COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 DÉCEMBRE 2022
N° RG 20/02572
N° Portalis DBV3-V-B7E-UE7E
AFFAIRE :
SAS SEDIVER
C/
[A] [J] épouse [R]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE
Section : I
N° RG : F 18/01594
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Anne-Lise ROY
Copie numérique adressée à :
Pôle Emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS SEDIVER
N° SIRET : 542 035 761
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Bénédicte QUERENET HAHN de l'AARPI GGV Avocats - Rechtsanwälte, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : U0003 et Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626
APPELANTE
****************
Madame [A] [J] épouse [R]
née le 26 mai 1974 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Faissal KASBARI, Plaidant, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 242 et Me Anne-Lise ROY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 343
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [R] a été engagée par la société Sediver, en qualité d'assistante export, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er juillet 2000, avec reprise d'ancienneté au 8 mars 1999.
En dernier lieu, la salariée exerçait les fonctions de « project manager » au sein du « customer service department ».
Cette société est spécialisée dans la construction et la commercialisation de solutions techniques d'isolation électrique des lignes de hautes tensions et son effectif, lors de la rupture, était de plus de 10 salariés.
Par lettre du 3 octobre 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 16 octobre 2017, avec mise à pied à titre conservatoire.
La salariée a été licenciée par lettre du 20 octobre 2017 pour faute grave dans les termes suivants :
« Lors de votre entretien préalable du 16 octobre 2017, nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles nous envisagions votre licenciement, à savoir :
Le jeudi 14 septembre vers 10h45, Madame [M], Responsable des Ressources Humaines s'aperçoit qu'elle a oublié son téléphone portable professionnel à la cafétéria.
Elle s'est alors rendue à la cafétéria et n'y a pas retrouvé son téléphone. Elle a donc fait le tour des bureaux et s'est rendue auprès de chaque salarié présent ce jour-là pour leur demander si l'un d'eux avait vu son téléphone. Tous les salariés, vous y compris, ont indiqué ne pas l'avoir vu.
Madame [M] a ensuite fait plusieurs tentatives d'appels sur son téléphone. Force a été pour elle de constater que le téléphone avait été éteint.
Vers 11h30, le service informatique a constaté que le téléphone avait été éteint à 10h01.
A 13h20, Madame [M] a envoyé un email à tous les salariés du siège social pour indiquer qu'elle n'avait pas retrouvé son téléphone et demander à toute personne qui le retrouverait de se manifester auprès d'elle.
Mardi 19 septembre au matin, le service informatique a attribué un nouveau téléphone professionnel à Madame [M] et lui a réinstallé la majorité des données qui figuraient sur son ancien téléphone (email, sms, photos).
Madame [M] a alors constaté que deux nouvelles photos figuraient dans les données de son téléphone dont une faisant apparaître distinctement le visage de Mme [T] [O] et la deuxième la table de la cafétéria sur laquelle Madame [M] avait oublié son téléphone le matin du 14 septembre 2017.
Lors de l'entretien préalable en date du 2 octobre 2017, Mme [T] [O] nous a finalement expliqué qu'elle avait trouvé le téléphone en question sur la table de la cafétéria le matin du 14 septembre. Elle nous a également indiqué qu'elle était alors en présence de deux autres salariées, Madame [G] [Y] et Madame [E] [H] et que, ne sachant pas à qui appartenait le téléphone, Madame [Y] lui a indiqué qu'elle pensait qu'il s'agissait du vôtre.
Madame [T] [O] vous a alors apporté ledit téléphone.
Lors de l'entretien préalable, nous vous avons demandé ce que vous en aviez fait.
Après quelques explications confuses, vous nous avez indiqué que vous étiez ce matin là très énervée, car vous aviez reçu un email de Madame [X] [P] vous reprochant de nombreuses erreurs de saisie de commandes et qu'au moment où Madame [T] [O] vous a apporté le téléphone, vous étiez en pleine lecture de l'email en question.
Selon vous, vous vous êtes alors emparée du téléphone pour le jeter contre le mur. En fait de mur, vous l'aviez jeté en direction d'une fenêtre, qui était ouverte. Vous nous avez déclaré que le téléphone était donc en définitive passé par la fenêtre et ce, en présence de Madame [G] [Y].
Cet acte d'énervement et de malveillance, de même que sa dissimulation, jusqu'à votre entretien préalable, alors que vous saviez parfaitement que Madame [M] était désespérément à la recherche de son téléphone, constitue une faute d'une particulière gravité, empêchant toute poursuite de votre contrat de travail . (...) »
Le 21 juin 2018, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 16 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section industrie) a :
- dit que le licenciement pour faute grave de Mme [R] est dénué de cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
- condamné la société Sedivier à payer à Mme [R] les sommes de :
. 85 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 13 123,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 312,23 euros au titre des congés payés y afférents,
. 20 596,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 20 000 euros à titre d'indemnité pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,
. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la date de la mise à disposition du présent jugement,
- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,
- débouté Mme [R] de ses autres demandes,
- débouté la société Sediver de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux entiers dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 17 novembre 2020, la société Sediver a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 13 septembre 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Sediver demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
à titre principal,
- infirmer le jugement intervenu le 16 octobre 2020 en ce qu'il a :
. dit que le licenciement de Mme [R] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse caractéristique de la faute grave et,
. l'a condamnée à payer à Mme [R] les sommes suivantes :
. 85 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 13 123,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 312,36 euros au titre des congés payés y afférents,
. 20 596,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 20 000 euros à titre d'indemnité pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,
. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement intervenu le 16 octobre 2020 en ce qu'il a débouté Mme [R] de ses demandes au titre d'un préjudice moral résultant d'un prétendu harcèlement moral et de ses demandes au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement applicable aux salariés cadres,
- déclarer le licenciement pour faute grave de Mme [R] est bien fondé,
à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour de céans retiendrait que le licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- limiter à 3 mois de salaire, soit 4 374,51 euros, le montant des condamnations à son encontre,
- confirmer le jugement intervenu le 16 octobre en ce qu'il a retenu l'application de l'indemnité légale de licenciement et non celui de l'indemnité conventionnelle de licenciement calculé à tort par Mme [R] en application des dispositions de la convention collective nationale des cadres de la métallurgie,
en tout état de cause,
- condamner Mme [R] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [R] demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 16 octobre 2020, en ce qu'il a dit le licenciement intervenu dénué de cause réelle et sérieuse et condamné la société Sediver au versement des sommes suivantes :
. 85 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 13 123,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 312,23 euros de congés payés y afférents,
. 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,
.1 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement concernant le montant de l'indemnité légale de 20 596,79 euros allouée et condamner la société Sediver à lui verser la somme de 37 183,59 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
subsidiairement,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Sediver à lui verser la somme de 20 596,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
en tout état de cause,
- condamner la société Sediver à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, frais irrépétibles de la procédure d'appel.
MOTIFS
Sur la faute grave
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque. En retenant l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, les juges du fond écartent par là même toute autre cause de licenciement.
L'employeur s'appuie sur le compte-rendu d'entretien préalable de Mme [O] , l'attestation de Mme [Z] et la lettre de contestation de son licenciement par la salariée.
Dans le compte-rendu d'entretien préalable de Mme [O] rédigé par Mme [Y], délégué du personnel , Mme [O] « explique avoir rapporté le téléphone trouvé dans la cuisine à [A] [J] [[R]] (Responsable Projets) car [G] [Y] (DP) lui a dit que cela devait être celui de [A] [J] ». Elle indique également qu'elle est partie une fois le téléphone remis à Mme [J] et qu'elle ne se rappelle pas de la réaction de la salariée.
Mme [Y] confirme avoir indiqué à Mme [O] que le téléphone devait appartenir à Mme [J] et vu Mme [O] se diriger vers le bureau de Mme [J].
Mme [O] ajoute que Mme [Z] était présente dans le bureau de Mme [J] lorsqu'elle lui a apporté le téléphone.
Mme [Z] atteste que « le 14 septembre 2017, [T] [O] avait apporté un portable de marque Iphone avec une coque rose à [A] [J] car [G] [Y] lui avait dit qu'il devait lui appartenir. J'étais présente car je partage le bureau avec [A] [J]. [G] [Y] et [E] [H] sont par la suite entrées dans le bureau. Quelques minutes plus tard, [T] [O] et [E] [H] ont quitté le bureau. Je confirme que [T] [O] et [E] [H] étaient parties du bureau lorsque le portable avait été éteint et la puce retirée ».
Elle ajoute que le 2 octobre 2017, M. [C], directeur des ressources humaines, est venu dans le bureau pour demander à la salariée si Mme [O] lui avait remis le téléphone le 14 septembre. La salariée l'a confirmé de même que le témoin, et, le lendemain, la salariée s'est dénoncée auprès du DRH concernant la disparition du téléphone.
Dans sa lettre de contestation du 24 octobre 2017 , la salariée conteste l'explication confuse qui lui est prêtée par l'employeur lors de l'entretien préalable et réfute avoir indiqué qu'elle a jeté le téléphone par la fenêtre.
Elle indique que le portable a été laissé sur le bureau lorsqu'elle travaillait sans qu'elle s'en préoccupe, que plus tard en lisant un email qui l'a agacé, elle a pris la première chose qui lui est tombée sous la main et l'a jetée contre le mur, qu'il aurait pu s'agir de son agenda, d'une agrafeuse ou de son propre téléphone portable, que personne y compris Mme [Y] n'était présente à ce moment-là, qu'elle n'a commis aucun acte malveillant et aucune dissimulation et a répondu lorsqu'on l'a interrogée sur cette affaire.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si la salariée s'est vue remettre par Mme [O] le téléphone portable professionnel de Mme [M] sur son bureau, aucun élément n'établit que la salariée a jeté le téléphone par la fenêtre et dissimulé cette action à son employeur.
Ainsi, la faute de la salariée n'est pas caractérisée.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes non discutées de 13 123,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 312,23 euros au titre des congés payés afférents.
Sur les effets de la rupture
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application des dispositions de l'article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, la salariée ayant acquis une ancienneté de 18 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 14,5 mois de salaire.
Les bulletins de salaire versés aux débats permettent d'établir une rémunération moyenne brute de 4 374,51 euros sur les douze derniers mois.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge (43 ans), de son ancienneté (18 ans et 7 mois), de ce qu'elle établit avoir perçu les indemnités chômage entre octobre 2017 et janvier 2019 malgré sa recherche active d'emploi, il y a lieu de condamner l'employeur à lui payer la somme de 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à la salariée du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.
Sur l'indemnité de licenciement
A titre principal, la salariée sollicite la somme de 37 183,59 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 20 596,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.
A titre subsidiaire, si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, l'employeur sollicite la confirmation du jugement.
La salariée soutient que l'employeur a entendu l'assimiler au statut de cadre et lui faire bénéficier de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui prévoit le versement d'une indemnité conventionnelle plus favorable que l'indemnité légale de licenciement. Pour conclure en ce sens, la salariée renvoie à la lecture de ses bulletins de salaire.
Toutefois, lesdits bulletins de salaire mentionnent la "CC Métallurgie RP" correspondant à la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne et le positionnement niveau 5, échelon 2 et coefficient 335. Or ce positionnement correspond à la catégorie technicien/agent de maîtrise de cette convention collective. Par conséquent, c'est à tort que la salariée expose que l'employeur a entendu l'assimiler à un statut de cadre.
Par ailleurs, la qualification d'un salarié s'apprécie au regard des fonctions qu'il exerce réellement au sein de l'entreprise et non par référence à l'intitulé de ses fonctions, pour autant que le salarié invoque avoir effectivement assumé ces fonctions.
Or, au cas d'espèce, la salariée n'invoque pas le fait que, dans l'effectivité de ses fonctions, elle aurait en réalité assumé des fonctions de cadre.
Ainsi, la salariée ne démontrant pas le statut de cadre allégué, elle ne peut se prévaloir de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue dans la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a alloué à la salariée la somme de 20 596,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.
Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de bonne foi
La salariée allègue que l'employeur lui retiré des tâches, l'a isolée et mise au placard, l'a sollicitée pour des demandes illégales dans le cadre du contrôle de l'activité de la société par des organisations internationales, lui a fait subir des pressions et a porté plainte pour vol à son encontre, éléments qui ont conduit à une dégradation de son état de santé.
Elle en conclut que ces faits sont constitutifs à titre principal d'un harcèlement moral et, à titre subsidiaire, d'un manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.
L'employeur conteste les allégations de la salariée.
***
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La loi prescrit en outre que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
En l'espèce et en premier lieu, sans apporter aucune pièce propre à étayer ses allégations, lesquelles sont contestées par l'employeur, la salariée expose qu'elle a « perdu un nombre important de ses tâches initiales qui lui ont été retirées », que « son évolution n'a pas été à la hauteur de ses capacités et mérites » et qu'elle était placardisée.
Ces affirmations, contestées par l'employeur et dépourvues d'offre de preuve ne permettent pas d'établir l'existence de faits qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.
En second lieu, la salariée expose subsidiairement que les faits qu'elle présente au soutien du harcèlement moral qu'elle dénonce caractérisent une exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
Or, ces faits n'ont pas été tenus par la cour comme étant établis.
La salariée doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a accordé à la salariée une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens d'appel.
Il sera également condamné à payer à la salariée la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à la salariée la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et a condamné l'employeur aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de Mme [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamne la société Sediver à lui payer les sommes de 13 123,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1 312,23 euros au titre des congés payés afférents, 20 596,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboute Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et condamne la société Sediver aux dépens et à la capitalisation des intérêts à compter de la date du jugement,
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société Sediver à payer à Mme [R] la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,
ORDONNE d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à la salariée du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société Sediver à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel,
CONDAMNE la société Sediver aux dépens d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président