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18/01/2023 | FRANCE | N°21/00807

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 18 janvier 2023, 21/00807


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 JANVIER 2023



N° RG 21/00807



N° Portalis DBV3-V-B7F-UL2G



AFFAIRE :



[O] [G]



C/



S.A.S.U. NCS PYROTECHNIE ET TECHNOLOGIES







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Secti

on : I

N° RG : 20/00349



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT



la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT JANV...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 JANVIER 2023

N° RG 21/00807

N° Portalis DBV3-V-B7F-UL2G

AFFAIRE :

[O] [G]

C/

S.A.S.U. NCS PYROTECHNIE ET TECHNOLOGIES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : 20/00349

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT

la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [G]

né le 10 Octobre 1980 à [Localité 3] (MAROC)

de nationalité Marocaine

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 578

Représentant : Me Aurelien DAIME, Plaidant, avocat au barreau de COMPIEGNE

APPELANT

****************

S.A.S.U. NCS PYROTECHNIE ET TECHNOLOGIES

N° SIRET : 319 427 399

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Marie-Laure TOURNIER-TREDAN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701 substitué par Me Manon BACHES, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

A compter du 20 février 2017, [O] [G] a été mis à disposition de la société Ncs Pyrotechnie et Technologies par la société Adecco au moyen de plusieurs contrats de mission successifs pour occuper un poste de conducteur de ligne de fabrication, fondés sur un motif d'accroissement temporaire d'activité dont dernier est arrivé à son terme le 29 juillet 2018.

Le 26 février 2019, [O] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin demander la requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation consécutive de la société Ncs Pyrotechnie et Technologies au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 12 janvier 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont mis hors de cause la société Ncs Pyrotechnie et Technologies, ont débouté [O] [G] de l'ensemble de ses demandes et ont mis les éventuels dépens à la charge des parties.

Le 10 mars 2021, [O] [G] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 12 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [O] [G] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de condamner la société Ncs Pyrotechnie et Technologies à lui verser les sommes suivantes :

* 4 772,66 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 386,33 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 238,63 euros nets à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

* 894,87 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

* 2 386,33 euros nets à titre d'indemnité de requalification de contrat d'intérim en contrat à durée indéterminée,

* 2 386,33 euros nets à titre d'indemnité de procédure irrégulière,

* 4 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine et capitalisation des intérêts, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 9 juillet 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Ncs Pyrotechnie et Technologies demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter [O] [G] de l'intégralité de ses demandes et de condamner celui-ci au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 6 décembre 2022.

MOTIVATION

Sur la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée

Le salarié fait valoir que ses contrats de mission doivent être requalifiés en un contrat à durée indéterminée aux motifs que :

- la société ne justifie pas du motif d'accroissement temporaire d'activité et ses emplois en intérim correspondent en réalité à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;

- la société n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 1251-35 du code du travail qui limitent à deux le nombre de renouvellement d'un contrat de mission ;

- aucun délai de carence n'a été respecté entre les contrats de missions en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1251-36 du code du travail.

Il demande en conséquence la condamnation de la société au paiement d'une indemnité de requalification ainsi que d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités de rupture du contrat.

La société conclut au débouté de toutes les demandes du salarié en faisant valoir que :

- elle justifie du motif de recours à l'intérim par l'accroissement temporaire de son activité en raison de 'l'augmentation temporaire du volume de produits Mgg (micro-générateurs de gaz) lesquels utilisent les composants Ai1 (allumeurs de développement européen), composants produits au sein de l'entreprise', en ajoutant que 'début 2017, la société s'ur en Roumanie s'est en effet rapprochée de la société pour lui faire part du retard pris sur le démarrage d'une ligne de produits Mgg et lui demander de compenser ce retard', et que 'cette situation qui a commencé par une augmentation des volumes de produits a été succédée par une période de fluctuation des volumes qui a perduré jusqu'en juillet 2018" ;

- elle a respecté les règles relatives au renouvellement des contrats de mission ;

- le non-respect allégué du délai de carence entre deux contrats de mission n'entraîne pas la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée à la charge de l'entreprise utilisatrice.

Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit le motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Aux termes de l'article L. 1251-6 du même code, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée mission et seulement dans des cas limitativement définis, parmi lesquels figure l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise utilisatrice.

Il appartient à l'entreprise utilisatrice d'établir la réalité du motif de recours à un travailleur temporaire qu'elle invoque.

Selon l'article L. 1251-40 du code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

En application de l'article L. 1251-41 du même code, en cas de requalification d'un contrat de mission en contrat à durée indéterminée, le salarié peut prétendre à une indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

En l'espèce, pour justifier du motif d'accroissement temporaire d'activité mentionné sur l'ensemble des trente contrats de mission successifs produits par le salarié devant la cour, la société se borne à verser aux débats :

- des échanges de courriels rédigés en langue anglaise, non traduits en langue française, intervenus en juin 2018 dont le premier émane de Mme [P], présentée comme la coordinatrice des produits de la société soeur en Roumanie, qui n'établissent pas la réalité d'un accroissement temporaire d'activité de la société sur la période considérée de février 2017 à juillet 2018 ;

- des graphiques et tableaux censés démontrer la corrélation entre le recours aux travailleurs intérimaires et les quantités de 'Mgg' et 'Mgs' produits sur la période considérée, réalisés par la société, qui n'établissent pas plus la réalité d'un accroissement temporaire d'activité de la société sur la période considérée ;

- deux procès-verbaux de réunions du comité d'entreprise des 26 septembre 2018 et 18 octobre 2018 qui ne contiennent pas d'éléments sur la réalité d'un accroissement temporaire d'activité dont la société aurait été l'objet sur la période considérée.

A défaut de justifier de la réalité du motif d'accroissement temporaire d'activité sur la période considérée, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par le salarié, il y a lieu de faire droit à sa demande de requalification de l'ensemble des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée, et ce à compter du 20 février 2017, date du premier contrat irrégulier.

En outre, le salarié est fondé à réclamer une indemnité de requalification en application de l'article L. 1251-41 du code du travail, dont le montant sera fixé à 2 386,33 euros, correspondant à un mois de salaire brut, faute pour l'appelant de justifier d'un plus ample préjudice.

L'employeur qui, à l'expiration d'un contrat de mission ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, eu égard à la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée mentionnée ci-dessus et à l'absence de fourniture de travail et de paiement de salaire au-delà du 29 juillet 2018, il y a lieu de dire que la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le salarié est fondé à réclamer une indemnité de licenciement calculée sur le fondement des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, comme proposé par le salarié, qui sera fixée à la somme de 894,87 euros nets.

Le salarié est ensuite fondé à réclamer, pour le même motif, une indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L. 1234-1 du code du travail qui, eu égard à son ancienneté comprise entre un et deux ans, sera fixée à hauteur d'un mois de salaire, soit 2 386,33 euros bruts outre 228,63 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents.

Il y a lieu enfin d'allouer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant est, eu égard à son ancienneté d'une année complète, compris entre un et deux mois de salaire brut en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Eu égard à son âge (né en 1980), à sa rémunération, à l'absence de pièce produite sur sa situation professionnelle postérieure au licenciement, il y a lieu d'allouer une somme de 2 400 euros bruts à ce titre.

Le jugement sera donc infirmé sur ces points.

Le salarié sera débouté de sa demande d'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité de la procédure de licenciement, celui-ci ne faisant état ni ne justifiant d'aucun préjudice à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les intérêts et leur capitalisation

Il est rappelé que les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency et les créances de nature indemnitaire produisent des intérêts à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige, le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer au salarié la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 février 2017,

CONDAMNE la société Ncs Pyrotechnie et Technologies à payer à [O] [G] les sommes suivantes :

* 2 386,33 euros bruts à titre d'indemnité de requalification,

* 2 386,33 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 238,63 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 894,87 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 2 400 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société Ncs Pyrotechnie et Technologies devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency et les créances de nature indemnitaire produisent des intérêts à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la société Ncs Pyrotechnie et Technologies aux entiers dépens,

CONDAMNE la société Ncs Pyrotechnie et Technologies à payer à [O] [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00807
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;21.00807 ?
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