La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2022 | FRANCE | N°21/02495

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 décembre 2022, 21/02495


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 DECEMBRE 2022



N° RG 21/02495



N° Portalis DBV3-V-B7F-UVYR



AFFAIRE :



[Z] [P] épouse [X]



C/



S.A. ACCOR





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG

: F20/00574



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL GHL Associés



Me Cécile FOURCADE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2022

N° RG 21/02495

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVYR

AFFAIRE :

[Z] [P] épouse [X]

C/

S.A. ACCOR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F20/00574

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL GHL Associés

Me Cécile FOURCADE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Z] [P] épouse [X]

née le 18 Octobre 1973 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Benoît GUILLON de la SELARL GHL Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0220 substitué par Me Anne-Sophie HETET, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A. ACCOR

N° SIRET : 602 03 6 4 44

[Adresse 2]

[Localité 4] / FRANCE

Représentant : Me Cécile FOURCADE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1815 substitué par Me Abdelhakim EL AFTI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Z] [P] épouse [X] a été engagée par la société Accor Novotel Paris Porte de Bagnolet suivant un contrat d'apprentissage à compter du 12 février 1996. A compter du 9 mars 1998, les relations de travail se sont poursuivies dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté au 12 février 1996, la salariée occupant les fonctions d'assistante Yield Manager. A compter du 1er janvier 1999, le contrat de travail de la salariée a été transféré à la SNC Ile de France. A compter du 18 mars 2002, la salariée a été mutée au sein de la société SIET. Le 1er juin 2006, son contrat de travail a été transféré vers la société Accor SA dans le cadre d'un accord tripartite de tranfert.

Elle a obtenu le statut de cadre dirigeant au sein d'Accor SA à compter du 1er février 2012.

En dernier lieu, la salariée occupait les fonctions de directrice des centres contacts clients, avec le statut de cadre dirigeant.

Par lettre du 29 juillet 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, tenu le 2 septembre 2019.

Par lettre du 9 septembre 2019, l'employeur a licencié la salariée pour faute grave.

Le 24 avril 2020, Mme [P]-[X] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir la condamnation de la société Accor au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que diverses indemnités et sommes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 27 mai 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- dit que le licenciement pour faute grave doit été requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire moyen de Mme [P]-[X] à la somme de 10 769,79 euros,

- condamné la société Accor à verser à Mme [P]-[X] les sommes suivantes :

* 32 309,37 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 3 230,93 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 75 388,52 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- dit que ces sommes ayant le caractère de salaire porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de la défenderesse devant le bureau de conciliation et d'orientation conformément aux dispositions de l'article L. 1231-6 du code du travail, les autres sommes portant intérêts à compter de la date de notification du jugement,

- condamné la société Accor à verser à Mme [P]-[X] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement au-delà des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,

- débouté Mme [P]-[X] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Accor de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Accor aux dépens.

Le 30 juillet 2021, Mme [P]-[X] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 octobre 2022, Mme [P]-[X] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que son licenciement avait une cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la société Accor à lui régler les sommes suivantes :

* 215 395,80 euros (20 mois) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- à titre subsidiaire :

* 188 471,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 17,5 mois de salaire (17,5 mois),

* 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution et la rupture du contrat de travail,

* 23 709,60 euros au titre des pertes du bénéfice de 740 actions de performance attribuées en 2017 et 2018,

- confirmer le jugement pour le surplus, avec intérêts au taux légal depuis la convocation devant le bureau de conciliation et capitalisation des intérêts et condamner la société Accor au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 18 janvier 2022, la société Accor demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [P]-[X] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouté Mme [P]-[X] de sa demande de dommages et intérêts pour mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution et la rupture du contrat de travail, débouté Mme [P]-[X] de sa demande au titre de la perte du bénéfice de 740 actions de performance,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Accor au paiement des sommes de :

* 32 309,37 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 3 230,93 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 75 388,52 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Accor de condamnation de Mme [P]-[X] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en conséquence, débouter Mme [P]-[X] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande d'indemnité de préavis et congés payés afférents, de sa demande d'indemnité légale de licenciement, de sa demande au titre de la perte du bénéfice de 740 actions de performance, de sa demande de dommages et intérêts pour mauvaise de l'employeur dans l'exécution et la rupture du contrat de travail, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre reconventionnel, condamner Mme [P]-[X] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel, et aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 8 novembre 2022.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

« Madame,

Par lettre datée du 29 juillet dernier, vous avez été convoquée à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.

Vous vous êtes présentée à cet entretien, le 2 septembre 2019 à 14h00 et au cours duquel nous vous avons exposé les faits qui vous sont reprochés et recueilli vos explications.

Nous avons décidé de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave, pour les faits ci-après exposés :

Vous occupiez en dernier lieu les fonctions de « Directrice Centres Contact Clients » au sein de la société ACCOR SA.

Le 25 juillet 2019, lors du Comité de Direction, votre manager Monsieur [R] [B] vous a souhaité une bonne reprise et a félicité le travail de votre équipe durant votre absence sur les différents sujets stratégiques.

Vous vous êtes alors exprimée de façon très virulente et agressive en indiquant que vous n'étiez pas d'accord avec les choix qui ont été faits et que vous ne les souteniez pas.

Monsieur [R] [B] a alors répondu qu'il était préférable d'en parler en dehors de la réunion et que vous pourriez après votre retour de congés le 26 août prendre connaissance de tous les faits.

Tout au long de ce comité de Direction vous avez été agressive et virulente en remettant tout en cause. Les autres membres de ce Comité de Direction ont été choqués de votre comportement.

Non seulement ce comportement discréditait votre manager et le travail de votre équipe devant les autres membres du Comité de Direction, mais la virulence de vos propos est totalement inacceptable.

Ces faits ne sont pas isolés et vous avez souvent fait l'objet de recadrages et de rappels à l'ordre, cependant vous persistez dans ce comportement agressif.

Cela était ressorti de votre entretien d'évaluation : « [Z] adopte parfois une approche interpersonnelle agressive avec une posture managériale qui ne permet pas de pleinement être en support des objectifs et/ou actions groupe ; Elle bénéficierait beaucoup d'un coaching pour améliorer sa communication, sa posture managériale et la gestion de conflit ».

Vous avez refusé ce coaching qui vous était proposé.

A plusieurs reprises, des membres de votre équipe se sont plaints de vos propos blessants effectués devant tout le monde dans l'openspace. Vous n'acceptez pas qu'on ne soit pas d'accord avec vous, vous voulez toujours avoir raison, vous ne vous remettez jamais en question, vous voulez toujours tout contrôler.

Ils se plaignent de pressions et d'intimidations qu'ils subissent de votre part.

En décembre 2017, au cours d'une réunion avec un prestataire en présence d'un membre du COMEX, vous aviez eu un comportement inacceptable, vous vous êtes emportée, vous avez été agressive et virulente.

Le membre du COMEX vous en a fait le reproche, quelles que soient les raisons de fond, vous devez en toute circonstance rester professionnelle et garder votre sang froid.

Pour rectifier ce comportement, nous vous avons proposé un coaching que vous avez refusé.

Lors de l'annonce début janvier 2019, par [F] [S], SVP Guest Services de votre nouveau rattachement auprès de Monsieur [R] [B] en qualité de SVP Guest Expérience et Engagement, vous avez réagi de façon très virulente et vous avez fait part à différentes personnes de votre total désaccord et votre souhait de quitter l'entreprise.

Vous persistez à avoir ce comportement et cette communication agressive et virulente, ce qui est préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise et créer une pression vis-à-vis de votre équipe.

Ces faits sont totalement inacceptables, que vous aviez eu de nombreux recadrages et alertes avec votre hiérarchie et les ressources humaines pour stopper ce comportement.

D'autre part, comme vous n'étiez pas d'accord avec la nouvelle organisation et votre nouveau rattachement à Monsieur [R] [B], vous avez tout fait pour l'empêcher de fonctionner, par la rétention et le blocage des informations.

En effet, lors de l'arrivée fin janvier de Monsieur [R] [B], vous n'avez pas répondu aux demandes d'information sur les principaux sujets du Centre de Contact Client.

Vous avez simplement délégué à deux membres de votre équipe le soin de communiquer certaines informations d'un certain niveau.

Vous avez à la fois bloqué les informations et vous n'avez pas permis à votre équipe de les communiquer.

Cette rétention volontaire et ce blocage des informations n'ont pas permis à Monsieur [R] [B] de comprendre la situation du Centre de Contact Clients, afin de répondre aux différentes sollicitations de sa hiérarchie et pour prendre les décisions stratégiques.

Durant le mois de février 2019, Monsieur [R] [B] vous a demandé de lui fournir des informations sur les projets clés.

Vous avez interdit à votre équipe de fournir directement des informations à Monsieur [R] [B] sans votre intervention et vous avez empêché l'équipe de partager les informations clés.

Aux différentes sollicitations de Monsieur [R] [B] pour obtenir des informations, vous avez répondu que cela était géré directement et vous avez souvent reproché à Monsieur [R] [B] de solliciter directement votre équipe.

Toutes ses demandes d'informations ont été rejetées en indiquant que Monsieur [R] [B] faisait de l'ingérence dans le fonctionnement du service.

D'autre part, Madame [H] [K], Directrice des Centres d'Appels situés à Moncton et qui vous est rattachée s'est plainte qu'elle se sentait écartée et marginalisée dans votre organisation. Elle se plaint que vous ignorez ses commentaires et que vous n'écoutiez pas, ses suggestions ou idées. Cette situation a été évoquée à Monsieur [R] [B] par un membre du Comex en charge des marques de Luxe.

La persistance de votre comportement agressif, la pression sur vos équipes et le blocage de l'organisation a créé de graves dysfonctionnements préjudiciables au bon fonctionnement de la société et rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail.

Par ailleurs, un tel comportement a eu pour effet de créer une mésentente entre vous et votre Hiérarchie, ne permettant plus de travailler dans de bonnes conditions.

Votre attitude rend impossible la poursuite de nos relations contractuelles.

Nous considérons que votre comportement s'analyse en une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, au sein de la Société. [...] »

L'appelante fait valoir qu'une nouvelle organisation avec un nouveau responsable ont été instaurés, créant ainsi un échelon hiérarchique intermédiaire et lui faisant perdre les projets stratégiques, alors même qu'elle devait subir une intervention chirurgicale. Elle souligne que ses objectifs pour l'année 2019 n'ont pas été fixés et que son employeur a refusé toute négociation de départ acceptable, qu'elle a subi une mise à l'écart du comité de direction. Elle conteste l'intégralité des griefs de la lettre de licenciement, ceux-ci n'étant pas étayés de façon probante et certains faits étant prescrits. Elle produit de nouvelles attestations en appel de personnes ayant travaillé avec elle et témoignant de ses qualités et compétences professionnelles.

L'intimée indique que la salariée a manqué à ses obligations professionnelles alors qu'elle a été alertée à plusieurs reprises sur son attitude inappropriée par le passé, notamment lors d'un avertissement, puis lors des entretiens annuels d'évaluation. L'intimée fait valoir qu'à l'annonce de l'arrivée d'un nouveau supérieur hiérarchique, la salariée a adopté un comportement de défiance, tenant des propos agressifs. L'intimée soutient que les griefs de la lettre de licenciement sont établis et que par conséquent, son licenciement est justifié.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

La lettre de licenciement énonce en substance les quatre griefs suivants à l'encontre de la salariée: le 25 juillet 2019 une prise de parole agressive et virulente en comité de direction, des pressions et intimidation subies par des membres de son équipe, de la rétention d'information vis-à-vis de M. [B], la mise à l'écart de Mme [K] salariée de son équipe.

Sur la prescription

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales; lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites.

L'employeur invoque, au titre du deuxième grief, un fait lors d'une réunion en décembre 2017, outre la réaction de la salariée lors de l'annonce de la nouvelle organisation début janvier 2019. Or, ces faits, connus de l'employeur plus de deux mois avant la convocation à entretien préalable, doivent être considérés comme prescrits et doivent être écartés.

Sur le fond

Il y a lieu de constater que les quatre attestations versées par l'employeur sont toutes dactylographiées et ne sont pas manuscrites de la main de leur auteur. Elles sont cependant soumises aux observations des parties dans le cadre du débat contradictoire et en l'absence de doute quant à leur auteur, il n'y a pas lieu de les écarter, la cour en appréciant la valeur probante.

S'agissant du comportement de la salariée lors du comité de direction du 25 juillet 2019, l'employeur verse aux débats l'unique attestation de M. [B] du 24 février 2021 déplorant qu'à l'occasion du tour de table et alors qu'il remerciait l'équipe pour son travail accompli en l'absence de la salariée, cette dernière a déclaré être en désaccord avec les choix faits et qu'elle ne les soutenait pas. Cette seule attestation, qui ne comporte aucune mention quant à l'agressivité et à la virulence invoquée à l'encontre de la salariée, n'est corroborée par aucun autre témoignage de tiers au conflit entre la salariée et M. [B], aucun autre membre du comité de direction n'ayant attesté. Elle est insuffisante à établir le grief relatif à un comportement virulent et agressif de la salariée à l'occasion de ce comité de direction. Ce grief n'est donc pas établi.

S'agissant des pressions et intimidations subies par les membres de l'équipe de la salariée, l'employeur invoque outre les faits prescrits, un comportement et une communication agressive et virulente de la salariée créant une pression vis-à-vis de son équipe. Ces faits, non datés et imprécis, invoqués en des termes généraux, ne peuvent caractériser un grief de licenciement.

S'agissant de la rétention d'information à l'égard de M. [B], dans le cadre de la nouvelle organisation et du rattachement à ce dernier, l'employeur invoque l'absence de communication de la salariée lors de l'arrivée de M. [B] en janvier 2019, puis de façon générale, et au mois de février, le fait qu'elle a bloqué des informations sur les projets clés pour que M. [B] n'en soit pas destinataire et qu'elle n'a pas permis à son équipe de les communiquer. Cependant, l'employeur ne produit aucun élément objectif à l'appui de ces affirmations, la salariée indiquant avoir été disponible pour répondre aux questions posées, le grief ne peut donc être retenu en l'absence d'éléments probants.

S'agissant de la mise à l'écart de Mme [K], directrice des centres d'appels situés à Moncton, l'employeur fait valoir que cette dernière s'est plainte qu'elle se sentait écartée et marginalisée par la salariée, mais il ne verse aux débats aucun élément objectif étayant cette plainte et les faits invoqués. Ce grief n'est donc pas avéré.

Ainsi, les motifs de la lettre de licenciement n'étant pas établis, le licenciement de la salariée n'est fondé ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse. Il est, par conséquent, dénué de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée sollicite une somme correspondant à 20 mois de salaire, le barème étant écarté sur le fondement des articles 24 de la Charte sociale européenne, des articles 8 et 10 de la convention n°158 de l'organisation internationale du travail et de l'article 55 de la constitution, subsidiairement, une somme correspondant à 17,5 mois de salaire.

L'employeur demande l'application du plafonnement prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail.

Il n'y a pas lieu d'écarter les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017'1387 du 22 septembre 2017, puisqu'elles ne sont pas contraires aux stipulations de l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 et que les stipulations de l'article 24 de la Charte sociale européenne n'ont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la salariée qui compte une ancienneté de plus de vingt-trois ans et qui est âgée de 45 ans lors de la rupture du contrat de travail a droit à des dommages et intérêts compris entre trois et dix-sept mois de salaire brut, qu'il convient de fixer à la somme de 150 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité de préavis

La salariée a droit à trois mois de préavis correspondant aux salaires et avantages que la salariée aurait perçus si elle avait continué de travailler. Il sera fait droit à la demande à hauteur de 32309,37 euros, outre 3230,93 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Il y a lieu de confirmer l'indemnité légale de licenciement allouée par le conseil de prud'hommes à hauteur de 75 388,52 euros, calculée sur le salaire moyen sur les douze derniers mois, ce montant n'étant pas contesté par l'employeur. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre des actions de performance

La salariée sollicite le versement à titre de dommages et intérêts de la valeur de 740 actions de performances remises en 2017 et en 2018.

L'employeur fait valoir que la demande n'est pas justifiée, outre le fait que la salariée ne remplit pas la condition de présence prévue en clause 4 du règlement du plan d'attribution d'actions.

Cette demande s'analyse en une demande d'indemnisation de la perte de chance de bénéficier de la valeur de 740 actions de performance attribuées en 2017 et 2018.

La perte de chance implique la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable.

La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

La salariée produit une impression écran synthétisant des titres Accor et des "Plans salariés" mais ne produit pas d'élément permettant de déterminer la perte de chance de gain relativement à la levée de ces actions.

Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour mauvaise foi

La salariée invoque la mauvaise foi de l'employeur au vu de son ancienneté et de son parcours au sein de l'entreprise jusqu'à un poste de direction. Elle souligne que l'employeur ne lui a fait aucune proposition amiable et n'a jamais reconnu que son poste allait être supprimé, faisant venir un nouveau responsable et vidant progressivement le poste de sa substance en l'écartant. Elle conclut qu'elle subit un préjudice indépendamment même de son licenciement, de la part de son employeur, qui était informé de ses difficultés qui relevaient d'un plan d'action volontaire.

L'employeur conteste tout manquement et fait valoir que la salariée n'a subi aucun préjudice. Il soutient que les trois conditions de la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle ne sont pas démontrées, qu'en outre, la salariée ne donne aucune précision sur le calcul du quantum de sa demande.

En l'espèce, l'employeur disposait, en vertu de son pouvoir de direction, de prérogatives quant à la mise en place d'une nouvelle organisation. Il n'a pas davantage fait preuve de mauvaise foi dans les négociations, n'étant pas obligé à l'égard de la salariée à négocier aussi bien en terme de mobilité interne, qu'en terme de départ de la société dans le cadre du plan de départ volontaire.

Il s'en déduit que la salariée ne démontre pas de manquement contractuel de l'employeur sur le fondement de la mauvaise foi.

Par conséquent, le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Accor SA aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

La société Accor SA succombant à la présente instance, en supportera les dépens. Elle devra, en outre, régler à Mme [P]-[X] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Accor SA à payer à Mme [Z] [P]-[X] les sommes suivantes:

32 309,37 euros au titre de l'indemnité de préavis,

3 230,93 euros au titre des congés payés afférents,

75 388,52 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- dit que les sommes ayant le caractère de salaire portaient intérêts au taux légal à compter de la date de convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et d'orientation,

- débouté Mme [Z] [P]-[X] de sa demande de dommages et intérêts pour mauvaise foi de l'employeur,

- débouté Mme [Z] [P]-[X] de sa demande en paiement au titre de 740 actions de performance,

- condamné la société Accor SA à payer à Mme [Z] [P]-[X] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

Dit que le licenciement de Mme [Z] [P]-[X] est dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Accor SA à payer à Mme [Z] [P]-[X] la somme de 150 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Et y ajoutant :

Ordonne le remboursement par la société Accor SA à l'organisme Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées à Mme [Z] [P]-[X] dans la limite de six mois d'indemnités,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

Condamne la société Accor SA aux dépens,

Condamne la société Accor SA à payer à Mme [Z] [P]-[X] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02495
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;21.02495 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award