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15/12/2022 | FRANCE | N°20/00667

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 15 décembre 2022, 20/00667


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 DECEMBRE 2022



N° RG 20/00667

N° Portalis DBV3-V-B7E-TZK2



AFFAIRE :



[P] [M]



C/



S.A.R.L. SOCIETE FRANCAISE D'INSTALLATION ET D'EXPLOITATION DES SFIEET









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : I

N° RG : 18/01818















Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Ghislain DADI



Me Oriane DONTOT



le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 DECEMBRE 2022

N° RG 20/00667

N° Portalis DBV3-V-B7E-TZK2

AFFAIRE :

[P] [M]

C/

S.A.R.L. SOCIETE FRANCAISE D'INSTALLATION ET D'EXPLOITATION DES SFIEET

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : I

N° RG : 18/01818

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ghislain DADI

Me Oriane DONTOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [P] [M]

né le 22 septembre 1968 à TAZA (MAROC)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Ghislain DADI substitué par Me Clémence DUBUARD de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

APPELANT

****************

S.A.R.L. SOCIETE FRANCAISE D'INSTALLATION ET D'EXPLOITATION DES EQUIPEMENTS THERMODYNAMIQUES

SIRET N° : 807 880 596

13-15 rue du 14 juillet

[Localité 5]

Représentant : Me Matthieu LEROY substitué par Me Marina CORRIAS de la SELASU FUSIO AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0586 et Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 octobre 2022, Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier placé lors des débats : Virginie BARCZUK

Vu le jugement rendu le 29 janvier 2020 par le conseil de prud'hommes de Nanterre,

Vu la déclaration d'appel de M. [P] [M] du 4 mars 2020,

Vu les conclusions de M. [P] [M] du 7 octobre 2022,

Vu les conclusions de la société Française d'installation et d'exploitation des équipements thermodynamiques du 28 septembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture du 19 octobre 2022.

EXPOSE DU LITIGE

La société Française d'installation et d'exploitation des équipements thermodynamiques (ci-après SFIEET) ' dont le siège social se situe [Adresse 1] ' est spécialisée dans les travaux d'installation d'équipements thermiques et de climatisation. Elle emploie moins de dix salariés.

La convention collective applicable est celle des ouvriers du bâtiment de la région parisienne du 28 juin 1993.

M. [P] [M], né le 22 septembre 1968, a été engagé par la SFIEET par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 23 novembre 2015 en qualité d'agent de maintenance.

Par lettre remise en mains propres le 13 avril 2018, l'employeur a convoqué M. [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement et l'a mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 25 avril 2018, la société SFIEET a notifié à M. [M] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

«Nous procédons ce jour à votre licenciement immédiat pour faute grave sans préavis ni indemnité pour les raisons suivantes :

- Vos retards répétés :

Comme l'attestent TOUTES vos feuilles de journées et le cahier de présence tenu par M. [Z] [D], vous arrivez en retard avec une fréquence journalière.

En deux mois, vous n'avez été à l'heure que deux jours :

. Lundi 26 mars 2018

. Mardi 3 avril 2018.

Vous avez été en retard avec une moyenne de 30 minutes voire une heure alors que l'horaire collectif en vigueur et affiché est 8h.

Comme l'atteste votre contrat de travail, vous devez vous présenter à votre poste de travail, je cite «conformément à l'horaire collectif en vigueur dans l'entreprise et affiché dans nos locaux».

Ces faits qui se répètent de manière quotidienne, constituent une faute professionnelle grave et marquent la négligence avec laquelle vous remplissez vos obligations contractuelles.

Ces faits provoquent :

- une désorganisation quotidienne du planning engendrant un haut niveau de stress et de dépression lié au travail et en flux tendu,

- un ralentissement du travail administratif et une accumulation de retard de travail administratif,

- des heures de travail supplémentaires du personnel administratif qui doit vous attendre chaque soir à cause du décalage de votre planning,

- un mécontentement de la clientèle.

D'ailleurs, ces faits vous avaient déjà été reprochés lors d'un avertissement émis à votre égard le 30 octobre 2017 et vous n'avez pas changé d'attitude depuis.

- L'utilisation du véhicule de service à des fins personnelles :

Je cite « la société SFIEET confie à M. [M] [P] un véhicule utilitaire qu'il s'engage à n'utiliser que pour les besoins du service » et « dans le cadre de l'utilisation de ce véhicule, M. [M] [P] devra utiliser ce véhicule à des fins exclusivement professionnelles. M. [M] [P] s'engage donc à ne pas l'utiliser à des fins personnelles ».

 

Il vous a été confié un véhicule de service que vous ne devez utiliser que pendant les heures de travail et pour lequel nous tolérons l'utilisation sur le trajet domicile ' lieu de travail. Or, je vous ai personnellement surpris le lundi 26 mars, aux alentours de 18h03, garé au niveau de la banque HSBC de [Localité 7], située au [Adresse 2], en train de dormir dans votre voiture. A 19h22 de ce même jour, lors de mon trajet habituel pour aller à mon activité sportive, je vous ai à nouveau surpris, équipé de la caisse à outils de l'entreprise au [Adresse 1] pour vous rendre chez une personne qui n'est manifestement pas un client ou votre domicile.

Ces faits prouvent que vous utilisez les outils de la société et le véhicule de service de la société à des fins personnelles et probablement pour une activité concurrentielle déloyale.

D'ailleurs, nous avons archivé sur notre serveur téléphonique un message vocal daté du dimanche 7 avril à 09h29 et laissé par une de nos clientes vous citant de la manière suivante : « d'ailleurs s'il y a quelque chose vous m'appelez directement ».

Comme mentionné dans votre contrat de travail, il est rappelé que « M. [M] [P] s'interdit formellement tout travail exécuté pour le compte d'un particulier ou d'une autre entreprise ».

Ces faits constituent une faute professionnelle grave et marquent la négligence avec laquelle vous remplissez vos obligations contractuelles.

Ces faits provoquent :

. L'exposition de la société à des faits graves (en effet, intervenant avec les habits de la société, c'est la société elle-même qui est représentée)

. Une usure prématurée du matériel de l'entreprise et du véhicule de l'entreprise,

. Une génération de frais financiers inutiles pour l'entreprise,

. Une perte totale de confiance de la part de vos supérieurs.

Afin d'éviter tout malentendu et dans le but d'éviter que vous utilisez notre matériel à des fins personnelles, nous vous demanderons de bien vouloir nous ramener les habits de la société mis à votre disposition.

- Déclaration de faux horaires :

Comme vous l'attestez dans votre feuille de journée du jeudi 29 mars 2018, vous êtes arrivé sur le lieu de votre dernière intervention située au [Adresse 4], suivant OT22133, à 17h40. Or je vous ai personnellement croisé [Adresse 9] dans la voiture de service de la société.

Ces faits provoquent notamment :

. des heures de travail supplémentaires du personnel administratif qui doit vous attendre chaque soir à cause du décalage de votre planning,

. une désorganisation quotidienne du planning engendrant un haut niveau de stress et de dépression lié au travail en flux tendu,

. une génération d'heures supplémentaires factices et donc une perte sèche pour l'entreprise,

. une perte totale de confiance de la part de vos supérieurs.

Ces faits constituent pour nous une récidive puisqu'ils vous ont déjà été reprochés lors d'un avertissement émis à votre égard le 30 octobre 2017 et nous pouvons, encore une fois, constater que votre comportement ne s'est pas amélioré.

- Non-respect du matériel et perte de l'outillage :

Suite aux épisodes qui se sont déroulés le lundi 26 mars 2018 (cités au deuxième point de ce document) je vous ai personnellement demandé de laisser le véhicule de service de la société au dépôt de l'entreprise.

A la fin de votre journée de travail du vendredi 30 mars 2018, vous avez donc laissé le véhicule au dépôt de la société. Lors de votre prise de fonction, le mardi 3 avril 2018 au matin (8h00), vous m'avez déclaré avoir été victime du vol de la caisse à outils de la société, caisse à outils qui était restée dans le véhicule de service qui lui-même était stationné au dépôt de l'entreprise.

Je tiens à préciser que tous les véhicules de la société restent parqués au dépôt de l'entreprise tous les weekends et que notre matériel y est aussi stocké. Un chien de garde veille aussi sur la sécurité du dépôt et M. [F], gérant ou moi-même sommes très souvent à l'entreprise pendant les week-ends afin de travailler.

Il est donc très difficile d'imaginer un vol sur notre dépôt dans une voiture ciblée alors que le dépôt est surveillé, occupé et constitué, les weekends, de 5 véhicules équipés.

Le véhicule de service de la société mis à votre disposition est dans un état lamentable. Il est le reflet d'une négligence totale. L'habitacle est dans un état épouvantable. En effet, l'air y est irrespirable dû aux cigarettes que vous consommez et à votre volonté personnelle de ne pas l'aérer (températures trop basses).

La carrosserie est couverte d'impacts (le résultat d'accrochages divers '), les rétroviseurs sont délabrés et son état général est désastreux : nous ne savons d'ailleurs pas si elle sera réutilisable.

Ces faits marquent la négligence avec laquelle vous respectez le matériel de la société et constituent un manque de professionnalisme grave.

Ces faits provoquent notamment :

. Une perte financière sèche pour l'entreprise (ce fait engendre des frais de rachat d'outillage important, voire lourd pour une société de notre taille, des frais d'entretien annuels importants pour le véhicule mis à votre disposition),

. Une perte de confiance totale de la part de vos supérieurs.

Cette attitude irrespectueuse envers le personnel responsable, vos collaborateurs et notre clientèle mais aussi la mise en danger de notre petite structure par la forte désorganisation que vous engendrez est pour nous devenue incompréhensible mais surtout humainement et financièrement ingérable.

D'ailleurs, ces faits vous avaient déjà été reprochés lors d'un avertissement émis à votre égard le 30 octobre 2017. [...]»

Par requête reçue au greffe le 11 juillet 2018, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et se voir allouer diverses sommes indemnitaires et salariales.

La SFIEET a, quant à elle, conclu au débouté des demandes de M. [M] et sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit que le licenciement de M. [M] pour faute grave est justifié,

- débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [M] au paiement de 100 euros à la société SFIEET au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [M] aux entiers dépens.

Par déclaration du 4 mars 2020, M. [P] [M] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 7 octobre 2022, M. [P] [M] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- fixer le salaire moyen brut de M. [M] à la somme de 1 804,00 euros (moyenne 12 derniers mois),

A titre principal,

- juger le licenciement de M. [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société SFIEET à payer à M. [M] des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à hauteur de 10 824,00 euros,

- juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,

A titre subsidiaire,

- juger que le licenciement de M. [M] a une cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- condamner la société SFIEET à payer à M. [M] les sommes suivantes :

. indemnité légale de licenciement                                                          1 089,616 euros . indemnité compensatrice de préavis                                                3 608,00 euros

. congés payés afférents                                                                           360,80 euros

. rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire                       1 143,38 euros

. congés payés afférents                                                                              114,33 euros

. dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat                          1 804,00 euros

- débouter la société de sa demande d'article 700 du code de procédure civile et de l'intégralité de ses demandes,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat (attestation pôle emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision et dans la limite de 190 jours,

- condamner la société SFIEET à régler la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, devenu l'article 1343-2,

- condamner la société SFIEET aux dépens d'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 septembre 2022, la société Française d'installation et d'exploitation des équipements thermodynamiques (la SFIEET) demande à la cour de :

- confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'elle a considéré que le licenciement pour faute grave était justifié et qu'elle a débouté M. [M] de l'intégralité de ses demandes,

- infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'elle a débouté la SFIEET de sa demande d'article 700 à hauteur de 2 500 euros.

En conséquence :

A titre principal :

- juger le licenciement de M. [M] fondé sur une faute grave,

- le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à 2 500 euros d'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre subsidiaire :

- juger le licenciement de M. [M] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- le débouter en conséquence de ses demandes,

- le condamner à 2 500 euros d'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me DONTOT, JRF & ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la rupture du contrat de travail

M. [M] conteste l'existence d'une faute grave et soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors qu'aucune preuve de la faute grave n'est rapportée par l'employeur.

L'employeur fait au contraire valoir que les griefs reprochés à M. [M] constituent une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail, y compris durant le préavis, en s'appuyant sur les pièces qu'il verse au débat.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. Il doit justifier le licenciement par des faits précis, objectifs et contrôlables, imputables au salarié.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige et dont les termes sont rappelés ci-dessus, fait état de quatre griefs reprochés à M. [M] qu'il convient d'examiner.

- Sur les retards répétés

L'employeur reproche à M. [M] des retards répétés quotidiens en violation de ses obligations contractuelles et des dispositions collectives applicables au personnel de terrain.

Il fait valoir que, conformément à son engagement contractuel visé à l'article V de son contrat de travail, M. [M] était soumis aux horaires suivants : lundi au jeudi de 8h à 12h et 13h30 à 17h30 et vendredi de 8h à 11h.

M. [M] conteste les horaires de travail invoqués par la société SFIEET, en déclarant qu'aucun horaire de travail n'est mentionné à son contrat de travail.

Or, il ressort de l'article V du contrat de travail de M. [M] (pièce appelant n°1) que ce dernier est soumis aux horaires suivants : « Monsieur [M] [P] exercera ses fonctions du lundi au jeudi de 8h à 12h et de 13h30 à 17h30 et le vendredi de 8h à 11h ». La pièce n°1 de l'appelant confirme ainsi les dires de l'employeur.

Ces horaires sont également ceux adressés à l'inspection du travail comme en attestant le courrier de l'employeur du 23 décembre 2016 (pièce n°44) et ceux affichés dans l'entreprise (pièce n° 6).

En outre, s'agissant du non-respect de ces horaires, l'employeur produit un extrait du tableau de pointage des trois mois précédant le licenciement de M. [M] duquel il ressort que M. [M] arrivait systématiquement en retard le matin entre 25 et 45 minutes (pièce n°1).

L'employeur produit également diverses attestations de salariés (pièces intimée n°7, 28, 41 et 43) confirmant que l'attitude de M. [M] a généré un sentiment d'inégalité au sein des salariés soumis à l'horaire collectif.

M. [K], agent de maintenance déclare ainsi : « j'aimerais bien être comme lui, venir à l'heure que je veux » (pièce intimée n°7). M. [I], technicien d'étude mentionne : « M. [M] était en retard quasiment tous les matins (de 30 minutes à 1 heure) ce qui posait des difficultés dans l'organisation des interventions chez les clients» (pièce intimée n°43).

M. [D] [Z], responsable d'exploitation, atteste également des retards de M. [M] allant de 20 minutes à 1 heure (pièce n°41).

Dans sa lettre de contestation des motifs du licenciement adressée le 7 mai 2018 à l'employeur (pièce appelant n°4), M. [M] affirme que ses retards, qu'il ne conteste pas, résultent du trafic sur l'A86 mais qu'il les rattrape en terminant plus tard. Il indique que depuis trois ans l'employeur n'a 'rien à redire sur ces retards.'

Contrairement à ce qu'affirme le salarié, les retards de M. [M] ont déjà été sanctionnés par le passé par un avertissement notifié le 30 octobre 2017, au terme duquel il est indiqué notamment 'vous vous présentez quotidiennement en retard à votre poste de travail, votre prise de fonction pouvant aller jusqu'à 10 heures du matin. Ces retards ne sont jamais justifiés.' Le courrier rappelle que les horaires sont mentionnés sur son contrat de travail et souligne l'impact sur la clientèle et sur les collègues de travail.

M. [M] ne peut sérieusement contester avoir reçu cet avertissement alors même que la lettre a été remise en mains propres et signée le même jour par le salarié.

A supposer même que M. [M] ait rattrapé ses retards le soir ce qui n'est pas établi avec certitude - M. [Z], dans son attestation, affirmant que du fait du comportement du salarié (retards, pauses au bistrot), il ne pouvait donner à ce dernier autant d'interventions qu'aux autres salariés -, les retards systématiques du salarié le matin ont désorganisé l'entreprise comme le mentionne la lettre de licenciement et ce de façon répétée sur plusieurs mois, M. [M] n'ayant tenu aucun compte de l'avertissement et ayant persisté dans son comportement.

Le grief relatif aux retards systématiques le matin est donc établi.

- Sur l'utilisation du véhicule de service à des fins personnelles

L'employeur reproche à M. [M] de s'être rendu, le lundi 26 mars 2018 à 19h22 chez un tiers domicilié au [Adresse 1], en vêtements de la société, équipé de la caisse à outils appartenant à celle-ci et cela alors que l'usage du véhicule de service est contractuellement réservé à des fins exclusivement professionnelles et que la réalisation d'un travail pour le compte d'un particulier ou d'une autre entreprise est contractuellement prohibé (pièce n°1 appelant).

Les faits sont établis par M. [D] [Z], salarié de la SFIEET, selon une attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, de sorte que contrairement à ce qu'affirme M. [M], l'employeur ne se constitue pas des preuves à soi-même (pièce n°41).

M. [Z] explique de façon détaillée avoir vu, [Adresse 8] le 26 mars 2018, M. [M] en train de dormir dans le véhicule de la société, une première fois à 18 heures, puis plus tard vers 19 heures 15, dans la même rue, alors que M. [M] sortait de son véhicule, entrer dans un immeuble situé au [Adresse 1]. Il atteste également avoir interrogé le salarié le lendemain lequel lui a répondu qu'il faisait un petit travail pour un ami.

M. [M] conteste avoir utilisé son véhicule professionnel à des fins personnelles. Il indique qu'étant mobile par ses fonctions, il s'était, le 26 mars 2018, rendu pour le compte de la société auprès de clients.

Or, à la lecture des pièces produites par la SFIEET (pièce intimée n°42), il est suffisamment établi qu'aucun client n'était domicilié à cette adresse. Mme [G], comptable au sein de la SFIEET indique ainsi : « la société SFIEET n'a pas de client dont l'adresse est le [Adresse 1] ».

Enfin, M. [M] confirme aux termes de ses conclusions (p.9) « que s'il avait été aperçu le 26 mars 2019 [sic] au [Adresse 1] c'est pour avoir rendu un service à un ami qui lui avait demandé de passer chez lui ».

M. [M] admet ainsi s'être rendu chez un ami pour lui rendre un service. M. [M] a donc fait un usage détourné à tout le moins du véhicule voire du matériel de la société SFIEET à des fins personnelles et ce, en violation de ses obligations contractuelles.

Le grief est donc établi.

- Sur la déclaration de faux horaires

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l'employeur fait grief à M. [M] de déclarer de faux horaires de travail et évoque un incident en date du 29 mars 2018.

Il indique ainsi que M. [M] a déclaré, sur sa feuille de journée (pièce intimée n°9), être arrivé sur le lieu de sa dernière intervention, située au [Adresse 4], à 17h40, alors que M. [Z] l'aurait personnellement aperçu à cette heure, [Adresse 9], assis dans son véhicule à 17 h41 'en train de gratter un jeu' (pièce intimée n°8).

Selon le plan versé aux débats par l'intimée (pièce n°27), les deux endroits situés dans deux communes différentes certes limitrophes, sont éloignés l'un de l'autre, la photographie Google map, au verso de la pièce, de la [Adresse 4] montrant un quartier résidentiel sans commerce.

Il est ainsi démontré que M. [M] a établi un horaire inexact sur sa feuille de journée et par conséquent sur son temps d'intervention.

Le grief est donc établi.

- Sur le non-respect du matériel et la perte de l'outillage

La SFIEET fait enfin grief à M. [M] d'avoir endommagé son véhicule de service et d'avoir perdu le matériel d'outillage mis à sa disposition.

L'employeur indique que le 30 mars 2018, M. [M] a laissé le véhicule au dépôt de la société et que le mardi 3 avril 2018, au matin, ce dernier a déclaré avoir été victime du vol de la caisse à outils de la société restée dans le véhicule de service stationné au dépôt.

La SFIEET indique cependant qu'aucun vol n'a été constaté, et précise que le dépôt est surveillé, y compris les week-ends.

M. [M] déclare quant à lui avoir été victime du vol de la caisse à outils de la société alors qu'il remettait un dégraissant à un collègue (pièce appelant n°13). Il sera relevé que M. [M] déclare ' aux termes de ses conclusions ' avoir été victime du vol de sa propre caisse à outils, le 4 avril 2018, lorsqu'il se rendait chez un client. Selon lui, le vol de sa propre caisse à outils démontre qu'il ne pouvait être l'auteur du vol de la caisse à outils de la société. Cependant, aucun élément ne permet de corroborer les déclarations de M. [M].

En tout état de cause, si les explications du salarié sont quelque peu confuses, il n'en demeure pas moins qu'aucune des pièces produites par la SFIEET ne permet d'imputer à M. [M] la responsabilité de la perte du matériel d'outillage.

Le grief ne sera donc pas retenu.

En outre, l'employeur fait grief à M. [M] d'avoir endommagé son véhicule de service et produit plusieurs photographies du véhicule de service de M. [M] remis lors de sa mise à pied conservatoire desquelles il ressort que l'habitacle présentait des résidus de cigarette, les rétroviseurs ainsi qu'une portière étaient cassés et la carrosserie était recouverte d'impacts (pièce intimée n°16).

M. [U] [S], salarié de l'entreprise, atteste également de l'état déplorable du véhicule au 14 mai 2018 (pièce intimée n°35).

Il n'est pas justifié par M. [M] que notamment les impacts sur la carrosserie et autres dégats (rétroviseurs, portière) ont été déclarés, le contrat de travail (VII-'utilisation d'un véhicule de service') lui faisant obligation en cas d'accident d'en informer l'employeur et la compagnie d'assurances dans les meilleurs délais.

M. [M] a ainsi fait preuve de négligence dans l'entretien du véhicule de service mis à sa disposition par l'employeur.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que les faits reprochés au salarié sont constitutifs d'une faute grave justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de M. [M] pour faute grave justifié et débouté ce dernier de ses demandes.

2. Sur les dépens et les frais irrépétibles

La décision de première instance sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [M] sera condamné à payer à la SFIEET la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.

Il sera débouté de sa demande à ce titre et condamné aux dépens d'appel dont distraction au profit du conseil de l'intimée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toute ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 29 janvier 2020,

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [M] à payer à la société Française d'installation et d'exploitation des équipements thermodynamiques (la SFIEET) la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procéudre d'appel,

Déboute M. [P] [M] de sa demande à ce titre,

Condamne M. [P] [M] aux dépens d'appel et autorise Me Dontot, JRF & associés à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens d'appel dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine BOLTEAU-SERRE, président, et par Mme Virginie BARCZUK, greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER placé, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00667
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;20.00667 ?
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