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14/12/2022 | FRANCE | N°21/00188

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 décembre 2022, 21/00188


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 DECEMBRE 2022



N° RG 21/00188



N° Portalis DBV3-V-B7F-UIJO



AFFAIRE :



S.A.S.U. NUMBER STEAK HOUSE N5



C/



[D] [U]

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : C
r>N° RG : 19/00729



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Jérôme HASSID



Me Catherine CAHEN-SALVADOR



Me Claude-marc BENOIT





le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE DECEMBRE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2022

N° RG 21/00188

N° Portalis DBV3-V-B7F-UIJO

AFFAIRE :

S.A.S.U. NUMBER STEAK HOUSE N5

C/

[D] [U]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 19/00729

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jérôme HASSID

Me Catherine CAHEN-SALVADOR

Me Claude-marc BENOIT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S.U. NUMBER STEAK HOUSE N5

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Jérôme HASSID, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0048

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [U]

né le 26 Mai 1985 à ABIDJAN CÔTE D'IVOIRE

de nationalité Ivoirienne

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Catherine CAHEN-SALVADOR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 83

AGS CGEA ORLEANS UNEDIC

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Claude-marc BENOIT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1953

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

[D] [U] a été engagé par la société Number Steak House N5, employant habituellement moins de onze salariés, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9 janvier 2016 en qualité de serveur, niveau 1, échelon 1, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.

Par jugement du 22 janvier 2019, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Number Steak House N5 et a désigné la Selarl Mars en la personne de maître [N] [I] en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement du 6 mars 2019, la même juridiction a désigné la Selarl Ajrs en la personne de maître [N] [X] en qualité d'administrateur.

Par lettre datée du 29 juin 2019, remise en mains propres, le salarié a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 juillet 2019 et d'une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre datée du 2 août 2019, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Le 4 décembre 2019, [D] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles afin d'obtenir le paiement de diverses indemnités et rappel de salaire consécutivement au licenciement qu'il estime dénué de cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal de commerce de Versailles a arrêté un plan de redressement de la société Number Steak House N5 et a nommé la Selarl Ajrs en la personne de maître [N] [X] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement mis à disposition le 17 décembre 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

- dit que l'affaire est recevable, que la rupture du contrat de travail est imputable à la société Number Steak House N5 et est dépourvue de cause réelle et sérieuse, qu'en conséquence le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et que des indemnités sont dues,

- fixé la créance de [D] [U] sur l'état du passif de la société Number Steak House N5 aux sommes suivantes :

* 6 060 euros au titre de l'indemnité sans cause réelle et sérieuse,

* 4 040,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 404 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 237 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1 229,39 euros au titre du paiement du salaire de juin 2019,

* 122,94 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 020,03 euros au titre du paiement du salaire durant la mise à pied conservatoire,

* 202 euros au titre des congés payés afférents,

- débouté [D] [U] de sa demande indemnitaire pour remise tardive de documents de fin de contrat,

- ordonné à la société Number Steak House N5 d'établir et de remettre à [D] [U] un bulletin de paie concernant toutes les créances salariales à titre de régularisation avec soumission aux cotisations sociales en vigueur au moment du paiement, un certificat de travail conforme au jugement pour faire valoir le droit aux indemnités de chômage notamment, laquelle comportera comme motif de rupture 'licenciement sans cause réelle et sérieuse' et une attestation Pôle emploi,

- dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes et que les indemnités allouées seront assorties des intérêts à compter du 60ème jour après le prononcé du jugement 'pour les créances',

- ordonné l'exécution provisoire à compter du 30ème jour sur l'ensemble des décisions en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamné la société Number Steak House N5 aux entiers dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédures éventuels d'exécution,

- dit que l'Ags d'[Localité 6] ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à -21 et L. 3253-17 du code du travail et que l'obligation de l'Ags de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- rejeté en tant que de besoin toute autre demande,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- déclaré la décision opposable à l'Unedic, délégation Ags Cgea d'[Localité 6] dans les limites de sa garantie,

- fixé les dépens au passif de la société Number Steak House N5.

Le 14 janvier 2021, la société Number Steak House N5 a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 12 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Number Steak House N5 demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, le réformant, de juger que le licenciement est fondé sur une faute grave, en conséquence, de débouter [D] [U] de l'intégralité de ses demandes et de condamner celui-ci au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 7 mai 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, [D] [U] demande à la cour de 'confirmer le jugement entrepris en tous points', de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, de fixer au passif de la société Number Steak House N5 les sommes suivantes:

* 1 229,39 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 10 juin 2019 puis du 22 au 29 juin 2019 outre la somme de 122,94 euros à titre de congés payés afférents,

* 2 020,03 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied du 1er au 31 juillet 2019 outre la somme de 202 euros à titre de congés payés afférents,

* 4 040,06 euros à titre d'indemnité de préavis outre la somme de 404 euros à titre de congés payés afférents,

* 1 767,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 8 080,12 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000 euros pour remise tardive des contrats de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte,

avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil et juger opposable à l'Unedic, délégation Ags Cgea d'[Localité 6] la décision à intervenir dans les limites de leur garantie.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 12 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, l'Unedic, délégation Ags Cgea d'[Localité 6] demande à la cour de :

- à titre principal, infirmer le jugement et débouter [D] [U] de ses demandes,

- à titre subsidiaire, réduire à un mois le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixer au passif 'de la liquidation' les créances retenues, dire que le jugement lui est opposable dans les termes et conditions de l'article L. 3253-19 du code du travail, exclure l'astreinte et la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile de sa garantie, dire le jugement opposable dans la limite du plafond 6 toutes créances brutes confondues, rejeter la demande d'intérêts légaux et dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

Le tribunal de commerce de Versailles a ordonné en date du 10 mai 2022 la clôture du plan de redressement de la société Number Steak House N5.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 25 octobre 2022.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La société conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse en faisant valoir que le licenciement pour faute grave est fondé.

Contestant les faits, le salarié soutient que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse, celui-ci lui ayant été notifié tardivement et alors que l'employeur lui avait demandé de reprendre le travail.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque.

Il ressort des pièces produites devant la cour les éléments qui suivent.

Le samedi 1er juin 2019, une altercation s'est produite pendant le service du midi du restaurant Steak House, lieu de travail du salarié, entre celui-ci et une autre salariée, [Y] [R].

Par lettre datée du 1er juin 2019, signée par [J] [M], manager du site Number 5 Steak House, remise au salarié, il a été demandé au salarié de 'rentrer chez lui' 'jusqu'à réception d'une lettre recommandée pour mettre au clair cette situation'.

Le 3 juin 2019, le salarié a déposé une plainte auprès des services de police de [Localité 7] à l'encontre de [Y] [R] pour injure raciale en indiquant que celle-ci lui a tenu les propos suivants le 1er juin 2019 alors qu'il avait pris l'initiative d'allumer les climatiseurs du restaurant en raison de la chaleur régnant dans la salle : 'comment toi un noir peut profiter de la climatisation du restaurant juste pour votre bien-être ''.

Par lettre datée du 21 juin 2019, l'employeur a indiqué au salarié qu'il ne faisait pas l'objet d'une mise à pied, qu'aucune suite n'a été engagée à la suite de la lettre du 1er juin 2019 lui demandant de rentrer chez lui, lui a demandé de reprendre son poste le 28 juin (et non 28 mai comme indiqué par erreur) à 12h 00 et de justifier de son absence depuis le 5 juin 2019, en invoquant une lettre datée du 12 juin 2019 lui demandant de reprendre son service au restaurant le 15 juin 2019, que le salarié conteste avoir reçue.

Le salarié a repris son poste de travail le 28 juin 2019.

Par lettre datée du 29 juin 2019, remise en mains propres, le salarié a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 juillet 2019 et d'une mise à pied à titre conservatoire et par lettre datée du 2 août 2019, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave rédigée en ces termes :

'Le 01/06/2019 vous avez eu une altercation avec madame [Y] [R], prononçant des insultes raciales. Vous aviez élevé le ton dans le restaurant et vous aviez attiré l'attention des clients. Votre responsable a essayé de vous calmer à plusieurs reprises mais sans succès. Votre comportement est inacceptable, effraie vos collègues de travail et dérange notre clientèle. En conséquence votre comportement est constitutif d'une faute grave (...)'.

Postérieurement aux faits du 1er juin 2019, visés dans la lettre de licenciement, l'employeur a demandé au salarié de reprendre son poste de travail, ce que celui-ci a fait le 28 juin 2019, puis l'employeur a engagé une procédure de licenciement le 29 juin 2019 et a licencié le salarié pour faute grave le 2 août 2019.

Il résulte de cette chronologie que la faute grave invoquée par l'employeur ne rendait pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise puisque sur demande de l'employeur, le salarié a repris son poste de travail. Le licenciement n'est donc pas fondé sur une faute grave.

Par ailleurs, les faits du 1er juin 2019 reprochés au salarié ne sont pas établis par les pièces produites devant la cour, les trois attestations produites par l'employeur datées du 7 octobre 2020 et rédigées en des termes strictement identiques par des salariés se trouvant sous un lien de subordination avec l'employeur ne présentant pas une valeur probante suffisante.

Il s'ensuit que la matérialité des faits n'étant pas établie, le licenciement ne repose ni sur une faute, ni sur une cause réelle et sérieuse ainsi que l'ont retenu les premiers juges.

Le salarié a par conséquent droit, au regard de son salaire de référence de 2 020,03 euros, à une indemnité compensatrice de préavis assortie d'une indemnité compensatrice de congés payés incidents à hauteur des montants exacts et non contestés retenus par les premiers juges.

Il a par ailleurs droit à une indemnité de licenciement dont le montant de 1 237 euros retenu par les premiers juges sera confirmé, le salarié demandant la confirmation du jugement en tous points.

Le salarié a en outre droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dont le montant peut être compris, eu égard à l'ancienneté de trois années complètes et au fait que la société emploie habituellement moins de onze salariés, entre un mois et quatre mois de salaire brut. Il convient de fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 6 060 euros comme retenu par les premiers juges.

Il convient en outre de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué les rappels de salaire retenus au titre du mois de juin 2019 et de la mise à pied conservatoire, avec les indemnités compensatrices de congés payés incidents.

Le jugement sera enfin confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et en ses autres dispositions, le salarié demandant la confirmation du jugement en tous points.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société appelante qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Number Steak House N5 aux dépens d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00188
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;21.00188 ?
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