salaire brut.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Daco France à payer à Mme [K] la somme de 35 583,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L.1233-69 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige et de l'article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l'article L.1233-69 du code du travail.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Daco France succombant à la présente instance, sera condamnée aux dépens d'appel. Elle devra également régler à Mme [K] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement,

Et y ajoutant :

Ordonne à la société Daco France de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [I] [K] dans la limite de six mois d'indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l'article L.1233-69 du code du travail,

Condamne la société Daco France aux dépens d'appel,

Condamne la société Daco France à payer à Mme [I] [K] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02342
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;20.02342 ?
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