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14/12/2022 | FRANCE | N°21/02505

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 décembre 2022, 21/02505


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 DECEMBRE 2022



N° RG 21/02505



N° Portalis DBV3-V-B7F-UV2T



AFFAIRE :



[W] [V]



C/



S.A.S.U. VERALLIA PACKAGING









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la AARPI LEGOND-POMMEL



Me Caroline ARNAUD







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'ap...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2022

N° RG 21/02505

N° Portalis DBV3-V-B7F-UV2T

AFFAIRE :

[W] [V]

C/

S.A.S.U. VERALLIA PACKAGING

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 19/01375

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI LEGOND-POMMEL

Me Caroline ARNAUD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [W] [V]

née le 08 Mars 1973 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Christine POMMEL de l'AARPI LEGOND-POMMEL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 29

APPELANTE

****************

S.A.S.U. VERALLIA PACKAGING

N° SIRET : 811 530 302

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Caroline ARNAUD, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0295

Représentant : Me Stéphanie DUBOS de la SELARL CABINET RATHEAUX SELARL, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 666

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [W] [V] a été engagée par la société Compagnie de [Localité 6] suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 octobre 2001 en qualité de contrôleur financier.

Le 1er décembre 2010, la salariée a été mutée suivant une convention de mutation concertée au sein de la société [Localité 6] Emballage au poste de contrôleur financier et communication financière du Pôle, coefficient 550, avec un statut de cadre.

Par avenant du 13 mai 2011, Mme [V] a été nommée directrice de la communication de Verallia, filiale de [Localité 6] Emballage, en plus de sa fonction.

Le 1er septembre 2016, le contrat de travail de Mme [V] a été transféré au sein de la société Verallia Packaging, société reprenant les activités de direction générale et fonctionnelles pour le compte des différentes sociétés du groupe Verallia, dans les conditions prévues par l'article L.1224-1 du code du travail.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des industries de fabrication mécanique du verre.

En dernier lieu, Mme [V] exerçait les fonctions de directrice de la communication financière et du contrôle financier et était soumise à un forfait annuel de 213 jours travaillés.

Par lettre du 19 octobre 2018, Mme [V] a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de manquements qu'elle a imputés à celui-ci.

Le 23 mai 2019, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul et d'obtenir la condamnation de la société Verallia Packaging au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement nul, ainsi que de diverses indemnités et sommes liées à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 12 mai 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, débouté la société Verallia Packaging de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné Mme [V] aux éventuels dépens.

Le 30 juillet 2021, Mme [V] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 février 2022, Mme [V] demande à la cour de:

- infirmer la décision déférée et statuant à nouveau, constater qu'elle a été victime de harcèlement moral, juger que la prise d'acte était justifiée et qu'elle produit les effets d'un licenciement nul, en conséquence, condamner la société Verallia Packaging à lui payer les sommes suivantes :

* 103 943,73 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 40 149,99 euros à titre d'indemnité de préavis (3 mois),

* 4 014,99 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 240 899,94 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul (soit 18 mois),

* 80 299,98 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral (article 1151-1),

* 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* les entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 25 janvier 2022, la société Verallia Packaging demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoutant, la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens y compris d'appel,

- à titre subsidiaire, réduire la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul formulée par Mme [V], à un montant ne dépassant pas la somme de 80 299,98 euros bruts et débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 8 novembre 2022.

MOTIVATION

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, la salariée invoque dans le contexte de l'arrivée d'un nouveau directeur financier en février 2018:

- une surcharge de travail, de façon chronique, sans respect des temps de repos,

- un dénigrement et une mise à l'écart de ses fonctions essentielles,

- l'accusation non fondée d'avoir diffusé une information confidentielle.

S'agissant de la charge de travail, la salariée était soumise à un forfait annuel de 213 jours de travail, elle bénéficiait des dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaires ainsi que de jours fériés, congés et RTT.

Le fait que la salariée ait été destinataire principale ou en copie d'échanges de courriels sans demande de réponse immédiate de sa part en dehors de ses jours de travail ne peut être retenu comme constitutif d'une surcharge de travail.

La salariée produit, toutefois, plusieurs échanges de courriels montrant qu'elle a travaillé à des horaires tardifs, notamment le 14 février 2018 à 23:20 pour l'envoi d'une présentation révisée suite à des échanges avec M. [Y] et le 4 mai 2018 à 20h55 pour l'envoi d'un rapport trimestriel à un partenaire, qu'elle a travaillé les week-ends et jours fériés, notamment le 14 juillet 2017 avec rendez-vous téléphonique, le dimanche 25 février 2018 pour l'envoi d'un document à des investisseurs, les 7 et 8 mai 2018 pour la préparation d'une présentation pendant un pont avec RTT imposé par l'employeur avec un rendez-vous téléphonique avec son supérieur hiérachique M. [M]. Ce dernier travail fait d'ailleurs l'objet d'un message de remerciement de son supérieur hiérachique envoyé à plusieurs personnes dont la salariée le 11 mai 2018 pour le travail 'Et merci à tous pour le job fait particulièrement durant des jours fériés'. Elle justifie également de sollicitations pendant ses congés payés ainsi que de l'envoi d'un courriel en réponse le 11 août 2017 pendant ses congés payés. Elle invoque, enfin, le non-respect par l'employeur de l'article 5 de l'accord relatif au droit à la déconnexion stipulant que 'sauf urgence avérée, les managers ne peuvent pas contacter leurs collaborateurs en dehors de leurs horaires de travail tels que définis au contrat de travail ou par l'horaire collectif applicable'. La salariée fait en outre état d'un solde de congés payés non pris de 52 jours lors du solde de tout compte. La salariée a donc travaillé le soir tard, des jours fériés, un jour RTT, des week-ends et pendant ses congés. Ces faits doivent être tenus pour établis.

S'agissant du dénigrement allégué, les pièces produites par la salariée sont insuffisantes à établir le dénigrement dont elle prétend avoir été victime, la question posée par son supérieur hiérarchique sur le positionnement de la société sur le marché européen entrant dans ses prérogatives, le fait que son supérieur hiérarchique ne prenne pas connaissance des documents adressés n'étant pas établi au seul vu d'observations en retour, les remarques misogynes alléguées n'étant pas étayées par des éléments probants.

La salariée fait état d'une mise à l'écart depuis l'arrivée d'un nouveau directeur général M. [Y] en septembre 2017 et d'un nouveau supérieur hiérachique M. [M] au profit du directeur de la trésorerie M. [X], manifestée par une présentation aux agences effectuée par ce dernier au vu de son compte-rendu de réunion du 11 mai 2018 ainsi que de la communication financière relative au projet de refinancement, la préparation du communiqué de presse étant demandée à M. [X] par courriel du 1er juin 2018, ce dernier ayant sollicité l'aide d'une autre salariée Mme [S]. Cette dernière a d'ailleurs pris attache téléphonique avec la salariée et l'a informée de ce projet de communiqué de presse, la mettant en copie des échanges tenus. La matérialité de la mise à l'écart est établie.

La salariée produit également un courriel en date du 7 juin 2018 dans lequel M. [M] lui reproche d'être à l'origine de la diffusion d'une information confidentielle concernant le départ d'un dirigeant, ce qu'elle conteste et ce qui n'est pas démontré par l'employeur, en l'absence d'éléments probants. L'accusation d'avoir diffusé une information confidentielle n'est donc pas fondée et la matérialité de ce fait doit donc être retenue.

S'agissant de la dégradation de son état de santé, la salariée verse aux débats deux attestations de proche concordantes sur l'impact de la dégradation des conditions de travail sur sa santé:

- M. [A] [D], son compagnon, en date du 9 avril 2019 : 'En tant que compagnon de [W] j'étais aux premières pour constater la progressive dégradation de ses conditions de travail, la pression psychologique progressive exercée par sa hiérarchie et en particulier son manager direct, les dénigrements, les attaques personnelles dont elle se plaignait et par voie de fait, son épuisement, sa perte de sommeil, sa perte de confiance et la progressive dégradation de son état de santé [...]',

- Mme [J] [E], directrice financière dans une autre société, en date du 15 avril 2019 '[...]J'ai vu [W] s'impliquer énormément dans son travail et notamment travailler des week-end ou des jours fériés. Ce n'est pas [W] qui s'est mise seule la pression d'un travail fait et bien fait mais réellement ses supérieurs et le fait d'être en équipe réduite. J'ai été choquée de la non-réactivité du service ressources humaines de son entreprise. Elle avait un solde de congés non apuré et reporté démesuré. A mon sens, le service ressources humaines aurait dû réagir en imposant à ses supérieurs une diminution des jours en report. [...] Elle était régulièrement contactée par mail ou téléphone à des heures qui ne sont pas des horaires normaux (après 20h30 ou le week-end) Son contexte de travail n'était vraiment pas sain (pression, gros horaires, absence de congés, des départs d'autres collègues...) et je pense que c'est cela qui a provoqué chez elle un mal être'.

La salariée produit, enfin, un certificat médical du 5 juin 2018 du docteur [O], médecin du travail, dans le cadre d'une visite initiale d'information de prévention, certifiant avoir constaté que la salariée 'dit être en souffrance au travail, craint d'être licenciée. Elle ne dort plus la nuit, a des pensées incessantes, pleure'. Ce dernier a préconisé un arrêt de travail immédiat et une prise en charge afin d'éviter un 'burnout'. Elle verse aux débats, en complément, un certificat du docteur [C], psychiatre, certifiant une prise en charge régulière à compter du 14 juin 2018 et la lettre du 15 juin 2018 à son confrère dans laquelle il indique avoir constaté 'un épuisement psychique en cours depuis plusieurs mois voire années, renforcé récemment depuis un changement dans l'encadrement de l'entreprise où elle travaille. Les symptômes sont très marqués et elle décrit un climat professionnel délétère, dont il me semble qu'il ne peut actuellement pas favoriser son rétablissement'.

Au vu de ces éléments, les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble y compris la dégradation de l'état de santé de la salariée, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral subi par la salariée.

La société intimée conteste toute surcharge de travail se borne à contester les faits sans produire d'éléments objectifs permettant d'établir la charge de travail effective de la salariée.

Concernant la mise à l'écart invoquée, l'employeur fait valoir d'une part, qu'il n'est pas choquant qu'un projet de communiqué de presse soit confié à la directrice de la communication du groupe et que d'autre part, cette dernière a sollicité la salariée pour qu'elle intervienne sur l'aspect financier du communiqué et soit mise en destinataire des échanges relatifs à ce communiqué, cette dernière ayant participé à une réunion et ayant tenu le premier rôle dans la rédaction du projet de communiqué. Cependant, cette version est contredite par le fait que le projet de communiqué a été demandé initialement au directeur de la trésorerie qui a sollicité l'aide de la directrice de la communication du groupe, qui n'était pas spécialisée en matière financière, comme elle l'a elle-même écrit, la salariée n'ayant été associée au projet de communiqué que tardivement et suite à l'intervention de la directrice de la communication du groupe et ayant joué un rôle de second plan dans la préparation de ce communiqué alors qu'il relevait de ses attributions. L'employeur ne produit pas d'éléments sur le fait que le directeur de la trésorerie ait eu des réunions avec les agences de notation alors que cela relevait également des attributions de la salariée.

S'agissant de la diffusion d'une information confidentielle, l'employeur fait valoir à tort que la salariée n'a jamais contesté cette diffusion, la salariée ayant déposé une main courante le 7 juin 2018, date du courriel de reproche de l'employeur. L'employeur ne produit pas de justificatif objectif à ce fait.

Ainsi, l'employeur ne prouve pas que ses agissements et ses décisions sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Dès lors, il est établi que la salariée a subi des faits de harcèlement moral, dans le contexte de l'arrivée d'un nouveau supérieur hiérarchique.

En conséquence, il convient d'infirmer la décision entreprise et de condamner la société Verallia Packaging à payer à Mme [V] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi résultant du harcèlement moral.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission et la charge de la preuve des faits pèse sur le salarié.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 [...].

En l'espèce, la salariée invoque comme manquements de son employeur, des faits de harcèlement moral, outre une alerte le 24 juillet 2018 à laquelle l'employeur n'a pas réagi.

En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent que la salariée a été soumise à des faits de harcèlement moral entre juillet 2017 et mai 2018, dans le contexte de l'arrivée d'un nouveau supérieur hiérachique, que les faits de mise à l'écart se sont accrus en mai 2018 peu avant les arrêts de travail pour maladie de la salariée à compter du 8 juin 2018 et le début d'une prise en charge auprès d'un médecin spécialiste à compter du 14 juin 2018.

La salariée a adressé, en outre, une lettre à son employeur le 24 juillet 2018 dénonçant les faits constitutifs d'un harcèlement moral et ayant des conséquences sur son état de santé. L'employeur n'allègue, ni ne justifie avoir pris de décision consécutivement à cette lettre afin de faire cesser les faits dénoncés.

Il se déduit de ces éléments que la salariée a subi, dans le contexte de l'arrivée d'un nouveau supérieur hiérarchique, des faits de harcèlement moral suffisamment graves et exacerbés à partir de mai 2018, pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Ainsi, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée est imputable aux manquements de l'employeur caractérisés par des faits de harcèlement moral et l'absence de réaction à l'alerte de la salariée. Elle est donc justifiée et produit les effets d'un licenciement nul puisque entâché par une cause de nullité en raison des faits de harcèlement moral.

La salariée, qui ne demande pas sa réintégration, a droit à une indemnité pour licenciement nul qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois

La société Verallia Packaging sera condamnée à payer à la salariée, ayant une ancienneté de plus de dix-sept ans et étant âgée de 45 ans à la date de la rupture du contrat de travail, une somme de 150 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul en réparation du préjudice né de la perte de son emploi par la salariée après avoir subi et dénoncé des faits de harcèlement moral.

Il sera alloué à la salariée une indemnité compensatrice de préavis de trois mois d'un montant de 40 149,99 euros, outre les congés payés afférents à hauteur de 4 014,99 euros et une indemnité conventionnelle de licenciement de 103 943,73 euros, montants non contestés par la société intimée.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Verallia Packaging aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Verallia Packaging succombant à la présente instance, supportera les dépens de première instance et d'appel. Elle devra également régler à Mme [V] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Dit que Mme [W] [V] a subi des faits de harcèlement moral,

Dit que la prise d'acte du 19 octobre 2018 de la rupture du contrat de travail de Mme [W] [V] est justifiée et produit les effets d'un licenciement nul,

Condamne la société Verallia Packaging à payer à Mme [W] [V] les sommes suivantes:

10 000 euros en réparation du préjudice résultant des faits de harcèlement moral,

150 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la société Verallia Packaging à payer à Mme [W] [V] les sommes suivantes:

40 149,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

4 014,99 euros au titre des congés payés afférents,

103 943,73 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes,

Et y ajoutant :

Ordonne le remboursement par la société Verallia Packaging à l'organisme Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées à Mme [W] [V] dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Verallia Packaging aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Verallia Packaging à payer à Mme [W] [V] une somme de

4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02505
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;21.02505 ?
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