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18/01/2023 | FRANCE | N°21/01588

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 18 janvier 2023, 21/01588


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 DECEMBRE 2022



N° RG 21/01588



N° Portalis DBV3-V-B7F-UQ6W



AFFAIRE :



[E] [G] [B]



C/



S.A.S.U. NEXTROAD ENGINEERING









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Chambre :

N° Section

: E

N° RG : 19/00101



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL INTER-BARREAUX LEPORT & ASSOCIES



la SELARL SOLUCIAL AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX-HUIT JANVIER ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 DECEMBRE 2022

N° RG 21/01588

N° Portalis DBV3-V-B7F-UQ6W

AFFAIRE :

[E] [G] [B]

C/

S.A.S.U. NEXTROAD ENGINEERING

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 19/00101

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL INTER-BARREAUX LEPORT & ASSOCIES

la SELARL SOLUCIAL AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX-HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [E] [G] [B]

née le 04 novembre 1958 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Pascal VANNIER de la SELARL INTER-BARREAUX LEPORT & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 283

APPELANT

****************

S.A.S.U. NEXTROAD ENGINEERING

N° SIRET : 489 811 109

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Thierry DOUTRIAUX de la SELARL SOLUCIAL AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0244 substitué par Me Justine VERQUIN, avocat au barreau de LILLE

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 1er décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [E] [G] a été engagée par la société Vectra, devenue la société Nextroad Engineering, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 janvier 1997 en qualité d'assistante de direction bilingue, position 2, coefficient 100.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

Le 31 mars 2008, elle est promue au poste d'assistante commerciale et bénéficie d'une augmentation de salaire de 3%.

En octobre 2014, elle est promue au poste de responsable administrative des ventes matériel.

Mme [G] a fait l'objet d'un arrêt de travail du 29 février 2016 au 15 mai 2016. Elle a repris en mi-temps thérapeutique du 26 mai 2016 au 30 septembre 2016 puis à 80% du 3 octobre 2016 au 23 janvier 2017.

Le 12 avril 2018, Mme [G] a été placée en arrêt de travail, arrêt prolongé jusqu'au 6 mars 2019.

Dans le cadre de la visite médicale de reprise du 6 mars 2019, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste de travail par un avis ainsi rédigé : 'tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.

Par lettre du 22 mars 2019, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 2 avril 2019.

Par lettre du 3 mai 2019, l'employeur a licencié la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 9 juillet 2019, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet afin d'obtenir la condamnation de la société Nextroad Engineering au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour manquement à son obligation de sécurité, pour manquement à son obligation de formation et de diverses indemnités et sommes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 17 mai 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- dit que le licenciement de Mme [G] pour invalidité d'origine non professionnelle et sans possibilité de reclassement est valide,

- dit que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire de Mme [G] à la somme de 3 993,75 euros,

- débouté Mme [G] de l'ensemble ses demandes,

- débouté la société Nextroad Engineering de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [G] aux dépens.

Le 27 mai 2021, Mme [G] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 26 août 2022, Mme [G] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- fixer le salaire de référence à 5 171,75 euros,

- dire que l'employeur a manqué à son obligation de formation et à son obligation de sécurité, et que par voie de conséquence le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- dire que des heures supplémentaires lui sont dues,

- en conséquence, condamner la société Nextroad Engineering au paiement des sommes suivantes :

* 31 637,66 euros au titre du paiement de salaires (heures supplémentaires),

* 3 163,76 euros au titre de congés payés y afférents,

* 9 891,01 euros au titre de l'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos,

* 31 030,50 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

* 31 030,50 euros au titre de l'indemnité de préavis (6 mois),

* 3 103,05 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 13 040,19 euros au titre du rappel d'indemnité de licenciement,

* 124 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15 515,25 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation,

* 15 515,25 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise des documents suivants : bulletins de paies conformes, certificat de travail conforme, attestation Pôle emploi conforme, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 2 novembre 2022, la société Nextroad Engineering demande à la cour de :

- avant dire droit, déclarer irrecevables les conclusions n°2 de Mme [G],

- sur le fond, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [G] de ses demandes,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,

- débouter Mme [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [G] à lui payer les sommes suivantes :

* 5 202,68 euros d'indemnité de licenciement indue, en application des articles 1302 et 1302-1 du code civil, avec intérêt à taux légal à compter de la demande formulée par les présentes conclusions en réponse n°1,

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* 3 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner Mme [G] aux entiers frais et dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 22 novembre 2022.

MOTIVATION

Sur la demande d'irrecevabilité des conclusions n°2 de l'appelante

L'intimé soulève l'irrecevabilité des conclusions n°2 de l'appelante signifiées le 15 mars 2022 au-delà du délai de trois mois pour répondre aux demandes formulées par conclusions d'appel incident du 19 novembre 2021 sur le fondement de l'article 910 alinéa 1er du code de procédure civile.

L'appelante fait valoir que ses arguments doivent être pris en considération, que seule la partie des conclusions répondant à l'appel incident peut être déclarée irrecevable. L'appelante soulève l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle formée au titre de l'indemnité de licenciement par l'employeur, celle-ci n'ayant pas été évoquée en première instance.

Aux termes de l'article 914 du code de procédure civile : 'Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, qui est seul compétent pour : (...) déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 (...). Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne se soit révélée postérieurement (...)'.

En l'espèce, le juge de la mise en état était seul compétent pour statuer sur la demande d'irrecevabilité des conclusions n°2 de l'appelante. Cette demande doit donc être déclarée irrecevable devant la cour d'appel.

Sur les heures supplémentaires

La salariée soutient qu'elle n'a jamais signé de convention de forfait. Elle indique qu'elle aurait souhaité bénéficier de la conclusion d'une convention de forfait en jours, avec revalorisation salariale, ou de la possibilité de pointer ses heures supplémentaires mais que l'employeur n'a pas régularisé sa situation.

Elle réclame la condamnation de l'employeur à lui verser un rappel de salaire pour heures supplémentaires d'un montant de 31 637,66 euros sur la période de l'année 2016 à l'année 2018 incluse, outre les congés payés afférents sur la base du taux horaire de 26,3318 euros par heure, outre une majoration de 25% pour les 8 premières heures hebdomadaires et de 50% pour les heures au-delà.

Elle sollicite également une indemnité pour contrepartie obligatoire au repos, due au taux de 100% sur les heures effectuées au-delà du contingent légal annuel d'heures supplémentaires de 220 heures, soit

pour 2016 (331,06 heures supplémentaires - 220)X26,3318 = 2 924,41 euros

pour 2017 (484,57 heures supplémentaires - 220)X26,3318 = 6 966,60 euros.

L'employeur conclut au débouté des demandes en faisant valoir que la convention de forfait annuel en heures est valide et résulte de la commune intention des parties et d'écrits signés par la salariée ; il ajoute que la salariée ne prouve ni l'existence d'heures supplémentaires, ni le quantum des heures supplémentaires au quotidien. Il précise que les parties avaient la commune intention de compenser toute heure supplémentaire par l'allocation d'un jour de repos.

L'existence et la validité d'une convention de forfait ne peut résulter que d'un accord entre les parties qui doit déterminer le nombre d'heures correspondant à la rémunération convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu'il percevrait en l'absence de forfait, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires.

En l'espèce, le contrat de travail de la salariée stipule en son article III qu'elle exerce ses fonctions de 9h à 12h45 et de 13h45 à 18h, terminant à 17h le vendredi, soit un total de 39 heures hebdomadaires.

L'avenant au contrat de travail en date du 6 février 2001 prévoit qu'elle exerce ses activités conformément à l'horaire collectif en vigueur du lundi au vendredi.

L'horaire hebdomadaire était de 36,5 heures, en contrepartie, des jours de RTT étaient alloués.

L'employeur ne produit pas de convention de forfait en heures conclue entre les parties.

L'irrégularité de la convention de forfait de salaire invoquée a pour effet de la rendre inopposable au salarié qui dès lors peut revendiquer l'application des règles de décompte et de paiement des heures supplémentaires selon le droit commun.

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La salariée produit un décompte des heures travaillées de janvier 2016 à avril 2018 faisant apparaître ses horaires de prise de poste, de pause méridienne, de fin de poste, avec un calcul des heures travaillées et des heures supplémentaires accomplies sur une base quotidienne, mensuelle et annuelle, outre de nombreux courriels montrant des tâches effectuées à des horaires tardifs, ainsi que plusieurs témoignages de collègues confirmant l'accomplissement d'heures supplémentaires:

- M. [K] [H], retraité, du 22 janvier 2019 'nous la trouvions régulièrement à son bureau après les horaires normaux',

- M. [V] [Y], directeur et directeur général de Vectra, du 25 mai 2019 'de part son expérience, ses connaissances et ses compétences uniques dans la société Vectra, notamment en matière de commerce international et logistique transport, elle a effectivement dû être très sollicitée',

- Mme [M] [W], directrice d'exploitation et directeur général de Vectra, du 28 mai 2019: 'je témoigne de l'attitude loyale et engagée de [E] envers la société Vectra, à travers par exemple les nombreuses heures supplémentaires effectuées et son dévouement',

- Mme [X] [T], assistante administrative, du 26 mai 2019 : 'elle ne prenait que de brèves pauses 1/2 ou 3/4 d'heure et toujours en décalé pour assurer une permanence dans le service et le soir, d'où les sorties du bureau souvent après 20h'.

Il s'en déduit que la salariée produit des éléments suffisamment précis des heures supplémentaires non rémunérées qu'elle estime avoir accomplies.

L'employeur ne produit pas d'éléments propres relatifs au suivi des heures de travail de la salariée.

Il reconnaît l'accomplissement d'heures supplémentaires par la salariée compte tenu selon lui du forfait en heures et du paiement des heures supplémentaires sous forme de repos. Cependant, l'employeur ne démontre pas, par un décompte précis, ce règlement sous forme de repos.

Il critique le témoignage de M. [L] en raison de son caractère tardif et imprécis. Il produit le témoignage de Mme [O], responsable des ressources humaines, admettant être informée que la salariée travaille le soir.

Il critique le décompte de la salariée au vu de contradictions avec les courriels et avec l'horaire collectif, la salariée produisant de nombreux courriels, parfois en double, certains ne démontrant aucune urgence.

Il indique qu'il a été demandé à plusieurs reprises à la salariée de respecter ses horaires de travail mais ne produit sur ce point que l'attestation de Mme [O] qui ne permet pas d'établir que l'employeur a effectué ce rappel.

Après pesée des éléments produits par l'une et l'autre des parties, la cour considère que la salariée a accompli des heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches à accomplir non rémunérées évaluées à hauteur de 9 000 euros, outre 900 euros au titre des congés payés afférents, sommes que la société Nextroad Engineering sera condamnée à régler à Mme [G].

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

La salariée n'ayant pas accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures, elle sera donc déboutée de sa demande au titre d'une indemnité pour contrepartie obligatoire en repos.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.

Il ressort des débats que la salariée démontre que les heures supplémentaire effectuées n'ont pas été mentionnées sur les bulletins de paie et démontre l'élément intentionnel de l'employeur qui a fait application d'un système de forfait en heures sans qu'ait été conclue une convention de forfait en heures alors qu'elle accomplissait régulièrement des heures supplémentaires, ce caractère intentionnel ressortant de l'absence de mention, sur les bulletins de salaire, de toutes les heures accomplies au-delà de la durée légale.

Il convient donc de condamner la société Nextroad Engineering à payer à Mme [G] la somme de 23 962,5 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, le surplus de la demande n'étant pas justifié.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point

Sur l'obligation de formation

La salariée sollicite une somme de 15 515,25 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation. Elle indique qu'elle n'a pu bénéficier que d'une formation en anglais en 2013, que ses demandes de formation sur le logiciel SAP, les logiciels Excel et Word n'ont pas été suivies d'effets.

L'employeur fait valoir que les demandes de formation de la salariée n'étaient pas pertinentes puisqu'elle possédait déjà les compétences requises pour son poste, que son supérieur hiérarchique a soutenu une demande de formation Excel mais que suite à son départ, celle-ci n'a pu être réalisée.

En l'espèce, la salariée justifie de demandes de formation à l'outil SAP et en outils bureautiques sans que celles-ci aient pu aboutir.

Toutefois, elle ne démontre pas son préjudice et doit être déboutée de sa demande de ce chef, faute de préjudice caractérisé.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur l'obligation de sécurité

La salariée sollicite une somme de 15 515,25 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Elle indique qu'elle avait une charge de travail excessive tant en volume qu'en responsabilités, en raison de ses connaissances pour les affaires commerciales à l'export, et au regard de ses compétences personnelles. Elle souligne que cette charge de travail a eu des conséquences sur sa santé. Elle précise que lors de sa reprise à temps partiel thérapeutique, elle a dû effectuer un nombre d'heures important afin de rattraper le retard accumulé, puis que lors de sa reprise à temps plein, les heures supplémentaires se sont multipliées. Elle fait valoir qu'elle a été entendue à deux reprises comme témoin dans le cadre d'une enquête préliminaire, seule et soumise à un stress considérable, et la seconde fois alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie. Elle conclut que la surcharge de travail et le stress généré par l'absence de soutien et de formation par l'employeur ont provoqué une altération de sa santé, un syndrome anxio-dépressif de même qu'un épuisement professionnel.

L'employeur fait valoir que la salariée n'a jamais déclaré de maladie professionnelle, que les certificats médicaux versés aux débats ne sont fondés que sur ses dires. Il précise que la salariée a fait l'objet de visites médicales régulières qui ont conclu à son aptitude, que l'allégation d'épuisement professionnel n'est pas prouvée, que la salariée n'a jamais fait état d'une charge de travail excessive lors de ses entretiens annuels, qu'elle présentait des difficultés à déléguer dans l'exécution de son travail. L'employeur note qu'il n'est pas responsable des conditions de réalisation des auditions de l'office central de lutte contre la corruption.

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l'article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

L'employeur justifie que la salariée a fait l'objet de 14 visites médicales auprès de la médecine du travail de façon régulière entre 1997 et 2017, la salariée ayant toujours été considérée comme médicalement apte à son poste.

Si la salariée a effectivement eu une charge de travail importante du fait de ses fonctions administratives sur les activités commerciales à l'export, et de ses compétences et connaissances de la matière, si des heures supplémentaires ont bien été accomplies par la salariée, le lien de causalité entre la charge de travail importante de la salariée et la dégradation de son état de santé n'est pas établi.

Elle a ainsi fait l'objet d'un avis d'inaptitude du médecin du travail le 6 mars 2019 sans que soit invoqué, ni démontré le caractère professionnel de sa maladie.

En outre, les conditions de son audition en qualité de témoin par l'office central de lutte contre la corruption ne sont pas de la responsabilité de son employeur.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'étant caractérisé, la salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement

La salariée indique que son inaptitude résulte d'un épuisement professionnel dont la responsabilité incombe totalement à l'employeur.

L'employeur fait valoir qu'aucun élément ne permet de penser que l'avis d'inaptitude, d'origine non professionnelle, devrait être requalifié comme ayant une origine professionnelle.

Au vu des développements qui précèdent, il n'est pas établi que l'inaptitude de la salariée ait même partiellement pour origine un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Ainsi, l'inaptitude n'étant pas consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'aurait provoquée, le licenciement de la salariée n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La salariée sera, par conséquent, déboutée de ses demandes pécuniaires consécutives au licenciement : indemnité de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande de remise de documents conformes sous astreinte.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ces points.

Sur la demande reconventionnelle d'indemnité de licenciement

L'employeur sollicite une somme de 5 202,68 euros au titre du remboursement d'une part d'indemnité de licenciement indue en application des articles 1302 et 1302-1 du code civil après minoration de l'ancienneté en déduisant les périodes de suspension du contrat de travail pour le calcul de l'indemnité conventionnelle et application d'une minoration conventionnelle de 5 %.

La salariée soutient que le calcul n'est étayé par aucun fondement textuel, que la convention collective en son article 29 ne prévoit aucune déduction d'absence. Elle ajoute que la minoration de 5% ne peut lui être imposée puisqu'elle n'a pas liquidé sa retraite sans abattement.

En vertu des dispositions de l'article L. 1234-8 du code du travail, les périodes de suspension du contrat de travail n'entrent pas en compte dans le calcul de l'indemnité de licenciement.

En application des dispositions de l'article 29 de la convention collective applicable, la minoration deviendra inapplicable s'il est démontré que, le jour de la cessation du contrat de travail, soit l'intéressé n'a pas la durée d'assurance requise au sens de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale pour bénéficier d'une retraite à taux plein, soit l'intéressé ne peut pas prétendre faire liquider sans abattement une des retraites complémentaires auxquelles l'employeur cotise avec lui.

En l'espèce, la convention collective étant taisante sur ce point, il y a lieu de déduire les périodes de suspension du contrat de travail comme sollicité par l'employeur.

Cependant, la minoration de 5% prévue à l'article 29 de la convention collective ne s'applique pas à la salariée puisqu'elle n'a pas pu liquider sa retraite sans abattement.

Par conséquent, la salariée avait droit à un total de 40 137,19 euros sans minoration selon le calcul produit par l'employeur. Or, elle a perçu une indemnité de licenciement de 43 333 euros supérieure à ce montant.

Mme [G] sera donc condamnée à rembourser à la société Nextroad Engineering la somme de 3 195,81 euros au titre du trop perçu d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la demande devant le conseil de prud'hommes (date de l'audience à laquelle les conclusions ont été visées par le greffe).

Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande d'amende civile

Eu égard à la solution du litige, il n'y a pas lieu à faire application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement attaqué sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [E] [G] aux dépens.

La société Nextroad Engineering succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel. Elle devra également régler à Mme [G] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevable la demande d'irrecevabilité des conclusions n°2 soulevée par la société Nextroad Engineering,

Déboute la société Nextroad Engineering de sa demande d'amende civile,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- débouté Mme [E] [G] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents,

- débouté Mme [E] [G] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

- débouté la société Nextroad Engineering de sa demande en remboursement d'un indu au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- condamné Mme [E] [G] aux dépens,

Statuant sur les chefs infirmés :

Condamne la société Nextroad Engineering à payer à Mme [E] [G] les sommes suivantes

9 000 euros au titre d'heures supplémentaires,

900 euros au titre des congés payés afférents,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes,

Condamne la société Nextroad Engineering à payer à Mme [E] [G] la somme de 23 962,5 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne Mme [E] [G] à rembourser à la société Nextroad Engineering la somme de 3 195,81 euros au titre du trop perçu d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la demande devant le conseil de prud'hommes (date de l'audience à laquelle les conclusions ont été visées par le greffe),

Et y ajoutant :

Condamne la société Nextroad Engineering aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Nextroad Engineering à payer à Mme [E] [G] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, président, et par Madame Morgane BACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01588
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;21.01588 ?
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