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19/01/2023 | FRANCE | N°20/00340

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 19 janvier 2023, 20/00340


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 JANVIER 2023



N° RG 20/00340

N° Portalis DBV3-V-B7E-TXO6



AFFAIRE :



SAS TAIS



C/



[Z] [B]













Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 17/03805

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Emmanuelle SAPENE



Me Lionel PARIENTE



le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rend...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 JANVIER 2023

N° RG 20/00340

N° Portalis DBV3-V-B7E-TXO6

AFFAIRE :

SAS TAIS

C/

[Z] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 17/03805

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Emmanuelle SAPENE

Me Lionel PARIENTE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant fixé au 05 janvier 2023 et prorogé au 19 janvier 2023, les parties en ayant été informées, dans l'affaire entre :

SAS TAIS

N° SIRET : 421 345 638

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Emmanuelle SAPENE substitué par Me Laetitia GARCIA de la SCP PECHENARD & Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R047

APPELANT

****************

Monsieur [Z] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Lionel PARIENTE de la SELARL PARIENTE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0372 substitué par Me Florence GARDEZ, avocat au barreau de LILLE

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Stéphanie HEMERY

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Madame Domitille GOSSELIN

Rappel des faits constants

La société Taïs, dont le siège social est situé à [Localité 4] dans les Hauts-de-Seine, est spécialisée dans la collecte des déchets non dangereux. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des activités du déchet du 16 avril 2019.

M. [Z] [B], né le 12 mai 1983, a été engagé par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er décembre 2003, avec reprise d'ancienneté au 1er septembre 2003 acquise au cours d'une période d'intérim, en qualité d'agent de déchetterie, moyennant un salaire de base initial de 1 228,36 euros.

Après un entretien préalable fixé au 7 novembre 2017, M. [B] s'est vu notifier son licenciement pour faute par courrier du 15 novembre 2017, motifs pris qu'il avait laissé entrer un usager à deux reprises en dehors des heures d'ouverture et qu'il lui a montré l'endroit où il pouvait charger du matériel neuf dans sa voiture.

M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en contestation de son licenciement, par requête reçue au greffe le 22 décembre 2017.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 19 décembre 2019, la section commerce du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- écarté la pièce 15 de la société Taïs,

- déqualifié le licenciement de M. [B] par la société Taïs pour cause réelle et sérieuse en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne des salaires mensuels à 2 355,70 euros,

- condamné la société Taïs à verser à M. [B] les sommes suivantes :

. 28 268,40 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le remboursement aux organismes sociaux des indemnités de chômage dans la limite de 15 jours,

- dit que l'exécution provisoire ne saurait aller au-delà de ce que la loi prévoit,

- reçu la société Taïs dans sa demande d'article 700 du code de procédure civile mais n'y a pas fait droit,

- condamné la société Taïs aux éventuels dépens, y compris ceux afférents à l'exécution de la décision.

M. [B] avait présenté les demandes suivantes :

- le dire et juger recevable et bien fondé en ses demandes,

- fixer la moyenne des rémunérations : 2 631 euros,

- dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 34 203 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,

- exécution provisoire de la décision à intervenir,

- entiers dépens d'instance comprenant les frais d'exécution du jugement à intervenir,

- écarter la pièce adverse n° 15 des débats (vidéosurveillance).

La société Taïs avait quant à elle conclu au débouté de M. [B] et avait sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

La société Taïs a interjeté appel du jugement par déclaration du 6 février 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/00340.

Par ordonnance rendue le 2 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 3 novembre 2022.

Prétentions de la société Taïs, appelante

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 29 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Taïs demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

. a écarté sa pièce n°15,

. a requalifié le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [B] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. a fixé la moyenne des salaires mensuels à 2 355,70 euros,

. l'a condamnée à payer à M. [B] les sommes suivantes :

. 28 268,40 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. ordonné le remboursement aux organismes sociaux des indemnités de chômage dans la limite de 15 jours

. l'a condamnée aux éventuels dépens, y compris ceux afférents à l'exécution du jugement,

. l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] en tous les dépens.

Prétentions de M. [B], intimé

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 26 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [B] demande à la cour d'appel de :

- dire et jugé recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société Taïs Veolia,

- dire et juger que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner en outre la société au paiement d'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les sommes ainsi octroyées porteront intérêts au taux légal avec anatocisme,

- condamner enfin la société Taïs Veolia au paiement des entiers dépens d'instance comprenant les frais d'exécution du jugement à intervenir.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Par courrier du 15 novembre 2017, M. [B] s'est vu notifier son licenciement dans les termes suivants :

« Le 19 octobre 2017, lors de votre vacation d'après-midi au poste d'agent de déchetterie au sein du magasin Plateforme du bâtiment de [Localité 5], et suite à l'intervention du directeur adjoint de ce site « client », nous avons constaté plusieurs dysfonctionnements dans l'exécution de vos missions.

Ainsi il a été constaté par notre client Plateforme du bâtiment, que vous avez laissé un véhicule de type PL pénétrer dans la zone de déchetterie à partir de 18h30. L'utilisateur du véhicule s'est garé devant l'alvéole de déchargement des déchets DIB, puis a chargé dans son véhicule des matériaux sans que vous n'interveniez.

Ce même usager a quitté votre zone de travail et est revenu une seconde fois et vous a sollicité. En quittant votre zone de travail, vous avez balisé la zone de la déchetterie en y laissant cet usager seul alors même que vous veniez d'en fermer l'accès.

Vous n'avez établi aucun bon de passage, ni de facturation à cet usager qui s'est présenté par deux fois dans la déchetterie et a évolué dans la déchetterie en votre présence sans que vous n'interveniez.

Au cours de sa visite de site, le directeur adjoint de la déchetterie ainsi que son chef d'enlèvement vous ont croisé à votre fin de poste aux alentours de 18h45, à la sortie de la déchetterie puis ont surpris cet usager à l'intérieur de la déchetterie en train de charger des cartons contenant des matériaux neufs.

La présence de cet usager en dehors des heures d'ouverture de la déchetterie a interpellé les membres de la direction de la Plateforme du Bâtiment qui l'ont intercepté en plein chargement de son véhicule. L'usager a reconnu qu'il était en train de sortir de l'alvéole de déchets de la marchandise du magasin sans l'avoir payée.

Par votre absence d'intervention et de remontée d'information, vous avez ainsi permis à cet usager de récupérer des déchets que vous auriez dû détruire.

Ainsi, au travers de cet incident, nous constatons que vous n'avez pas effectué vos missions avec professionnalisme qui sont les suivantes :

- Accueille les artisans, évalue le volume à facturer, débite les cartes et/ou édite les bons liés à la facturation,

- Assure la gestion de la déchetterie, de la propreté de la zone à l'affrètement des déchets par les clients vers les contenants adaptés (alvéoles, bennes, etc),

- Surveille le respect du tri et remonte toute anomalie au responsable du marché Veolia Propreté, ainsi que toute anomalie relevée susceptible d'impacter sur la qualité de la prestation,

- Utilise les matériels de levage et de compactage et répartit les déchets par matières selon les contenants mis à sa disposition (détruire tous matériaux neufs ou assimilés en vue d'éviter toute forme de récupération avec les engins de chantier).

L'absence de réalisation de vos missions a eu pour conséquence le vol de matériaux neufs qui a conduit le client à émettre un dépôt de plainte le 25 octobre 2017. Au cours de l'entretien, vous nous expliquez n'avoir aucun souvenir de ce qui s'est produit sur cette fin de journée.

Puis, vous nous indiquez-vous rappeler avec précisions avoir utilisé la chargeuse pour nettoyer la zone déchetterie mais sans avoir détruit les derniers apports du magasin qui ont été récupérés ensuite par l'usager.

Vous nous indiquez également que le directeur adjoint du magasin vous a demandé si vous avez autorisé un usager à entrer sur la déchetterie lors de votre fin de poste. Vous nous indiquez lui avoir répondu par la négative.

Au cours de l'entretien, vous nous avez indiqué ne pas vous souvenir de la venue d'un individu sur la déchetterie auquel vous n'avez pas fait de bon de dépôt de déchets. Vous affirmez qu'au moment où vous avez quitté la déchetterie pour aller vous changer aux vestiaires, il n'y avait aucun individu présent.

Vous nous dîtes ne pas avoir participé au vol de marchandise, ne pas avoir ressenti la nécessité de prévenir votre hiérarchie suite aux interrogations du directeur adjoint du magasin de la Plateforme du Bâtiment.

Nous entendons vos explications. Vous exercez les fonctions d'agent de déchetterie au sein de notre société depuis le 1er septembre 2003 et vous étiez affecté en dernier lieu sur le site de la Plateforme du Bâtiment de [Localité 5] depuis mars 2017.

A ce titre vos missions consistent à :

- assurer l'accueil des clients (artisans/usagers de la déchetterie),

- assurer les procédures administratives d'accès et de sortie au(x) site(s),

- évaluer et effectuer la saisie informatique des tonnages apportés et évacués,

- établir les bons de pesée le cas échéant,

- respecter les procédures d'acceptation des déchets, contrôler la nature des déchets et la provenance du chargement, le cas échéant,

- assurer le contrôle de l'accès au site (particuliers, apporteurs, artisans),

- assurer les procédures administratives liées aux flux de déchets,

- remonter tous dysfonctionnements constatés,

Ainsi, vous ne devez pas autoriser des usagers à récupérer des déchets pendant votre temps de travail.

Par vos agissements, le client Plateforme du Bâtiment subit un préjudice financier. Vos agissements mettent en péril la relation contractuelle entre Taïs et le client Plateforme du Bâtiment, nuit à notre image commerciale. Vous n'avez pas respecté le principe de loyauté qui nous lie ainsi que les dispositions des articles 2 et 9 du règlement intérieur de Tais qui stipulent :

' Article 2 :

Le personnel est tenu de se conformer aux consignes portées à sa connaissance par le présent règlement et par les notes de services (voie d'affichage). De manière générale, le personnel se conforme aux ordres et instructions du directeur d'agence ou de ses représentants dans l'exécution des tâches confiées. '

' Article 9 : [...]

Le personnel devra rendre compte à son responsable hiérarchique de tout incident ou toutes difficultés rencontrées avec un tiers à l'occasion de l'exécution de son service. Il devra dans tous les cas appliquer les consignes reçues du directeur d'agence ou de ses représentants dans ces situations. '

De plus, nous vous avions notifié en avril 2013, une mise à pied de six jours pour des écarts de gestion de volume de déchets réceptionnés et évacués et non-respect des règles de fonctionnement de l'activité.

Les explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés. Les conséquences de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au sein de l'entreprise, de ce fait, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ».

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, il est reproché à M. [B] d'avoir, le 19 octobre 2017, laissé entrer un individu avec son véhicule dans la zone de déchargement, ce dernier se garant et chargeant son coffre de matériel se trouvant dans la zone à déchets, d'avoir laissé revenir cet individu à 18h52 alors que la déchetterie était fermée et de lui avoir indiqué d'un geste de la main un endroit à bac à déchets puis d'être parti en laissant l'individu dans la déchetterie.

La société Taïs explique avoir découvert les faits suite à un courriel reçu le 7 novembre 2017 de la part de son client La Plateforme du Bâtiment, dans les termes suivants :

« Monsieur,

Je souhaite porter à votre connaissance les éléments suivants : dans le cadre d'une procédure disciplinaire à l'encontre d'un de nos collaborateurs du dépôt de [Localité 5], nous avons été amenés à visionner la vidéosurveillance de la journée du 19/10/2017 en présence de M. [L], délégué du personnel et de M. [O], chef de groupe.

Lors de ce visionnage, nous avons incidemment constaté que votre collaborateur [Z] [B], présent sur le site ce jour-là, a laissé un individu conduisant un véhicule particulier type VL pénétrer dans la zone de décharge à 18h42 soit après la fermeture du dépôt, se garer, ouvrir son coffre et charger dans son véhicule des articles se trouvant dans le bac à déchet, l'individu est d'abord parti puis est revenu à 18h52. Après avoir indiqué d'un geste de la main un endroit du bac à déchet à cet individu, M. [Z] laisse l'individu dans la zone déchetterie et s'en va et ce en dépit de toutes les interdictions relatives à ce type de comportement.

L'individu en question a ensuite été intercepté par la direction du dépôt et a admis qu'il était en train de sortir de la marchandise sans l'avoir payée. Pour votre parfaite information, je vous précise que cette personne a fait l'objet d'un dépôt de plainte pour vol auprès du commissariat de [Localité 5] le 25 octobre 2017.

Aussi, dans la mesure où votre collaborateur a laissé accéder un individu à la décharge après la fermeture du dépôt, l'a laissé se servir dans celle-ci, et n'y a manifesté aucune forme d'opposition, et ce, sans prévenir de membre de l'encadrement du dépôt, nous estimons qu'il a mis en péril la sécurité de nos locaux, de nos biens et des personnes s'y trouvant alors.

Par conséquent, je vous informe de mon souhait de ne plus voir ce collaborateur affecté à l'un de nos dépôts.

Bien cordialement,

[D] [U]

Directeur adjoint la Plateforme du Bâtiment

Dépôt de [Localité 5] » (pièce 10 de l'employeur).

Dans le contexte ainsi rappelé, la société Taïs s'appuie sur un extrait de la vidéosurveillance que lui a communiqué la Plateforme du Bâtiment pour établir les griefs qu'elle reproche à M. [B].

Le salarié remet en cause, en premier lieu, la recevabilité de ce moyen de preuve. Il fait valoir que la société Taïs n'a, ni informé individuellement ses salariés présents sur les sites de la Plateforme du Bâtiment de l'existence d'un dispositif de vidéosurveillance, quelque soit sa finalité, ni informé et consulté son comité d'entreprise ou le CHSCT de la mise en place et de l'exploitation de ce dispositif, ou de l'utilisation, à ses propres fins, du dispositif mis en place par son client la Plateforme du Bâtiment.

L'article L. 1222-4 du code du travail dispose qu'« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été portée préalablement à sa connaissance ».

Toutefois, l'obligation d'information préalable du salarié ne vise que les dispositifs de surveillance mis en place spécialement pour contrôler l'activité professionnelle des salariés. Au contraire, l'information préalable ne se justifie pas lorsque le système de surveillance n'est pas destiné à contrôler l'activité du salarié.

Or en l'espèce, le dispositif concerné est un dispositif de vidéoprotection mis en place par la société la Plateforme du Bâtiment pour assurer la sécurité de ses locaux et de ses biens. Il ne s'agit pas d'un dispositif mis en place par la société Taïs pour contrôler l'exécution du travail du salarié au sein de la déchetterie. Ce n'est ainsi que de manière incidente et en arrière plan que la caméra a filmé les agissements de M. [B].

Le 28 février 2019, les délégués du personnel ont interrogé la direction à ce sujet dans les termes suivants : « Les caméras présentes sur les sites clients/déchetteries sont-elles celles de la Plateforme du Bâtiment ou de Taïs ' Taïs utilise-t-elle les images ' La déclaration à la CNIL et au Préfet pour ces caméras a-t-elle été faite et à quelle date ' Le CE et les CHSCT ont-ils été consultés sur l'existence et l'utilisation de la vidéosurveillance et les salariés ont-ils été informés de manière individuelle de la possibilité d'utiliser les images pour les sanctionner ». La direction a répondu : « Les caméras présentes chez les clients sont aux clients. La direction de Taïs n'a pas accès à ces images que cela soit pour sanctionner un de ses salariés ou pour démontrer la bonne réalisation de sa prestation. » (pièce 22 du salarié).

Contrairement à ce que soutient le salarié, ce moyen de preuve n'est donc pas illicite et sera en conséquence déclaré recevable.

M. [B] soutient, en second lieu, que cette vidéo ne permet pas de rapporter la preuve des griefs qui lui sont reprochés.

Il souligne à juste titre que la société ne produit qu'un extrait de la vidéo, qu'elle a masqué la date et l'heure, ainsi que d'autres éléments dont elle ne précise pas la teneur, et qu'elle l'a transmise sans enregistrement sonore.

Il apparaît que le visionnage de la vidéo ne permet en effet pas d'établir la matérialité des faits reprochés au salarié. En l'absence d'élément de décryptage, il est impossible d'identifier les différents intervenants, ni de se repérer dans le temps, ni de retrouver avec certitude les scènes visées dans la lettre de licenciement. Contrairement à ce que soutient l'employeur, la vidéo ne « parle pas d'elle-même » et les agissements du salarié n'y sont pas parfaitement visibles.

Ainsi, la société Taïs, qui considère que les circonstances de fait laissent penser que M. [B] connaissait l'individu qui est venu récupérer frauduleusement de la marchandise dans la déchetterie et qu'il se serait rendu complice du vol commis en le facilitant, n'établit pas la réalité de ce grief.

M. [B] souligne qu'il n'a pu visionner la vidéo pour la première fois qu'au moment de la communication de celle-ci dans le cadre du litige, soit plusieurs mois après les faits, en rendant difficile le souvenir. Il ne remet toutefois pas en cause le fait qu'il aurait permis à l'artisan de récupérer des cartons qui venaient d'être déposés quelques minutes avant et qui n'étaient pas encore détruits. Il explique que cette pratique est fréquente pour les artisans venant récupérer des commandes salissantes ou volumineuses avec un véhicule léger ou particulier pour protéger celui-ci. Il ajoute, sans être démenti, qu'aucun préjudice n'est caractérisé puisque la facturation s'effectue à l'entrée, lors du dépôt des déchets en fonction du volume déposé et non en cas de retrait. Il dément en revanche toute complicité de vol, telle qu'elle lui est reprochée par son employeur.

Au demeurant, les parties s'accordent sur le fait que la déchetterie ferme à 18h30 et que le salarié quitte son lieu de travail à 18h45 après un temps pour se changer et se doucher au vestiaire, ces 15 minutes étant des temps d'habillage/déshabillage et de douche, rémunérées comme telles sur chaque bulletin de paie. Conformément à cet horaire, M. [B] s'est dirigé vers le vestiaire à 18h30 ainsi que l'indiquent l'employeur lui-même dans la lettre de licenciement et le directeur du magasin dans son courriel. Il s'en déduit que le salarié n'avait plus à exercer une quelconque tâche sur le site à compter de 18h30. Or, l'employeur fait état de faits s'étant déroulés à 18h42 et à 18h52, à des horaires où le salarié n'était plus en fonction, alors qu'il lui reproche précisément des manquements à ses obligations contractuelles.

M. [B] affirme encore à juste titre qu'il lui était impossible d'empêcher les intrusions en dehors de ses horaires, dès lors que le site s'étend sur plus de 100 mètres carrés, qu'un seul agent y était affecté, que les lieux ne comportaient pas de portes, ni de barrières et qu'aucun agent de surveillance n'y était présent le soir et la nuit.

Pour corroborer cet élément, M. [B] produit une attestation d'un agent de déchetterie qui indique, concernant le site de [Localité 5] : « La déchetterie est assez grande (environ 100 m2) et elle est en co-activité avec le magasin. L'agent de déchetterie s'occupe en priorité de la gestion de la déchetterie mais ne contrôle pas les va-et-vient des clients dans la zone et n'est pas habilité à contrôler les clients. Le contrôle des clients doit être fait par des salariés du magasin. » (pièce 11 du salarié).

Il convient encore de relever que la surveillance du site était d'autant plus difficile que M. [B] devait réaliser d'autres tâches, ainsi qu'indiqué dans son contrat de travail :

« - Accueil des artisans, évaluer le volume à facturer, débiter les cartes et/ou éditer les bons liés à la facturation

- Assurer la gestion de la déchetterie de la propreté de la zone à affrètement des déchets par les clients vers les contenants adaptés

- Surveiller le respect du tri et remonter toute anomalie au responsable du marche Veolia Propreté, ainsi que toute anomalie relevée susceptible d'impacter la qualité de la prestation

- Utiliser les matériels de lavage et de compactage (...) » (pièce 1 du salarié).

M. [B] produit une attestation d'un autre agent de déchetterie, M. [C], qui indique : « J'effectue le même travail que M. [Z] [B], le fonctionnement sur les déchetteries est le suivant : nous sommes seuls sans que personne puisse nous remplacer pendant nos quelques minutes d'absence, pour aller aux toilettes par exemple. » (pièce 10 du salarié).

Plusieurs agents de déchetterie attestent que le site était ouvert des deux côtés et ne comportait pas de barrière.

Il est justifié que l'attention de Taïs et de la Plateforme du Bâtiment a d'ailleurs été attirée à plusieurs reprises sur ces difficultés, plusieurs vols et dépôts sauvages ayant été constatés. Par exemple, les délégués du personnel ont interrogé la direction de Taïs le 30 novembre 2017 en ces termes : « Quels moyens ont les déchetteries Plateforme du Bâtiment pour condamner l'accès aux clients ' Réponse : de la rubalise a été fourni afin de bloquer l'accès à la zone déchetterie quand cela est nécessaire » (pièce 12 du salarié).

L'ensemble de ces éléments conduit à considérer que la preuve de la matérialité des griefs reprochés à M. [B] n'est pas rapportée, que son licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse, par confirmation du jugement entrepris.

Sur l'indemnisation du salarié

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoit au profit du salarié bénéficiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise de plus de dix salariés, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, à « une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés » en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise.

Pour un salarié ayant 14 ans d'ancienneté, comme M. [B], cette indemnité se situe, selon le barème légal, entre trois et douze mois de salaire.

M. [B] fait valoir qu'il se voyait évoluer au sein de cette société, ayant sollicité une formation de chauffeur poids lourd auprès de son employeur en février 2017, qu'il est père de deux enfants et qu'il a été licencié alors que sa femme était enceinte de 5 mois de son deuxième enfant, que ne parvenant pas à trouver un nouvel emploi, il a dû financer lui-même son permis C, qu'il n'a pu ensuite retrouver que des emplois en intérim précaires pour une rémunération inférieure.

Eu égard à son ancienneté, son âge au moment du licenciement, à la rémunération qui lui était versée et au vu des pièces produites sur sa situation après son licenciement, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer les dommages-intérêts dus au salarié en réparation de la perte de son emploi, à la somme de 28 268,40 euros correspondant à douze mois de salaire, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur. Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation pour les créances contractuelles et à compter de la décision, qui en fixe le principe et le montant, pour les créances indemnitaires. En l'espèce, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produira intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019, date du jugement qui en fixe le principe et le montant.

En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de préciser que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur les indemnités de chômage versées au salarié

L'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, énonce : « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ».

En application de ces dispositions, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de quatre mois d'indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

La société Taïs, qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

La société Taïs sera en outre condamnée à payer à M. [B] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 500 euros.

La société Taïs sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 19 décembre 2019,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Taïs à payer à M. [Z] [B] les intérêts de retard au taux légal à compter du 19 décembre 2019 sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

ORDONNE le remboursement par la SAS Taïs aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [Z] [B] dans la limite de quatre mois d'indemnités,

DIT qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail,

CONDAMNE la SAS Taïs au paiement des entiers dépens,

CONDAMNE la SAS Taïs à payer à M. [Z] [B] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS Taïs de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE EN PRÉ-AFFECTATION, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00340
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;20.00340 ?
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