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26/01/2023 | FRANCE | N°20/00420

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 26 janvier 2023, 20/00420


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 83E



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 JANVIER 2023



N° RG 20/00420

N° Portalis DBV3-V-B7E-TYBW



AFFAIRE :



[S] [N]



SYNDICAT CGT SCHINDLER



C/



SA SCHINDLER









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N

° RG : F 16/01065





















Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Jean-Michel DUDEFFANT



Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA



le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83E

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 JANVIER 2023

N° RG 20/00420

N° Portalis DBV3-V-B7E-TYBW

AFFAIRE :

[S] [N]

SYNDICAT CGT SCHINDLER

C/

SA SCHINDLER

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F 16/01065

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean-Michel DUDEFFANT

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant initialement fixé au 12 janvier 2023 et prorogé au 26 janvier 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [N]

[Adresse 11]

[Localité 12]

Représentant : Me Jean-Michel DUDEFFANT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0549

SYNDICAT CGT SCHINDLER

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentant : Me Jean-Michel DUDEFFANT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0549

APPELANTS

****************

SA SCHINDLER

N° SIRET : 383 711 678

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentants : Me Anne MURGIER et Me Julia REDON de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidants, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K20 et Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier placé lors des débats : Madame Virginie BARCZUK

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Madame Domitille GOSSELIN

Rappel des faits constants

La SA Schindler, dont le siège social est situé à [Localité 17], dans les Yvelines, est spécialisée dans l'installation, l'entretien et la réparation d'escaliers mécaniques et ascenseurs. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des entreprises d'installation sans fabrication, y compris entretien, réparation, dépannage de matériel aéraulique, thermique, frigorifique et connexes du 21 janvier 1986.

M. [S] [N], né le 5 janvier 1966, a initialement été engagé par la société Roux Combaluzier Schindler, à présent dénommée Schindler, selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 25 juillet 1991, et occupait en dernier lieu les fonctions de chargé d'études techniques, statut cadre.

Depuis le 11 juin 2015, M. [N] a assuré divers mandats de représentation du personnel de façon continue et est depuis 2010 secrétaire du syndicat CGT Schindler.

M. [N] s'est vu notifier un premier avertissement par courrier du 18 mai 2016, motifs pris d'un « comportement improductif en inadéquation avec les attentes du service » et d'une « attitude négative et une remise en cause récurrente de l'autorité légitime de son supérieur hiérarchique préjudiciable à la dynamique commerciale du service ».

M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles en annulation de cet avertissement, par requête reçue au greffe le 28 juillet 2016.

En cours de procédure, M. [N] s'est vu notifier un deuxième avertissement par courrier du 9 janvier 2017 puis un troisième avertissement par courrier du 13 mars 2017.

Le syndicat CGT Schindler est intervenu volontairement à la procédure.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 22 janvier 2020, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Versailles a :

- déclaré recevable l'action du syndicat CGT Schindler France,

- déclaré que le règlement intérieur est parfaitement opposable à M. [N],

- débouté le syndicat CGT de l'ensemble de ses demandes,

- annulé l'avertissement du 18 mai 2016,

- validé l'avertissement du 9 janvier 2017,

- validé l'avertissement du 13 mars 2017,

- condamné le syndicat CGT à verser à la société Schindler la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Schindler de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile contre M. [N],

- débouté M. [N] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile contre la société Schindler,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- laissé les dépens à la charge respective des parties.

M. [N] avait formulé les demandes suivantes :

- annulation de l'avertissement notifié par lettre du 18 mai 2016,

- annulation de l'avertissement notifié par lettre du 9 janvier 2017,

- annulation de l'avertissement notifié par lettre du 13 mars 2017,

- article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,

- dépens.

La société Schindler avait, pour sa part, sollicité :

- article 700 du code de procédure civile (M. [N]) : 1 000 euros,

- article 700 du code de procédure civile (Syndicat CGT) : 1 000 euros.

Le syndicat CGT Schindler avait formulé, quant à lui, les demandes suivantes :

- le juger recevable et bien fondé en son intervention volontaire,

- juger que la direction de la société Schindler n'a pas accompli les formalités de dépôt et de publicité conformément aux dispositions susvisées,

- indemnité pour violation des garanties de fond régissant le droit disciplinaire : 10 000 euros,

- dommages-intérêts pour abus de pouvoir : 5 000 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,

- dépens.

La procédure d'appel

M. [N] et le syndicat CGT Schindler ont interjeté appel du jugement par déclaration du 13 février 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/00420.

Par ordonnance rendue le 2 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 10 novembre 2022.

Prétentions de M. [N] et du CGT Schindler, appelants

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 8 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [N] et le syndicat CGT Schindler demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

. en ce qu'il a déclaré le re'glement intérieur de la société Schindler date' de 1983 opposable a' M. [N] et a valide' les avertissements notifie's a' M. [N] par lettre du 9 janvier 2017 et du 13 mars 2017,

. en ce qu'il a condamne' le syndicat CGT Schindler a' payer a' la socie'te' Schindler la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de proce'dure civile,

. en ce qu'il a de'boute' M. [N] de ses demandes, a' savoir :

. annuler les avertissements qui lui ont e'te' notifie's par lettre du 9 janvier 2017 et par lettre du 13 mars 2017,

. condamner la socie'te' Schindler a' lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. en ce qu'il a de'boute' le syndicat CGT Schindler de ses demandes a' savoir :

. juger que la socie'te' Schindler n'a pas accompli les formalite's le'gales de de'pôt et de publicite' de son re'glement inte'rieur date' de 1983 et juger qu'en conse'quence le re'glement inte'rieur de la socie'te' Schindler date' de 1983 est inopposable aux salarie's,

. condamner la socie'te' Schindler a' verser au syndicat CGT Schindler la somme de 10 000 euros a' titre de dommages-intérêts pour violation des garanties de fond re'gissant le droit                       disciplinaire et 5 000 euros a' titre de dommages-intérêts pour abus de pouvoir ainsi que la                    somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de proce'dure civile,

statuant a' nouveau de ces chefs,

- dire et juger que le re'glement inte'rieur de la socie'te' Schindler date' de septembre 1983 est inopposable a' M. [N] et aux salarie's de l'entreprise Schindler,

- annuler l'avertissement notifie' a' M. [N] par lettre du 9 janvier 2017,
- annuler l'avertissement notifie' a' M. [N] par lettre du 13 mars 2017,

- condamner la socie'te' Schindler a' verser au syndicat CGT Schindler la somme de 10 000 euros a' titre de dommages-intérêts pour violation des garanties de fond re'gissant le droit disciplinaire,

- condamner la socie'te' Schindler a' verser au syndicat CGT Schindler la somme de 5 000 euros a' titre de dommages-intérêts pour abus de pouvoir,

- confirmer le jugement en ce qu'il a annule' l'avertissement notifie' a' M. [N] par lettre du 18 mai 2016,

- débouter en conse'quence la socie'te' Schindler de son appel incident,

- condamner la socie'te' Schindler a' verser a' M. [N] et au Syndicat CGT Schindler chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de proce'dure civile,

- de'bouter la socie'te' Schindler de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- condamner enfin la socie'te' Schindler aux entiers de'pens dont distraction au profit de Me Jean-Michel Dudeffant, avocat, conforme'ment aux dispositions de l'article 699 du code de proce'dure civile.

Prétentions de la société Schindler, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 25 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Schindler demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. jugé que le règlement intérieur était parfaitement opposable à M. [N],

. débouté le syndicat CGT Schindler de l'ensemble de ses demandes,

. jugé que l'avertissement notifié à M. [N] par lettre du 9 Janvier 2017 était parfaitement fondé,

. jugé que l'avertissement notifié à M. [N] par lettre du 13 mars 2017 était parfaitement fondé,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé l'avertissement notifié à M. [N] par lettre du 18 mai 2016,

- condamner M. [N] et le syndicat CGT Schindler à verser à la société Schindler la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [N] et le syndicat CGT Schindler aux entiers dépens.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le règlement intérieur

M. [N] et le syndicat CGT Schindler prétendent à l'inopposabilité du règlement intérieur de la société Schindler daté de 1983 et par voie de conséquence à la nullité des avertissements prononcés sur ce fondement, rappelant qu'une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être infligée à un salarié par un employeur employant habituellement au moins 20 salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur.

Ils soutiennent que la société n'a procédé à aucune nouvelle information ni a fortiori consultation des instances représentatives du personnel et que l'employeur n'a pas modifié la date d'entrée en vigueur de son règlement intérieur qu'elle a continué à afficher en l'état avec la date d'entrée en vigueur du 5 septembre 1983, malgré les modifications qu'elle y a apportées en 1985.

La société Schindler soutient au contraire que le règlement intérieur est parfaitement opposable, que l'ensemble de la procédure d'adoption applicable a été respectée à la suite des modifications demandées par l'inspection du travail en 1985 et que l'absence de modification de la date d'entrée en vigueur du règlement intérieur de 1983 est sans conséquence sur la validité et l'opposabilité de ce dernier.

A ce sujet, les parties, ensemble, rappellent qu'en application de la loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise dite loi Auroux, la société Roux Combaluzier Schindler a mis en place un règlement intérieur en septembre 1983, que l'employeur a procédé au dépôt de ce règlement intérieur et l'a, en ce qui concerne les établissements de Vélizy et d'Île-de-France, transmis à l'inspection du Travail le 2 août 1983 avec une date d'entrée en vigueur fixée au 5 septembre 1983, puis à son affichage dans les locaux de l'entreprise, que toutefois, par décision du 25 juillet 1985, l'inspection du Travail a constaté l'illégalité de certaines dispositions et a mis en conséquence l'employeur en demeure de procéder à diverses modifications et ajouts, ce que la société Schindler a fait à l'exception de l'article 11 concernant les mises à pied disciplinaires, au sujet desquelles l'employeur a formé un recours hiérarchique qui a été rejeté, que la société Schindler a alors procédé aux formalités de dépôt et de publicité de son règlement intérieur dans sa nouvelle rédaction, auprès de l'inspection du travail et du greffe du conseil de prud'hommes le 20 février 1986.

S'agissant de la nécessité de consulter les représentants du personnel sur les modifications apportées en 1985

M. [N] et le syndicat CGT Schindler reprochent à la société de ne pas avoir accompli les diligences impératives prévues à l'époque par l'article L. 122-36 du code du travail, après les modifications imposées par l'inspection du travail.

L'article L. 122-36 devenu l'article L. 1321-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'époque, dispose :

« Le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.

En même temps qu'il fait l'objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, est communiqué à l'inspecteur du travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur ».

Toutefois, ainsi que le soutient avec pertinence la société Schindler et que l'a jugé la Cour de cassation à plusieurs reprises y compris au sujet du règlement intérieur de la société Schindler (Cass, soc 23 juin 2021 pourvoi n°19-15.737), dans la mesure où les modifications apportées en 1985 au règlement intérieur initial, lequel avait été soumis à la consultation des institutions représentatives du personnel, résultaient uniquement des injonctions de l'inspection du travail, ce que les parties admettent toutes les deux, il n'y avait pas lieu à nouvelle consultation.

Ce premier moyen doit en conséquence être écarté.

S'agissant de la date d'entrée en vigueur du règlement intérieur

M. [N] et le syndicat CGT Schindler reprochent à l'employeur de ne pas avoir modifié la date d'entrée en vigueur de son règlement intérieur qu'il a continué à afficher en l'état, malgré les modifications qu'il y a apportées en 1985.

L'alinéa 2 de l'article L. 122-36 devenu l'article L. 1321-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'époque, dispose : « Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité ».

La société Schindler ne remet pas en cause le fait que son affichage mentionnait une date d'entrée en vigueur du règlement intérieur en 1983, y compris après les modifications intervenues en 1985.

Il est cependant constant, ainsi que le soutient la société Schindler, qu'en application des dispositions précitées, seules les formalités de publicité et de dépôt au greffe du conseil de prud'hommes conditionnent l'entrée en vigueur du règlement intérieur et de ses modifications.

Ainsi, l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité du règlement intérieur au moment de son élaboration suffisaient en l'espèce à le rendre opposable aux salariés de l'entreprise, y compris après la modification intervenue en 1985. En effet, en cas de révision du règlement intérieur, les textes n'imposent pas de modifier la date d'entrée en vigueur.

Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'absence de modification de la date d'entrée en vigueur ne saurait rendre inopposable le règlement intérieur modifié en 1985.

Ce deuxième moyen doit donc également être écarté.

M. [N] et le syndicat CGT Schindler seront en conséquence déboutés de leurs demandes tendant à voir dire inopposable le règlement intérieur de la société et à voir prononcer l'annulation des avertissements en conséquence de l'inopposabilité du règlement intérieur, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les avertissements

L'article L. 1333-1 du code du travail dispose : « En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. »

L'article L 1333-2 du même code prévoit : « Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. »

Concernant l'avertissement du 18 mai 2016

La lettre d'avertissement du 18 mai 2016 énonce :

« Vous occupez actuellement le poste de chargé d'études techniques au sein de la société Schindler. A ce titre, vous avez pour mission d'apporter un support technique aux activités commerciales et travaux en validant notamment les solutions techniques et économiques et en garantissant l'application des normes et procédures techniques.

Chaque projet commercial doit, en effet, être validé en amont par la remise d'une étude technique permettant au commercial d'établir son offre. La réalisation de cette étude technique est donc une étape indispensable à la réalisation de la vente.

Pourtant, force est de constater que malgré l'importance de votre mission vous refusez de la réaliser ou vous la réalisez avec un retard important sans jamais la moindre explication. Depuis plusieurs mois, votre responsable hiérarchique, M. [R] [E], ingénieur d'études, vous fait part de son incompréhension quant à votre comportement et de son inquiétude quant à la perte de nouveaux contrats commerciaux du fait de votre défaut de production pour le service et des retards cumulés sur certains dossiers qui vous sont attribués.

Malgré ses mails de rappel et ses demandes d'explication, envoyés notamment le 11 avril 2016, vous n'avez pas pris la mesure de ces remarques et avez persisté dans un comportement improductif en inadéquation avec les attentes du service auquel vous êtes rattaché.

Ainsi, au mois d'avril, vous n'avez réalisé aucune des trois études techniques sur les trois qui vous ont été confiées, et cela sans aucune justification. Ceci est d'autant plus regrettable qu'elles vous ont été confiées en janvier 2016. Le retard sur celles-ci est de plus de trois mois, ce qui est préjudiciable pour l'ingénieur commercial qui ne peut rendre un dossier complet à son client.

(tableau reprenant l'historique succinct de trois dossiers)

Votre attitude négative et votre remise en cause récurrente de l'autorité légitime de votre supérieur hiérarchique est préjudiciable tant à la dynamique commerciale du service auquel vous appartenez qu'à la réalisation d'un travail serein.

Au regard de ces éléments, nous n'avons pas d'autres choix que de vous notifier, par la présente, un avertissement.

Nous ne pourrons pas permettre que de tels écarts se reproduisent au sein de notre entreprise. Nous souhaitons donc vivement que vous fassiez le nécessaire pour un redressement immédiat et durable. » (pièce 9 du salarié).

Aux termes de ce premier avertissement, la société Schindler reproche à M. [N] d'avoir « refusé, de façon persistante, de remplir ses fonctions de chargé d'études techniques ».

A l'appui de cette affirmation de caractère général, elle explique que M. [N] a notamment pour mission d'apporter un support aux activités commerciales et travaux en validant les solutions techniques et économiques et en garantissant l'application des normes et procédures techniques, chaque projet commercial devant être validé en amont par la remise d'une étude technique permettant au commercial d'établir son offre.

Elle indique que les salariés occupant les fonctions de chargé d'études techniques (CET) traitent, en moyenne, entre 20 et 25 études par mois, soit environ 1 dossier par jour et qu'ils disposent, en règle générale, d'un délai de quinze jours à compter de la réception du dossier pour le traiter.

S'agissant du délai de traitement des dossiers, le salarié oppose à juste titre que la société ne justifie pas que le délai de quinze jours dont elle fait état est un délai impératif. Il explique que lorsque le commercial enregistre une demande d'un client, il est amené à établir son planning de travail et à prévoir à cette occasion une date souhaitée de retour de son étude par le CET mais que cette date reste théorique et tout au plus indicative, compte tenu des particularités de chaque dossier.

M. [N] fait par ailleurs pertinemment observer que le nombre et l'importance des dossiers traités par chaque CET est nécessairement fonction des attributions décidées par son responsable de service,

lequel devait en outre, pour ce qui le concerne, tenir compte du temps consacré à ses différents mandats.

Or, à ce sujet, la société ne fournit aucune donnée fiable pour permettre à la cour d'apprécier le temps consacré par M. [N] à ses mandats et le temps qui lui restait pour exercer ses fonctions techniques.

Ces seuls éléments, de portée générale, ne permettent pas de retenir à l'encontre du salarié, soit un refus de remplir ses fonctions, soit un retard dans leur exécution, comme l'affirme pourtant la société dans ce premier avertissement.

La société Schindler illustre toutefois son allégation, par trois dossiers spécifiques qu'il convient d'examiner précisément.

Concernant le dossier [Adresse 15]

La société Schindler explique, concernant ce dossier, que le 18 janvier 2016, soit deux jours avant la date limite de retour et dix jours après avoir reçu ce dossier, M. [N] a informé son supérieur hiérarchique qu'il ne pourrait pas le traiter, que ce dernier lui a accordé cinq jours supplémentaires, qu'il n'a pas respecté, que le 28 janvier 2016, soit 20 jours après que le dossier lui a été attribué, selon ses propres dires, M. [N] s'est déplacé sur les lieux afin d'entamer la réalisation de l'étude, que les 2 et 13 mai 2016, soit 4 mois après avoir reçu ce dossier, il n'a procédé qu'à de simples démarches (édition d'un formulaire et courriel au commercial), sans pour autant être en mesure de clôturer le dossier, que, comme il l'admet, le dossier n'a finalement été déposé pour chiffrage de l'opération que le 26 septembre 2016.

Elle soutient qu'à aucun moment M. [N] n'a été en mesure d'expliquer les raisons pour lesquelles il a pris un tel retard.

M. [N], de son côté, fait valoir, pour justifier le délai de réalisation de cette étude, les explications suivantes : il fallait modifier la boîte de boutons de la cabine en remplaçant un bouton avec l'indication « RJ » pour rez-de-jardin ; il a entrepris l'étude de ce dossier et s'est rendu sur le site le 20 avril 2016 où il a pu rencontrer le client qui lui a fait part des divers autres problèmes auxquels il était confronté, lesquels dépassaient largement la question de la boîte de boutons à remplacer ; puis, il a poursuivi l'étude du dossier, tâche rendue d'autant plus difficile qu'il n'a pas été en mesure de retrouver dans les archives de l'agence d'[Localité 14] le dossier technique de l'appareil ; néanmoins, le 2 mai 2016, il a rempli le formulaire en se fondant sur le catalogue du matériel disponible, ce qui lui a permis de constater que le bouton rez-de-jardin n'existait pas et qu'il fallait donc faire une commande spéciale directement en Suisse ; le 13 mai 2016, il a adressé un courriel au commercial en charge du dossier pour l'informer de la situation et lui a demandé si le client ne pourrait pas accepter de remplacer le bouton rez-de-jardin par un bouton N-1 ; il ne pouvait pas établir le devis en l'état.

Le salarié explique que l'avertissement lui a été notifié à ce moment-là, qu'il a cependant continué à suivre le dossier en se rendant au bureau d'études de Vélizy où il a rencontré le référent électrique et a défini avec lui le matériel à prévoir et en déposant le 26 septembre 2016 le formulaire complet avec le dossier technique pour chiffrage de l'opération et commande du matériel en Suisse.

Alors que M. [N] fait ainsi état des démarches entreprises pour traiter ce dossier, la société ne répond pas aux justifications avancées par le salarié, de sorte que les faits ne sont pas ici établis.

Concernant le dossier du [Adresse 9]

La société Schindler explique, concernant cet autre dossier, que M. [N] ne s'est présenté sur le site sur lequel se trouvait l'ascenseur que le 18 avril 2016, soit deux mois après la date à laquelle il était censé avoir clôturé le dossier, que de plus, il n'a pas traité le dossier et que c'est ainsi que le 15 juin, son absence de retour a contraint le responsable maintenance à prendre le relais compte-tenu du retard accumulé et des relances du client.

M. [N] souligne que, comme dans le dossier précédent, il n'est pas justifié par la société Schindler de la date à laquelle il se serait vu effectivement confier ce dossier et à quelle date il en aurait été informé.

Il explique qu'il s'agissait, selon les indications qui lui ont été fournies, de procéder à une opération de modernisation de quatre appareils avec le remplacement de quatre treuils, qu'il a entrepris de réaliser l'étude qui lui avait été demandée, qu'il s'est présenté sur le site le 18 avril 2016 (malgré une adresse qui s'est avérée fausse dans le dossier), qu'il a pu constater, et ce n'est pas contesté par la société, qu'il n'y avait que trois appareils faisant l'objet d'une demande de modernisation, et surtout qu'il s'agissait de trois appareils déjà modernisés par la société Koné, qu'il en a informé son responsable de service qui en a avisé immédiatement par courriel le commercial ainsi que le responsable maintenance pour leur signaler qu'il n'y avait a priori pas d'opération de modernisation à effectuer, que c'est dans ce contexte que l'employeur lui a notifié l'avertissement du 18 mai 2016, lui reprochant un prétendu refus d'effectuer ses missions, qu'enfin, le responsable du service a cru devoir inscrire par la suite dans le tableau informatique : « le 15 juin pas de réponse de M. [N] le RM a pris le relais ».

Il sera ici retenu que, même si le salarié ne produit aucune pièce au soutien de sa position, l'employeur, à qui incombe la charge de rapporter la preuve du grief, ne produit que le calendrier prévisionnel de ce dossier, sans donner aucune explication sur les circonstances précises de traitement du dossier, de sorte que les faits ne sont pas établis.

Concernant le dossier du [Adresse 7]

La société Schindler explique, concernant ce dernier dossier, que, comme il l'évoque lui-même dans ses écritures, le salarié a entamé une première démarche, en contactant le responsable de la maintenance, le 18 avril 2016, soit deux mois après la date à laquelle il était censé avoir clôturé le dossier et que ce dossier ayant pris un an de retard, il a dû être confié à un autre CET.

M. [N] répond qu'il lui a été demandé de contacter le responsable maintenance de la société cliente qui devait lui fournir toutes les indications nécessaires au traitement du dossier, que c'est ce qu'il a fait le 18 avril 2016 mais qu'il s'est vu alors renvoyer vers le commercial M. [Z] à qui il a laissé un message faute de pouvoir lui parler directement, que par la suite, il n'a jamais été contacté par M. [Z] concernant ce dossier.

Ces seuls éléments ne permettent pas de caractériser un retard injustifié dans l'exécution de cette étude, comme cela est pourtant reproché au salarié, ce projet étant manifestement resté sans suite.

Enfin, la société Schindler ne justifie par aucune pièce utile que M. [N] aurait refusé de traiter des dossiers qui lui auraient été affectés.

Au vu des éléments pris en compte par l'employeur pour prononcer la sanction et compte tenu des éléments fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, il sera retenu que les faits reprochés à M. [N] ne sont pas de nature à justifier l'avertissement qui lui a été infligé le 18 mai 2016, lequel doit être annulé, par confirmation du jugement entrepris.

Concernant l'avertissement du 9 janvier 2017

La lettre d'avertissement du 9 janvier 2017 énonce :

« Vous occupez actuellement le poste de chargé d'études techniques au sein de la société Schindler. A ce titre, vous avez pour mission d'apporter un support technique aux activités commerciales et travaux en validant notamment les solutions techniques et économiques et en garantissant l'application des normes et procédures techniques.

Chaque projet commercial doit, en effet, être validé en amont par la remise d'une étude technique permettant au commercial d'établir son offre. La réalisation de cette étude technique est donc une étape indispensable à la réalisation de la vente.

Pourtant, force est de constater que malgré l'importance de la mission, vous refusez de la réaliser ou vous la réalisez avec un retard très important et sans jamais apporter la moindre explication.

Depuis plusieurs mois, votre responsable hiérarchique, M. [R] [E], ingénieur d'études, vous fait part de son incompréhension quant à votre comportement et de son inquiétude quant à la perte de nouveaux contrats commerciaux du fait de votre défaut de production pour le service et des retards cumulés sur certains dossiers qui vous sont attribués.

Malgré ses mails de rappel et ses demandes d'explications, envoyés notamment les 5 décembre, 7 novembre, 17 octobre 2016, etc, vous n'avez pas pris la mesure de ces remarques et avez persisté dans votre refus de travail, alors même que vous avez déjà reçu un avertissement le 18 mai 2016 à ce sujet.

Ainsi, pour l'année 2016, vous n'avez produit que cinq des dossiers qui vous ont été confiés, soit l'équivalent en moyenne d'une semaine de travail (1 dossier = 1 journée en moyenne). Ceci est d'autant plus inacceptable que certains de ces dossiers vous ont été confiés en janvier 2016. Le retard sur ces derniers est de plus d'un an ! Ceci est très préjudiciable pour les ingénieurs commerciaux qui ne peuvent rendre un dossier complet à leur client.

Pour comparaison, nous avons établi l'état suivant concernant vos collègues d'Île-de-France exerçant le même emploi que vous :

dossiers 2016 traités par chargé d'études techniques (suit un tableau)

Cette comparaison est d'autant plus édifiante qu'un des salariés concernés est également membre du CHSCT et qu'il parvient à produire les mêmes niveaux de volumes que ses collègues.

Vous avez produit en 2016 l'équivalent de 2,4 % de la moyenne de vos collègues, alors que vos heures de délégation et les réunions associées à vos mandats représentent moins de 30 % de votre temps de travail théorique.

Compte tenu de la gravité de ces manquements, nous nous sommes attachés à vérifier la véracité de ces éléments, à travers notamment la gestion et l'organisation de votre planning.

Nous vous rappelons en effet qu'en tant que cadre autonome au forfait, vous avez en charge d'organiser librement vos journées de travail afin de répondre au mieux aux besoins et nécessités du service auquel vous appartenez.

Ainsi, en tant que représentant syndical au CE, membre du CHSCT et suppléant délégué du personnel, vous bénéficiez d'un crédit d'heures légal de 180 heures annuelles dans le cadre du CHSCT et 240 heures annuelles dans le cadre du CE pour l'exercice de vos mandats :

(suit un tableau)

Or, pour les mois de juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2016, vous indiquez avoir travaillé respectivement 18,5 demi-journées, 18 demi-journées, 18 demi-journées, 26,5 demi-journées, 8 demi-journées, 19 demi-journées, 16 demi-journées, 7 demi-journées.

Or, comme constaté précédemment, pour l'année 2016, vous n'avez produit que 5 dossiers pour le service. Par ailleurs, au mois d''octobre vous avez déclaré 11 demi-journées d'enquête suite à accident au titre de l'« accident grave », alors même qu'il s'agissait d'un mal de dos et que la direction n'a pas participé à une quelconque enquête.

Face à ce constat alarmant, par un courrier du 29 novembre, nous vous avons invité à vous rapprocher de nous lors d'un rendez-vous le 12 décembre 2016, dans le but d'obtenir vos explications sur les dépassements constatés (304 heures sur l'année 2016 !). Vous avez contesté une nouvelle fois notre demande d'explications et avez choisi de ne pas vous présenter.

Nous avons donc été contraints de vous convoquer à un entretien préalable formel afin d'obtenir des explications de votre part sur ces éléments et vous exposer nos griefs.

Vous n'avez pas daigné vous présenter à cet entretien et cela ne nous a donc pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Votre refus de travail et de l'autorité de votre supérieur hiérarchique est préjudiciable tant à la dynamique du service auquel vous appartenez qu'à la réalisation de la production.

Au regard de ces éléments :

- quasi absence de production pour votre service,

- dépassement injustifié et répété de votre crédit d'heures mensuel,

Nous sommes au regret de devoir vous notifier le présent avertissement.

Nous ne pourrons pas permettre que de tels écarts se reproduisent au sein de notre entreprise et de ce fait nous vous demandons de reprendre votre activité professionnelle sans délai ; à défaut, nous serions contraints d'envisager une sanction plus grave à votre encontre » (pièce 1 du salarié).

Concernant cet avertissement, M. [N] conteste que les faits qui lui sont reprochés soient de nature à justifier une sanction mais conteste aussi la régularité de la procédure suivie.

Sur la procédure disciplinaire mise en 'uvre

M. [N] et le syndicat CGT Schindler remettent en cause cet avertissement en indiquant que la convocation à entretien préalable aurait dû mentionner que le salarié avait « la possibilité de se faire assister par une personne appartenant au personnel de l'Unité Économique et Sociale (UES) Schindler- AIF Schindler ». Ils concluent à la nullité de cet avertissement en raison de l'irrégularité substantielle affectant la procédure disciplinaire mise en 'uvre.

La société Schindler conteste cette argumentation. Elle soutient d'une part que la mention de l'UES dans la convocation à entretien préalable à sanction n'est pas obligatoire, que son absence n'empêche pas, en elle-même, de prononcer un avertissement et d'autre part que l'absence de mention explicite de l'UES improprement nommée dans la convocation n'a pas été de nature à remettre en cause les droits de la défense de M. [N].

Il est constant que l'article L. 1232-4 du code du travail, qui prévoit que lors de l'entretien préalable, le salarié doit pouvoir se faire assister par une personne de son choix, ce qui doit lui être expressément rappelé dans la lettre de convocation et à cet égard, lorsque l'employeur fait partie d'une UES, dotée de ses propres institutions représentatives du personnel, le salarié doit pouvoir se faire assister par un salarié de l'une ou l'autre des entités composant l'UES et la lettre de convocation doit mentionner cette faculté.

Cette mention n'est cependant prévue que lorsque la sanction effectivement prononcée est le licenciement, de sorte que son absence n'empêche pas, en elle-même, de prononcer un avertissement.

Ce moyen, présenté pour la première fois en cause d'appel, sera écarté.

Sur le bien fondé de la sanction

En premier lieu, la société Schindler fait état d'une quasi-absence de production pour le service et du dépassement du crédit d'heures de délégation.

Elle n'objective cependant pas l'absence de travail qu'elle reproche au salarié, faute de déterminer la production attendue de M. [N] compte tenu de l'incidence de ses heures de délégation.

Elle indique par exemple qu'à la suite de la première sanction, le supérieur hiérarchique de M. [N] lui a attribué, en sus des trois dossiers précités qui demeuraient non traités, d'autres études au cours de l'année 2016, dont, notamment - [Adresse 5], - COVEA [Adresse 16] - COVEA [Adresse 13], - [Adresse 3], - [Adresse 4], - [Adresse 8], - [Adresse 2], - [Adresse 6] ; que cependant, début d'année 2017, il a été constaté que M. [N] n'avait traité que 4 des dossiers qui lui avaient été confiés en 2016, son supérieur hiérarchique ayant été contraint de réaffecter en urgence le dossier [I] à un autre chargé d'études techniques, afin d'éviter de perdre le client.

Elle indique également avoir établi un relevé d'activité de l'année 2016 qu'elle dit particulièrement accablant et révèle une productivité dérisoire en comparaison de celle des autres CET du service auquel appartient le salarié.

Ces deux éléments n'ont cependant aucune valeur probante, faute de tenir compte des heures de délégation dont bénéficie M. [N].

La société Schindler fait état de multiples relances adressées au salarié. Elle justifie d'un courriel adressé au salarié par son supérieur hiérarchique dans les termes suivants :

« Bonjour,

Cela fait plusieurs mois que tu as abandonné le poste de CET.

Tu ne réponds plus à mes différents mails.

Le peu de dossiers que je t'ai affecté ne sont pas pris en charge. Pire, l'absence de réponse m'oblige à les réaffecter au dernier moment. Des dossiers que je t'ai affectés en janvier 2016 ne sont toujours pas clôturés. Tu ne respectes pas la date de fin d'étude demandé par l'IC. Ce n'est pas acceptable. Tu devrais être en mesure de traiter une quinzaine d'appareils par mois.

Tu dois réagir Tu trouveras ci-dessous un résumé de ce que tu as traité en 2016. Fais-tu encore partie de notre service et que compte tu faire pour rattraper ton retard '

Cordialement » (pièce 37 de l'employeur)

Cette seule relance ne permet toutefois pas de caractériser le manquement reproché au salarié, faute de démontrer l'absence de travail du salarié.

La société Schindler fait valoir, en deuxième lieu, que M. [N] disposait pourtant du temps et des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions.

Elle indique, sans en justifier, que le nombre de dossiers attribués à M. [N] est moindre par rapport aux autres CET du fait de son inertie à exécuter ses missions.

M. [E], ingénieur d'études, supérieur hiérarchique de M. [N] atteste, le 13 octobre 2017, au sujet du travail fourni par le salarié, en ces termes : « (') atteste avoir régulièrement confié des dossiers à M. [S] [N]. Malheureusement, ils sont systématiquement rendus avec un retard très important, ou non réalisés. Le volume que j'ai pu lui confier est bien en deçà des autres chargés d'études techniques, celui-ci ayant accumulé un tel retard qu'il serait incongru de lui en confier davantage. J'adjoins à la présente attestation une synthèse des activite's que je lui ai confiées, accompagnés des dates et tableaux récapitulatifs. J'atteste de la conformité de cette synthèse » (pièce 36 de l'employeur).

La société Schindler soutient que les mandats de représentant du personnel de M. [N] ne pouvaient justifier cette absence de production.

Elle évalue que M. [N], qui occupait sur la période considérée trois mandats, avait droit aux crédits suivants :

- 15 heures par mois au titre de son mandat de membre titulaire au CHSCT IDF,

- 20 heures par mois au titre de son mandat de représentant syndical au comité d'établissement IDF,

- aucune heure particulière au titre de son mandat de délégué du personnel suppléant,

soit un total mensuel de 35 heures de délégation par mois et de 420 heures de délégation par an.

Cette évaluation n'est toutefois pas fiable puisqu'elle ne tient pas compte des dépassements (en nombre important selon les propres dires de la direction), ni de la possibilité d'heures mutualisées prévue par l'article L. 4614-5 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Faute pour la société Schindler de fournir une évaluation précise des heures effectivement consacrées aux mandats, elle ne peut affirmer, comme elle le fait pourtant, que M. [N] disposait du temps nécessaire pour exercer ses fonctions de CET.

La société Schindler allègue, en troisième lieu, que M. [N] a considérablement dépassé son crédit d'heures sans justification, de sorte qu'il ne peut s'en prévaloir pour justifier de son absence de production.

Elle prétend ainsi que M. [N] a dépassé à de nombreuses reprises son crédit d'heures de délégation, sans chiffrer ce dépassement, en se limitant à faire valoir que le salarié n'a pas justifié des circonstances exceptionnelles visées par les textes autorisant de tels dépassements.

La société Schindler oppose, en troisième lieu, que M. [N] ne peut se prévaloir de l'investissement qu'auraient impliqué ses mandats, dans la mesure où il n'a jamais justifié d'heures de délégation prises en sus du crédit d'heures qui lui était alloué.

En réponse, M. [N] souligne d'abord qu'il n'est cité, dans cette lettre d'avertissement, strictement aucun dossier en particulier ni aucune mission qui lui aurait été confiée et qu'il aurait refusé de réaliser ou qu'il aurait accomplie avec un retard anormal.

En outre, il reproche pertinemment à la société Schindler de se contenter de procéder par voie de simples affirmations à caractère général en invoquant, sans jamais en justifier concrètement, une prétendue inactivité de sa part, qu'elle attribue donc à un dépassement par celui-ci de son crédit d'heures de délégation et c'est-à-dire concrètement au temps qu'il est amené à consacrer à l'exécution de ses mandats de représentant du personnel.

Ce simple constat d'absence d'éléments concrets et vérifiables, conduit à considérer comme non établis les griefs visés dans l'avertissement du 9 janvier 2017.

M. [N] souligne par ailleurs que les griefs visés dans cet avertissement sont très exactement les mêmes que ceux que l'employeur a invoqué par la suite dans le cadre de la demande qu'il a adressée à l'inspection du travail le 19 février 2017 pour solliciter l'autorisation de le licencier, que dans le cadre de l'enquête contradictoire effectuée par l'inspection du travail, puis par la ministre du travail à la suite du recours hiérarchique effectué par la société, il a démontré que sa charge de travail dépendait des missions qui lui étaient confiées par sa hiérarchie et qu'il avait toujours effectué le travail qui lui avait été demandé.

Il relève encore que le seul fait que la société Schindler prétende mettre en relation directe sa prétendue insuffisance d'activité en tant que CET avec un supposé dépassement de son crédit d'heures de délégation est à tout le moins révélateur du fait que c'est en définitive son engagement du salarié en tant que représentant du personnel qui était visé.

L'ensemble de ces considérations conduit à retenir que les faits reprochés, au demeurant particulièrement imprécis, ne sont pas matériellement établis. Il convient donc de prononcer l'annulation de l'avertissement du 9 janvier 2017, par infirmation du jugement entrepris.

Concernant l'avertissement du 13 mars 2017

La lettre d'avertissement du 13 mars 2017 énonce :

« Vous avez été convié à une visite client (RATP) fixée au 9 mars 2017. Cette visite était organisée dans le cadre des visites trimestrielles de l'instance CHSCT dont vous êtes membre.

Vous avez reçu le 8 mars des consignes très précises définies par le client, concernant les modalités d'accès au site et de visite, et notamment :

« Conditions à respecter à la lettre, et rendez-vous pour 10h00 précises dans la station et pas avant. »

« Les conditions de la visite sont les suivantes :

- visite CHSCT avec 10 à 15 personnes

- les membres du CHSCT + invités ont uniquement un rôle d'observateur

- le technicien accompagnant est badgé RATP et seul intervenant ([D] [T])

- but de comprendre les installations RATP

- 15 mn maxi d'arrêt de l'équipement entre 10h et 10h30

- pas de visite technique réalisée en même temps

- pas d'ouverture de trappe

- pas d'accès aux coursives, donc pas d'accès machinerie haute

- accès à la machinerie basse uniquement lorsque l'appareil est à l'arrêt

- visite autorisée qu'avec accompagnants du client »

Vous avez sciemment et volontairement méprisé les consignes de sécurité du client avec quelques-uns des membres du CHSCT, en vous rendant sur le site avant 7h20, profitant de l'accréditation RATP d'un de vos collègues, qui n'était pas autorisé à effectuer cette visite lui-même, trompant la salariée RATP au guichet pour obtenir le premier accès à la station et vers les locaux techniques à votre groupe.

Ce n'est que grâce à la présence du directeur d'agence escaliers mécaniques que vos agissements ont été découverts :

- Vous vous êtes introduit sur un site client par fraude, sans respect des consignes d'accès et de sécurité qu'il avait fixé.

- Vous avez accédé à la machinerie basse et circulé dans les locaux techniques de l'appareil (escalier mécanique) sans le mettre à l'arrêt, ceci malgré les consignes strictement contraires du client propriétaire des lieux et de l'escalier mécanique.

Lorsque vous avez été questionnés sur ces événements, vous avez argué de votre mandat de représentant du CHSCT et du fait que vous soyez des « professionnels qui savent où il ne faut pas mettre les mains lorsqu'un appareil tourne ». Des professionnels, et à plus forte raison membres du CHSCT, respectent les procédures et les consignes de sécurité en toutes circonstances, ce que vous avez volontairement bafoué ce jeudi 9 mars 2017.

Au-delà de l'impact particulièrement négatif de vos agissements sur nos relations commerciales avec le client RATP, vous vous êtes exposé à un risque d'accident et avez mis en danger vos collègues ; cela justifie le présent avertissement qui sera porté à votre dossier.

La direction, le président du CHSCT et les équipes encadrantes de l'activité sont particulièrement éprouvés par ce mépris inacceptable et injustifiable des règles de sécurité fixées, qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques.

Nous espérons que la présente vous permettra d'appréhender les enjeux de la situation, et nous attendons de votre part une remise en cause immédiate et durable » (pièce 22 du salarié).

Au titre de ce troisième avertissement, la société Schindler reproche à M. [N] d'avoir délibérément violé les consignes de sécurité lors d'une visite sur le site de la RATP le 9 mars 2017.

Dans le cadre d'une inspection trimestrielle programmée par le CHSCT portant sur un escalier mécanique au sein de la station de métro [U] [X], la RATP a adressé un courriel le 8 mars 2017 à la société, qui l'a transféré au CHSCT, afin de donner des consignes de sécurité strictes qui devaient être, selon les termes exacts de la RATP, « respectées à la lettre », le rendez-vous étant prévu à « 10h00 précise dans la station et pas avant » (pièce 38 de l'employeur).

M. [N] reconnaît avoir effectué une visite avec trois autres collègues du CHSCT en dehors des horaires fixés et sans respecter les règles de sécurité imposées par le client.

M. [N] explique qu'agissant en sa qualité de secrétaire du CHSCT, il a contacté téléphoniquement le technicien chargé de la maintenance de l'appareil M. [T], pour l'informer que le site allait faire l'objet, le 9 janvier 2017, d'une visite d'inspection trimestrielle par le CHSCT à partir de 9h45 et qu'il était tout naturellement appelé à participer à cette inspection avec l'accord express de sa hiérarchie mais également qu'il entendait effectuer préalablement, le même jour, une visite de l'installation, pour laquelle il lui était aussi demandé d'être présent pour accompagner la délégation du CHSCT dans ses déplacements et répondre à ses questions.

Sur les raisons qui ont motivé cette inspection en dehors des conditions convenues avec la RATP, le salarié indique dans un document intitulé « déclaration du CHSCT IDF sur l'inspection du CHSCT IDF à partir de 7h » que cette inspection était motivée par les raisons suivantes : « Conscient que l'objectif de l'inspection trimestrielle du jeudi 9 mars 2017, comprendre le fonctionnement d'un escalier mécanique ne serait pas atteint en raison des conditions très restrictives imposés au CHSCT, plusieurs membres du CHSCT demandèrent à M. [T], technicien de secteur, de les accompagner pour une inspection dès 7h00 du matin sur l'escalier mécanique de la station de métro [U] [X]. Ils se sont présentés au guichet et ont pu accéder au local sans aucun problème » (pièce 61 du salarié).

Le fait que M. [N] soit détenteur d'un mandat de représentant du CHSCT ou qu'il était « un professionnel qui savait où il ne fallait pas mettre les mains lorsqu'un appareil tourne » ne sont pas de nature à justifier qu'il ne respecte pas les règles de sécurité imposées par la société cliente.

La distinction qu'il opère entre l'inspection qu'il a lui-même organisée et l'inspection trimestrielle ne repose sur aucun cadre légal ni aucun élément concret.

La liberté de déplacement dans l'entreprise dont disposent les élus du personnel ne peut trouver application qu'à l'égard de ses propres membres, et non de ceux appartenant à des instances du personnel relevant d'entreprises extérieures, qui n'ont pas un accès de droit aux locaux d'une entreprise tierce.

La société Schindler souligne d'ailleurs que le licenciement du technicien de maintenance de l'appareil, qui avait permis aux membres du CHSCT d'accéder à l'installation à l'insu de l'employeur, a été validé par la cour d'appel de Paris (pièce 54 de l'employeur).

Ces éléments conduisent à retenir le bien fondé de l'avertissement prononcé, lequel apparaît proportionné aux faits reprochés au salarié.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires du syndicat

Le syndicat CGT Schindler sollicite l'allocation de dommages-intérêts, à hauteur de 10 000 euros en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente et à hauteur de 5 000 euros pour abus de pouvoir de la part de la société, fondant ses deux demandes sur l'illicéité du règlement intérieur.

Le syndicat CGT Schindler agit, au titre de la présente instance, aux côtés du salarié, dans le cadre d'un litige individuel du travail, et dans la mesure où l'inopposabilité du règlement intérieur n'a pas été retenue, il ne justifie pas d'un préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.

Ses demandes seront en conséquence rejetées, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Compte tenu de la teneur de la décision, le jugement de première instance, qui a laissé les dépens à la charge respective de chacune des parties et qui a condamné le syndicat CGT Schindler à verser à la société Schindler la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé de ces chefs.

Pour la même raison, chaque partie supportera la charge des dépens d'appel qu'elle aura exposés et les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Versailles le 22 janvier 2020, excepté en ce qu'il a validé l'avertissement du 9 janvier 2017,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

ANNULE l'avertissement du 9 janvier 2017,

CONDAMNE chaque partie à supporter la charge des dépens d'appel qu'elle aura exposés,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes présentées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier en pré-affectation, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00420
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;20.00420 ?
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