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14/12/2022 | FRANCE | N°21/01192

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 décembre 2022, 21/01192


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 DECEMBRE 2022



N° RG 21/01192



N° Portalis DBV3-V-B7F-UOQZ



AFFAIRE :



[N] [O]



C/



S.A.S. CORA





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 18/00094


r>Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP FEDARC



la ASSOCIATION DM AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rend...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2022

N° RG 21/01192

N° Portalis DBV3-V-B7F-UOQZ

AFFAIRE :

[N] [O]

C/

S.A.S. CORA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 18/00094

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP FEDARC

la ASSOCIATION DM AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [N] [O]

née le 18 Mai 1959 à ALGERIE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Eric AZOULAY de la SCP FEDARC, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 10 substitué par Me Philippe ROLLAND, avocat au barreau du VAL D'OISE

APPELANTE

****************

S.A.S. CORA

N° SIRET : 786 920 306

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Benoit GUERVILLE de l'ASSOCIATION DM AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0171

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Octobre 2022, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

Mme [N] [O] a été embauchée, à compter du 22 septembre 1976, selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de caissière par la société Cora.

Par avenant à effet au 1er janvier 2000, la durée du travail hebdomadaire a été fixée à 35 heures de travail effectif et à 37 heures 30 à titre 'd'horaires de présence' payée et incluant le temps de pause.

À l'issue d'une visite périodique du 25 avril 2016, le médecin du travail a déclaré Mme [O] apte à son poste avec les restrictions suivantes : 'pas de travail sur des horaires d'après-midi ni dans les caisses tous paiements. A préférer les caisses cartes/chèques. À revoir dans trois mois'.

A compter du 9 mai 2016, Mme [O] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Le 5 décembre 2017, Mme [O] a été reconnue en état d'invalidité de catégorie 2 par la CPAM.

Le 13 décembre 2017, Mme [O] a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Dreux pour demander la condamnation de la société CORA à lui payer notamment des rappels de salaire.

À l'issue d'une visite de reprise du 2 janvier 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [O] inapte à son poste en mentionnant que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par lettre du 2 février 2018, la société CORA a notifié à Mme [O] son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Par ordonnance du 8 février 2018, le conseil de prud'hommes statuant en référé a rejeté la requête de Mme [O].

Le 27 août 2018, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Dreux pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société CORA à lui payer notamment un rappel de salaire pour la période de janvier 2014 à décembre 2016, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité compensatrice de préavis.

Par jugement du 16 mars 2021, le conseil de prud'hommes (section commerce) a :

- déclaré prescrite la demande de rappel de salaire formée par Mme [O] ;

- débouté Mme [O] de ses autres demandes ;

- débouté la société CORA de sa demande reconventionnelle ;

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

Le 20 avril 2021, Mme [O] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 28 septembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [O] demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué et statuant à nouveau de :

- déclarer recevable sa demande de rappel de salaire et condamner la société CORA à lui payer une somme de 3 564,71 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2014 à décembre 2016, outre 356,47 euros au titre des congés payés afférents ou subsidiairement, les sommes de 2 439,73 euros à titre de rappel de salaire pour la période de décembre 2014 à décembre 2016 outre 243,97 euros au titre des congés payés afférents ;

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société CORA à lui payer les sommes suivantes :

* 50 134,32 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 2 785,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 278,52 euros au titre des congés payés afférents ;

- dire que les condamnations seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 27 août 2018 ;

- condamner la société CORA à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 30 août 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société CORA demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué sur l'irrecevabilité et le débouté des demandes de Mme [O];

- débouter Mme [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [O] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 18 octobre 2022.

SUR CE :

Sur la recevabilité et le bien-fondé des demandes de rappel de salaire :

Considérant que Mme [O] soutient que la société CORA a modifié unilatéralement son contrat de travail en diminuant la durée du travail définie dans l'avenant du 1er janvier 2000 et en diminuant subséquemment son salaire ; qu'elle demande donc un rappel de salaire et de congés payés afférents, calculé sur la durée du travail contractuelle, à titre principal pour la période de janvier 2014 à décembre 2016, en faisant valoir que ses demandes ne sont pas atteintes par la prescription triennale notamment à raison de sa saisine du conseil de prud'hommes en référé intervenue le 13 décembre 2017 ; qu'elle fait valoir, à titre subsidiaire, que la prescription ne peut être que partielle et qu'elle est recevable et fondée à demander un rappel de salaire pour la période de décembre 2014 à décembre 2016 ;

Que la société CORA conclut à l'irrecevabilité des demandes principales et subsidiaires en invoquant, d'une part, la prescription biennale prévue par les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail et, d'autre part, l'absence de dénonciation du solde de tout compte dans les six mois suivant sa signature ; que la société CORA conclut à titre subsidiaire au débouté des demandes en faisant valoir qu'elle n'a pas modifié la durée contractuelle du travail et que la salariée avait pris d'elle-même l'habitude, depuis de nombreuses années, de travailler légèrement moins que le temps complet contractuellement prévu, ce qui l'a amenée à 'tolérer par souplesse' cette pratique et à l'intégrer par 'lissage' dans les relevés de badges et les bulletins de salaire par la mention d'une durée moindre ; qu'elle ajoute qu'en tout état de cause, le salaire est la contrepartie d'un travail et que Mme [O] ne saurait donc se prévaloir d'un rappel de salaire au titre d'heures de travail qu'elle n'a pas exécutées de son propre chef ;

Considérant, sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de contestation du solde de tout compte, qu'il y a lieu de rappeler qu'en application des dispositions de l'article L. 1224-30 du code du travail, le solde de tout compte n'a d'effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées ; qu'il est constant en l'espèce que les salaires en litige ne figurent pas sur le solde de tout compte ; qu'il y a donc lieu de rejeter cette fin de non-recevoir ;

Que sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail : 'L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat' ; qu'aux termes de l'article 2241 du code civil : 'La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion' ;

Qu'en l'espèce, la saisine du conseil de prud'hommes en référé du 13 décembre 2017 a interrompu le délai de prescription triennale de l'action salariale de Mme [O] ; que seules les demandes de rappel de salaire pour la période antérieure au 13 décembre 2014 sont donc prescrites; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Que, sur le fond, les bulletins de salaire et les relevés d'heures de travail versés aux débats font ressortir, d'une part, que le temps de travail effectif de Mme [O] a été abaissé par l'employeur de 35 heures à 32,61 heures hebdomadaires et que le temps de présence payée incluant les pauses a été abaissé de 37h30 à 34,33 heures et d'autre part que le salaire a été corrélativement diminué ; qu'aucun élément ne démontre un accord exprès de Mme [O] à cette modification du contrat de travail ; qu'elle est donc fondée à réclamer le paiement du salaire calculé sur la durée contractuellement prévue, étant précisé que la société CORA ne démontre pas que la salariée ne se tenait pas à disposition de son propre chef durant l'ensemble de cette durée contractuelle ;

Qu'il résulte de ce qui précède que Mme [O] est fondée à réclamer un rappel de salaire d'un montant de 2 439,73 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant du 13 décembre 2014 à décembre 2016, outre 243,97 euros au titre des congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que Mme [O] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que son inaptitude résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à raison du non-respect des préconisations du médecin du travail contenues dans l'avis du 25 avril 2016, lequel a aggravé son état dépressif ; qu'elle réclame en conséquence l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents ;

Que la société CORA conclut au débouté ;

Considérant qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l'article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs et que ne méconnaît cependant pas son obligation légale l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées que la société CORA ne justifie pas, par la seule production du relevé de 'badgeage' qui ne contient que des éléments sur la durée du travail, avoir respecté les préconisations du médecin du travail du 25 avril 2016 tendant à ne pas faire travailler Mme [O] durant les 'horaires d'après-midi' ni à des 'caisses tout paiement' durant la semaine de travail du 2 au 7 mai 2016, étant précisé que Mme [O] a pris des congés payés durant la semaine du 25 avril au 1er mai 2016 ; que la société CORA ne démontre donc pas un respect de son obligation de sécurité pour cette période du 2 au 7 mai ;

Que toutefois, s'agissant du lien de causalité entre le manquement à l'obligation de sécurité et l'inaptitude, il ressort des débats et des pièces versées que Mme [O] ne produit pas ses avis d'arrêt de travail à compter du 9 mai 2016 ; que l'avis d'inaptitude du médecin du travail en date 2 janvier 2018 ne contient aucun élément sur l'origine de cette inaptitude ; que le certificat du docteur [P], pédo-psychiatre, en date du 18 juillet 2018, que la salariée verse elle-même aux débats (pièce n°21), mentionne seulement que Mme [O] souffre d'une 'dépression évoluant dans la chronicité depuis début 2017 [...] consécutive à l'aggravation de ses autres pathologies médicales (diabète et hypothyroïdie) dès 2016" et que 'toutes ces pathologies ont rendu nécessaire à la reconnaissance d'une inaptitude totale et définitive au poste [...] et l'attribution d'une invalidité deuxième catégorie' ; que ce médecin ne relie donc pas l'état dépressif de l'appelante aux conditions de travail dans l'entreprise mais exclusivement à des pathologies sans aucun lien avec le travail ; qu'en conséquence, Mme [O] ne démontre pas que son inaptitude est consécutive à un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur ;

Que dans ces conditions, il y a lieu de débouter Mme [O] de sa demande tendant à dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ces points ;

Sur les intérêts légaux :

Considérant qu'il y a lieu de rappeler que les sommes allouées ci-dessus à Mme [O], qui ont une nature salariale, portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; que la société CORA, qui succombe partiellement, sera condamnée à payer à Mme [O] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur la prescription des demandes salariales, les rappels de salaires et les congés payés afférents, les intérêts légaux, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare que la demande de rappel de salaire et de congés payés afférents formée par Mme [N] [O] est irrecevable pour la période antérieure au 13 décembre 2014,

Rejette les autres fins de non-recevoir soulevées par la société CORA,

Condamne la société CORA à payer à Mme [N] [O] une somme de 2 439,73 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant du 13 décembre 2014 à décembre 2016, outre 243,97 euros au titre des congés payés afférents,

Rappelle que les sommes allouées ci-dessus à Mme [N] [O] portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société CORA de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes,

Condamne la société CORA à payer à Mme [N] [O] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société CORA aux dépens de première instance et d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01192
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;21.01192 ?
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