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25/01/2023 | FRANCE | N°21/00229

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 25 janvier 2023, 21/00229


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 JANVIER 2023



N° RG 21/00229

N° Portalis DBV3-V-B7F-UIQ5



AFFAIRE :



[E] [K]





C/



Société GROUPE DELORT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : C

RG : F 18/01042



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Maria Eugenia BOHABONAY BORIBA



Me Françoise VERGNE-BEAUFILS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TRO...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 JANVIER 2023

N° RG 21/00229

N° Portalis DBV3-V-B7F-UIQ5

AFFAIRE :

[E] [K]

C/

Société GROUPE DELORT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : C

N° RG : F 18/01042

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Maria Eugenia BOHABONAY BORIBA

Me Françoise VERGNE-BEAUFILS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [K]

né le 1er janvier 1967 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Maria Eugenia BOHABONAY BORIBA de l'AARPI PanAssociés, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: G0088

APPELANT

****************

Société GROUPE DELORT venant aux droits de la société SIREINE AUTO [Localité 5]

N° SIRET : 562 031 849

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Françoise VERGNE-BEAUFILS de l'ASSOCIATION GICQUEAU -VERGNE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R147

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [K] a été engagé par la société Sireine Auto [Localité 5], en qualité d'opérateur préparation véhicules, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à compter du 4 mai 2009, puis à temps complet à compter de mars 2015.

Cette société est spécialisée dans la concession et distribution automobile. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de moins de 11 salariés. Elle applique la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile.

Le 9 avril 2015, le salarié a été victime d'un accident du travail et a été placé en arrêt du 13 au 17 avril 2015.

Le 24 octobre 2016, le médecin du travail a prononcé son inaptitude au poste d'opérateur de préparation véhicules et a dit que le salarié pouvait être reclassé sur un poste avec des tâches administratives ( accueil, saisie informatique, traitement, reclassement de dossier).

Par lettre du 23 novembre 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 6 décembre 2016.

Il a été licencié par lettre du 9 décembre 2016 pour impossibilité de reclassement dans les termes suivants:

« Monsieur,

Suite à notre entretien du 6 décembre 2016, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement suite à l'avis du médecin du travail vous déclarant inapte à votre emploi et à l'impossibilité dans laquelle nous sommes de vous reclasser pour les motifs qui vous ont été notifiés par courrier du 10 novembre 2016 et que nous vous rappelons :

A l'issue de deux visites médicales, le médecin du travail vous a déclaré inapte à votre poste.

Plus précisément et lors de la seconde visite, telle que prévue à l'article R 241-51-1 du Code du Travail, le Docteur [O] vous a déclaré « définitivement inapte au poste de préparateur de voitures» et a indiqué que vous pouviez être « reclassé sur un poste avec des tâches administratives (accueil, saisie informatique, traitement, classement de dossiers) ».

Pour étudier si nous pouvions trouver un poste de reclassement répondant à ces préconisations, tant au sein du garage de [Localité 5] qu'au sein des garages de [Localité 6] ou [Localité 4], nous avons recensé tous les postes de l'entreprise et avons convoqué le 7 novembre dernier les délégués du personnel afin de discuter de votre reclassement et de recueillir leur avis.

Toutefois, compte tenu des recommandations du Dr [O] sur votre capacité résiduelle de travail et après étude des postes existants dans l'entreprise, aucun reclassement n'a été envisageable.

Comme nous vous le précisions dans notre courrier du 10 novembre 2016:

- tous nos postes administratifs nécessitent de par leur technicité une véritable formation initiale, tous les postes administratifs nécessaires à l'activité de notre société sont par ailleurs et intégralement pourvus,

- en outre et compte tenu de la taille de notre entreprise et de son activité, aucune mutation ou transformation de poste ne peut être envisagée et donc vous être proposée.

En raison de cette impossibilité de reclassement, nous ne pouvons maintenir votre contrat de travail et nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement.

La date de première présentation de cette lettre fixera la date de rupture de votre contrat de travail.

Vous n'effectuerez pas de préavis mais vous percevrez une indemnité compensatrice de préavis ainsi que l'indemnité spéciale de licenciement.

Nous vous adressons, par courrier séparé, votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi. »

Le 28 août 2018, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de plusieurs sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 9 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- dit le licenciement fondé,

- jugé que l'employeur n'a pas respecté ses obligations de sécurité et de déclaration d'accident de travail,

- condamné la société Sireine Auto [Localité 5] au paiement à M. [K] des sommes suivantes :

. 2 000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

. 2 000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de déclaration des accidents de travail,

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcé l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile,

- dit que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil,

- dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions des articles 1343-2 du

code civil,

- condamné la société Sireine Auto [Localité 5] aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 18 janvier 2021, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 27 septembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [K] demande à la cour de :

- déclarer recevable ses prétentions,

- déclarer que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement décidé par la société Sereine Auto en date de 9 décembre 2016 est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Sereine Auto à lui payer les sommes suivantes :

. 16 296 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 26 000 euros, au titre d'indemnité dommages et intérêts du fait du manquement de la société Sereine Auto à son obligation d'organisation des visites médicales, à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et à son obligation de déclarer l'accident de travail dans un délai raisonnable,

. 10 000 euros au titre de l'indemnité relative au manquement à l'obligation de sécurité, de résultat, et de protection de la santé physique et mentale,

. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sereine Auto aux entiers dépens,

- dire que ces sommes ont produit intérêts au taux légal à compter de la rupture du contrat de travail, soit le 9 décembre 2016,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Vu les dernières conclusions d'intimée et d'appelante incidente transmises par voie électronique le 13 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Groupe Delort, venant aux droits de la société Sireine Auto [Localité 5], demande à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement fondé,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Sireine Auto [Localité 5] au règlement des sommes suivantes :

. 2 000 euros pour non-respect de l'obligation de sécurité,

. 2 000 pour non-respect de l'obligation de déclaration des accidents du travail,

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

- juger que le licenciement de M. [K] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [K] au règlement de la somme de 1 000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] aux dépens.

MOTIFS

Sur l'obligation de sécurité de résultat et de protection de la santé physique et mentale

Le salarié soutient avoir été exposé à plusieurs facteurs de risque pendant toute la durée de son contrat de travail. Il indique qu'il effectuait des tâches qui l'obligeaient à faire des efforts répétitifs avec les bras pendant plus de 50% du temps de travail, qu'il travaillait dans un local très humide et froid situé au second sous-sol non aéré et dédié au stockage des produits chimiques. Il ajoute qu'aucune fiche de pénibilité n'a jamais été établie et qu'aucune information ne lui a été donné sur l'expositon au risque.

L'employeur réplique que les dispositions relatives à la pénibilité ne s'appliquent pas pour un préparateur de véhicules et ajoute que les aires de préparation des véhicules neufs et d'occasion ne sont pas soumises aux bruits ou aux émanations qui pourraient se dégager des ateliers.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité qui n'est pas une obligation de résultat mais une obligation de moyen renforcée, l'employeur pouvant s'exonérer de sa responsabilité s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Ces articles obligent l'employeur, notamment, à prendre des mesures pour prévenir les risques professionnels et de pénibilité au travail et à éviter les risques.

Il résulte également de la combinaison des articles L. 4121-3-1 et D. 4121-5 du code du travail dans leur version applicable jusqu'au 1er janvier 2015 repris à l'article L4161-1du même code depuis le 1er janvier 2015 que pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, tels que les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations, le travail répétitif caractérisé par la répétition d'un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d'une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini et les agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R. 4412-3 et R. 4412-60, y compris les poussières et les fumées, l'employeur consigne dans une fiche, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en oeuvre par l'employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période.

Cette fiche individuelle est établie en cohérence avec l'évaluation des risques prévue à l'article L. 4121-3. Elle est communiquée au service de santé au travail qui la transmet au médecin du travail. Elle complète le dossier médical en santé au travail de chaque travailleur. Elle précise de manière apparente et claire le droit pour tout salarié de demander la rectification des informations contenues dans ce document.

L'article R.4121-1du code du travail précise que l'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.

Au cas présent, le salarié exerçait la fonction de préparateur de véhicules, consistant au lustrage, ponçage et nettoyage des véhicules neufs et d'occasion.

Le salarié produit la lettre qu'il a adressée le 11 avril 2015 à l'inspection du travail à la suite de son accident et qui fait mention de l'énorme douleur ressentie le 9 avril 2015 ' suite à plusieurs mouvements répétitifs et forcés sur mon lieu de travail situé au deuxième sous-sol de l'entreprise Sireine Auto'.

La reconnaissance de l'accident du travail n'est pas contestée et il en est résulté une inaptitude du salarié à son poste d'opérateur de préparation de véhicules, le salarié présentant une arthropatie dégénérative sterno-claviculaire bilatérale.

Dans ce contexte, il convient de déterminer si le salarié a été exposé à plusieurs facteurs de risque pendant la durée du contrat par l'usage de postures pénibles définies comme positions forcées des articulations et d'un travail répétitif caractérisé par la répétition d'un même geste.

Pour ce faire, l'employeur, qui ne communique aucune pièce, se borne à indiquer que les fonctions exercées par le salarié ne consistaient pas en un travail répétitif justifiant la réalisation de mouvements répétés sollicitant toute ou partie du corps.

Il ne ressort pas davantage des photographies que l'employeur produit que l'aire de préparation des véhicules, située en deuxième sous-sol, est un local aéré, ventilé, sans aucune humidité et que le salarié n'y était pas exposé à des produits toxiques.

Enfin, l'employeur ne justifie pas que le salarié a bénéficié d'une formation en matière de prévention des risques professionnels pendant toute la durée de son contrat.

Dès lors, faute de produire tout document rendant compte de l'évaluation des risques généraux tenant à l'activité du salarié, notamment sa fiche de postes ainsi que le document unique d'évaluation des risques liés au poste et activités du salarié, l'employeur n'établit pas qu'il a respecté son obligation de sécurité telle que prévue aux articles précités.

Le préjudice subi par le salarié résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'obligation de déclaration de l'accident du travail, d'organisation des visites médicales et d'exécuter le contrat de bonne foi

Dans son dispositif, le salarié forme une demande de dommages-intérêts à hauteur de 26 000 euros en raison du manquement de l'employeur à son obligation d'organisation des visites médicales, à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi et à son obligation de déclaration de l'accident du travail.

Sur la déclaration d'accident du travail

Aux termes de l'article L. 441-2 du code de la sécurité sociale, l'employeur ou l'un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés.

L'article R. 441-3 du même code prévoit que cette déclaration doit être faite par lettre recommandée, avec demande d'avis de réception, dans les quarante-huit heures non compris les dimanches et jours fériés.

Le salarié reproche à l'employeur de ne pas avoir adressé la déclaration dans un délai raisonnable alors qu'il a informé immédiatement sa hiérarchie de son accident et il invoque un retard de 20 jours pour effectuer cette déclaration.

Si les conditions d'information par le salarié à l'employeur ne sont pas clairement établies au dossier, notamment la date d'information de l'accident par le médecin traitant, il doit être retenu que l'employeur a eu connaissance au plus tard le 20 avril 2015 de cet accident survenu le 9 avril 2015, comme il l'indique lui-même dans une lettre du 28 avril 2015.

Dans ce contexte, bien qu'informé le 20 avril 2015, l'employeur a attendu le 27 avril 2015 pour effectuer la déclaration auprès de la sécurité sociale.

La circonstance que la chef comptable soit en congés annuels jusqu'à cette date ne constitue pas un cas de force majeure et n'exonère pas employeur de son obligation de déclaration dans un délaide 48 heures.

Toutefois, le salarié, qui, dans la partie 'discussion' de ses conclusions, ne se prévaut d'aucun préjudice, affirme dans la partie 'présentation des faits' que la déclaration tardive de l'employeur a mis en péril le traitement de son dossier auprès de la sécurité sociale et qu'il n'a pas perçu d'indemnités pendant quatre mois, ce dont il ne justifie pas.

La preuve d'un préjudice causé par le manquement de l'employeur à son obligation de déclaration n'est pas rapportée et le jugement doit être infirmé sur ce point.

Sur l'obligation d'organiser périodiquement des visites médicales

Il n'est pas contesté que le salarié n'a pas bénéficié d'une visite médicale périodique au moins tous les 24 mois puisqu'il a rencontré le médecin du travail lors de son embauche en 2009, en juillet 2013 et enfin en avril 2015 dans le cadre d'une visite de pré-reprise.

Le salarié n'est également pas contredit lorsqu'il affirme avoir repris son poste de travail le 3 octobre 2016 pendant quelques heures avant la visite de reprise du médecin du travail.

En cas d'absence de visite médicale périodique, il appartient au salarié de justifier de l'existence d'un préjudice.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le salarié n'apportait aucun élément démontrant que ce manquement lui aurait causé un préjudice, ce qu'il n'effectue pas davantage en cause d'appel, arguant à tort que le non-respect par l'employeur des visites médicales obligatoires cause ' nécessairement' un préjudice au salarié.

En effet, l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond (Soc., 13 avril 2016, pourvoi n° 14-28.293, Bull. 2016, V, n° 72)

Sur l'exécution de bonne foi du contrat de travail

Le salarié expose que l'employeur a a modifié unilatéralement les éléments essentiels du contrat, à savoir ses fonctions et ses responsabilités.

Le salarié n'établit pas qu'il a été seul à préparer les véhicules neufs et d'occasion, ni qu'il a tenu pendant trois années les tâches afférentes à deux postes de travail, ces allégations étant dépourvues d'offre de preuve.

En outre, le contrat de travail ne limite pas le périmètre de son activité à la préparation des véhicules d'occasion comme il l'allègue.

Le manquement de l'employeur n'est donc pas établi.

En définitive, le salarié sera débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre des trois manquements reprochés à l'employeur et le jugement sera infirmé en ce que l'employeur a été condamné à verser au salarié la somme de 2 000 euros pour non-respect de l'obligation de déclaration de l'accident du travail.

Sur le harcèlement moral

Dans le corps de ses écritures, le salarié fait valoir que les agissements de l'employeur sont constitutifs de harcèlement moral dont il a été victime.

Ce moyen présenté au soutien de la demande de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne procède que par affirmation générale sans offre de preuve.

Surtout, le salarié ne formulant aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est saisie d'aucune demande.

Sur le défaut de reclassement

Le salarié explique qu'il disposait de l'expérience nécessaire pour occuper un poste administratif et qu'il avait réalisé des tâches bureautiques de 2012 à 2014. Il indique qu'il ressort du comportement de l'employeur une absence de caractère loyal de la recherche, sans succès de reclassement selon les préconisations du médecin du travail. Il ajoute que si la réunion avec les délégués du personnel a eu lieu, ce dont il doute, seules les possibilités de reclassement dans un l'établissement de [Localité 5], ont été analysées.

L'employeur objecte que les délégués ont été consultés et ont rendu un avis conformément aux dispositions légales. Il affirme qu'aucun poste administratif n'était disponible au sein du garage Sireine Auto et dans les deux autres garages.

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, à l'issue d'un arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Au cas particulier, l'employeur verse d'abord aux débats la convocation des délégués du personnel ainsi que le procès-verbal de réunion tenue le 7 novembre 2016 dont il n'est pas établi qu'il s'agit d'un faux document de sorte que l'avis des délégués du personnel a été régulièrement recueilli.

Ensuite, l'employeur communique les livres d'entrée et de sortie du personnel entre octobre 2016 et juillet 2017 de la société Sireine Auto [Localité 5] mais également des sociétés Sireine Auto [Localité 6] et Sireine Auto [Localité 4] du Groupe Delort dont il ressort qu'aucun emploi de type administratif n'a été pourvu sur la période.

Les recrutements de jockey convoyeur, carrossier, ou magasinier correspondent à des postes que le salarié ne pouvait pas occuper puisque pour la plupart ils requièrent le port de charges lourdes. Le poste de conseiller commercial, également pourvu en février 2017, n'est pas compatible avec l'expérience professionnelle de M. [K].

L'employeur établit également l'absence de postes administratifs dans les trois garages automobiles, étant rappelé que la société Sireine Auto [Localité 5] comptait moins de 11 salariés lors de la rupture.

Dès lors, l'employeur, qui a effectué une recherche au sein de la société Sireine Auto [Localité 5] mais également sur les garages de [Localité 6] et [Localité 4], comme il l'indique dans sa lettre du 10 novembre 2016, ne pouvait proposer de postes de reclassement disponibles et compatibles avec les préconisations du médecin du travail.

Compte-tenu de ces éléments, l'employeur établit avoir respecté son obligation de reclassement.

Ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il y a eu diligence de l'employeur dans la recherche de reclassement.

Sur la rupture

Le salarié fait valoir que son licenciement est abusif en raison des manquements de l'employeur, à l'origine de son inaptitude.

Le licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée. (Soc., 6 juill. 2022, n° 21-13.387, diffusé).

Il a été précédemment retenu l'existence d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécuritéà l'origine, au moins partiellement, de l'accident du travail du salarié survenu le 9avril 2015,des arrêts de travail du salarié, et de l'inaptitude qui en est résultée,de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, compte tenu de l'ancienneté du salarié (7 ans), de son niveau de rémunération ( 2 037euros bruts par mois), de son âge lors de la rupture (48 ans), de son état de santé et de ce qu'il ne justifie pas dun montant de ses ressources après la rupture, il conviendra d'évaluer le préjudice résultant de la perte de son emploi à 15 000 euros, somme au paiement de laquelle, infirmant le jugement, la société sera condamnée, intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les intérêts

Le jugement sera confirmé en ce qu'il dit que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du jugement, et non de la rupture du contrat de travail comme sollicité à tort par le salarié.

Le salarié ne demande pas la confirmation du chef de dispositif du jugement ayant dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions des articles 1343-2 du code civil, dont l'employeur, appelant incident, ne sollicite pas l'infirmation. Ce chef de dispositif sera donc confirmé en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'employeur qui succombe, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais par lui exposés en première instance et en cause d'appel non compris dans les dépens, qu'il conviendra de fixer à la somme totale de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il condamne la société Sireine Auto [Localité 5] au paiement à M. [K] des sommes de 2 000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité, 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, prononce l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile, dit que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du jugement, dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions des articles 1343-2 du code civil et condamne la société Sireine Auto [Localité 5] aux dépens,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Groupe Delort à verser à M. [K] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

DÉBOUTE M. [K] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de la société Groupe Delort à son obligation de d'organiser des visites médicales, d'exécution de bonne foi le contrat de travail et d'obligation de déclarer l'accident du travail dans un délai raisonnable,

CONDAMNE la société Groupe Delort à verser à M. [K] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,

CONDAMNE la société Groupe Delort aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00229
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;21.00229 ?
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