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14/12/2022 | FRANCE | N°21/00086

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 décembre 2022, 21/00086


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 DECEMBRE 2022



N° RG 21/00086



N° Portalis DBV3-V-B7F-UH4K



AFFAIRE :



[E] [J] épouse [U]



C/



FONDATION SANTE SERVICE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

Section : AD

N° RG : 18/01794



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI



Me Jacques BELLICHACH







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE DECEMBRE DEUX ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2022

N° RG 21/00086

N° Portalis DBV3-V-B7F-UH4K

AFFAIRE :

[E] [J] épouse [U]

C/

FONDATION SANTE SERVICE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 18/01794

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI

Me Jacques BELLICHACH

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [E] [J] épouse [U]

née le 05 Octobre 1968 à [Localité 6] (ANGOLA)

de nationalité Angolaise

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Agnès CITTADINI de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2185

APPELANTE

****************

FONDATION SANTE SERVICE

N° SIRET : 802 485 920

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Jacques BELLICHACH, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0334

Représentant : Me Grégoire BLIN de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1702

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

Mme [E] [J] épouse [U] (ci-après Mme [U]) a été embauchée à compter du 1er février 2013 selon contrat de travail à durée déterminée puis à durée indéterminée en qualité d'aide-soignante par la Fondation SANTE SERVICE, employant habituellement au moins onze salariés.

Mme [U] a été affectée au sein de l'un des établissements de la Fondation SANTE SERVICE, situé à [Localité 5] (92).

Le 29 avril 2014, Mme [U] a été victime d'un accident de travail.

Du 1er janvier au 31 décembre 2015, Mme [U] a été placée en arrêt de travail consécutif à une rechute d'accident du travail.

À compter du 1er janvier 2016 et après consolidation, Mme [U] a été placée en arrêt de travail pour maladie d'origine non professionnelle.

En février 2016, Mme [U] s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé.

Le 16 septembre 2016, à l'issue d'une seconde visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Mme [U] inapte à son poste en précisant qu'elle 'pourrait occuper un poste sédentaire sans manutention, ni port de charges, tels que secrétariat, accueil, standard etc'.

Par lettre du 30 septembre 2016, la Fondation SANTE SERVICE a proposé à Mme [U] à titre de reclassement un poste de secrétaire médicale dans l'établissement de [Localité 4] (94).

Par lettre du 7 octobre 2016, Mme [U] a refusé cette proposition de reclassement, en se plaignant de l'existence de tâches de manutention et en qualifiant l'emploi proposé de 'déménageur'.

Par lettre du 14 octobre 2016, la Fondation SANTE SERVICE a convoqué Mme [U] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour inaptitude physique, lequel s'est tenu le 3 novembre suivant et qui n'a pas eu de suite.

Le 20 décembre 2016, les délégués du personnel de la Fondation SANTE SERVICE ont émis un avis favorable sur le poste de reclassement proposé à Mme [U].

Par lettre du 22 décembre 2016, la Fondation SANTE SERVICE a proposé à Mme [U], à titre de reclassement, le poste de secrétaire médicale dans l'établissement de [Localité 4], en enlevant toutes tâches de manutention.

Par lettre du 5 janvier 2017, Mme [U] a accepté ce poste de reclassement.

Concomitamment, Mme [U] a été de nouveau placée en arrêt de travail pour maladie.

Par lettre du 4 avril 2017, Mme [U] a demandé à la Fondation SANTE SERVICE de 'revoir l'objet et le lieu de son reclassement en prenant en compte son état de santé et les difficultés supplémentaires engendrées par son reclassement à [Localité 4]' et de l'affecter sur un poste susceptible de se libérer à [Localité 5].

Par lettre du 5 avril 2017, la Fondation SANTE SERVICE a indiqué à Mme [U] qu'aucun poste administratif sédentaire n'était disponible à [Localité 5] et a demandé à la salariée de 'nous fixer de manière certaine et pérenne sur vos intentions et sur votre volonté de prendre vos nouvelles fonctions à [Localité 4]', et ce 'sous quinzaine à compter de la réception de la présente'.

Mme [U] n'a pas répondu à cette lettre du 5 avril 2017.

Par lettre du 11 mai 2017, la Fondation SANTE SERVICE a indiqué à Mme [U] qu'elle n'avait pas répondu à sa lettre du 5 avril précédent, qu'elle avait donc repris les recherches de reclassement et qu'aucun autre poste de reclassement n'était disponible, ce qui l'amenait à engager une procédure de licenciement pour inaptitude.

Par lettre du 15 mai 2017, la Fondation SANTE SERVICE a convoqué Mme [U] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 mai suivant.

Par lettre du 7 juin 2017, la Fondation SANTE SERVICE a notifié à Mme [U] son licenciement pour inaptitude physique d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

La rémunération moyenne mensuelle de Mme [U] s'élevait en dernier lieu à la somme de 1 591,81 euros brut.

Le 9 juillet 2018, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour contester son licenciement et demander notamment l'allocation des indemnités prévues par les dispositions des articles L. 1226-14 et 15 du code du travail ou à titre subsidiaire des dommages-intérêts pour licenciement nul à raison d'une discrimination liée à l'état de santé ainsi que l'allocation de diverses autres sommes.

Par un jugement de départage du 19 novembre 2020, le juge départiteur du conseil de prud'hommes (section activités diverses) a :

- dit que le licenciement de Mme [U] repose sur une cause réelle et sérieuse et n'est pas discriminatoire ;

- débouté Mme [U] de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les dépens à la charge de Mme [U].

Le 8 janvier 2021, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 5 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [U] demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué sur le débouté de ses demandes et, statuant à nouveau, de :

1°) à titre principal, dire que son licenciement est intervenu en violation des dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail et des dispositions de l'article L. 1132-1 du même code et en conséquence dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en tout état de cause, nul et condamner la Fondation SANTE SERVICE à lui payer les sommes suivantes :

- 3 187,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L. 1226-14 du code du travail et 318,77 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 383,69 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement sur le fondement de l'article L. 1226-14 du code du travail ;

- 25 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail et en tout état de cause la même somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul sur le fondement de l'article L. 1132-4 du code du travail ;

2°) à titre subsidiaire, si la cour estime qu'elle ne bénéficie pas de la législation applicable aux accidentés du travail, dire que son licenciement est intervenu en violation des dispositions des articles L. 1226-1 et L. 1226-2 du code du travail et en conséquence condamner la Fondation SANTE SERVICE à lui payer les sommes suivantes :

- 3 187,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 318,77 euros au titre des congés payés afférents ;

- 25 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail;

3°) en tout état de cause :

- condamner la Fondation SANTE SERVICE à lui payer les sommes suivantes :

* 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des obligations administratives les plus élémentaires ;

* 3 728 euros à titre de complément de salaire de janvier 2015 à octobre 2016 et 372,80 euros au titre des congés payés afférents ;

* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner à la Fondation SANTE SERVICE de procéder à la régularisation des attestations de salaire destinées à la Sécurité sociale, ainsi que de sa situation auprès de l'organisme de prévoyance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- ordonner la remise d'un certificat de travail, d'une attestation pour Pôle emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, en se réservant le droit de liquider les astreintes ;

- dire que les intérêts courent à compter de la réception par la partie défenderesse de la saisine du conseil de prud'hommes et ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner la Fondation SANTE SERVICE aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 1er juillet 2021, auxquelles se reporter pour l'exposé des moyens, la Fondation SANTE SERVICE demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Mme [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, limiter le montant de l'indemnité pour licenciement abusif ou nul aux minima légaux ;

- en tout état de cause, condamner Mme [U] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Jacques Bellichach.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 4 octobre 2022.

SUR CE :

Sur la demande principale tendant à dire le licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle sans cause réelle et sérieuse et la demande subséquente d'indemnité au titre de l'article L. 1226-15 :

Considérant que Mme [U] soutient à titre principal que son licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il convient de lui allouer l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail aux motifs que :

- la consultation des délégués du personnel sur son reclassement est irrégulière ;

- la Fondation SANTE SERVICE ne lui a pas fait connaître par écrit les motifs s'opposant à son reclassement avant l'engagement de la procédure de licenciement ;

- la Fondation SANTE SERVICE ne prouve pas une impossibilité de reclassement en son sein ni au sein du groupe auquel elle appartient ;

- l'obligation spécifique pour les travailleurs handicapés d'adaptation du poste de travail prévue par l'article L. 5123-6 du code du travail n'a pas été remplie ;

Considérant que la société, qui ne conteste pas l'origine professionnelle de l'inaptitude, conclut au débouté aux motifs que :

- la consultation des délégués du personnel est régulière ;

- elle a rempli son obligation de reclassement de manière loyale et sérieuse puisque Mme [U] a accepté le poste de reclassement de secrétaire médicale à [Localité 4] le 5 janvier 2017, qui était conforme aux préconisations du médecin du travail, ce qui la dégageait en tant qu'employeur de toute obligation de procéder à une nouvelle recherche de reclassement et qu'après revirement et le refus final du poste par la salariée, elle n'a pas trouvé d'autre poste de reclassement ;

- elle a rempli ses obligations prévues par l'article L. 5123-6 du code du travail ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 'Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités./Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté./L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ' ;

Qu'aux termes de l'article L. 1226-12 du même code, dans sa version issue de la même loi: 'Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement./L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi./ L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. (...)' ;

Qu'aux termes de l'article L. 1226-15 du même code, dans sa version issue de la même loi : 'Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. /Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12./En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14./ Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement' ;

Qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées, et notamment de la lettre du 11 mai 2017 adressée par l'employeur à la salariée ainsi que des termes mêmes de la lettre de licenciement, qu'après les échanges de courriers des 4 et 5 avril 2017 intervenus entre les parties, la Fondation SANTE SERVICE a estimé que Mme [U] avait finalement refusé le poste de reclassement de secrétaire médicale au sein de l'établissement de [Localité 4] et a décidé de reprendre les recherches de reclassement en son sein ; qu'en effet, la lettre de licenciement mentionne que la 'lettre (du 5 avril 2017) est restée sans réponse. Dans ce contexte, nous avons repris nos recherches de reclassement. Aucun autre poste de reclassement en adéquation avec les préconisations de la médecine du travail n'étant actuellement disponible, nous vous avons convoqué à un entretien préalable (...). Compte tenu de ce qui précède, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour inaptitude physique, résultant de votre refus d'accepter le poste de reclassement proposé, et de l'impossibilité de vous reclasser, en l'absence d'autre poste disponible adapté à vos compétences et aux constatations du médecin du travail' ; que la Fondation SANTE SERVICE ne peut donc prétendre à l'instance qu'elle était dégagée de toute obligation de reclassement après une acceptation du poste de reclassement par Mme [U] le 5 janvier 2017 ;

Que si la Fondation SANTE SERVICE justifie par la production du registre unique du personnel de l'établissement de Colombes d'une absence, dans cet établissement, de poste de reclassement disponible conforme aux préconisations du médecin du travail, elle ne produit en revanche aucun élément sur les recherches accomplies au sein de son siège à Puteaux et des ses établissements de Montreuil, Villeneuve-la-Garenne et Villepinte ainsi que sur les postes disponibles dans ces établissements au moment de la rupture, notamment par la production des registres du personnel afférents ; qu'elle ne conteste pas, par ailleurs, qu'elle employait environ 1 000 salariés au moment du licenciement ;

Que dans ces conditions, la Fondation SANTE SERVICE ne justifie pas de l'impossibilité de reclassement invoquée dans la lettre de licenciement ;

Qu'il s'ensuit que le licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle de Mme [U] est sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Que l'appelante est ainsi fondée à réclamer l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail dans sa version applicable au litige, qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire ; qu'eu égard à son âge (née en 1968), à son ancienneté, à sa situation postérieure au licenciement (arrêt de travail pour maladie puis placement en 'invalidité', sans reprise d'emploi), il y a lieu d'allouer à l'appelante une somme de 20 000 euros à ce titre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur les indemnités prévues par les dispositions de l'article L 1226-14 du code du travail :

Considérant que Mme [U] demande l'allocation d'une indemnité compensatrice de préavis et d'un rappel d'indemnité spéciale de licenciement en application des dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail ; qu'elle soutient à cet effet qu'aucun refus de reclassement abusif ne peut lui être opposé aux motifs que :

- elle n'a pas refusé le poste de reclassement et l'a même accepté, et que seul l'employeur a estimé que sa lettre du 4 avril 2017 s'analysait en un tel refus ;

- en tout état de cause, la proposition de reclassement dans le poste de secrétaire médicale entraînait une modification du contrat de travail puisqu'il impliquait une qualification différente et était éloigné de son domicile, de telle sorte qu'un refus de sa part doit être considéré comme légitime ;

Considérant que la Fondation intimée soutient que Mme [U] n'est pas fondée à réclamer les indemnités en cause au motif qu'elle a manifesté de manière abusive un refus de poste de reclassement approprié à ses capacités ; qu'elle ajoute qu'en tout état de cause, l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail n'ouvre pas droit à une indemnité de congés payés afférente ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-14 du code du travail : 'La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9. Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif' ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées que par un courrier du 5 janvier 2017 Mme [U] a indiqué expressément à son employeur qu'elle acceptait le poste de reclassement comme secrétaire médicale qui lui était proposé ; que par son courrier du 4 avril 2017, Mme [U] a indiqué à son employeur qu'un poste était 'potentiellement libre dans les semaines qui viennent' à [Localité 5] et lui a demandé de 'revoir l'objet et le lieu de son reclassement en prenant en compte mon état de santé et des difficultés supplémentaires engendrées par son reclassement à [Localité 4]' ; que par un courrier du 5 avril 2017, la Fondation SANTE SERVICE a indiqué à Mme [U] qu'aucun poste administratif sédentaire n'était disponible à [Localité 5] et a demandé à la salariée de 'nous fixer de manière certaine et pérenne sur vos intentions et sur votre volonté de prendre vos nouvelles fonctions à [Localité 4]', et ce 'sous quinzaine à compter de la réception de la présente'; que Mme [U] n'a pas répondu à ce courrier de l'employeur, sans avancer aucun motif ; qu'elle n'a pas non plus répondu à la lettre du 11 mai 2017 lui annonçant une absence d'autres postes de reclassement et l'engagement prochain d'une procédure de licenciement ; qu'en outre, le conseiller de la salariée atteste que lors de l'entretien préalable au licenciement, Madame [U] a indiqué qu'elle ne voulait pas du poste de reclassement à [Localité 4] qui lui avait été proposé ; que la Fondation SANTE SERVICE est ainsi fondée à soutenir que Mme [U] a refusé le poste de reclassement qui lui a été proposé ;

Que, par ailleurs, ce refus est abusif puisqu'il fait suite à une acceptation exprès du poste de reclassement en cause manifestée le 5 janvier précédent et ce quand bien même la proposition de poste entraînait une modification du contrat de travail ;

Qu'il y a donc lieu de débouter Mme [U] de ses demandes d' indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail ainsi que des congés payés afférents et de sa demande de rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;

Que le jugement attaqué sera confirmé sur ces points ;

Sur le 'complément de salaire' de janvier 2015 à octobre 2016 :

Considérant que Mme [U] soutient à ce titre que la Fondation SANTE SERVICE ne lui a pas versé le maintien de salaire à 100% pendant ses arrêts de travail pour maladie tel que prévu par le contrat de prévoyance complémentaire d'entreprise souscrit auprès d'un assureur ; qu'elle réclame en conséquence en appel, non plus un rappel à ce titre d'un montant de 15 578,91 euros mais de 3 728 euros, outre les congés payés afférents ;

Que la Fondation SANTE SERVICE conclut au débouté en faisant valoir que Mme [U] a été remplie de ses droits à ce titre ;

Considérant en l'espèce, qu'il ressort des bulletins de salaire que le maintien de salaire en litige prévu par le contrat de prévoyance a été intégralement versé à la salariée sous la dénomination 'garantie au net' et qu'elle a été remplie de ses droits à ce titre ; que Mme [U], pour sa part, ne produit aucun calcul compréhensible et n'allègue ainsi pas de faits suffisants au soutien de sa demande ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté des demandes formées à ce titre ;

Sur la régularisation par la Fondation SANTE SERVICE des attestations de salaire destinées à la Sécurité sociale et de sa situation auprès de l'organisme de prévoyance, sous astreinte :

Considérant, sur les erreurs entachant, selon l'appelante, les attestations de salaire établies par l'employeur pour le paiement des indemnités journalières de sécurité sociale, que Mme [U] n'explique pas en quoi consistent les erreurs alléguées et se borne à produire un tableau incompréhensible, qui à la lecture des bulletins de salaire, met en réalité en regard le net imposable mensuel mentionné par l'employeur dans ses attestations par rapport à un cumul annuel de salaire au mois le mois, ce qui n'a aucun sens ; qu'elle n'explique pas en outre en quoi consiste la régularisation des attestations de salaire qu'elle demande ; qu'il y a donc lieu de débouter la salariée de cette prétention ainsi que de la demande d'astreinte afférente ;

Qu'ensuite sur la demande de régularisation de sa situation auprès de l'organisme de prévoyance, Mme [U] reproche à son employeur de n'avoir pas procédé à la déclaration de son accident de travail auprès de cet organisme ; que toutefois, il ressort du contrat de prévoyance d'entreprise versé aux débats que cette obligation de déclaration appartient à la salariée ; qu'il y a donc lieu de débouter la salariée de cette prétention ainsi que de la demande d'astreinte afférente ;

Que le jugement attaqué sera confirmé sur ces points ;

Sur les dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations administratives les plus élémentaires :

Considérant que ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucun manquement de l'employeur à ses obligations en matière d'établissement d'attestation de salaire et de déclaration auprès de l'organisme de prévoyance ne sont établis ; que de plus en toute hypothèse, Mme [U] ne justifie d'aucun préjudice à ce titre ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur les dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture :

Considérant en l'espèce qu'il est constant que, alors que le licenciement a été prononcé le 7 juin 2017, la Fondation SANTE SERVICE a établi le certificat de travail avec retard le 4 juillet suivant et l'attestation pour Pôle emploi et le solde de tout compte le 3 août suivant, et ce après réclamations de la salariée ; que Mme [U] justifie par ailleurs que ce retard a aggravé ses difficultés financières ; que le préjudice résultant de ces manquements sera réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros à ce titre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur la remise de documents sociaux rectifiés, sous astreinte :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'ordonner à la Fondation SANTE SERVICE de remettre à Mme [U] un certificat de travail, une attestation pour Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif, conformes au présent arrêt ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point;

Qu'en revanche, il y a lieu de confirmer le débouté de la demande d'astreinte à ce titre, une telle mesure n'étant pas nécessaire ;

Sur les intérêts légaux et la capitalisation

Considérant que les sommes allouées ci-dessus à Mme [U], qui ont une nature indemnitaire, portent intérêts légaux à compter du présent arrêt ; que la capitalisation des intérêts sera en outre ordonnée dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il statue sur ces deux points ; que la Fondation SANTE SERVICE sera condamnée à payer à Mme [U] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il statue sur le bien-fondé du licenciement, l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail, les dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture, la remise de documents sociaux, les intérêts légaux, la capitalisation des intérêts, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Confirme le jugement attaqué pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [E] [J] épouse [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la Fondation SANTE SERVICE à payer à Mme [E] [J] épouse [U] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt :

- 20'000 euros à titre d'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail,

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux de rupture du contrat de travail,

Ordonne à la Fondation SANTE SERVICE de remettre à Mme [E] [J] épouse [U] un certificat de travail, une attestation pour Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif, conformes au présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts légaux dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la Fondation SANTE SERVICE aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Fondation SANTE SERVICE à payer à Mme [E] [J] épouse [U] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00086
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;21.00086 ?
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