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18/01/2023 | FRANCE | N°21/02477

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 18 janvier 2023, 21/02477


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 JANVIER 2023



N° RG 21/02477



N° Portalis DBV3-V-B7F-UVUV



AFFAIRE :



[I] [V]



C/



Société UNILEVER SANAYI VE TICARET TURK ANONIM SIRKETI ENREGISTREE A BUYUK MUKELLEFLER,

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTE

RRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F18-02684



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la AARPI JRF AVOCATS



la SCP COURTAIGNE AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 JANVIER 2023

N° RG 21/02477

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVUV

AFFAIRE :

[I] [V]

C/

Société UNILEVER SANAYI VE TICARET TURK ANONIM SIRKETI ENREGISTREE A BUYUK MUKELLEFLER,

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F18-02684

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI JRF AVOCATS

la SCP COURTAIGNE AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [V]

né le 14 mars 1972 à [Localité 4] (TURQUIE)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Représentant : Me Manuel DAMBRIN de l'AARPI CARDINAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1894

APPELANT

****************

Société UNILEVER SANAYI VE TICARET TURK ANONIM SIRKETI ENREGISTREE A BUYUK MUKELLEFLER

N° SIRET : 913 00 26 051

[L] [Y] Dr [Z] [B] - [Adresse 3]

[Adresse 3] - TURQUIE

[Adresse 3] (TURQUIE)

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

Représentant : Me Anne MURGIER de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K20 substituée par Me Nelly MORICE, avocat au barreau de PARIS

S.A.S.U. UNILEVER FRANCE

N° SIRET : 552 11 9 2 16

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

Représentant : Me Anne MURGIER de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K20 substitué par Me Nelly MORICE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 1er décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY,

EXPOSE DU LITIGE

M. [I] [V] a été engagé par la société turque Unilever Sanayi ve Ticaret Turk AS (ci-après dénommée Unilever Turquie) suivant un contrat de travail à compter du 1er mars 1999.

Suivant lettre 'd'affectation internationale' du 7 mars 2014, M. [V] a été affecté à [Localité 5] au sein de la société Unilever France pour une durée de trois ans du 1er mars 2014 au 28 février 2017 pour y exercer les fonctions de directeur financier France.

Par lettres du 1er mars 2017 puis du 9 avril 2018 du conseiller en mobilité global Unilever valant 'addendum' à la lettre d'affectation internationale du 7 mars 2014, l'affectation à [Localité 5] en France a été prolongée à deux reprises jusqu'au 28 février 2018 puis jusqu'au 31 juillet 2018.

En l'absence de proposition de réintégration, par lettre du 26 mars 2018, la société Unilever Turquie a rompu le contrat de travail de M. [V] à la date du 31 juillet 2018, avec préavis d'une durée de dix-huit semaines et paiement d'une indemnité de départ forfaitaire.

Le 22 octobre 2018, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir constater que la société Unilever France était bien son employeur, ou à tout le moins que les sociétés Unilever France et Unilever Turquie étaient des employeurs conjoints, et de voir condamner solidairement les sociétés Unilever France et Unilever Turquie au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de diverses indemnités et sommes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 17 janvier 2019, la société Unilever France s'est vue ordonner le versement d'une provision d'un montant de 51 396 euros à valoir sur l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Par jugement en date du 2 juillet 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- déclaré la société Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk As hors de cause,

- débouté la société Unilever France de sa demande de constater qu'elle n'est pas l'employeur de M. [V],

- fixé le salaire de référence de M. [V] à hauteur de 24 092 euros,

- débouté M. [V] de sa demande d'annulation du licenciement pour discrimination,

- débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts afférents,

- dit et jugé que le licenciement de M. [V] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamné la société Unilever France à verser à M. [V] les sommes suivantes :

* 96 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 43 365,60 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 42 981 euros au titre du bonus de l'année 2018,

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant des troubles causés dans la vie privée et familiale,

* 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [V] de sa demande d'indemnité de non-concurrence et des congés payés afférents, de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire, de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination, de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, de sa demande de dommages et intérêts pour perte du droit à la portabilité de la mutuelle, de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de réaliser les options d'achat des actions Gpsp-Mcips, de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la retraite chapeau,

- assorti le montant des sommes versées et des dommages et intérêts attribués, des intérêts au taux légal, à compter de la saisine pour les sommes ayant la nature d'une créance salariale, soit le 26 octobre 2018, à compter du jugement pour les dommages et intérêts,

- débouté M. [V] de sa demande d'attestation pôle emploi, de sa demande d'exécution provisoire, de sa demande d'expertise,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- rappelé l'allocation par ordonnance de référé du 17 janvier 2019 d'une provision de 51 396 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- dit et jugé qu'il n'était pas compétent pour statuer sur les demandes de M. [V] de régularisation de cotisations sociales aux caisses de sécurité sociale et dommages et intérêts pour défaut d'affiliation aux dites caisses, ces demandes relevant de la compétence du tribunal judiciaire chambre sociale,

- dit et jugé qu'il n'était pas compétent pour statuer sur les demandes de M. [V] concernant la régularisation auprès des organismes collecteurs, l'ensemble des cotisations que la société Unilever France aurait dû verser depuis le 1er mars 2014 sur la base des rémunérations perçues par M. [V] depuis cette date, en ce compris les avantages en nature,

- condamné la société Unilever France aux entiers dépens de l'instance.

Le 28 juillet 2021, M. [V] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 19 avril 2022, M. [V] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé que la société Unilever France était son employeur,

- jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Unilever France à lui verser 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant des troubles causés dans la vie privée et familiale,

- condamné la société Unilever France à lui verser 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré la société Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk As hors de cause,

- fixé son salaire de référence à hauteur de 24 092 euros,

- limité la condamnation de la société Unilever France à son égard aux sommes suivantes :

* 96 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 43 365,60 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 42 981 euros au titre de bonus de l'année 2018 et communiquer au demandeur le bulletin de paie afférent,

- l'a débouté de sa demande d'indemnité de non-concurrence et des congés payés afférents, de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire, de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, de sa demande de dommages et intérêts pour perte du droit à la portabilité de la mutuelle, de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chances de réaliser les options d'achat des actions Gpsp-Mcips, de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la retraite complémentaire,

- l'a débouté de sa demande d'expertise,

- l'a débouté du surplus de ses demandes,

- dit et jugé que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour statuer sur ses demandes de régularisation de cotisations sociales aux caisses de sécurité sociale françaises et dommages et intérêts pour défaut d'affiliation auxdites caisses, ces demandes relevant de la compétence du tribunal judiciaire chambre sociale,

- dit et jugé que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour statuer sur ses demandes concernant la régularisation auprès des organismes collecteurs, l'ensemble des cotisations que la société Unilever France aurait dû verser depuis le 1er mars 2014 sur la base des rémunérations perçues par lui depuis cette date en ce compris les avantages en nature,

- statuant à nouveau :

- juger que son ancienneté remonte au 1er mars 1999,

- condamner la société Unilever France à lui payer les sommes suivantes :

* 362 617,66 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 750 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 43 681,75 euros à titre de bonus de l'année 2018 au prorata,

* 4 368,17 euros au titre des congés payés afférents,

* 130 147,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de non-concurrence,

* 13 014,79 euros au titre des congés payés afférents,

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances brutales et vexatoires,

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte du droit à la portabilité,

* 188 601,42 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 211 072,86 euros pour la perte de chance de réaliser les options d'achat actions,

* 2 825,675 euros pour la perte de chance de bénéficier de la retraite complémentaire,

- subsidiairement, prononcer ces condamnations solidairement à l'encontre des sociétés Unilever France et Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk As, plus subsidiairement à l'encontre de la société Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk As uniquement,

- condamner la société Unilever France à régulariser auprès des organismes collecteurs, en particulier l'URSSAF, l'ensemble des cotisations qu'elle aurait dû verser pour son emploi, du 10 juin 2014 au 31 juillet 2018, sur la base de la rémunération effectivement perçue depuis cette date, en ce compris les avantages en nature conséquents (logement, frais de scolarité, voiture '),

- condamner la société Unilever France à établir et à lui remettre des fiches de paie régularisées des cotisations sociales ainsi acquittées, pour la période allant du 10 juin 2014 au 31 juillet 2018,

- condamner la société Unilever France à établir et à lui remettre une attestation d'employeur destinée à Pôle emploi conforme,

- subsidiairement, avant dire droit sur la détermination de sa perte de chance de bénéficier de la retraite complémentaire, nommer un expert judiciaire avec la mission suivante : se faire remettre tous documents comptables et sociaux utiles à son analyse par les sociétés Unilever France et Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk As, convoquer et entendre les parties, ainsi que tout sachant susceptible de l'éclairer dans l'exercice de sa mission, analyser le mécanisme de la retraite complémentaire dont il bénéficie, dire à quel(s) âge(s) il aurait pu quitter l'entreprise pour bénéficier des prestations de retraite complémentaires et en évaluer le montant, et pour ce faire, réunir les parties, les entendre dans leurs dires et explications, s'entourer de tous renseignements, de ses opérations, dresser un rapport dans un délai de trois mois à compter de la consignation de la provision et le déposer au Greffe de la Cour d'appel,

- juger que compte tenu du déséquilibre économique entre les parties, les frais de l'expertise seront mis à la charge de la société Unilever France,

- condamner la société Unilever France à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter les sociétés Unilever France et Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk As de leurs demandes incidentes,

- condamner la société Unilever France aux entiers dépens,

- subsidiairement, prononcer ces condamnations solidairement à l'encontre des sociétés Unilever France et plus subsidiairement à l'encontre de la société Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk As seulement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 juillet 2022, la société Unilever France demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en première instance en ce qu'il a :

- déclaré la Société Unilever Sanayi Ve Tic Turk A.S. hors de cause,

- fixé le salaire de référence de M. [V] à hauteur de 24 092 euros,

- débouté M. [V] de sa demande d'indemnité de non-concurrence et des congés payés afférents, de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire, de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination, de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, de sa demande de dommages et intérêts pour perte du droit à la portabilité de la mutuelle, de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chances de réaliser les options d'achat des actions Gpsp-Mcips, de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la retraite complémentaire,

- débouté M. [V] de sa demande d'attestation Pôle Emploi, de sa demande d'exécution provisoire, débouté M. [V] de sa demande d'expertise, débouté M. [V] du surplus de ses demandes,

- dit et jugé que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour statuer sur les demandes de M. [V] de régularisation de cotisations sociales aux caisses de sécurité sociale françaises et dommages et intérêts pour défaut d'affiliation auxdites caisses, ces demandes relevant de la compétence du tribunal judiciaire chambre sociale,

- dit et jugé que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour statuer sur les demandes de M. [V], concernant la régularisation auprès des organismes collecteurs, l'ensemble des cotisations que la Société Unilever France aurait dû verser depuis le 1er mars 2014 sur la base des rémunérations perçues par M. [V] depuis cette date en ce compris les avantages en nature,

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la société Unilever France était l'employeur de M. [V],

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [V] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- l'a condamnée à verser à M. [V] les sommes suivantes :

* 96 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 43 365,60 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 42 981 euros à titre de bonus pour l'année 2018,

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant des troubles causés dans la vie privée et familiale,

* 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance,

- statuant à nouveau, constater qu'elle n'était pas l'employeur de M. [V] de sorte que le conseil de prud'hommes était matériellement incompétent pour connaître de l'action engagée par M. [V] à l'égard de la société Unilever France,

- constater que M. [V] se contredit lui-même dans son argumentation afférente à l'existence d'un contrat de travail entre lui et la Société Unilever France et à la mise en place d'un système de « fraude sociale »,

- en conséquence, constater qu'il doit être opposé à M. [V] une fin de non-recevoir à l'ensemble de ses demandes présentées au mépris du principe de l'estoppel,

- débouter M. [V] de ses demandes, notamment au titre du coemploi,

- en tout état de cause, condamner M. [V], outre aux entiers dépens, à lui verser la somme de

5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et le débouter de ses demandes à ce titre.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 25 janvier 2022, la société Unilever Sanayi ve Ticaret Turk AS demande à la cour de :

- se déclarer incompétente pour connaître de l'action engagée par M. [V] à son égard au profit des juridictions turques et débouter en conséquence le demandeur de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle l'a déclarée hors de cause,

- condamner M. [V] aux dépens et à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 22 novembre 2022.

MOTIVATION

Sur l'exception d'incompétence territoriale et la demande de mise hors de cause d'Unilever Turquie

La société Unilever Turquie soulève l'incompétence territoriale de la présente juridiction au profit des juridictions turques sur le fondement des dispositions des articles R. 1412-1 du code du travail et 14 du code civil. Elle indique que l'employeur est établi en Turquie, que le contrat de travail a été conclu à Istambul en Turquie et que dans le cadre du détachement au sein de la société Unilever France, le contrat de travail avec Unilever Turquie n'était pas rompu. Elle ajoute que M. [V] a travaillé pendant près de treize ans en Turquie sur dix-neuf années de relation contractuelle, que la différence est liée à l'accomplissement de deux périodes de détachement au Royaume-Uni puis en France. Elle précise qu'à l'issue de la période de détachement, aucune solution de repositionnement n'a pu être trouvée de sorte que le contrat de travail du salarié a été rompu avec préavis et que les formalités administratives ont été menées auprès des administrations turques à l'issue de ce préavis. Elle conclut que le détachement de M. [V] a pris fin avant la rupture de son contrat de travail de sorte qu'aucun élément d'extranéité ne permet de rattacher ce litige aux juridictions françaises.

M. [V] soutient qu'il est l'employé de la société Unilever France en vertu de l'existence d'un contrat de travail ou que cette société est à tout le moins son co-employeur, que la compétence territoriale des juridictions française s'impose dès lors qu'il accomplissait sa prestation de travail sur le territoire français.

M. [V] indique qu'il en irait de même dans le cas où la qualité d'employeur serait attribuée à Unilever Turquie.

Il sollicite l'application de la convention de Rome du 19 juin 1980 et du règlement Rome I qui s'imposent au juge et qui sont applicables à l'état turc. Il relève que les parties ont expressément choisi la loi française ainsi que cela résulte de la lettre d'engagement international du 12 septembre 2017 et de l'application de l'article 3 de la convention de Rome, et que même en l'absence de choix des parties, la loi française s'applique en vertu de l'article 6 de la convention de Rome.

Il conclut que les juridictions françaises sont compétentes en vertu de la clause d'attribution de compétence du contrat de travail international et dès lors qu'il accomplissait sa prestation de travail sur le territoire français.

Le caractère international du litige ne saurait s'opposer à ce que le juge ne statue sur la question de sa compétence, laquelle est nécessairement régie par la loi du for.

En l'espèce, la convention de Rome et le règlement Rome I invoqués par M. [V] sont inapplicables à la Turquie qui n'est pas membre de l'Union européenne.

L'appelant et les deux sociétés intimées sollicitent l'application de la loi française, qui sera retenue.

Aux termes de l'article R. 1412-1 du code du travail, l'employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud'hommes territorialement compétent.

Ce conseil est :

1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ;

2° Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.

Le salarié peut également saisir les conseils de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi.

Aux termes de l'article 14 du code civil, l'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français.

M. [V] invoque l'application de la clause d'attribution de compétence de l'avenant du 12 septembre 2017 en son article 14.3. Cependant, cet avenant vise à définir les règles applicables à M. [V] dans le cadre de son détachement au sein de la société Unilever France comme jugé ci-après. Ladite clause n'est donc pas applicable dans le cadre de la rupture du contrat de travail conclu par M. [V] avec la société Unilever Turquie.

Il est statué ci-après que la société Unilever France n'est pas l'employeur de M. [V] mais l'entreprise d'accueil dans le cadre d'un détachement, et que la société Unilever France n'est pas davantage co-employeur de M. [V].

Concernant le contrat de travail conclu par M. [V] et Unilever Turquie, l'employeur a son siège social situé à Istambul en Turquie. Le contrat de travail a également été conclu à Istambul en Turquie.

Le travail a été accompli pendant près de treize années en Turquie et pendant deux périodes de détachement au Royaume-Uni et en France comme il est retenu ci-après. Il s'en déduit que vis-à-vis d'Unilever Turquie, le lieu d'accomplissement de l'essentiel du travail de M. [V] a été la Turquie.

Ainsi, les règles de compétence territoriale fixées à l'article R. 1412-1 du code du travail étendues à l'ordre international ne sont pas réunies, de sorte que la compétence des juridictions françaises ne peut être fondée sur ces règles.

En outre, M. [V] a la double nationalité turque et britannique. Ainsi, aucun élément d'extranéité ne permet de rattacher le litige qui l'oppose à la société Unilever Turquie à la France.

Par conséquent, l'exception d'incompétence territoriale soulevée par Unilever Turquie sera accueillie, M. [V] est renvoyé à mieux se pourvoir auprès des juridictions turques quant aux demandes visant la société Unilever Turquie.

La société Unilever Turquie sera mise hors de cause. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur l'exception d'incompétence matérielle soulevée par Unilever France

Sur la situation contractuelle du salarié du 1er mars 2014 au 31 juillet 2018

M. [V] considère qu'il a été embauché sous contrat à durée indéterminée par la société Unilever France en qualité de directeur financier. Il considère que les conditions d'un détachement ne sont pas remplies dès lors qu'il n'a jamais existé de contrat de travail avec la société turque ni avant, ni pendant le détachement. Il indique qu'il n'a pas communiqué avec la société Unilever Turquie pendant les cinq années passées en France mais qu'au contraire il était placé sous la subordination des dirigeants de la société Unilever France qui lui ont délégué de larges pouvoirs, et à qui il rendait compte. Il ajoute que son emploi au sein d'Unilever France n'a jamais eu un caractère temporaire et limité dans le temps puisqu'il a conclu un contrat à durée indéterminée auquel il n'a pas été mis fin. Il conclut que la société Unilever France a poursuivi un objectif de fraude sociale en recourant au mécanisme du détachement afin de réaliser une optimisation sociale.

La société Unilever France fait valoir que M. [V] a été détaché par son employeur la société Unilever Turquie en France, qu'elle est entité d'accueil dans le cadre d'un détachement, ainsi que le démontrent les différents documents contractuels signés entre M. [V] et son employeur. Elle précise que le groupe Unilever fait la promotion de la mobilité intragroupe pour le développement des salariés à haut potentiel, ces derniers étant notamment amenés à évoluer sur divers postes, que M. [V] a ainsi fait l'objet d'un premier détachement en Angleterre d'une durée de trois années puis a fait l'objet d'un second détachement en France d'une durée de trois années, prorogée à deux reprises, et qu'il n'a jamais cessé d'être lié à son employeur turc. La société Unilever France relève que le document du 10 juin 2014 n'est pas constitutif d'un contrat de travail, que M. [V] se contredit lui-même et se verra opposé une fin de non-recevoir. Elle note que postérieurement à ce document, M. [V] a signé les avenants à sa lettre de détachement afin d'en prolonger la durée ainsi que deux certificats de maintien au régime de sécurité sociale turc, qu'il occupait un poste situé à une position hiérarchique très élevée et était en mesure d'estimer la portée de ses engagements, qu'il a signé un avenant à son contrat de travail.

La société Unilever Turquie considère que M. [V] était détaché en France au sein de la société Unilever France pour une durée de trois ans, avec deux renouvellements. Elle indique avoir informé le salarié de la fin de son détachement en France et de la rupture du contrat de travail avec elle, avec respect d'un préavis.

L'article L. 1262-1 du code du travail dispose qu'un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.

Le détachement est réalisé :

1° Soit pour le compte de l'employeur et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ;

2° Soit entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe ;

3° Soit pour le compte de l'employeur sans qu'il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire.

Aux termes de l'article L. 1261-3 du code du travail, est un salarié détaché au sens du présent titre tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci hors du territoire national, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national dans les conditions définies aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2.

En présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, M. [V] a été employé par la société turque Unilever Turquie à compter du 1er mars 1999, cette société étant régulièrement établie en Turquie où elle exerce des activités substantielles. Cette société n'exerce pas en France une activité habituelle, stable et continue.

M. [V] a travaillé habituellement pour le compte de cette société pendant près de treize années et a exécuté ses missions à la demande de cet employeur sur le territoire anglais dans le cadre d'un détachement pendant trois années, lequel détachement n'est pas contesté par le salarié.

M. [V] a ensuite été affecté sur le territoire français, de manière temporaire suivant une lettre d'affectation internationale du 7 mars 2014 pour une durée initiale limitée du 1er mars 2014 au 28 février 2017, la lettre prévoyant notamment, qu'à la fin de la mission, la société Unilever Turquie alternativement 'prendra des mesures raisonnables pour identifier un poste approprié; si un poste approprié n'est pas disponible dans votre pays d'origine, la procédure de licenciement commencera aux conditions du pays d'origine' ou pourra 'proposer une nouvelle mission internationale' ou il pourra être demandé 'd'accepter de vous localiser dans votre pays d'accueil, ce qui entraînera la cessation de votre emploi chez Unilever Turquie et la conclusion d'un contrat à durée indéterminée avec Unilever France' et que pendant la mission, le salarié restera affilié au régime de sécurité sociale de son pays d'origine et ne sera pas tenu de payer les taxes de sécurité sociale du pays d'accueil.

M. [V] a signé une lettre de demande de consentement à la modification du contrat de travail le 7 mars 2014, prévoyant que les 'dispositions contenues dans la lettre d'affectation internationale datée du 7 mars 2014 soient insérées dans ses conditions d'emploi avec Unilever Turquie et prévalent pendant son affectation internationale en France'. Il s'en déduit que le contrat de travail qui existait avec la société Unilever Turquie depuis le 1er mars 1999 a été modifié suite à l'affectation en France du salarié et n'a pas été rompu par l'employeur.

La société Unilever France et la société Unilever Turquie sont, par ailleurs, deux entreprises faisant partie d'un même groupe.

M. [V] se prévaut cependant du document du 10 juin 2014 qui présente l'apparence d'un contrat de travail à durée indéterminée chez Unilever France à compter du 1er mars 2014 en tant que 'VP Finance France', document signé par le salarié et pour le compte d'Unilever France par M. [C], 'SVP Finance Europe'.

Cependant, la société Unilever France indique que dans le cadre de la gestion des cadres à haut potentiel, le groupe Unilever encourage la mobilité et que tous les cadres accueillis en France font l'objet de l'établissement d'un document type récapitulant les conditions de la relation professionnelle entre le salarié et la société Unilever France dans le cadre du détachement.

A l'appui de cette affirmation, elle produit l'attestation en date du 11 février 2021 de M. [J], directeur des ressources humaines de la société Unilever France indiquant : 'ce document s'inscrit dans une démarche effectuée au regard de l'ensemble des salariés détachés en France, ce document a uniquement pour objet de récapituler les conditions d'emploi des salariés détachés en France, un tel document ne préjugeant en rien du rattachement en France, ce document s'accompagne également d'une lettre de mission 'lettre d'affectation', ainsi que des documents similaires concernant un salarié détaché par la société Unilever Belgium NV/SA vers la société Unilever France comprenant une lettre d'affectation internationale et un document régularisé quelques mois plus tard récapitulant les conditions de la relation avec la société Unilever France dans le cadre du détachement en France.

En outre, la société Unilever France fait valoir, à juste titre, que la volonté des parties a toujours été de s'inscrire dans le cadre d'un détachement par la société Unilever Turquie auprès de la société Unilever France. Contrairement aux allégations de M. [V], le contrat de travail avec la société Unilever Turquie n'a pas été rompu pendant la période de son détachement en France du 1er mars 2014 jusqu'au 26 mars 2018, date de notification de la rupture avec préavis. En outre, M. [V] a lui-même signé postérieurement au document du 10 juin 2014 deux avenants à sa lettre de détachement au sein de la société Unilever France afin d'en prolonger la durée : le 1er mars 2017 pour prolonger son affectation jusqu'au 28 février 2018 et le 9 avril 2018 pour prolonger son affectation jusqu'au 31 juillet 2018. Enfin, M. [V] a lui-même procédé aux démarches nécessaires auprès de la sécurité sociale turque et a communiqué postérieurement au document du 10 juin 2014 le certificat de sécurité sociale au service des ressources humaines de la société Unilever France par courriel du 11 juillet 2014 puis a ensuite confirmé son statut de salarié de la société Unilever Turquie détaché auprès de la société Unilever France en signant deux certificats de maintien au régime de sécurité sociale turc les 8 mai 2017 et 18 mai 2018.

La société Unilever France relève également que les parties ont réaffirmé leur volonté par la signature d'un avenant au contrat de travail de M. [V] en date du 12 septembre 2017, précisant que l'employeur est la société Unilever Turquie et que le pays d'accueil est la France, M. [V] précisant d'ailleurs, par mention manuscrite, qu'il souhaitait bénéficier du régime de retraite en place au sein d'Unilever Turquie. La relation de travail entre le salarié et la société Unilever Turquie a ainsi subsisté pendant la durée du détachement auprès de la société Unilever France.

M. [V] produit des bulletins de paie établis par la société Unilever France montrant qu'il a toujours été détaché, avec calcul de 'cotisations détachés', un certificat de travail établi par Unilever France à la fin de son détachement indiquant qu'il a été employé par 'notre société ou les sociétés au nom desquelles elle agit du 1er mars 1999 au 31 juillet 2018", retranscrivant en réalité l'expérience de M. [V] au sein de la société Unilever Turquie et dans le cadre des détachements dans des sociétés du groupe Unilever au Royaume-Uni et en France.

Il invoque des délégations de pouvoir en matière financière, classiques pour un directeur financier et indépendantes de l'existence ou non d'un contrat de travail avec la société Unilever France.

Il n'est pas fondé à affirmer qu'au vu du niveau de son poste dans l'organigramme et de ses responsabilités, il ne pouvait avoir le statut de travailleur détaché, ce statut n'étant pas correlé à un niveau de responsabilité moindre que celui de directeur financier.

Il fait valoir que l'avenant du 12 septembre 2017 lui a été transmis par Mme [O] occupant un poste de gestionnaire de paie d'Unilever France. Cependant, ce rôle de transmission est distinct d'un rôle de définition de la rémunération d'un cadre de haut niveau ainsi qu'en atteste Mme [F], directeur, le 2 février 2021 : 'le nouveau cadre de rémunération et les nouveaux contrats ont été mis en place à l'échelle mondiale par Unilever pour les employés [...] comme M. [V] en 2017. Les documents contractuels ont été préparés selon un modèle global qui a été traité par les équipes des services de rémunération globale. Les responsables de paie nationaux étaient chargés d'expliquer ce nouveau cadre de rémunération et ce nouveau document contractuel aux employés situés dans leur pays de travail ainsi que de suivre les accord signés. Ce même cadre a été utilisé dans chaque pays'. Il s'en déduit que ce cadre de rémunération n'a pas été défini par la société Unilever France mais s'inscrivait dans une politique globale du groupe Unilever de gestion des cadres de haut niveau.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Unilever France démontre que le contrat de travail invoqué par M. [V] avec elle a un caractère fictif.

Il résulte de ce qui précède que les conditions du détachement sont réunies. La cour considère ainsi que M. [V] était travailleur détaché par la société Unilever Turquie auprès de la société Unilever France pendant la période du 1er mars 2014 au 31 juillet 2018.

La société Unilever France n'avait pas la qualité d'employeur de M. [V] puisqu'elle était entreprise d'accueil uniquement de ce salarié détaché par la société Unilever Turquie.

Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point.

Sur le co-emploi

M. [V] invoque, à titre subsidiaire, une situation de co-emploi entre la société Unilever Turquie et Unilever France tant sur le fondement de la subordination conjointe, que sur celui de la confusion d'intérêts, d'activités et de direction, mise en évidence par la fraude sociale décrite.

La société Unilever France fait valoir qu'aucun mécanisme de fraude social n'a été mis en place, le salarié ayant uniquement été détaché par la société Unilever Turquie auprès de la société Unilever France, que les conditions du détachement sont parfaitement réunies et que dès lors, rien ne justifie la reconnaissance d'une situation de co-emploi.

La société Unilever Turquie ne conclut pas sur ce point.

Une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

En l'espèce, les sociétés Unilever France et Unilever Turquie sont les filiales française et turque d'une société multinationale de premier plan de produits de grande consommation présente dans de très nombreux pays.

Aucune confusion d'intérêts, d'activités et de direction n'est caractérisée entre ces deux sociétés.

En outre, M. [V] est mal fondé à se prévaloir d'un mécanisme de fraude sociale à son bénéfice alors qu'il a bénéficié d'un détachement par la société Unilever Turquie auprès de la société d'accueil Unilever France et qu'au niveau social, les règles spécifiques au détachement ont été mises en oeuvre par son employeur la société Unilever Turquie.

Par conséquent, la demande au titre du co-emploi formée par M. [V] sera rejetée.

Sur l'exception d'incompétence

La société Unilever France réitère en cause d'appel son exception d'incompétence matérielle sur laquelle le conseil de prud'hommes a omis de statuer.

La société Unilever France indique que le 'conseil de prud'hommes' n'est pas matériellement compétent pour examiner les demandes de M. [V] en vertu de l'article L. 1411-1 du code de travail, puisqu'elle n'a pas la qualité d'employeur mais qu'elle est l'entité d'accueil de M. [V] dans le cadre d'un détachement.

M. [V] considère qu'il est salarié de la société Unilever France et que les conditions du détachement invoqué par les sociétés intimées ne sont pas réunies.

Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

En l'espèce, au vu des développements qui précèdent, M. [V] a été détaché par la société Unilever Turquie, entreprise établie en Turquie pour être mis temporairement à la disposition de la société Unilever France qui exerçait son activité en France pendant la période du 1er mars 2014 au 31 juillet 2018.

La cour n'est pas matériellement compétente pour statuer sur les demandes formées par M. [V] à l'encontre de la société Unilever France, cette société étant l'entité d'accueil de ce dernier dans le cadre de son détachement, aucun contrat de travail n'existant entre M. [V] et la société Unilever France.

L'exception d'incompétence matérielle soulevée par Unilever France sera donc accueillie.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [V] succombant à la présente instance, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel. Il sera également condamné à régler les sommes de 1 000 euros à chacune des sociétés Unilever France et Unilever Turquie en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- déclaré la société Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk As hors de cause,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Accueille l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Unilever Sanayi ve Ticaret Turk AS,

Dit que M. [V] était travailleur détaché par la société Unilever Sanayi ve Ticaret Turk AS auprès de la société Unilever France pendant la période du 1er mars 2014 au 31 juillet 2018,

Rejette la demande de M. [I] [V] au titre du co-emploi,

Accueille l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société Unilever France,

Condamne M. [I] [V] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne M. [I] [V] à payer à la société Unilever France une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] [V] à payer à la société Unilever Sanayi ve Ticaret Turk AS une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, président, et par Madame Morgane BACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02477
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;21.02477 ?
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