COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 JANVIER 2023
N° RG 21/00230
N° Portalis DBV3-V-B7F-UIRC
AFFAIRE :
[H] [C]
C/
SCP BTSG
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-
BILLANCOURT
Section : E
N° RG : F 20/00311
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Dany ROSSI
Me Hubert MARTIN DE FREMONT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [H] [C]
née le 1er décembre 1971 à [Localité 7] (Biélorussie)
de nationalité française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Dany ROSSI, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 308
APPELANTE
****************
SCP BTSG prise en la personne de Maître [B] [W] ès qualités de liquidateur de la société MOTIVATION FACTORY
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELARL SIMON ASSOCIES, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411
INTIMÉE
****************
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 5]
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [C] a été engagée par la société Motivation Factory, en qualité d'ingénieur R&D, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 14 janvier 2008.
Cette société était spécialisée dans l'édition de logiciels dédiés à la gestion de programmes d'innovation et de motivation ( fidélisation, , incentive et parrainage) . L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle appliquait la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseils du 15 décembre 1987.
Le 19 avril 2009, la salariée a fait l'objet d'un avertissement à la suite de 'problèmes de fiabilité relevés dans son travail -développement d'application informatique- dans le cadre de plusieurs projets'.
Par lettre du 1er juillet 2010, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 12 juillet 2010 auquel elle ne s'est pas présentée.
La salariée a été licencié par lettre du 22 juillet 2010 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:
« Conformément aux disposition de l'article L1232-2 du code du travail nous vous avons convoquée à un entretien préalable le 12 juillet dernier, au cours duquel nous souhaitions vous exposer les motifs de la mesure envisagée et recueillir vos explications éventuelles.
Le 12 juillet, nous avons pu constater que vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien préalable avec la Direction.
Le 16 juillet, nous recevions un courrier adressé le 15 juillet en recommandé avec accusé de réception, avec pour objet « une demande d'écoute et d'étude objective des incidents.»
Nous prenons acte de ces éléments. Néanmoins, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les motifs suivants :
1) Des erreurs récurrentes et un manque de vérification des développements qui vous sont confiés que ce soient des projets simples, standards ou spécifiques.
2) Des difficultés relationnelles avec l'ensemble des équipes de projets et la quasi-totalité des effectifs de l'entreprise aboutissant à des comportements agressifs voir violents de votre part.
Il est rappelé en introduction que Motivation Factory est une petite société spécialisée dans l'édition de progiciels dédiés a la gestion de programmes d'Innovation (systèmes de suggestions,...) et de Motivation (fidélisation, incentive et parrainages). Confronté à la concurrence de grandes sociétés nous devons au quotidien démontrer à nos clients la fiabilité et la performance de nos solutions pour être choisis ou reconduits dans nos prestations.
Vous avez été recrutée en janvier 2008 comme ingénieur R&D. A ce titre votre mission principale consistait à participer au développement informatique des progiciels de la société et à la maintenance et exploitation des programmes en exploitation.
La priorité n°1 rappelée à chaque ingénieur et affichée comme valeur par la société est la fiabilité des développements livrés. Depuis votre intégration vous avez accumulé les erreurs en la matière et, malgré des efforts répétés de la direction (affectation à des projets de différentes natures, encadrement et formation par d'autres chefs de produit) n'avez démontré aucun progrès dans ce domaine.
Ces problèmes de fiabilité ont fait l'objet de multiples rappels oraux comme écrits.
- courrier RAR d'avertissement du jeudi 16 avril 2009
- observations de vos supérieurs hiérarchiques : orales et emails (cf extraits d'emails ci-dessous)
[M] [X], Directeur conseil: « Il ne se passe pas un mois sans que des anomalies et erreurs soient signalées sur les programmes gérées par [H].
Tous les informaticiens en commettent mais avec elle la proportion est telle que le temps passé à surveiller, vérifier et corriger augmente systématiquement le temps projet de 25 à 30% par rapport à ses homologues. »
[K] [V], ingénieur R&D: « Je ne peux pas considérer le travail sur Vediorbis comme terminé. Un des lots n'est pas fonctionnel. La validation de la chaîne n'est donc pas valide. Je peux concevoir que ce problème n'est pas simple à régler mais il faut qu'il le soit et si je connaissais la solution je la donnerai...
Une fois que la chaîne entière (c'est-a-dire les 4 lots DTSX) pourra s'exécuter sans erreur, je vérifierai la cohérence des résultats en intégrant de nouvelles données de test. Je ne veux pas courir le risque d'avoir une erreur sur ce genre d'opération ou de l'argent est en jeu. Et je ne peux pas livrer au client un automate qui ne fonctionne pas totalement ».
[L] [N], ingénieur R&D: « Je lui ai expliqué que ce principe n'était pas sécurisé et qu'il fallait trouver une autre solution. Elle s'est énervée en pensant que je faisais cela pour l'embêter, elle ne voulait pas comprendre ma remarque. Pour informations, elle souhaitait passer en clair dans l'URL le login et mot de passe de l'utilisateur, sur un site en mode ASP. Elle m'a répondu qu'elle ferait ce que je lui demande sur l'application gérée par mes soins, et qu'elle ferait ce qu'elle voudrait sur les applications gérées par ses soins. »
« De multiples contrôles auraient du être effectués avant et après chaque traitement après la prise en compte des boosters. [H] a été sensibilisée à ce type d'action. »
Ce sujet de fiabilité vous a été affirmé comme objectif personnel principal à chaque entretien d'évaluation semestriel et annuel et rappelé lors de votre dernier entretien. Outre l'absence d'efforts sur ce point vous avez même ouvertement refusé de prendre en compte la consigne de la direction en la matière (extraits du compte rendu d'évaluation: 20 mars 2010).
[Y] [F] / Président
« Concernant le sujet de la fiabilité j'insiste sur le fait que c'est au développeur de tester/recetter son travail
Notre organisation 'est pas conçue pour intégrer des chaines de recette systématiques/approfondies
+ le niveau d'exigence des clients ne tolère plus la livraison de bugs.
Votre réponse:
- Pourquoi alors quelqu'un prend le temps de tester et de le mentionner dans son agenda si son test ne sert à rien'
- La recette est une partie de vie indispensable d'un projet. Ce n'est pas moi qui ai inventé cette règle. »
Depuis votre arrivée vous avez par ailleurs refusé de vous intégrer et provoqué des difficultés relationnelles avec l'ensemble des équipes projets et la quasi-totalité des effectifs de l'entreprise.
- refus de travailler avec les personnes avec lesquelles vous avez mené des missions
- refus d'effectuer des tâches normales de travail sous prétextes divers
- rapports conflictuels voire violents avec vos collègues
Motivation Factory étant une petite société traitant de sujets techniques complexes, la communication au sein des équipes et la solidarité entre ingénieurs est une nécessité pour produire un travail, fiable, de qualité. Afin de favoriser le dialogue et l'esprit d'équipe la société a d'ailleurs fait le choix d'un aménagement des bureaux en open space et institué une logique de travail en mode projet.
Cette organisation avait pour but de faciliter le travail en commun et instaurer un solide esprit d'équipe.
Loin de profiter de cette organisation vous avez au contraire manifesté votre refus d'intégration, votre manque de communication et une mésentente avec l'ensemble de vos collaborateurs aboutissant parfois à des comportements agressifs voire violents de votre part.
Les collaborateurs travaillant avec vous sur des projets se plaignent que pour pratiquement chaque dossier, il leur faut multiplier les explications, alors que vous vous refusez de votre côté à transmettre les informations nécessaires à l'exécution de leurs taches.
Ainsi, « pour chaque correction ou modification il fallait particulièrement bien formuler la demande et réexpliquer le contexte historique du client. Avec les autres développeurs, une telle attention n'est pas nécessaire. Ils ne se formalisent pas sur la forme de la demande et resituent aussitôt le contexte du problème. Avec [H] il faut toujours faire un effort, surtout de forme. »
[Z] [T], graphiste indique « J'ai rencontré essentiellement des difficultés de communication sur ces différents projets. Étant graphiste et afin de bien gérer les CSS des pages, j'ai besoin que le développeur en charge du projet m'explique sa façon d'organiser les pages et me donne ses contraintes. J'ai souvent eu besoin qu'[O] intervienne dans nos échanges afin qu'on se comprenne bien sur les projets (ergonomie, finalité, fonctionnalité) car [H] parlait peu et répondait vaguement à mes questions là où j'ai besoin de réponses claires pour être efficace.»
Les collaborateurs indiquent « n'avoir ressenti aucune volonté de votre part de s'intégrer socialement à l'entreprise. » et indiquent « par son manque de communication, [H] fait des histoires très compliquées à partir de petits riens que n'importe quel autre collègue passerait à côté rapidement. Ces histoires d'ordre relationnel et donc personnel sont souvent reprises dans un contexte professionnel et peuvent parfois nuire à la bonne marche d'un projet (par exemple refuser d'exécuter une tâche sous prétexte qu'un collègue n'a pas répondu à un email sur un tout autre sujet). » A titre d'exemple on peut citer que vous avez subordonné la remise de renseignements dans une affaire au fait qu'une de vos collègues achète vos médicaments pour vous car vous ne pouviez être remboursée, chose qu'elle a refusé de faire. De même vous avez subordonné la signature de grilles de temps demandées dans le cadre des crédits impôts recherche à l'obtention d'une prime.
Un autre de vos collaborateurs indique « En outre, elle ne partage jamais de moments conviviaux (pause autour d'un café, déjeuner ensemble, détente avec petite blague...). Elle ne s'est jamais réellement intégrée à la société Motivation Factory. Elle s'est écartée et isolée d'elle-même »
Vos collègues se plaignent de vos crises d'autoritarisme, vos « attaques verbales », vos colères, ainsi que certains actes violents qui sont inacceptables dans toute entreprise.
[U] [D], Ingénieur R&D indique ainsi que vous avez eu des « crises de colère avec des cas de violence avérés...» que vous avez frappé un de vos collègues avec une ramette de papier, tiré les cheveux d'un autre collaborateur, « violentes attaques verbales envers [S] [P] en lui reprochant de ne pas avoir fait le nécessaire pour obtenir des informations sur la faisabilité d'aller en Tunisie pour une ressortissante biélorusse » « Ces exemples entraînent un travail déplorable de sa part car elle passe son temps à se plaindre par email pour des sujets où personne ne lui reproche rien. Je trouve son comportement non-productif et non-professionnel, mais aussi et surtout je condamne ses jugements hâtifs et dénigrant pour ses collègues ».
« [H] a un comportement violent et agressif vis-a-vis des autres »
Un autre indique « Cette personnalité atypique et particulière nuit souvent à l'ambiance de travail, est très handicapant pour ses relations professionnelles et son efficacité dans le travail. »
[J] [R], ingénieur R&D: « Ne pose pas de questions et fait donc des erreurs d'interprétation ».
Incapacité à communiquer avec ses collègues, au sujet de développements techniques qui auraient déjà pu être étudiés ou développés en interne » « Incapacité à expliquer les mécanismes de connexion à un projet sous contrôle de code source, afin de reproduire le schéma sur un autre poste développeur » « Se sent trop souvent prise en faute sur une anomalie commise, alors qu'une explication simple, claire et constructive permettrait de lever doutes et appréhensions »
[Z] [E], ingénieur R&D : « Elle est très procédurière, chaque détail est important et en finit par occulter le but final » « Déclenchement d'une tempête d'email. etc.( ') pour quelques heures sur l'outil de saisie du suivi d'activité, pour une phrase prononcée... » « Elle devient de ce fait une énorme perte de temps pour ces collaborateurs, et pour mener a bien un projet »
[A] [V], ingénieur R&D : « Aucune autonomie: ne sait pas chercher de solutions à ses problèmes » « Gestion des conflits désastreuse: refus de travailler quand on lui fait une remarque sur son travail... » « Refus de finaliser son projet » « Temps de dev explosés sans prévenir du retard ».
Ces difficultés à la fois dans l'exécution des missions confiées et dans les relations avec vos collègues handicapent la bonne marche de l'entreprise (perte de temps, plaintes des clients, retards de livraison, tensions au sein des équipes, ...).
Malgré ces incidents répétés tous les efforts ont été faits pour vous permettre de mieux travailler
- aménagement de vos horaires de travail pour vous permettre de déjeuner seule, en effet les effectifs profitent de la salle de réunion au déjeuner et vous ne souhaitiez pas être en leur compagnie.
- affectation à des projets de différentes natures afin de vous permettre de surmonter vos difficultés techniques et relationnelles. Devant vos difficultés à réaliser des développements sur le progiciel Stimbooster vous avez ainsi été impliquée sans succès dans le développement de nouvelles lignes de produits puis dans les développements informatiques à façon.
- responsabilité confiée afin de mieux vous impliquer : lors de votre entretien d'évaluation 2009 vous aviez exprimé le fait de ne pas être motivée car vous n'aviez pas de responsabilité technique. A la suite de quoi il vous a été confié le projet Gan action nationale. Après moins d'un mois il a fallu vous le retirer en urgence, à la demande du client, suite à des pertes de données appartenant au Gan associé et à une communication maladroite auprès de notre interlocuteur.
Ainsi votre email du 5 janvier : « Messieurs, Hier soir, j'ai corrigé une faute remontée par le client et ai supprimé les validations faites dans la journée. Je m 'en suis rendu compte que dans la nuit. Ainsi, le client a perdu le travail faite par les inspecteurs durant la journée et il est impossible de le restituer. Effectivement, je comprends que cela porte un préjudice important à notre entreprise. Je suis la seule responsable. »
Cette erreur a obligé le Gan à déployer une communication auprès de l'ensemble de son réseau avec la mise en difficulté de notre interlocuteur commercial qui a du assumer cette erreurs auprès de l'ensemble de ses interlocuteurs au sein du GAN.
Malgré ces efforts constants nous constatons que cette situation n'a fait que s'intensifier encore davantage ces deux derniers mois. Vous avez ainsi multiplié les incidents tant sur le plan technique que relationnel.
Cette aggravation qui a persisté malgré les nombreux rappels réalisés nous contraint donc à vous licencier pour cause réelle et sérieuse.
1/Non-respect des procédures et augmentation critiques des erreurs et problèmes de fiabilité sur les projets gérés.
A) Livraison d'un lot reporting sur l'outil CM du Gan sans avoir contrôlé les fonctionnalités malgré des anomalies signalées par les collaborateurs vous n'avez pas pris la peine de les corriger sur l'ensemble de l'application. Cette double négligence entraine un rapport critique avec le client.
cf. email de [M] [X] du 28 mai 2010 10:06 à votre attention : « Je m'étonne du nombre de retours pour une livraison testée avant d'avoir été livrée. Je m'étonne aussi que suite à une erreur signalée, elle ne soit corrigée que ponctuellement et qu'il faille une redite pour qu'elle soit corrigée sur l'ensemble de l'application "
cf. Email Etienne Hateau DOSI Gan du. 28/05/2010 11:03 " Il est important que les chiffres présentés soient stabilisés. Plus de doublement des lignes ou des montants. Il est souhaitable aussi que les "plantages" en lancement des rapports disparaissent: "page erreur", "pendule infinie", "impression bloquée".
B) Le 23/6 identification sur le programme Stimbooster Cofinoga Sygma de l'octroi de 35 000 points cadeaux versés indûment soit 6670 € suite à une requête SQL développée, testée et livrée par vous alors que la cohérence des soldes de points compte tenu de leur impact financier direct doit être vérifiée systématiquement à chaque modification des moteurs de calcul, depuis deux dans un service qui ne gère que des programmes d'incentive vous ne pouvez l'ignorer. D'autant que nous vous avions déjà rappelé cette règle lors d'un incident précédent en novembre dernier entraînant une perte sèche de 5 024,39 €.
« [H], Il y a à peine 3 semaines il y a eu une perte de 5KE sur Cofinoga accuse d'une erreur, hors la perte financière cela a aussi entamé la confiance du client en Motivation Factory.
Je me rends compte qu'il continue d'y avoir des erreurs! Cofinoga ' PMC, Euromaster, GAN, sont des clients fidèles et importants, nous ne pouvons nous permettre d'autres bugs et anomalies sur ces programmes, si je peux excuser une erreur impactant les comptes de points une fois, je ne peux pas tolérer une répétition. »
Cette erreur a pour double conséquence : une perte financière équivalente à l'octroi de points et la perte de la confiance de notre client en la fiabilité du service apporté.
Alertés par cet incident nous avons effectué des contrôles supplémentaires et nous venons d'identifier ce 13 juillet une erreur de calcul de points sur Cofinoga Cartes. Bien que cette erreur vous est ( sic) été signalée sur l'un des programmes de Cofinoga (Sygma) vous n'avez pas pris peine de regarder vos autres processus identiques sur les opérations de ce client. Cette négligence entraîne les mêmes conséquences d'image et de temps perdu.
« J'ai commencé à mettre le nez dans l'automate, et... on se retrouve avec le problème constaté sur COF Sygma, avec des résultats qui sont pris en compte alors qu'ils ne le devraient pas, d'où les 45 au lieu de 38 (2x19) dans ton exemple. Suppression de résultats sur Sygma qui ne devrait pas l'être ça ne te rappelle rien '!' Exactement la même erreur !!! Je ne comprends pas que [H] n'est pas fait le rapprochement entre ce qu'elle a mis en place sur Sygma qui posait problème et ce qu'elle a mis en place sur Carte alors qu'il y a beaucoup de code identique sur ce qu'elle a modifié entre les 2 automates... Bref, je crois que je suis bon pour me redescendre l'automate complet, voir le recréer...J'ai déjà passé l'après midi à étudier le truc. »
C) Le mercredi 30/06 vous annoncez livrer des fonctionnalités en recette sur l'application « gestion événementielle », le jeudi 01/07 les équipes projet ne peuvent pas se connecter car le simple accès génère des erreurs ce qui démontre bien que vous avez une fois de plus livré sans respecter nos procédures qui exigent qu'un développeur teste en navigation web les pages fournies. Cette erreur démontre que vous n'avez-même pas pris la peine de vous connecter une fois pour visualiser a minima le rendu du travail fourni. De plus nous avons perdu 2 jours homme de travail pour analyser et corriger à votre place le travail livré.
D) Ce vendredi 2 juillet, nous avons identifié un problème de sécurité sur le projet Air Caraïbes. Suite à l'une de vos livraisons toute personne pouvait maintenant accéder aux données sensibles du serveur de production (résultats des ventes de nos clients, fichiers commerciaux, comptes de points...) et les modifier ou les supprimer par erreur.
« Suite à une anomalie remontée par le pôle exploitation sur le projet Air Caraïbes, j'ai constaté un problème de sécurité concernant l'utilisation de la connexion à la base de données de production depuis le serveur de développement pour traitements divers.
Il y a environ 3 ans, j'avais mis en place la possibilité de pouvoir se connecter à la base de données de production pour reproduire et corriger les éventuels bugs constatés sur le serveur de production. Ce processus ne doit pas être utilisé pour mettre en place des traitements particuliers à partir du serveur de développement et était connu uniquement du personnel technique. Hors, ce processus a été utilisé par vous, sans concertation auprès des chefs de projets et produits. Ce qui constitue une faute importante et peut remettre en cause l'intégrité des données de production. »
2/ Répétition des conflits avec vos supérieurs et collègues et enchaînement de polémiques avec des comportements agressifs de votre part
A) Estimation gonflée des temps de développement nécessaire aux évolutions de l'application ''gestion événementielle'', à périmètre équivalent vos collègues interrogés à l'aveugle sur la base des mêmes éléments de brief diagnostiquent un temps de développement deux fois inférieurs de 5 jours pour eux contre 11 pour vous. Le client à qui le devis a été transmis sur votre base a contesté ces chiffres et il a fallu lui octroyer un geste commercial conséquent avec l'altération de la confiance qui le lie à MF.
B) Pendant tout le mois de mai et juin vous avez déclenché et entretenu une polémique alors que cela concernait des chiffres antérieurs de 6 mois dans l'outil analytique sur un de vos projet clôturé en dépassement de temps: vous revenez sur ce point dans votre courrier et mentionnez une réunion à ce sujet indiquant « je n'ai toujours pas compris d'où venaient les chiffres qui ont été initialement enregistrés dans l'EMA ». A cet égard, il convient de rappeler que vous avez ainsi émis plus de 20 emails pour un total de plus de 10 pages.
Afin d'apaiser le sujet, nous avons non pas déclenché une réunion mais trois réunions. Vous avez pointé personnellement plus d'une journée et demie de temps de travail à ce sujet indiquant que « le respect des temps était une priorité de mon évaluation c'est pour ça que les chiffres sont importants ».
Or il est avéré que sur ce projet le dépassement de temps est du aux 63 anomalies à corriger signalées par le client alors que pour exemple sur un projet d'un ampleur double livré au même client par votre collègue [J] [R] le nombre d'anomalies est deux fois et demie moindre.
Au final, nous avons tout mis en 'uvre pour vous donner les explications voulues. De surcroît, le dépassement de temps invoqué ne vous a pas été reproché et ne faisait, comme les comptes rendus d'évaluation l'indiquent, pas partie des priorités soulignées dans votre évaluation. Nous avons seulement continué lors de ces dernières évaluations d'insister sur le respect des procédures et la fiabilité, qui sont cruciaux dans la performance de notre entreprise.
Au final cette démarche s'est avérée improductive, coûteuse en termes de temps, génératrice de tensions avec vos collaborateurs.
C) Lundi 28 juin vous avez insulté votre supérieur hiérarchique direct sans aucune motivation ni explication ou excuse. Comme vous le soulignez dans votre courrier vous l'avez salué avec un « bonjour perroquet » : nous vous avons donc rappelé que dans l'exécution de son travail, les salariés doivent de plus faire preuve de correction dans leur comportement vis a vis de leur collègues et de la hiérarchie, sous peine de sanctions.
D) Le 8 juin à la demande de la direction de signer la grille de pointage sur le crédit impôt recherche vous avez conditionné votre signature à l'octroi d'une prime. Vous avez ensuite nié avoir subordonné votre signature à cette prime en invoquant un malentendu (prime de congés). Vous avez cependant par la suite persisté dans votre refus en prenant appui sur des arguments erronés (qualité de votre travail non reconnue, ...).
E) Comme vous l'indiquez dans votre courrier, le 24 mai, lundi de pentecôte, vous ne vous êtes pas présentée à votre travail et sans nous prévenir, alors qu'il s'agissait d'un jour férié non chômé, comme cela est d'usage dans I'entreprise, la journée de solidarité étant un jour travaillé. Vous avez invoqué que vous « croyiez » que cette journée était non travaillée, alors même que vous aviez travaillé ce jour là l'année dernière et que de surcroît le sujet avait été évoqué avec l'ensemble des salariés et que tous les autres salariés de l'entreprise sont venus travailler (n'oublions pas que nous travaillons en open space). Malgré cela, nous avons fait droit à votre demande « compter un de vos RTT pour payer votre journée de solidarité » , vous confirmant cependant qu'un tel comportement est inqualifiable. Susceptible d'impliquer une retenue sur salaire et une sanction disciplinaire et que si vous deviez le répéter, nous serions dans l'obligation de prendre les mesures qui s'imposent en telle matière.
Bien que demeurant à moins de 5mn a pied de nos locaux, vous ne vous êtes pas présentée à l'entretien préalable de licenciement. Vous nous avez adressé cependant un courrier le 15 juillet dont nous tenons compte. Néanmoins, cela ne nous permet pas de modifier notre appréciation des faits.
Une telle situation, dans son ensemble, nous empêche donc de poursuivre notre collaboration. »
Le 19 mai 2015, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne -Billancourt aux fins de contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 5 novembre 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Motivation Factory.
Par jugement du 4 octobre 2016, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Motivation Factory et désigné en qualité de liquidateur la SCP BTSG, prise en la personne de M. [B] [W].
Une ordonnance de radiation a été prononcée le 1er mars 2018 pour défaut de diligences des parties et l'affaire a été réinscrite au rôle le 27 février 2020.
Par jugement du 17 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :
- débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,
- reçu Me [W], ès qualités de liquidateur de la société Motivation Factory, en sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [C] à payer à Me [W], ès qualités de liquidateur de la société Motivation Factory, la somme de 50 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Me [W], ès qualités de liquidateur de la société Motivation Factory, de ses autres demandes,
- mis les éventuels dépens de la procédure à la charge de Mme [C].
Par déclaration adressée au greffe le 18 janvier 2021, Mme [C] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 27 septembre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [C] demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et 1'y dire au surplus bien fondée,
- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions autres que celles portant sur le rejet de la prescription de 1'action et de la péremption d'instance soulevées in limine litis en première instance par les parties intimées,
statuant à nouveau,
- dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral sur son lieu de travail,
en conséquence,
- dire et juger que son licenciement intervenu suivant lettre recommandée A.R du 22 juillet 2010 est nul conformément aux dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail,
- à titre subsidiaire, dire et juger que la rupture de son contrat de travail est imputable a l'employeur et qu'à ce titre, le licenciement intervenu suivant lettre recommandée A.R du 22 juillet 2010 est totalement dépourvu de cause réelle et sérieuse et par voie de conséquence abusif,
- fixer sa créance à l'égard de la société Motivation Factory représentée par la SCP BTSG prise en la personne de Me [W], ès qualités de liquidateur de la société Motivation Factory, aux sommes suivantes:
. 19 189,68 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant du harcèlement moral dont elle a été victime,
. 19 189,68 euros à titre de dommages-intérêts, soit à titre principal pour cause de nullité du licenciement, soit à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail,
- dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à 1'Unedic Délégation AGS CGEA IDF OUEST et qu'en cas de besoin celle-ci devra garantir 1e paiement de la créance de la salariée,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la prescription de l'action et la péremption d'instance soulevées in limine litis par la SCP BTSG prise en la personne de Me [W], ès qualités de liquidateur de la société Motivation Factory,
- condamner SCP BTSG prise en la personne de Me [W] à lui payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner SCP BTSG prise en la personne de Me [W], ès qualités de liquidateur de la société Motivation Factory, en tous les dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société BTSG, prise en la personne de M. [W], en sa qualité de liquidateur de la société Motivation Factory, demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [C] de ses demandes,
et y ajoutant,
- condamner Mme [C] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
à titre subsidiaire,
- réduire le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions,
en tout état de cause
- débouter Mme [C] de toute demande de condamnation à l'encontre des organes de la procédure,
- fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,
- dire que les sommes fixées sont brutes de charges et cotisations sociales,
- dire et juger que le jugement de liquidation judiciaire a définitivement arrêté le cours des intérêts et ce sur le fondement de l'article L. 622-28 du code de commerce.
L'Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest, régulièrement convoquée par acte d'huissier, du 22 mars 2021 n'a pas constitué avocat.
MOTIFS
Sur la péremption d'instance et la prescription des demandes
Dans leur motivation, les premiers juges ont débouté le mandataire liquidateur de sa demande d'extinction de l'instance par l'effet de la péremption et ont dit l'action de la salariée non éteinte par l'effet de la prescriptions sans reprise expresse dans le dispositif du jugement qui, toutefois, déboute Me [W], ès qualités de liquidateur de la société Motivation Factory, de ses autres demandes.
La salariée sollicite en cause d'appel la confirmation de ce débouté, le mandataire liquidateur ne concluant pas à ce sujet dans ses écritures.
Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, alinéa 6, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
En conséquence, le jugement sera confirmé de ces chefs, dont le liquidateur ne sollicite pas l'infirmation.
Sur le harcèlement moral
La salariée fait valoir qu'elle a été victime d'agissements répétés constituant un harcèlement constant et régulier de la part de ses supérieurs hiérarchiques entraînant une dégradation de ses conditions de travail qui a porté atteinte à sa dignité, sa santé physique et mentale, ce qui est établi par les certificats médicaux versés aux débats, contrairement à ce qui est indiqué par les premiers juges. Elle ajoute que ce harcèlement, parfaitement connu du directeur de la société, a été toléré et couvert alors qu'il aurait dû la protéger.
Le liquidateur réplique que la salariée ne cite dans ses écritures ni le nom, ni le poste des personnes qui selon elle la harcelaient. Il expose que la salariée ne produit aucune attestation de collègues de travail confirmant que des personnes l'ont harcelée et qu'au regard des mails produits par l'appelante elle-même, elle se sentait harcelée par ses collègues de travail, toute personne confondue. Le liquidateur ajoute que la salariée ne prouve aucunement la dégradation de son état de santé et qu'elle n'a alerté le médecin du travail de ses conditions de travail qu'après la convocation à l'entretien préalable, n'ayant jamais dénoncé à l'employeur auparavant l'existence du harcèlement moral allégué.
***
L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 dans sa rédaction alors applicable, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au cas présent, la salariée invoque :
- des propos et comportements désobligeants et vexatoires
La salariée a demandé le 22 septembre 2008 au directeur de la société, M. [F], ' Merci d'étudier le problème des gros mots et des sujets vulgaires ( est ce que j'ai le droit de ne pas les entendre')' lequel lui répond ' Prendre un moment pour m'en parler demain. Ai besoin de comprendre quoi/ quand/ comment. Pas de problème pour faire passer un message si nécessaire aux intéressés.'Ce seul courriel du 22 septembre 2008, qui n'explicite pas les circonstances de la dénonciation, ne caractérise pas des propos et comportements désobligeants et vexatoires allégués..
Par courriel du 19 mars 2009 adressé à la salariée et à M. [A], ingénieur et collègue de la salariée, M. [F] étant en copie, M. [X], supérieur hiérarchique (son n+2) de Mme [C], leur demande de se comporter comme des adultes, de 'cesser les mots doux' et de terminer un projet dans les délais impartis. S'adressant plus particulièrement à M. [A], M. [X] lui demande de modérer son langage et ses humeurs vis à vis de la salariée. M. [X] ajoute qu'il va veiller à ce que les deux salariés ne travaillent plus ensemble et leur demande de ' mettre leur côté affectif jusqu'à bonne exécution' du projet en cours. La salariée n'établit pas que M. [A] lui a présenté des excuses, comme elle s'en prévaut, ni que seul M. [A] a adopté un vocabulaire désobligeant.
Par courriel du 28 mai 2010, la salariée demande à M. [X], M. [A] étant en copie, d'éviter le vocabulaire ' tu me gonfles' et le 'ton non professionnel' lors de leurs échanges.
Par ailleurs, les échanges de courriels communiqués par la salariée le 10 juin 2010 ne comprennent pas de propos déplacés ou injurieux à son encontre comme elle le soutient. Le fait, pour un supérieur hiérarchique d'expliquer à la salariée ce qu'il attend d'elle à titre professionnel à propos d'un projet en cours ne s'analyse pas comme des propos désobligeants ou vexatoires. Si la salariée écrit à M. [F], directeur : ' je vous répète, je refuse d'être traitée de la sorte', cela ne ressort pas des termes des messages et M. [F] lui demandera en réponse de 'faire des efforts en matière d'attitude et de comportement avec tes collègues ( écoute, communication).'.
Dès lors, la salariée établit uniquement l'existence de propos déplacés ou vexatoires de M. [X] le 28 mai 2010.
- un avertissement et des remontrances injustifiées
La salarié a effectivement fait l'objet d'une sanction le 16 avril 2009 dont elle conteste le caractère justifié sans toutefois en solliciter l'annulation, quand bien même elle a contesté par écrit cet avertissement le 7 mai 2009.
La seule pièce communiquée au dossier par la salariée, constituée par un courriel de satisfaction d'un client, n'est pas suffisante pour remettre en cause les reproches de l'employeur lors de la notification de l'avertissement pour avoir traité avec un défaut de 'fiabilité' plusieurs projets.
Enfin, la salariée écrit le 16 avril 2009: ' je ne nie pas que si les fautes sont arrivées jusqu'au client, j'ai aussi ma part de responsabilités ( mais pas la responsabilité entière) . A noter que je prête toujours beaucoup d'attention aux erreurs signalées et les corrige au plus vite, et souvent, je recherche et corrige les fautes des autres.'.
La salariée ne justifie donc pas que l'avertissement est injustifié.
La salariée a également était destinataire d'une lettre de remontrance le 17 juin 2010 pour ne pas être venue travailler le lundi de Pentecôte. Dans un courriel du 25 mai 2010, la salariée indique qu'elle a appris que le lundi de Pentecôte 'était redevenu un jour férié' et a demandé qu'une journée de RTT soit décomptée en compensation, ce qui a été effectué.
L'erreur de la salariée s'agissant de cette journée de solidarité, qui n'est plus un jour nécessairement chômé, est rapportée et la remontrance est justifiée.
- des critiques injustifiées et observations dévalorisantes
La salariée établit que M. [X] lui a adressé des critiques à propos d'un dossier en cours en affirmant à deux reprises que la cliente rencontrait des difficultés, M. [N]( son n+1) concluant ces échanges par courriel du 29 avril 2009 adressé à M. [X] : ' Ca ressemble à du règlement de compte ou de l'acharnement' à l'encontre de Mme [C] et a ajouté que l'erreur provenait de la cliente.
Les autres courriels communiqués par la salariée ne mettent pas en évidence le contrôle permanent de son activité par sa hiérarchie ni les reproches allégués dans la gestion du dossier GAN.
La salariée établit le fait dénoncé le 29 avril 2009 tenant à une critique injustifiée.
- des tâches dévalorisantes et dépassant ses compétences
La salariée ne produit aucune pièce justifiant que l'employeur lui a confié des tâches dévalorisantes et, s'agissant du projet Vedior, il est établi qu'avec les conseils d'un collègue, la salariée a réussi à résoudre un problème informatique alors qu'elle indiquait que ses compétences lui faisait défaut pour ce faire.
Hormis cette situation pour laquelle la salariée a trouvé une solution, elle n'établit pas que le travail demandé dépassait ses compétences.
- du discrédit et des moqueries
Il ne ressort pas des courriels produits concernant l'évaluation du temps de travail de la salariée l'existence du discrédit et des moqueries allégués.
Ainsi, il n'est pas établi que, lors du contentieux survenu sur le calcul précis du temps que la salariée a consacré au dossier GAN, ses supérieurs hiérarchiques ont adopté volontairement des versions contradictoires ou mensongères, ni qu'ils se sont moqués d'elle en présence d'autres salariés à ce sujet.
En outre, la salariée invoque le manque de respect de ses supérieurs hiérarchiques directs et analyse leur refus de modifier le logiciel d'enregistrement des jours de travail en un comportement humiliant et indifférent, ce qui ne ressort pas des pièces versées, la salariée ne procédant que par affirmations.
Si l'employeur a reproché un dépassement d'horaire par la salariée dans le suivi du projet litigieux, il a finalement accédé à sa demande et lui a crédité 38 jours puis 43 jours de travail au lieu des 35,5 jours initialement enregistrés.
Le fait que cette régularisation soit effectuée sans explication n'est pas davantage la preuve d'un discrédit de la salariée, M.[F], directeur lui indiquant le 10 juin 2010 ' je suis las des polémiques que tu provoques régulièrement. Tu as une écoute sélective et tu déformes les propos des uns et des autres.... dont les miens. Il est compréhensible que sur des sujets marginaux, les gens finissent par ne plus te répondre'.
Le 17 juin 2010, M. [F], en réponse à la salariée à propos du crédit d'impôt recherche, lui indique également ' je regrette que tu ne souhaites pas communiquer avec un ton plus cordial que ce soit avec moi ou tes collaborateurs.'.
Le 30 juin 2010, l'employeur a reproché à la salariée d'avoir salué son supérieur hiérarchique en lui disant ' bonjour perroquet', la salariée ayant ensuite présenté ses excuses à l'intéressé.
Plus généralement, il ressort de plusieurs courriels communiqués y compris par la salariée, que de nombreuses polémiques sont nées pendant la relation de travail avec différents salariés sur le contenu du travail, les consignes passées, Mme [C] étant toujours à l'origine des reproches adressés à ses interlocuteurs sur leur comportement professionnel à son égard.
La salariée n'établit donc pas les faits allégués de moqueries et discrédits à son encontre.
- la privation d'outil de travail et la limitation illégale des heures de recherche d'emploi
La salariée n'établit pas qu'elle a été privée d'outils de travail, les nombreux messages qu'elle verse aux débats ne le rapporte pas ni la seule circonstance qu'elle n'ait pas eu accès à un type de serveurs pour un dossier en cours le 15 septembre 2010 ce qui ne correspond pas à une privation d'outil de travail.
Par ailleurs, la salariée a été licenciée 22 juillet 2010 et l'employeur lui a notifié par courriel du 29 juillet 2010 que la convention collective prévoyait qu'elle bénéficiait de deux heures par jour pour organiser sa recherche d'emploi pendant son préavis. Sans autre élément, la salariée ne justifie pas que l'employeur a limité le temps imparti pour ce faire.
- une prime de vacances non payée
Après échanges avec M. [F], la prime de vacances de la salariée, lui a été réglée en novembre 2010.
L'employeur, qui avait suivi la position erroné de l'expert-comptable et appliquée à tous les salariés, a décidé en 2010, sur l'interpellation de la salariée, du versement de cette prime avec rétroactivité. Pour la salariée, la régularisation est ainsi intervenue en novembre 2010 dans le cadre du solde de tout compte. La prime de vacances a donc été payée, et le fait allégué, tiré de son paiement, n'est donc pas établi.
Sur le plan médical, la salariée justifie d'un suivi à compter du 1er juillet 2010, soit à compter de la convocation à l'entretien préalable. Le médecin du travail a conclu à une inaptitude temporaire le 1er juillet 2010 avec prévision d'une nouvelle visite à l'issue d'une période de 20 mois. Le 16 novembre 2010, le docteur [G], psychiatre, indique que la salariée présente ' un état dépressif caractérisé sans antécédents psychiatriques retrouvés. Le contexte probable harcèlement professionnel (sic) semble plausible et être le facteur majeur de cette décompensation.'.
Le médecin traitant de la salariée certifie, le 8 juin 2018, soit 8 ans après le licenciement, que son état de santé a nécessité un traitement anti-dépresseur pendant 7 mois, et 53 jours d'arrêts de travail, du 1er juillet 2010 au 10 juin 2011.
En synthèse de ce qui précède, au rang des faits que la salariée soumet à la cour comme concourant, selon elle, au harcèlement moral qu'elle dénonce, ont été retenu le deux faits le 29 avril 2009 et le 28 mai 2010.
Ce deux seuls faits, ponctuels et non répétés dans le temps alors que l'employeur a également reproché à la salariée l'usage de '' mots doux' ou de propos désobligeants, ne permettent pas de présumer de l'existence d'un harcèlement moral, nonobstant l'état de santé de la salariée.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Sur le bien-fondé du licenciement
L'employeur expose que la lettre de licenciement est particulièrement précise sur les circonstances ayant conduit au licenciement et que les faits sont avérés, la salariée les ayant notamment reconnu dans des courriels. Il ajoute que la combinaison de fautes dans l'exécution de ses fonctions et d'un 'relationnel pour le moins difficile', a conduit la société au licenciement.
L'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.
L'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur.
L'insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle.
Il résulte de l'article L. 1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas spécialement à aucune des parties mais que le doute doit profiter au salarié.
Au cas présent, l'employeur invoque plusieurs manquements de la salariée dans la lettre de licenciement :
- des erreurs récurrentes et un manque de vérification des développements qui lui sont confiés que ce soient des projets simples, standards ou spécifiques,
- des difficultés relationnelles avec l'ensemble des équipes de projets et la quasi-totalité des effectifs de l'entreprise aboutissant à des comportements agressifs voir violents de sa part,
- un refus d'intégration de sa part depuis son arrivée et la multiplication des incidents tant sur le plan technique que relationnel en dépit des nombreux rappels réalisés,
- l'absence de respect des procédures et l'augmentation critique des erreurs et problèmes de fiabilité sur les projets gérés,
- la répétition des conflits avec ses supérieurs et collègues et l'enchaînement de polémiques avec des comportements agressifs de sa part.
Au soutien de tous ces manquements, le liquidateur produit deux courriels de la salariée dans lesquels elle reconnaît, d'une part, une erreur technique sur un dossier le 16 août 2010 et, d'autre part, avoir traité son supérieur hiérarchique de ' perroquet' le 30 juin 2010.
Le liquidateur vise également deux pièces adverses, l'avertissement de la salariée le 16 avril 2009 et un courriel adressé à son supérieur hiérarchique à propos de ses horaires de travail dont le ton est certes désagréable mais non outrancier.
Le liquidateur, qui produit ces seules pièces aux débats, sans verser notamment les évaluations ni aucun des courriels visés dans la lettre de licenciement et qui sont contestés par la salariée, ne met pas en évidence les insuffisances professionnelles reprochées à la salariée.
Il convient, infirmant le jugement, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La salariée qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée ( 3 198,28 euros bruts), de son âge ( 38 ans), de son ancienneté ( 2 ans) et de ce qu'elle ne justifie pas de ses revenus depuis 2010, il y a lieu de condamner l'employeur à lui payer la somme de 19 189,68 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la fixation au passif et la garantie de l'AGS
Les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire demeurent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement ou clôture de la procédure pour insuffisance d'actif, au régime de la procédure collective et bénéficient à ce titre de la garantie légale de l'AGS dans les conditions prévues aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.
Le présent arrêt est donc opposable à l'AGS dans les limites prévues aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.
Sur les intérêts
Par application des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 5 novembre 2015, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Motivation Factory, a arrêté le cours des intérêts légaux.
Sur les dépens et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Infirmant le jugement déféré, le liquidateur, qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elle exposés non compris dans les dépens. Elles seront déboutées de leurs demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il déboute le Me [W], ès qualités de liquidateur de la société Motivation Factory, de sa demande d'extinction de l'instance par l'effet de la péremption ou de la prescription, et en ce qu'il déboute Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et de sa demande de nullité du licenciement,
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
FIXE à la somme de 19 189,68 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la créance de Mme [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société Motivation Factory,
RAPPELLE que le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 5 novembre 2015, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de société Motivation Factory, a arrêté le cours des intérêts légaux,
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest dans les limites de sa garantie légale et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
DIT que les dépens de première instance et en cause d'appel seront portés au passif de la société Motivation Factory.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente