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11/01/2023 | FRANCE | N°21/02580

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 11 janvier 2023, 21/02580


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 JANVIER 2023



N° RG 21/02580



N° Portalis DBV3-V-B7F-UWLB



AFFAIRE :



S.A.R.L. EUROTRAVAUX



C/



[D] [K] [O]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CERGY PONTOISE

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : 20/00017



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Me Sabine DOUCINAUD-GIBAULT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 JANVIER 2023

N° RG 21/02580

N° Portalis DBV3-V-B7F-UWLB

AFFAIRE :

S.A.R.L. EUROTRAVAUX

C/

[D] [K] [O]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CERGY PONTOISE

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : 20/00017

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Sabine DOUCINAUD-GIBAULT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. EUROTRAVAUX

N° SIRET : 497 97 1 6 97

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Gaël PEYNEAU de la SELEURL RIVE GAUCHE AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0092

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [K] [O]

né le 14 Mai 1975 à [Localité 5] (CAPVERT)

de nationalité Capverdienne

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sabine DOUCINAUD-GIBAULT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 120 substitué par Me Marie REGALDO, avocat au barreau du VAL D'OISE

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [K] [O] a été engagé par la société Eurotravaux suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 22 septembre 2015 en qualité d'ouvrier polyvalent, statut ouvrier, niveau 1, coefficient 150.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment.

Par lettre du 4 avril 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 8 avril 2019.

Par lettre datée par erreur au '13 juillet 2018" présentée le 15 avril 2019, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave.

L'entreprise employait au moment de la rupture au moins onze salariés.

Le 13 janvier 2020, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin d'obtenir la condamnation de la société Eurotravaux au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à défaut dénué de cause réelle et sérieuse, pour non-respect de la procédure de licenciement et de diverses indemnités et sommes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 26 mai 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- condamné la société Eurotravaux à verser à M. [O] les sommes suivantes :

* 1 504,53 euros au titre d'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement,

* 3 009,06 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 300,90 euros au titre de congés payés afférents,

* 1 347,80 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 1 629,25 euros au titre des congés payés dus et non réglés par la caisse,

* 421,26 euros au titre du rappel de salaire concernant le mois d'avril 2019,

* 9 268,32 euros au titre de rappel de salaire sur les heures effectives de travail ainsi que la somme de 968,96 euros au titre des congés payés afférents,

* 4 513,59 euros soit trois mois de salaire au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Eurotravaux de remettre à M. [O] l'ensemble des documents de fin de contrat conformes au présent jugement sous astreinte de 10 euros par jour pour l'ensemble des documents dans la limite de trois mois,

- dit que l'intérêt au taux légal court à compter de la date de réception de la convocation en ce qui concerne les créances salariales et à compter de la présente décision pour les autres sommes allouées,

- mis à la charge de la société Eurotravaux les éventuels dépens de l'instance.

Le 10 août 2021, la société Eurotravaux a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 mai 2022, la société Eurotravaux demande à la cour de :

- à titre principal, annuler le jugement entrepris en toutes ses dispositions pour absence de motivation, à titre subsidiaire, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en conséquence, statuant à nouveau :

- juger que la mise à pied de M. [O] est régulière et bien fondée, débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes formulées à ce titre,

- à titre principal, juger que le licenciement de M. [O] repose bien sur des faits constitutifs d'une faute grave, débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, juger que le licenciement de M. [O] repose sur une cause réelle et sérieuse, débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes au titre d'un prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que la commune intention des parties était bien que M. [O] était embauché et rémunéré sur la base de 35h/semaine, juger que M. [O] n'établit aucunement avoir travaillé plus de 35h/semaine, juger que l'employeur établit clairement que M. [O] ne travaillait que 35 heures par semaine, débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes au titre d'un prétendu rappel de salaires,

- réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité légale de licenciement réclamée,

- fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité réclamée pour irrégularité de la procédure,

- rejeter les autres demandes de M. [O],

- en tout état de cause, condamner M. [O] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 17 février 2022, M. [O] demande à la cour de :

- juger la procédure de licenciement diligentée à son encontre irrégulière,

- juger le licenciement dont il a fait 1'objet dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Eurotravaux à lui verser les sommes suivantes :

* 1 504,53 euros au titre d'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement,

* 3 009,06 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 300,90 euros au titre de congés payés afférents,

* 1 347,80 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 1 629,25 euros au titre des congés payés dus et non réglés par la caisse,

* 421,26 euros au titre du rappel de salaire concernant le mois d'avril 2019,

* 9 268,32 euros au titre de rappel de salaire sur les heures effectives de travail ainsi que la somme de 968,96 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné à la société Eurotravaux de lui remettre l'ensemble des documents de fin de contrat conformes au présent jugement sous astreinte de 10 euros par jour pour l'ensemble des documents dans la limite de trois mois,

dit que l'intérêt au taux légal court à compter de la date de réception de la convocation en ce qui concerne les créances salariales et à compter de la présente décision pour les autres sommes allouées,

mis à la charge de la société Eurotravaux les éventuels dépens de l'instance,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Eurotravaux à lui verser la somme de

4 513,59 euros soit 3 mois de salaire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-statuant de nouveau, annuler la mise à pied disciplinaire notifiée le 16 avril 2019 pour la période du 8 au 15 avril 2019, comme injustifiée,

- condamner la Société Eurotravaux à lui régler les sommes suivantes :

* 18 054,36 euros à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse correspondant à 12 mois de salaire,

* 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appe1,

- condamner la Société Eurotravaux aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 15 novembre 2022.

MOTIVATION

Sur la demande d'annulation du jugement

L'appelante sollicite l'annulation du jugement pour défaut de motivation sur le fondement des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile.

L'intimé s'y oppose faisant valoir que si la motivation du jugement est succincte, elle existe tant en droit qu'en fait.

Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

En l'espèce, le conseil de prud'hommes a repris longuement les moyens des parties dans son exposé du litige.

Il a ensuite fait application dans sa motivation des dispositions des articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1235-2 du code du travail et dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, par conséquent, la demande aux fins d'annulation du jugement doit être rejetée, le défaut de motivation n'étant pas établi.

Sur la demande au titre des congés payés

Le salarié sollicite une somme de 1 629,25 euros au titre de congés payés non réglés en vertu de déclarations erronées et non signées faites auprès de la caisse de congés payés du BTP.

L'employeur s'y oppose faisant valoir que si la cour devait considérer que le salarié était embauché pour 39 heures hedomadaires, il y avait lieu de percevoir un complément de congés payés à ce titre. Il précise que les congés payés dus en fin de contrat ont été réglés et sont mentionnés au certificat.

L'employeur produit notamment le solde de tout compte sans règlement d'une indemnité de congés payés, des certificats de congés payés pour les années 2019 et 2020 faisant apparaître des droits acquis à hauteur de 24 jours pour 2019 et de 1 jour pour 2020, soit 25 jours au total.

Il s'en déduit que l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'il a réglé la somme correspondant aux 25 jours de congés payés restant dus en fin de contrat. La société Eurotravaux doit donc être condamnée à régler la somme de 1 629,25 euros à ce titre.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel de salaire

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié explique qu'il a été embauché pour une activité à temps complet de 39 heures par semaine au salaire de 1 600 euros net par mois, qu'il travaillait effectivement 40 heures par semaine payées 35 heures, et qu'il est fondé à solliciter un rappel de salaires au titre des heures impayées.

Il produit son contrat de travail à durée indéterminée mentionnant un horaire hebdomadaire de 39 heures sur les chantiers et un décompte des heures de travail, indiquant qu'il prenait son poste à 8h, terminait à 17h avec une heure de pause déjeuner.

Il sollicite le versement de la somme de 9 268,32 euros et les congés payés afférents, correspondant au différentiel sur son salaire brut entre 169 heures et 151,67 heures par mois, soit 213,99 euros par mois, soit sur trois ans correspondant à la période non-prescrite, la somme de

7 703,64 euros, outre une heure supplémentaire par semaine, soit sur trois ans la somme de 1 564,68 euros.

Il s'en déduit que le salarié fournit des éléments suffisamment précis des heures de travail non rémunérées qu'il soutient avoir effectuées.

L'employeur produit l'affichage des horaires de travail de 8h à 12h et de 13h à 16h sur les chantiers qui ne concorde pas avec le contrat de travail, un décompte des heures quotidiennes travaillées de janvier 2018 à avril 2019 à hauteur de 7 heures par jour et les attestations imprécises de M. [C] du 30 novembre 2020 et de M. [B] du 24 novembre 2020 confirmant les horaires de travail sur les chantiers.

Ce faisant, l'employeur ne justifie pas des heures de travail effectivement accomplies par le salarié.

Après pesée des éléments de preuve produits par les parties, la cour considère que le salarié a accompli des heures de travail non rémunérées qu'il convient d'évaluer à 9 268,32 euros, outre un montant de 968,96 euros de congés payés afférents. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ces points.

Sur la mise à pied et le rappel de salaire

L'employeur soutient que la mise à pied peut être verbale, la loi ne prévoyant pas de modalité particulière de notification. Il ajoute qu'au vu de la régularisation postérieure par lettre, la mise à pied était à durée indéterminée ce qui confirme son caractère conservatoire.

Le salarié indique qu'une mise à pied lui a été imposée verbalement par l'employeur le jour de l'entretien préalable à éventuel licenciement, mais que la lettre lui a été notifiée postérieurement au licenciement, pour justifier de l'absence de salaire versé. Il soutient que la mise à pied doit être analysée comme disciplinaire dès lors qu'elle aurait été conservatoire si elle avait été évoquée dans la lettre de convocation à entretien préalable.

Aux termes de l'article L. 1332-3 du code du travail, lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée.

La qualification donnée par l'employeur à la mise à pied ne s'impose pas, la cour devant rechercher au vu des circonstances si elle revêt un caractère conservatoire ou disciplinaire et ainsi qualifier la mise à pied.

En l'espèce, l'employeur a ordonné verbalement une mise à pied au salarié le jour fixé pour l'entretien préalable à éventuel licenciement.

Ainsi, cette décision était concomitante à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement sur le fondement d'une faute grave reprochée au salarié. La mise à pied doit donc être qualifiée de conservatoire puisqu'elle a été prononcée par l'employeur dans l'attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps.

En l'absence de faute grave constatée à l'encontre du salarié, comme il est retenu plus avant, l'employeur doit payer les salaires pendant la période pendant laquelle la mise à pied est intervenue. Il n'y a pas lieu à annulation de la mise à pied conservatoire.

Par conséquent, la société Eurotravaux sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 421,26 euros au titre de rappel de salaire pendant la mise à pied.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

'[...] nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants :

- Faute grave.

Motif :

- Non seulement le délai de réalisation des travaux est inexplicablement long, mais en plus ces travaux ne satisfont pas aux critères d'exigences de notre client (travail mal fait, non achevé, idem pour les reprises, etc...) [...]'.

L'appelante fait valoir qu'il n'y a pas lieu de requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire et qu'il n'y a pas double sanction des mêmes faits. L'appelante indique que le licenciement est justifié en raison de plaintes reçues de maîtres d'ouvrage au sujet des délais de réalisation et de la qualité des finitions des travaux d'éclairage public du Val d'Oise, que ces problèmes ont conduit à des refus de réception de travaux et portent atteinte à l'image de la société.

L'intimé soutient que la mise à pied étant disciplinaire, l'employeur ne pouvait notifier deux sanctions disciplinaires pour le même motif. Il fait valoir que le licenciement est justifié par le même motif que figurant à la convocation à l'entretien préalable. L'intimé indique également que l'employeur a inventé de toutes pièces une faute pour le licencier à moindre coût, qu'en réalité la société souffrait d'une profonde désorganisation mais qu'il a toujours travaillé de manière professionnelle et compétente, en qualité d'ouvrier, sous la supervision du frère et/ou d'un ami de son patron qui étaient chefs de chantiers, que les problèmes survenus sur les chantiers ne relèvent pas de sa responsabilité.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

La lettre de licenciement énonce en substance un problème de délai et de qualité dans la réalisation de travaux.

En l'espèce, la mise à pied est qualifiée de conservatoire, le moyen en nullité du licenciement fondé sur une double sanction des mêmes faits doit donc être écarté, la mise à pied n'étant pas disciplinaire.

Les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne sont ni précis, ni datés, l'employeur se bornant à mentionner des travaux sans date, ni adresse de chantier.

L'employeur produit des échanges de courriels de la société Spie Ile-de-France Nord-Ouest relatifs à des difficultés de réception de chantier notamment, une réclamation client, une difficulté relative à des reprises sans que l'imputabilité de ces difficultés ou que la violation des obligations liées au contrat de travail par M. [O] soient établies.

Ainsi, les faits énumérées par la lettre de licenciement n'étant pas établis, le licenciement du salarié n'est fondé ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse. Il est, par conséquent, dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié sollicite douze mois de salaire en raison de sa situation, alors qu'il a été privé d'emploi brutalement et qu'il se trouve allocataire de Pôle emploi.

Il n'y a pas lieu d'écarter les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017'1387 du 22 septembre 2017, à défaut de tout fondement invoqué.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le salarié qui compte une ancienneté de plus de trois ans et qui est âgé de 44 ans lors de la rupture du contrat de travail a droit à des dommages et intérêts compris entre trois et quatre mois de salaire brut qu'il convient de fixer à 4 513,59 euros.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Le salarié a droit à deux mois de salaire à titre d'indemnité compensatrice qu'il convient de fixer à 3 009,26 euros, outre 300,9 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Le salarié a droit à l'indemnité légale de licenciement d'un montant de 1 347,8 euros compte tenu de son ancienneté en application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail.

Le jugement attaqué sera donc confirmé sur ces points.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d'ordonner à la société Eurotravaux de remettre à M. [O] l'ensemble des documents de fin de contrat rectifiés, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte. Le salarié sera débouté de sa demande d'astreinte

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur la remise de documents et sera infirmé sur l'astreinte.

Sur le respect de la procédure de licenciement

En application des dispositions de l'article L.1235-2 du code du travail, l'indemnité pour irrégularité de procédure ne se cumule pas avec l'indemnité de licenciement pour absence de cause réelle et sérieuse.

Il n'est pas contesté par l'employeur qu'il n'a pas respecté l'intégralité des dispositions relatives à la convocation à entretien préalable du salarié, faute d'avoir respecté la forme de la convocation ainsi que les délais.

Toutefois, le salarié bénéficiant de l'octroi d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ne peut la cumuler avec une indemnité pour irrégularité de procédure et doit être débouté de sa demande de ce chef.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Eurotravaux aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que l'intérêt au taux légal court à compter de la date de réception de la convocation en ce qui concerne les créances salariales et à compter du jugement pour les autres sommes allouées.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Eurotravaux succombant à la présente instance en supportera les dépens d'appel. Elle devra également régler à M. [O] une somme de 2 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Rejette la demande d'annulation du jugement,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Eurotravaux à verser à M. [D] [K] [O] la somme de 1 504,53 euros pour inobservation de la procédure de licenciement,

- assorti la remise des documents rectifiés d'une astreinte de 50 euros par jour de retard courant à compter du quinzième jour suivant la réception de la notification du jugement,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Déboute M. [D] [K] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour inobservation de la procédure de licenciement,

Dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte relative à la remise des documents rectifiés,

Et y ajoutant :

Ordonne le remboursement par la société Eurotravaux à l'organisme Pôle emploi concerné des indemnités de chômage versées à M. [D] [K] [O] dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Eurotravaux aux dépens d'appel,

Condamne la société Eurotravaux à payer à M. [D] [K] [O] la somme de 2 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02580
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;21.02580 ?
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