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25/01/2023 | FRANCE | N°21/02664

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 25 janvier 2023, 21/02664


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 JANVIER 2023



N° RG 21/02664



N° Portalis DBV3-V-B7F-UW4M



AFFAIRE :



[M] [U]



C/



S.A.R.L. FRENCH PIZZA INC





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 18/0087

7



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL 2APVO



la SELARL GUILLON DELLIS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 JANVIER 2023

N° RG 21/02664

N° Portalis DBV3-V-B7F-UW4M

AFFAIRE :

[M] [U]

C/

S.A.R.L. FRENCH PIZZA INC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 18/00877

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL 2APVO

la SELARL GUILLON DELLIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [U]

né le 10 Juillet 1987 à [Adresse 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphanie LUC de la SELARL 2APVO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 165 substitué par Me Sarah MICCIO, avocat au barreau du VAL D'OISE

APPELANT

****************

S.A.R.L. FRENCH PIZZA INC

N° SIRET : 417 750 882 00017

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Pascale GUILLON-DELLIS de la SELARL GUILLON DELLIS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160 substitué par Me Anne VIGNIER, avocat au barreau de SENLIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] [U] a été engagé par la société French Pizza Inc suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 13 mai 2015 en qualité d'employé polyvalent, niveau 1, échelon 1.

Il a été employé à compter du 1er décembre 2015 à temps plein sur la base de trente-cinq heures par semaine, en qualité de premier équipier, niveau 2, échelon 1, par avenant en date du 1er décembre 2015 puis il a été promu à compter du 1er mai 2016 en tant qu'assistant manager, niveau 3, échelon 1, par avenant en date du 16 mai 2016.

En dernier lieu, son salaire mensuel brut de base s'élevait à 1 900 euros.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de la restauration rapide.

Le 22 septembre 2017, l'employeur a convoqué M. [U] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 4 octobre 2017 et l'a mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 11 octobre 2017, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave.

Le 5 avril 2018, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de la société French Pizza Inc à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour travail dissimulé et pour inégalité de traitement ainsi que diverses indemnités et sommes liées à l'exécution du contrat de travail et à la rupture.

Par jugement en date du 24 juin 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [U] pour faute grave était fondé,

- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société French Pizza Inc de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] aux entiers dépens de cette affaire.

Le 26 août 2021, M. [U] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 22 mars 2022, M. [U] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que son licenciement pour faute grave était fondé, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

- statuant à nouveau : dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société French Pizza Inc à lui verser les sommes suivantes :

* 1 181,70 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1 912,13 euros à titre de rappel de salaire suite à une mise à pied conservatoire injustifiée,

* 191,21 euros à titre de congés payés y afférents,

* 3 922,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 392,27 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 9 806,75 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 13 923,86 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires du mois de mai 2016 au mois d'août 2017 (à parfaire),

* 1 392,40 euros à titre de congés payés sur rappel d'heures supplémentaires (à parfaire),

* 11 768,10 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 5 000 euros à titre de rappel de salaire du mois de mai 2016 à septembre 2017 (à parfaire),

* 500 euros à titre de congés payés y afférents (à parfaire),

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du principe d'égalité de traitement "à travail égal salaire égal",

* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

outre la remise sous astreinte de 100 euros par jour et par document, des bulletins de paie rectificatifs afférents aux demandes et des documents légaux (solde de tout compte et fiche de paie afférente, certificat de travail et attestation Pôle emploi), à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision,

- débouter la société French Pizza Inc de l'ensemble de ses demandes,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- assortir les condamnations prononcées des intérêts aux taux légaux,

- condamner la société French Pizza Inc aux entiers dépens,

- en tout état de cause, condamner la société French Pizza Inc à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 25 avril 2022, la société French Pizza Inc demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de M. [U] pour faute grave était fondé, débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes, condamné M. [U] aux entiers dépens,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau : dire le licenciement pour faute grave de M. [U] bien fondé et justifié,

- en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes de M. [U] d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, et d'indemnités compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement,

- à titre subsidiaire, ramener les demandes à plus juste proportion,

- dire que la société French Pizza Inc n'est redevable d'aucune heure supplémentaire, en conséquence, rejeter la demande de M. [U] de rappel d'heures supplémentaires,

- rejeter la demande d'indemnité pour travail dissimulé de M. [U],

- à titre subsidiaire, ramener les demandes à plus juste proportion,

- dire que M. [U] n'a jamais occupé le poste de manager,

- en conséquence, rejeter les demandes de M. [U] de rappel de salaire et de dommages et intérêts pour non-respect du principe d'égalité de traitement salariale,

- à titre subsidiaire, ramener les demandes à plus juste proportion,

- à titre subsidiaire, exclure l'exécution provisoire, la condamnation à des intérêts légaux et à la remise sous astreinte de 100 euros par jour et par document à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision, des bulletins de paie rectificatifs afférents aux demandes et des documents légaux,

- débouter M. [U] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [U] à payer à la société French Pizza Inc la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais engagés en première instance et ceux engagés devant la cour d'appel de céans,

- condamner M. [U] aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 29 novembre 2022.

MOTIVATION

Sur la demande de reclassification conventionnelle et de rappel de salaire

Le salarié sollicite un rappel de salaire de 5 000 euros, outre 500 euros au titre des congés payés afférents, considérant avoir occupé un poste de manager niveau 4, échelon A avec le statut d'agent de maîtrise à compter du 1er mai 2016. Le salarié considère qu'il exerçait les fonctions de manager et non d'assistant manager au vu de ses responsabilités et prérogatives.

L'employeur indique que le salarié ne démontre pas qu'il occupait le poste de manager alors qu'il travaillait en qualité d'assistant manager. Il ajoute que le salarié n'a pas été en capacité de devenir manager lorsque la possibilité d'évoluer lui a été offerte ainsi qu'à d'autres assistants managers.

En cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, ce dernier doit établir la nature de l'emploi effectivement occupé et la qualification qu'il requiert.

Il ressort de l'analyse des fiches de poste assistant manager et manager que : le manager exerce les prérogatives supplémentaires suivantes:

1) Animation de l'équipe

- rôle d'évaluation du personnel

- rôle d'information : réunion une fois par mois du personnel

- rôle de recruteur

2) Animation du commerce

- vous êtes apporteur d'idées nouvelles pour augmenter le chiffre d'affaires grâce à la bonne connaissance de vos clients

- L'augmentation, du chiffre d'affaires passe par un bon service client. Vous êtes le garant du service client en magasin. Vous devez sans cesse former et accompagner votre équipe pour être le plus agréable possible avec nos clients.

- Vous êtes le garant de la satisfaction client. Vous suivez votre indicateur journalier et vous répondez à tous les feedbacks des clients.

3) Reporting, ratios de gestions et suivi des caisses

- Toutes les semaines le lundi, vous remonterez à votre responsable une analyse de votre semaine passée. Vous lui remontez aussi vos besoins en personnel.

- Vous assurez les dépôts bancaires en respectant les procédures (notamment un minimum de 3 dépôts par semaine) et les rapatriements de tickets restaurants.

- Vous prendrez part à la réunion des managers dans laquelle on vous demandera de faire un point sur votre activité.

En l'espèce, le salarié a été promu assistant manager niveau 3, échelon 1 à compter du 1er mai 2016 avec une rémunération brute initiale de 1 600 euros par mois.

Le salarié indique qu'il était en réalité manager puisqu'il avait la responsabilité du recrutement de tous les employés de la boutique de [Localité 6], de la gestion des stocks, commandes et inventaires, des dépôts bancaires, de la gestion du personnel, de la planification et de la gestion des tableaux de paie et verse aux débats des échanges de courriels relatifs à ces domaines.

L'employeur indique que M. [G] était en réalité manager de quatre boutiques jusqu'en mars 2017 dont la boutique de [Localité 6], qu'il a continué à aider M. [U] en tant qu'assistant manager jusqu'à la nomination de M. [W] comme manager de la boutique de [Localité 6] en juillet 2017. Il ajoute que M. [U] a échoué à la formation suivie les 4 et 5 juillet 2017 sur les fondamentaux, module 1, formation requise pour le poste de manager.

Cependant, les fonctions exercées relatives aux stocks, commandes, inventaires, dépôts bancaires, planification faisaient partie des prérogatives incombant à un assistant manager, la fiche de poste d'assistant manager précisant notamment en matière de dépôt 'vous êtes capable de faire les dépôts avec l'aide de votre manager'.

S'agissant des fonctions de recrutement ou de gestion de la paie et du personnel, si le salarié transmettait des éléments à la direction de l'entreprise, les décisions étaient prises principalement au niveau du siège de l'entreprise où étaient accomplies également les tâches exigeant la plus grande technicité, le salarié ne rapportant ainsi pas la preuve qu'il exerçait des fonctions de manager, consistant notamment à exercer un rôle de recruteur.

Enfin, le salarié ne démontre pas qu'il exerçait d'autres prérogatives incombant au seul manager et non à l'assistant manager comme analysé ci-dessus.

L'employeur verse aux débats plusieurs attestations de membres de l'équipe et de M. [W] nommé manager à compter du 1er juillet 2017 faisant état de difficultés du salarié notamment en matière de communication avec les membres de l'équipe, ne lui permettant pas d'assumer les prérogatives de manager en matière d'animation de l'équipe. Il produit également un courriel du 16 août 2017 faisant état de l'échec du salarié au test de fin de formation module 1 sur 'les fondamentaux de Domino's', module requis pour pouvoir être nommé manager.

Par conséquent, il y a lieu de considérer que le salarié a exercé en qualité d'assistant manager à compter du 1er mai 2016 et de le débouter de sa demande de reclassification conventionnelle et de rappel de salaire subséquente. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur le principe d'égalité de traitement

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de l'égalité de traitement, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement entre des salariés placés dans une situation comparable. Dans l'hypothèse où cette inégalité est établie, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant la différence de traitement constatée.

Le salarié invoque une atteinte au principe de l'égalité de traitement puisqu'il exerçait en réalité les fonctions de manager et percevait un salaire inférieur. Il indique avoir produit en première instance un avenant d'un contrat de travail d'un manager qui percevait une rémunération mensuelle de 2 000 euros.

Ce faisant, le salarié ayant exercé en réalité les fonctions d'assistant manager, il y a lieu de dire qu'il ne soumet pas d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement entre des salariés placés dans une situation comparable à la sienne. Il sera donc débouté de sa demande au titre du non-respect du principe d'égalité de traitement et de sa demande de dommages et intérêts de ce chef. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel d'heures supplémentaires

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié sollicite une somme de 13 923,86 euros au titre des heures supplémentaires qu'il estime avoir accomplies entre mai 2016 et août 2017 au-delà des trente-cinq heures hebdomadaires contractuelles, outre un montant de 1 392,4 euros au titre des congés payés afférents.

Il produit un décompte des heures travaillées de mai 2016 à août 2017 inclus faisant apparaître le total d'heures travaillées dans le mois, à partir d'une synthèse issue d'un logiciel de l'entreprise, puis reprise manuellement dans un décompte, lequel montre : le total des heures supplémentaires de 803,42 heures, la ventilation entre les heures supplémentaires payées à +25% et à +50%, ainsi que le total dû pour 13 923,86 euros. Dans sa motivation, le salarié indique avoir effectué 736,54 heures supplémentaires, sur la période considérée, soit un nombre inférieur à son décompte. Le salarié produit des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.

L'employeur produit le détail des pointages du salarié sur la période. Il critique le décompte du salarié établi selon lui pour les besoins de la cause et a posteriori, sans mention des heures réellement effectuées, se contentant d'un total d'heures mensuelles. Il fait valoir que le salarié a régulièrement omis de pointer en fin de poste, que les synthèses issues du système de pointage incluent de nombreuses heures d'après-midi ou de nuit en réalité non travaillées, qu'elles ne constituent pas un élément de nature à étayer la demande. Il relève des heures non commandées par l'employeur, des heures pendant des jours de congés payés, des heures d'après-midi et de nuit avec dépointage le lendemain matin ou sans dépointage entre deux services. Il conclut qu'au total 743,85 heures sur la période n'ont pas été travaillées par le salarié, soit un nombre supérieur au nombre d'heures supplémentaires dont le paiement est sollicité.

Après analyse des éléments produits par l'une et l'autre des parties, la cour considère que M. [U] ne démontre pas avoir accompli des heures supplémentaires non rémunéré, son décompte étant principalement issu du système de pointage lequel n'a pas été respecté rigoureusement par l'intéressé et comprend des heures non travaillées. Il convient donc de le débouter de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.

En l'espèce, il n'est pas établi que le salarié a accompli des heures supplémentaires non rémunérées.

Par conséquent, la demande d'indemnité pour travail dissimulé doit être rejetée, faute de mention d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réalisé sur les bulletins de paie.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

' Le 22 septembre 2017, vous aviez rendez-vous à 10h pour signer une rupture conventionnelle avec Mme [S] responsable RH et Opérations. En vous attendant pour ce rendez-vous, Mme [S] a constaté plusieurs graves problèmes d'hygiène. C'est vous qui fermiez le magasin la veille au soir. La zone client n'avait pas été nettoyée aussi bien le sol que les mange-debout. Il y avait des tâches de sauce tomates sur la porte de la chambre froide et sur la makeline. Une poubelle n'avait pas été vidée et l'autre était très sale. Il n'y avait pas de papier essuie main dans le distributeur et la lavette rose destinée au nettoyage des toilettes se trouvait dans le bac de la plonge.

A la vue de tous ces dysfonctionnements graves, Mme [S] a décidé de vous mettre en mise à pied conservatoire.

Elle a poursuivi son contrôle après votre départ et elle a constaté de nombreux problèmes de produits en date limite de consommation qui n'avaient pas été jetés [...]. Il y avait aussi des mini beignets non étiquetés. Enfin les bacs gastros en makeline n'avaient pas été étiquetés pour 6 d'entre eux. Nous n'avons pas non plus retrouvé les rouleaux de traçabilité du 19 septembre 2017 et du 20 septembre 2017. [...]'.

Le salarié indique que suite à un arrêt de travail pour maladie, les relations avec ses supérieurs hiérarchiques se sont dégradées, qu'une rupture conventionnelle a été envisagée et qu'il a sollicité le paiement de ses heures supplémentaires sans succès. Il conteste les griefs formulés à son encontre, ceux-ci n'étant pas établis faute d'éléments suffisamment probants et en l'absence d'imputabilité du non-respect des règles d'hygiène.

L'employeur fait valoir que les griefs sont caractérisés et que la responsabilité incombe bien au salarié.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

La lettre de licenciement énonce en substance les deux griefs suivants: des manquements aux règles d'hygiène et le non-respect des dates limites de consommation.

L'employeur verse aux débats des photographies du téléphone portable de Mme [S], responsable des ressources humaines et des opérations, datées du 22 septembre 2017 entre 10h13 et 11h39 et un procès-verbal de constat d'huissier de ces photographies prises le 22 septembre 2017 en date du 31 mai 2019, une attestation de M. [W], manager, du 11 octobre 2017, arrivé sur les lieux le 22 septembre 2017 au matin relatant avoir constaté des manquements importants aux règles d'hygiène dans l'état du restaurant et de la zone de production le matin du 22 septembre 2017 (zone client non nettoyée, tâches de sauce tomate sur la porte de la chambre froide et sur la 'makeline', pas de papier essuie main dans le distributeur, lavette rose destinée au nettoyage des toilettes dans le bac à plonge) ainsi que des dates limites de consommation sur plusieurs produits.

Il résulte de l'attestation de M. [I], employé, du 16 octobre 2017 que ce dernier terminait son service avec le salarié mais qu'il n'avait pas comme tâche de vérifier les dates limites ni de s'occuper de la chambre froide. Ces manquements sont donc imputables à M. [U].

Au vu de l'horaire de prise de poste du salarié et de l'entretien à 10 heures avec Mme [S], le salarié n'avait pas le temps nécessaire pour mettre en conformité les locaux avant l'ouverture et de contrôler les dates limites de consommation contrairement à ses allégations.

Le salarié produit aux débats notamment deux attestations de M. [J] et de M. [P], employés contredisant ces faits. Or, M. [P] a fait connaître à l'employeur par une nouvelle attestation, avec une signature conforme à ses documents d'identité qu'il n'était pas l'auteur de ladite attestation dont la signature diffère et qui sera donc écartée. L'attestation de M. [J] doit être regardée avec circonspection dans ce contexte et a une valeur probante moindre que les éléments objectifs rapportés par procès-verbal de constat d'huissier.

Par conséquent, les deux griefs de manquements aux règles d'hygiène et de non-respect des dates limites de consommation sont caractérisés.

En outre, le salarié présente un passif disciplinaire conséquent puisqu'il a fait l'objet d'un rappel à l'ordre le 29 décembre 2015 et de deux avertissements les 16 mai 2017 et 13 juillet 2017 pour des désordres relatifs à des dates limites de consommation non conformes et dans le cas du rappel à l'ordre et du premier avertissement, également en matière de manquements aux règles d'hygiène.

Au vu de l'ensemble des ces éléments, l'employeur rapporte la preuve d'une faute grave du salarié rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

Par conséquent, le licenciement étant fondé, le salarié sera débouté de sa demande en contestation du licenciement et en paiement des indemnités et sommes subséquentes: indemnité légale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande de remise de documents sous astreinte.

La mise à pied conservatoire prononcée à l'encontre du salarié était justifiée, la demande en rappel de salaire et congés payés afférents sera donc rejetée.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ces points.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [U] succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Il sera également condamné à payer une somme de 300 euros à la société French Pizza Inc en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant :

Condamne M. [M] [U] aux dépens d'appel,

Condamne M. [M] [U] à payer à la société French Pizza Inc une somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02664
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;21.02664 ?
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