COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
17e chambre
ARMET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 DÉCEMBRE 2022
N° RG 20/02232
N° Portalis DBV3-V-B7E-UC5M
AFFAIRE :
SARL LE TEMPS DES CERISES
C/
[P] [R]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de MANTES LA JOLIE
Section : C
N° RG : F 19/00122
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Charles TONNEL
Me Christophe SCOTTI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL LE TEMPS DES CERISES
N° SIRET : 515 302 321
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Charles TONNEL, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 204
APPELANTE
****************
Madame [P] [R]
née le 12 novembre 1971 à [Localité 3]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Jean-Christophe NAPPEE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau d'Agen, vestiaire : 14 et Me Christophe SCOTTI, Constitué, avocat au barreau de Versailles, vestiaire: 474
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [R] a été engagée par la société Le Temps des Cerises, en qualité de serveuse, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 14 janvier 1990.
Cette société exploite un hôtel-restaurant sous l'enseigne « Auberge de Gascogne ». Elle applique la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants.
A compter du 20 mars 2019, la salariée a été placée en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif.
Par lettre du 28 mars 2019, la salariée a réclamé le paiement des arriérés de salaires de 2018, le paiement de ses mois de salaires depuis le 1er janvier 2019 et la régularisation de sa situation auprès de la CPAM. Elle dénonçait aussi l'attitude de son employeur à son encontre.
Le 23 juillet 2019, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie afin de dire que les éléments de harcèlement moral sont réunis et de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société, ainsi que le paiement de plusieurs rappels de salaire et d'autres sommes de nature indemnitaire.
A compter du 1er septembre 2019, la société Le Temps des Cerises a mis en location gérance son fonds de commerce.
Par jugement du 8 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie (section commerce) a :
- dit que les éléments constitutifs du harcèlement moral ne sont pas réunis,
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R],
- déclaré le licenciement de Mme [R] sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Le Temps des Cerises à payer à Mme [R] les sommes suivantes :
. 3 699,82 euros à titre de rappel du préavis,
. 369,98 euros à titre de congés payés afférents,
. 16 465,19 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. 163,23 euros à titre de rappel de salaire de septembre 2018 à décembre 2018,
. 2 035,53 euros au titre du complément de salaire,
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2019, date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la défenderesse, conformément à l'article 1231-6 du code civil,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,
- fixé à 1 849,91 euros brut la moyenne mensuelle en vertu des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,
- ordonné à la société Le Temps des Cerises de remettre à Mme [R], sous astreinte définitive de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification et ce pour une durée de trois mois, le paiement des sommes conforme au jugement rendu et la remise d'un bulletin de paie conforme au jugement rendu,
- dit que le conseil se réserve la possibilité de liquider ladite astreinte en cas de demande,
- condamné la société Le Temps des Cerises à payer à Mme [R] la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêt en regard du préjudice subi du fait des retards de paiements de salaires,
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement, conformément à l'article 1231-7 du code civil,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, hormis les cas où elle est de droit,
- condamné la société Le Temps des Cerises à payer à Mme [R] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [R] du surplus de ses demandes,
- dit que la société Le Temps des Cerises supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution.
Par déclaration adressée au greffe le 9 octobre 2020, la société Le Temps des Cerises a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 6 septembre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Le Temps des Cerises demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie du 8 septembre 2020 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] aux torts de la société et requalifié la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dire que la rupture du contrat de travail de Mme [R] s'analyse en une démission,
- par conséquent, débouter Mme [R] de ses demandes d'indemnité légale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents,
- constater qu'elle s'est acquittée de l'intégralité des rappels de salaires demandés par Mme [R],
- par conséquent, débouter Mme [R] de sa demande de rappel de salaire à hauteur de 163,23 euros,
- débouter Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts de 3 500 euros dus au retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent au titre de l'article 1231-6 du code civil,
- apprécier les demandes de Mme [R] relatives à l'indemnité légale de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés y afférente ainsi que l'indemnité complémentaire à l'allocation journalière de la CPAM de 2.035,53 euros ;
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie du 8 septembre 2020 en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [R] visant à faire reconnaître son licenciement nul pour harcèlement et dénigrement,
- débouter Mme [R] de sa demande de 11 099,46 euros au titre des dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [R] demande à la cour de :
- confirmer dans son entier la décision du conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie du 8 septembre 2020 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit que ladite résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- confirmer ladite décision en ce qu'elle a condamné l'employeur au versement des sommes suivantes :
. 163,23 euros au titre d'un rappel de salaires sur la période de septembre à décembre 2018,
. 3 500 euros de dommages et intérêts dus au retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent au titre de l'article 1231-6 du code civil,
. 16 465,19 euros au titre d'une indemnité légale de licenciement,
. 36 988,2 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,
. 3 699,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
. 369,98 euros au titre d'une indemnité compensatrice de congés payés,
. 2 035,53 euros au titre d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière de la CPAM,
. 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rectifier l'omission de celle-ci s'agissant de l'indemnité prévue par les dispositions d'ordre public de l'article L. 1235-3 du code du travail, et de condamner la société au versement d'une somme de 4 624,77 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait d'un licenciement,
- assortir chaque condamnation d'une astreinte de 50 euros par jour de retard courant à compter de la date de la décision de la cour,
- se réserver le droit de liquider lesdites astreintes.
MOTIFS
Sur la demande de résiliation du contrat de travail et les demandes de rappel et de complément de salaire
Au soutien de sa demande de résiliation, la salariée expose que l'employeur ne lui a pas versé sa rémunération, ce qui est à l'origine de la dégradation de son état de santé, laquelle a justifié un arrêt de travail ; qu'au surplus, l'employeur s'est dispensé de lui fournir ses bulletins de paie et s'est abstenu de lui verser son complément de salaire pendant son arrêt de travail ; qu'il lui reste dû un reliquat de salaire de 163,23 euros ainsi qu'une somme de 2 035,53 euros à titre de complément de salaire.
L'employeur réplique qu'il rencontrait des difficultés financières depuis 2013, lesquelles se sont accrues en 2017 pour des raisons indépendantes de sa volonté ; qu'ainsi, au cours du dernier trimestre 2018, il ne disposait plus de la trésorerie nécessaire pour payer le salaire de sa salariée ; que toutefois, il a régularisé la situation en lui adressant , le 19 décembre 2019, l'ensemble des salaires restant dus ; que compte tenu de ses efforts pour régulariser la situation, les faits ne sont pas d'une gravité telle qu'elle justifie que la résiliation soit prononcée à ses torts ; qu'au surplus, la régularisation intervenue le 19 décembre 2019 a eu pour effet de solder l'intégralité de sa dette envers la salariée, qui ne peut dès lors prétendre au paiement de la somme de 163,23 euros. L'employeur soutient enfin que c'est à tort que la salariée réclame un complément de salaire dès lors qu'elle ne prouve pas y être éligible.
***
Lorsque le salarié demande la résiliation du contrat de travail, il doit apporter la démonstration de manquements de l'employeur à l'exécution de ses obligations contractuelles et que ces manquement présentent une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.
Si les manquements sont établis et présentent un degré de gravité suffisant, la résiliation est alors prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La résiliation produit effet au jour où le juge la prononce si, à cette date, le salarié est toujours au service de son employeur , et, en cas d'arrêt confirmatif, à la date du jugement de première instance. Lorsque, à la date du prononcé de la résiliation, le salarié a été licencié, alors c'est à la date d'envoi de la notification du licenciement qu'est fixée la prise d'effet de la résiliation judiciaire.
Si en revanche les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisant, alors le juge doit débouter le salarié de sa demande.
En l'espèce, et en premier lieu, il n'est pas discuté que l'employeur a manqué à son obligation de payer les salaires de sa salariée en temps voulu. A cet égard, l'employeur reconnaît que lorsqu'il a adressé au conseil de la salariée un chèque de 4 107,48 euros le 19 décembre 2019, il lui versait alors les salaires des mois d'octobre 2018, novembre 2018 et mars 2019 ainsi que des reliquats de salaire des mois d'août et septembre 2018 et de janvier et février 2019. Il lui remettait aussi, à cette occasion, les bulletins de paie correspondants.
Ce paiement est intervenu très tardivement, le 19 décembre 2019, alors que la salariée avait déjà mis l'employeur en demeure de la payer par lettre du 28 mars 2019 (la lettre produite en pièce 3 qui bien qu'indiquant le « 28 mars 2018 » date en réalité de l'année 2019, l'accusé de réception mentionnant une distribution le 22 avril 2019) et alors qu'elle avait déjà saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire.
En second lieu, la salariée reproche à l'employeur de ne pas lui avoir versé le complément de salaire pendant son arrêt de travail pour maladie.
L'article L. 1226-1 du code du travail dispose que tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, à condition :
1° D'avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité, sauf si le salarié fait partie des personnes mentionnées à l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ;
2° D'être pris en charge par la sécurité sociale ;
3° D'être soigné sur le territoire français ou dans l'un des autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans l'un des autres Etats partie à l'accord sur l'Espace économique européen.
(')
Le taux, les délais et les modalités de calcul de l'indemnité complémentaire sont déterminés par voie réglementaire.
Il résulte des articles D. 1226-1 et D. 1226-2 que :
. l'indemnité complémentaire prévue ci-dessus est calculée pendant les 30 premiers jours sur la base de 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler puis, pendant les 30 jours suivants, sur la base des 2/3 de cette rémunération ;
. les durées d'indemnisation sont augmentées de 10 jours par périodes de 5 ans d'ancienneté en plus de la première année d'ancienneté sans que chacune d'elles puisse dépasser 90 jours.
En l'espèce, la salariée, engagée le 14 janvier 1990 par l'employeur, jouissait, à la date de son arrêt pour maladie du 20 mars 2019, d'une ancienneté de 29 ans. Il n'est pas discuté que la salariée a justifié de son arrêt de travail dans les 48 heures. Il n'est pas non plus discuté et il est au demeurant établi (cf. pièces 10 à 12 : attestations de paiement des indemnités journalières entre mars et juin 2019) qu'elle a été prise en charge par la sécurité sociale.
L'employeur s'interroge sur le point de savoir si la salariée a bien été soignée sur le territoire français. Quand bien même la salariée ne produit effectivement pas de justificatifs des ordonnances lui prescrivant un quelconque traitement ainsi que le relève l'employeur, il demeure que la salariée produit neuf avis d'arrêt de travail (avis d'arrêt initial et avis de prolongation) couvrant une période comprise entre le 20 mars 2019 et le 18 août 2019 montrant qu'elle était suivie par un médecin établi en France, ce qui suffit à établir qu'elle remplit la condition imposée par l'article L. 1226-1 3°.
Compte tenu de l'ancienneté de la salariée, elle pouvait prétendre à un complément de rémunération :
. à hauteur de 90 % de sa rémunération pendant les 80 premiers jours,
. à hauteur des 2/3 de sa rémunération pendant les 80 jours suivants.
Sur la base d'une rémunération mensuelle brute non contestée de 1 849,91 euros et des indemnités journalières que la salariée percevait (30,36 euros par jour), l'employeur aurait dû lui verser un complément de salaire total de 2 035,53 euros ainsi que la salariée le demande.
Par conséquent, d'une part, l'employeur n'est pas fondé à contester l'exigibilité de cette somme et d'autre part, le non versement du complément de salaire est établi.
Enfin, les parties sont en discussion sur un reliquat de salaire de 163,23 euros.
Sur ce point, la salariée réclamait en mars 2019 le règlement de la somme de 163,23 euros correspondant, selon elle, au reliquat de sa rémunération de septembre à décembre 2018. La salariée expliquait alors que ses bulletins de septembre à décembre 2018 présentaient un total net de 5 131,20 euros mais qu'elle n'avait perçu de l'employeur qu'une somme de 4 967,97 euros.
Ainsi qu'il résulte de la pièce 1 de la salariée (bulletins de paie et paiements associés), celle-ci aurait dû percevoir 1 274,76 euros puis 1 285,48 euros pour chacun des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2018 soit, sur la période litigieuse, un total de 5 131,20 euros.
La salariée démontrant l'exigibilité de ces sommes, il appartient à l'employeur d'établir, en application de l'article 1353 alinéa 2 code civil, qu'il s'en est acquitté.
Il ressort de la pièce 1 de la salariée que l'employeur lui a remis pour le mois de septembre 2018 un chèque de 1 267,97 euros. Il n'est pas discuté que ce chèque a bien pu être encaissé par la salariée. Par ailleurs, il ressort toujours de la pièce 1 de la salariée qu'elle reconnaît l'existence d'un virement de 1 300 euros en date du 21 janvier 2019. Elle impute ce virement sur le salaire du mois d'octobre 2018 tandis que l'employeur l'impute pour sa part sur le salaire du mois de décembre 2018, ce qui, au cas d'espèce ne prête pas à conséquence. Il en résulte qu'entre septembre 2018 inclus et décembre 2018 inclus, l'employeur n'avait réglé à la salariée qu'une somme totale de 2 567,97 euros sur une somme totale exigible de 5 131,20 euros. Il restait donc devoir à la salariée la somme de 2 563,23 euros.
La somme versée par l'employeur à la salariée le 19 décembre 2019 comprend :
. 6,79 euros correspondant au reliquat du mois de septembre 2018,
. 1 285,48 euros correspondant au salaire d'octobre 2018,
. 1 285,48 euros correspondant au salaire de novembre 2018,
. -14,52 euros correspondant au trop perçu du salaire de décembre 2018,
. soit un rappel total payé pour la période litigieuse de 2 563,23 euros.
Le rappel payé par l'employeur le 19 décembre 2019 correspond donc bien à la somme qui restait due à la salariée pour la période litigieuse. La salariée ne peut donc prétendre au rappel qu'elle demande.
En définitive, même si la salariée ne peut être accueillie en sa demande de rappel de salaire pour les quatre derniers mois de l'année 2018, il demeure qu'elle établit la réalité des manquements tirés d'un paiement particulièrement tardif de ses salaires et du non paiement de son complément de salaire pendant son arrêt maladie. Ces manquements, quand bien même l'employeur établit la réalité de ses difficultés financières, présentent une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.
En conséquence de ce qui précède :
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a accueilli la demande de résiliation judiciaire , laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du jugement de première instance.
Le jugement sera en outre confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salarié un rappel de salaire au titre du complément de salaire de 2 035,53 euros.
Le jugement sera en revanche infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 163,23 euros à titre de rappel de salaires de septembre 2018 à décembre 2018. Statuant à nouveau, la salariée sera déboutée de ce chef de demande.
Sur les conséquences financières de la résiliation
Sur l'omission de statuer et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En cause d'appel, la salariée demande « de confirmer [la] décision en ce qu'elle condamne l'employeur au versement d'une somme de 36 988,2 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement ».
Elle présente en outre une demande ainsi formulée : « rectifier l'omission de celle-ci s'agissant de l'indemnité prévue par les dispositions d'ordre public de l'article L. 1235-3 du code du travail, et de condamner la société au versement d'une somme de 4 624,77 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait d'un licenciement »
Le conseil de prud'hommes a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, motif pris de ce que le licenciement n'a pas été dit nul mais sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, non seulement le conseil de prud'hommes n'a pas omis de statuer sur la demande que présentait devant lui la salariée à savoir une demande de « dommages et intérêts pour nullité du licenciement : 36 988,20 euros », mais, en outre, la demande de confirmation d'une demande dont la salariée a été déboutée ne peut être accueillie .
En revanche, la demande tendant à réparer le préjudice « subi du fait d'un licenciement » formulée, en cause d'appel, au visa de l'article L. 1235-3 du code du travail s'analyse en une demande de paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de ce que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée peut effectivement prétendre à une telle indemnité dans les limites prévues par ce texte, c'est-à-dire entre un minimum de 3 mois de salaire brut et un maximum de 20 mois de salaire brut.
Le salaire brut de la salariée s'élève à 1 692,33 euros.
Statuant dans les limites de la demande et ajoutant au jugement, il convient de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme sollicitée de 4 624,77 euros, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'appelante employant habituellement moins de 11 salariés, il n'y a pas lieu d'appliquer l'article L. 1235-4 du code du travail.
Sur les autres demandes financières
La salariée peut prétendre aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis et indemnité légale de licenciement), lesquelles ne sont pas utilement discutées par l'employeur, de sorte qu'il conviendra de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la salariée :
. 3 699,82 euros à titre de rappel du préavis,
. 369,98 euros à titre de congés payés afférents,
. 16 465,19 euros à titre d'indemnité de licenciement.
Sur la demande de « dommages-intérêts dus au retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent au titre de l'article 1231-6 du code civil »
L'article 1231-6 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages-intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
En l'espèce, par lettre du 28 mars 2019, la salariée mettait en demeure l'employeur de lui payer ses salaires.
Les salaires qui lui étaient dus ne lui ont finalement été payés que le 19 décembre 2019. Toutefois, il ressort des pièces comptables produites par l'employeur qu'il rencontrait des difficultés financières qui expliquent son manquement. L'employeur n'est donc pas de mauvaise foi.
La salariée ne peut par conséquent prétendre qu'aux intérêts moratoires de sa créance entre le jour de la mise en demeure et celui où la somme qui lui était due lui a été intégralement réglée.
Il conviendra donc d'infirmer de ce chef le jugement et, statuant à nouveau, de condamner l'employeur au paiement des seuls intérêts au taux légal calculés entre le 28 mars 2019 et le 19 décembre 2019, sur la somme de 4 107,48 euros.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
La salariée expose que l'employeur n'a interjeté appel que pour des raisons dilatoires.
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol.
En l'espèce, l'employeur ayant été accueilli en certaines de ses demandes d'infirmation, sa procédure n'est pas abusive. Ajoutant au jugement, la salariée sera déboutée de ce chef de demande.
Sur la demande d'astreinte
La demande tendant à assortir les condamnations d'une astreinte n'est pas justifiée dès lors que lesdites condamnations sont assorties des intérêts au taux légal.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a accueilli cette demande. Statuant à nouveau, il conviendra d'en débouter la salariée.
Sur la remise des documents
Il conviendra de donner injonction à l'employeur de remettre à la salariée un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, étant relevé qu'aucune demande n'est formulée dans le dispositif des conclusions des parties de ce chef en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
INFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il condamne la société Le Temps des Cerises à payer à Mme [R] les sommes de 163,23 euros à titre de rappel de salaire de septembre 2018 à décembre 2018, et de 3 500 euros à titre de dommages et intérêt en regard du préjudice subi du fait des retards pour retard de paiements de salaires, et en ce qu'il ordonne à la société Le Temps des Cerises de remettre à Mme [R], sous astreinte définitive de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification et ce pour une durée de trois mois, le paiement des sommes conforme au jugement rendu et la remise d'un bulletin de paie conforme au jugement rendu,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du jugement de première instance,
DÉBOUTE Mme [R] de sa demande tendant à la condamnation de la société Le Temps des Cerises à lui payer la somme de 163,23 euros à titre de rappel de salaires des mois de septembre 2018 à décembre 2018,
REJETTE la demande tendant à réparer une omission de statuer,
CONDAMNE la société Le Temps des Cerises à payer à Mme [R] la somme de 4 624,77 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
CONDAMNE la société Le Temps des Cerises à payer à Mme [R] les intérêts au taux légal calculés entre le 28 mars 2019 et le 19 décembre 2019 sur la somme de 4 107,48 euros,
DÉBOUTE Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
DÉBOUTE Mme [R] de sa demande tendant à assortir les condamnations d'une astreinte,
DONNE injonction à la société Le Temps des Cerises de remettre à la société Le Temps des Cerises un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,
REJETTE la demande d'astreinte relative à la remise des documents,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Le Temps des Cerises aux dépens d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président