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14/12/2022 | FRANCE | N°20/01285

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 décembre 2022, 20/01285


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 DECEMBRE 2022



N° RG 20/01285



N° Portalis DBV3-V-B7E-T5E3



AFFAIRE :



[I] [J]



C/



Association HOPITAL [5]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 16/

01233





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Virna SCHWERTZ



la SELAS LSIX







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versa...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2022

N° RG 20/01285

N° Portalis DBV3-V-B7E-T5E3

AFFAIRE :

[I] [J]

C/

Association HOPITAL [5]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 16/01233

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Virna SCHWERTZ

la SELAS LSIX

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [J]

né le 30 Octobre 1954 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Virna SCHWERTZ, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1038

APPELANT

****************

Association HOPITAL [5]

N° SIRET : 408 457 299

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Anne QUENTIER de la SELAS LSIX, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0381

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

[I] [J] a été engagé par l'association Hôpital [5] suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1991 en qualité de chef de la comptabilité générale, statut cadre.

Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif.

Le 30 janvier 2012, [I] [J] est devenu directeur général adjoint.

Par ordonnance du 30 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a nommé maître [H] [B], en qualité d'administrateur judiciaire de l'association Hôpital [5] à la suite d'un différend survenu entre la fondation Hôpital [5], propriétaire de l'hôpital et l'association Hôpital [5], gestionnaire de l'hôpital.

A la suite du départ de ses fonctions de M. [T], directeur général en avril 2015, [I] [J] a été nommé directeur général par intérim à compter du 4 mai 2015 dans l'attente du recrutement d'un directeur général. 

Le 2 novembre 2015, M. [D] a été recruté en qualité de directeur général de l'association Hôpital [5].

En début d'année 2016, le directeur général et l'administrateur judiciaire ont missionné le cabinet Bm & A aux fins d'un audit financier de l'association.

Le 17 février 2016, un entretien s'est tenu entre M. [D] et le salarié.

A compter du 17 février 2016 et jusqu'au 13 mars 2016, le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Par lettre datée du 7 mars 2016 adressée au directeur général et à l'administrateur judiciaire, le salarié s'est notamment plaint d'une mise à l'écart, d'une rétrogradation et du non-versement de sa prime annuelle, avec des conséquences sur son état de santé.

Par lettre datée du 11 mars 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction, fixé au 24 mars suivant.

Le salarié a repris son poste de travail le 14 mars 2016 jusqu'au 24 mars 2016 puis a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 25 mars 2016 jusqu'au 17 décembre 2016.

Par lettre datée du 7 avril 2016, l'employeur lui a notifié un avertissement. Par lettre datée du 8 juin 2016, le salarié a contesté cette sanction.

En mai 2016, le directeur général et l'administrateur judiciaire ont décidé de la réalisation d'un second audit de l'hôpital par le cabinet Bm & A sur la situation de la trésorerie.

Le 16 juin 2016, [I] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et la condamnation de l'association Hôpital [5] à lui payer diverses sommes.

Le médecin traitant du salarié a établi un certificat médical d'arrêt de travail pour accident du travail à compter du 15 septembre 2016 pour des faits du 17 février 2016, étant précisé que par décision du 17 février 2017, l'assurance maladie a refusé de prendre en charge les faits du 17 février 2016 au titre de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Le 17 novembre 2016, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise.

Par lettre datée du 29 décembre 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 janvier 2017, puis par lettre datée du 12 janvier 2017, l'employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement de départage mis à disposition le 5 juin 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le premier juge a :

- rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,
- dit que le licenciement a une cause réelle et sérieuse,
- fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 14 195,66 euros,
- condamné l'association Hôpital [5] à payer à [I] [J] les sommes suivantes : 

* 762,50 euros à titre de rappel de gratification pour la médaille du travail 'grand or',

* 9 690,09 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2016,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement,
- laissé à la charge de chacune des parties leurs propres frais au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes, 

- condamné l'association Hôpital [5] aux dépens de l'instance.

Le 30 juin 2020, [I] [J] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 30 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [I] [J] demande à la cour d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau de :

- à titre principal, annuler l'avertissement, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 12 janvier 2017 en raison des manquements graves de l'hôpital [5] à son égard rendant impossible la poursuite du contrat de travail et constitutifs d'agissements de harcèlement moral et juger que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- subsidiairement, juger que le licenciement pour inaptitude a pour origine des agissements de harcèlement moral et que le licenciement est nul,
- très subsidiairement, juger que le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement,

- en tout état de cause, fixer la rémunération mensuelle moyenne à 15 029 euros bruts, condamner l'association Hôpital [5] à lui payer les sommes suivantes :

* 16 312,24 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 90 168 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 9 016,8 euros bruts au titre des congés payés afférents, 

* 540 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul,

* 3 819,13 euros à titre d'indemnité de Rtt,

* 1 479,50 euros au titre des gratifications dues au titre de ses médailles du travail, 

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. 

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 24 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, l'association Hôpital [5] demande à la cour de débouter [I] [J] de ses demandes et de condamner celui-ci au paiement de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 25 octobre 2022.

MOTIVATION

Sur l'avertissement notifié le 7 avril 2016

Par lettre datée du 7 avril 2016, l'employeur a notifié au salarié un avertissement pour :

- avoir autorisé, en tant que directeur par intérim de l'hôpital de mars à novembre 2015, des créations de postes très supérieures à ce qui était prévu au budget, sans en référer au conseil d'administration ou à sa présidence et de n'avoir pas pris les mesures correctrices appropriées et notamment ne pas avoir alerté maître [B], administrateur judiciaire des conséquences de l'absence de mise en oeuvre des mesures de réduction d'effectifs prévues au budget primitif suite à la demande de celle-ci pour des raisons de risque social, ni proposé ou mis en oeuvre de mesures compensatrices pour atténuer ces conséquences ;

- ne pas avoir, en tant que directeur des finances par intérim du 1er novembre 2015 à fin février 2016, expertisé correctement les prévisions de clôture de 2015, annoncées à - 3,7 millions d'euros jusqu'à la fin du mois de janvier 2016, pour un résultat finalement constaté à - 6,2 millions d'euros et avoir tardé à informer le directeur général de cette erreur d'anticipation.

Le salarié demande l'annulation de l'avertissement au motif que les griefs sont infondés, qu'ils ne constituent pas des manquements volontaires relevant d'une mauvaise volonté délibérée susceptibles de faire l'objet d'une sanction disciplinaire, qu'il convient de prendre en compte le contexte de surcharge de travail imposé par le cumul de ses fonctions avec celles de directeur général et de directeur qualité et risques depuis mai 2015 et de directeur financier à partir du congé de maternité de la directrice financière le 1er novembre 2015, à l'origine de l'erreur.

L'association fait valoir que l'avertissement est justifié, que la réalité des faits est établie et qu'ils constituent une faute professionnelle d'une sérieuse gravité mais qu'il a été toutefois tenu compte de l'ancienneté et de l'implication du salarié pour retenir un avertissement, sanction la moins élevée dans l'échelle des sanctions et qui est restée confidentielle.

En application de l'article L. 1333-1 du code du travail, le salarié peut demander au juge l'annulation d'une sanction disciplinaire prise à son encontre par son employeur ; le juge forme sa conviction au vu des éléments apportés par les deux parties ; toutefois, l'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre cette sanction qui sera annulée si elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée.

S'agissant des autorisations de recrutement

Le salarié conteste avoir autorisé la création des 9,3 'équivalents temps plein' (etp) en 2015 dont il lui est fait le reproche. Il indique n'avoir autorisé le recrutement que de 3,7 etp qui entraient dans le cadre de projets qui avaient tous été validés en amont par le conseil d'administration.

L'association fait valoir que le salarié a autorisé la création de 9,3 etp pendant la période d'intérim de mars à novembre 2015 alors que, connaissant l'état des finances de l'association, il aurait dû alerter l'administrateur judiciaire du surcoût représenté par ces embauches.

Au soutien de ce grief, l'association produit un tableau intitulé 'personnel médical créations 2015" (pièce 71) listant des créations de postes intervenues entre juillet et décembre 2015 non intégrées au budget prévisionnel, à la suite de décisions imputées au salarié, représentant 9,3 etp pour un coût total de 977 000 euros. Cependant, ce tableau non daté et dont le rédacteur n'est pas mentionné, ne comporte aucune indication quant à son origine.

L'association produit par ailleurs une attestation rédigée par Mme [A], directrice des ressources humaines de l'hôpital (pièce 41), mentionnant une liste de postes 'qui ont été créés après validation de [I] [J]' au cours de l'année 2015. Toutefois, Mme [A] ne précise aucune circonstance de fait se rapportant à cette affirmation générale, étant de surcroît relevé qu'au regard du lien de subordination existant entre l'attestante et l'association, la force probante de cette attestation se trouve fortement amoindrie.

Alors que le salarié conteste fermement avoir autorisé les créations des etp mentionnés dans le tableau produit en pièce 71, les pièces produites par l'association sont insuffisantes, en l'absence de tout autre élément probant, à établir la matérialité des faits reprochés au salarié.

S'agissant de l'absence de réaction à la décision de maître [B] de ne pas mettre en oeuvre les mesures de réduction d'effectifs prévues au budget primitif

Le salarié fait valoir qu'il a à plusieurs reprises alerté les instances de gouvernance de la dégradation de la situation financière de l'établissement en vain.

L'association ne fait pas valoir d'élément sur ce point.

Il résulte d'un courriel du 13 juin 2016, produit par le salarié en pièce 70, que le docteur [L] a confirmé au salarié que lors de l'entretien disciplinaire du 24 mars 2016 pendant lequel il l'avait assisté, maître [B] 'a admis qu'elle vous avait demandé de surseoir durant votre intérim, jusqu'à l'arrivée du nouveau directeur général, à toute décision de restructuration de l'établissement'.

Il ressort des pièces produites par le salarié que celui-ci n'est pas resté inactif et a alerté à de nombreuses reprises les instances de gouvernance de l'hôpital quant à sa situation financière très dégradée, en particulier :

- les 5 mai et 30 juin 2015 lors de réunions de la commission médicale d'établissement (pièces 46 et 47) ;

- le 7 août 2015 par un courriel adressé à maître [B] dans lequel il a indiqué notamment : '(...) Effectivement comme je vous l'avais signalé au dernier conseil d'administration, la situation n'est pas bonne : depuis plusieurs mois, les dépenses continuent de croître plus vite que le chiffre d'affaires et l'infléchissement de la tendance ne se fera pas spontanément', (...), 'J'envisage à la rentrée une nouvelle et ferme communication aux chefs de service sur ce sujet avec des mesures immédiates à prendre tout début septembre sur l'organisation des activités, les capacités-lits et les effectifs notamment' (pièce 48) ; le 11 août 2015, le salarié a à nouveau adressé un courriel sur ce sujet à maître [B] (pièces 49 et 67 ) ; le 12 août 2015, maître [H] [B] a renvoyé le texte revu de présentation des mesures au salarié (pièce 50) ;

- le 28 août 2015, le salarié a informé les instances dirigeantes de l'hôpital des projections 'particulièrement inquiétantes puisque depuis plus d'un an les effectifs et les dépenses progressent nettement plus vite que le chiffre d'affaires' avec 'une nouvelle réduction de nos enveloppes de financement' 'et un gel supplémentaire de 1 million d'euros sur nos aides de financement des investissements passés' et les a informées d'une réunion des chefs de service le 16 septembre destinée notamment à présenter les mesures envisagées, en présence de maître [H] [B] (pièce 51) ;

- l'ordre du jour de la réunion du 16 septembre 2015, à laquelle étaient présents M. [U], administrateur et actuel président du conseil d'administration et l'ensemble du comité de direction, mais pas maître [B], mentionne la situation financière de l'hôpital et les mesures à prendre dans le cadre d'un plan de redressement, notamment en termes organisationnels et sur les moyens (pièce 52) ;

- il ressort du compte-rendu de la réunion du conseil d'administration de l'association Hôpital [5] du 30 septembre 2015 que le salarié a insisté sur l'urgence à mettre en oeuvre les mesures de redressement (pièce 54).

Dans ces conditions, l'association n'est pas fondée à reprocher sérieusement au salarié de ne pas avoir alerté maître [B] des conséquences de l'absence de mise en oeuvre des mesures de réduction d'effectifs prévues au budget primitif suite à la demande de celle-ci de ne pas mettre en oeuvre ces mesures de réduction dans l'attente de l'arrivée du nouveau directeur général.

S'agissant des prévisions erronées de clôture des comptes 2015 et de l'alerte tardive au directeur général

Le salarié fait valoir qu'il s'est aperçu tardivement que les prévisions de déficit arrêtées par [C] [M], directrice financière, le 30 octobre 2015, veille de son congé de maternité, étaient trop optimistes, ceci dans le contexte de surcharge de travail qui était le sien. Il précise avoir fait retraiter l'ensemble des données par les services ordonnateurs de dépenses et les services financiers et avoir recommandé les 18 et 25 janvier 2016 à M. [D] de faire preuve de prudence dans l'annonce du résultat déficitaire.

L'association fait valoir qu'il n'est pas reproché au salarié de ne pas avoir alerté sur la situation financière générale délicate de l'hôpital, mais, de manière précise, d'avoir sous-estimé le déficit prévisionnel dans des proportions manifestement anormales de presque la moitié par rapport au déficit réel, et ce malgré sa grande expérience professionnelle en matière financière et de ne pas avoir alerté la direction de ses doutes sur le véritable montant de ce déficit dès qu'il a eu en sa possession des éléments qui ont éveillé ces doutes.

Il ressort des pièces produites que :

- le 28 décembre 2015, M. [D] a demandé au salarié si la notification de l'Ars de la dernière délégation 2015 modifiait les prévisions et celui-ci a répondu en ces termes le même jour : 'Non, sauf pour le 1M d'euros restitué. Pour le reste de simples régularisations' (pièce 46-1 association) ;

- par courriel du lundi 25 janvier 2016 à 13h05, le salarié a alerté M. [D] en ces termes : 'J'ai regardé les documents qui seront présentés au CA de ce soir. Dans votre présentation, vous avez indiqué un résultat de l'ordre de - 4M d'euros / -5M d'euros. Je pense qu'il faut d'ores et déjà dire que le défincit sera largement supérieur au 5M d'euros tels qu'extrapolés sur les résultats de septembre. Je n'ai depuis vendredi aucune information qui me permette le moindre optimisme à ce stade (...)' (pièce 56 salarié) ;

- par courriel du 15 février 2016 ayant comme objet 'trésorerie', le salarié a informé M. [D] du déblocage du solde du contrat de capitalisation signé en 2010 de 7,445 M d'euros et de prévisions de trésorerie modifiées ; le 16 février 2016, M. [D] a fait part de son étonnement en ces termes : 'Je vous avoue que c'est la première fois de ma carrière que je suis confronté à des chiffres faisant autant de yoyo !! Tout ceci pose infiniment question...' ;

- les 17 et 18 février 2016, le salarié a adressé à M. [D] des éléments sur la trésorerie retravaillés en indiquant : 'je rappelle la difficulté pour le service comptable de mener de front et en urgence, avec peu d'outils, la gestion courante, la clôture des comptes 2015, l'audit Bma, les demandes poctuelles, tout ceci dans un contexte où [C] est absente, où [E] [R] ne connaît pas encore très bien les circuits administratifs et les procédures internes, où les départs de personnels n'ont pas été remplacés et où le service doit préparer les référentiels comptables pour le futur outil. Tout ceci doit être sécurisé, ce que je m'efforce de faire en travaillant en proximité avec [O] [W] et [E] [R]' (pièce 5 association).

Il n'est pas contesté que le salarié a, en plus de ses fonctions de directeur adjoint, assuré l'intérim de celles de directeur général entre mai et novembre 2015, puis qu'à la suite du départ en congé de maternité d'[C] [M], directrice financière le 31 octobre 2015, il a assuré ces fonctions de directeur financier par intérim.

L'association indique elle-même que M. [D] qui n'avait jamais dirigé d'établissement de santé privé d'intérêt collectif a positionné dès sa prise de fonction le salarié comme l'interlocuteur principal des services et des membres du comité de direction sur les décisions de gestion courante de l'association et comme directeur des finances par intérim, souhaitant pour sa part se concentrer, dans le contexte de dégradation d'une situation financière plus accentuée que les années précédentes, aggravée par une menace immédiate de retrait d'un million d'euros de subventions par l'Agence régionale de santé (Ars), sur l'analyse des demandes de l'Ars et des marges de manoeuvre disponibles pour que l'association puisse redresser la situation.

Le salarié qui connaissait une surcharge de travail avérée, d'ailleurs non contestée par l'association, fournit une justification claire sur le fait qu'il ne s'est aperçu que mi-janvier 2016 de l'erreur initiale sur laquelle la directrice financière avait construit toutes les projections financières, après avoir fait retraiter toutes les données en vue de leur présentation aux commissaires aux comptes au cours de la première quinzaine de février 2016, erreur consistant à considérer qu'une partie des économies initialement prévues, notamment sur la masse salariale, serait réalisée sur le dernier quatrimestre 2015 alors que la mise en oeuvre de ces économies a été retardée par maître [B] qui a demandé qu'elles soient reportées jusqu'à l'arrivée du nouveau directeur, que des produits exceptionnels portant sur des remboursements par les assurances de sinistres antérieurs seraient perçus en 2015, ce qui n'a pas été le cas et que malgré la croissance importante des prises en charge ambulatoire, le chiffre d'affaires aurait pu être globalement maintenu par les autres activités, ce qui n'a pas été le cas au cours des quatre derniers mois de 2015.

La cour relève ici l'absence de volonté délibérée du salarié ou d'abstention fautive dans la commission des faits qui lui sont reprochés.

Dans les conditions particulières tenant au contexte de surcharge de travail que connaissait le salarié, il ne peut lui être sérieusement fait le reproche d'avoir commis une erreur d'anticipation sur les comptes 2015 et d'avoir tardé à en informer le directeur général, alors qu'en réalité il a, dès qu'il a pu effectuer les vérifications nécessaires, informé le directeur général et qu'en définitive, le chiffrage du déficit financier résultant de l'audit mené par le cabinet Bm & A s'est élevé à 6,2 millions d'euros, soit un résultat très proche de la prévision de déficit qu'il a faite de - 6,329 millions d'euros et validée par les commissaires aux comptes.

Il résulte de tout ce qui précède que l'avertissement notifié le 7 avril 2016 n'est pas justifié. Il sera annulé. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur

Le salarié demande la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'association Hôpital [5] aux motifs que celle-ci a multiplié les brimades injustifiées et a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail, ce qui a dégradé ses conditions de travail et a eu des répercussions sur sa santé, plus précisément en :

- modifiant unilatéralement le contrat de travail portant une atteinte grave à ses prérogatives dans l'exercice de ses fonctions de directeur général adjoint ;

- lui notifiant une sanction disciplinaire abusive et vexatoire ;

- le menaçant de sanction pécuniaire et de refus de paiement pendant un an de la prime annoncée en février 2016 au titre du travail effectué pendant l'intérim de la direction générale.

Il réclame en conséquence que la résiliation produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.

L'association Hôpital [5] conclut au débouté des demandes du salarié en faisant valoir que ses allégations sont fausses et ne peuvent en tout état de cause fonder une résiliation judiciaire du contrat de travail. Elle soutient qu'il n'a pas été déclassé et qu'il n'a pas été porté atteinte à ses prérogatives et responsabilités, l'employeur étant libre de réorganiser structurellement l'entreprise sans modifier le contrat de travail ; que l'équipe dirigeante est restée stable ; que cette nouvelle organisation s'inscrivait dans celle envisagée avant l'arrivée de M. [D] à laquelle le salarié a participé ; que celui-ci n'a pas été mis à l'écart, ni exclu des réunions du conseil d'administration dont il n'était pas membre de droit ; que l'avertissement était fondé ; que ses primes lui ont finalement été intégralement payées ; que la dégradation de son état de santé n'est pas imputable à l'employeur.

Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations.

Il appartient au juge de rechercher s'il existe à la charge de l'employeur des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s'apprécient à la date à laquelle il se prononce.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement dans la rédaction applicable au litige (pour les faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) ou présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement (pour les faits postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi sus-mentionnée), et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur la modification unilatérale du contrat de travail portant une atteinte grave aux prérogatives du salarié dans l'exercice de ses fonctions de directeur général adjoint

Le salarié fait valoir que l'employeur lui a retiré la supervision directe de l'essentiel du périmètre de responsabilités dont il avait la charge ainsi que des responsabilités managériales afférentes d'une part et l'a exclu de la participation permanente aux réunions du conseil d'administration d'autre part. Il ajoute qu'après son départ, son poste a été supprimé, ses fonctions ayant été confiées à la directrice des ressources humaines.

Tout d'abord, s'agissant des allégations du salarié d'une part quant à une conversation téléphonique qu'il aurait surprise le 15 février 2016 au cours de laquelle M. [D] aurait fait part de son intention de le mettre au placard et d'autre part quant à la teneur de l'entretien du 17 février 2016 au cours duquel M. [D] lui aurait demandé s'il comptait prendre sa retraite et de lui faire des propositions, force est de constater que celles-ci ne sont corroborées par aucun élément extérieur, de sorte qu'elles ne peuvent être tenues pour établies.

S'agissant de la modification du périmètre d'activité du salarié, il ressort de la note de nomination du salarié au poste de directeur général adjoint datée du 30 janvier 2012 signée par M. [T], directeur général, que le salarié 'conserve les fonctions et prérogatives exercées précédemment et décrites par l'organigramme de direction ; il est ainsi responsable de la direction des affaires financières, de la direction du système d'information, des affaires juridiques et des écoles' (pièce 9 salarié). Il ressort de l'organigramme annexé à cette note que le salarié était chargé de superviser en direct la direction des finances, la direction des systèmes d'information, la direction parcours et filières, la direction des affaires générales et la direction des écoles (école de sages-femmes et institut de formation en soins infirmiers) et qu'il participait aux réunions du conseil d'administration (pièce 10 salarié).

Toutefois, il ressort de l'organigramme de la direction générale, issu de la réorganisation mise en oeuvre après la prise de fonction de M. [D], que le salarié n'est plus responsable en direct que de la direction des écoles, de [5] Santé formation et de [5] Santé Investissement (pièce 59 salarié). Il n'est donc plus chargé de superviser en direct notamment la direction des finances et celle des systèmes d'information, alors que ces fonctions lui avaient été confiées sans discontinuer depuis sa nomination en 2012 au poste de directeur général adjoint, ce qui témoigne dans les faits d'une perte de ses prérogatives et responsabilités.

Dans le compte-rendu de la réunion du conseil d'administration du 30 mars 2016, il est mentionné : 'M. [D] explique que le directeur général adjoint travaillera en étroite collaboration avec le Dg, et sur délégation de dossiers par celui-ci, mais qu'il n'a pas souhaité lui identifier un portefeuille de domaines pour ne pas créer une gestion bicéphale de la direction qui pourrait nuire à l'homogénéité des décisions' (pièce 11 association).

Il n'est par ailleurs pas contesté que la participation du salarié aux réunions du conseil d'administration n'était plus requise alors qu'il participait à ses réunions avant l'arrivée de M. [D]. Indépendamment du fait qu'il n'était pas membre de droit du conseil d'administration et de considérations liées au nombre de participants à cette instance, il n'en demeure pas moins que le fait que le salarié ne participe plus aux réunions de cette instance de gouvernance de l'hôpital alors qu'il y a participé sans discontinuer depuis sa nomination en qualité de directeur général adjoint en janvier 2012 témoigne dans les faits d'un amoindrissement de ses prérogatives.

Le salarié présente ainsi des éléments établissant ces faits.

Sur la sanction disciplinaire abusive et vexatoire

Alors que le salarié a adressé une lettre datée du 7 mars 2016 aux dirigeants de l'établissement pour se plaindre d'une dégradation de ses conditions de travail, celui-ci a fait l'objet quelques jours plus tard d'une convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire qui s'est concrétisée par la notification d'un avertissement injustifié le 7 avril 2016, ainsi qu'il ressort des développements qui précèdent.

La sanction disciplinaire abusive est établie.

Sur la menace de sanction pécuniaire et de refus de paiement pendant un an de la prime annoncée en février 2016 au titre du travail effectué pendant l'intérim de la direction générale

Le salarié fait valoir que maître [B] lui a attribué le 8 février 2016 une prime annuelle sur objectifs 2015 et une prime au titre de l'intérim des fonctions de directeur général, confirmée par écrit le 11 février 2016 mais que le paiement de ces deux primes a été suspendu fin février 2016, la première prime n'ayant été payée que fin avril 2016 et encore dans des conditions vexatoires, et la seconde qu'en décembre 2016, à la suite de sa saisine du conseil de prud'hommes.

Il ressort d'un courriel du 8 février 2016 adressé par [X] [K], assistante de direction à maître [B], comportant la mention manuscrite 'bon pour accord' de maître [B] datée du 11 février 2016, que celle-ci a attribué au salarié à l'issue d'un entretien tenu le même jour une prime annuelle de 20 000 euros bruts pour la réalisation des objectifs prévus en début 2015 relatifs à ses fonctions de directeur général adjoint et une prime annuelle de 10 000 euros bruts pour avoir assuré en 2015 pendant six mois l'intérim de la direction générale (pièce 19 salarié).

Si la prime de 20 000 euros a été payée au salarié en avril 2016, en revanche la prime de 10 000 euros n'a été versée qu'en décembre 2016 et a été accompagnée d'une lettre du même jour de maître [B] assortie de reproches, indiquant notamment : 'nous considérons toujours que cette prime ne vous est pas due' pour ensuite poursuivre ainsi : 'néanmoins au vu de cette pièce (le courriel sus-mentionné produit en pièce 19 du salarié) qui n'aurait pas du vous être communiquée et qui n'a pas été annulée formellement par écrit, afin de clore tout débat concernant cette prime, celle-ci vous sera payée' (pièce 35 association).

Si cette seconde prime a fini par être payée au salariée, ce n'est que près de dix mois après la décision de la lui octroyer, et ce, après que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Par ailleurs ce courrier, qui fait référence aux mauvais résultats financiers de l'établissement, pour lesquels le salarié a été sanctionné de manière injustifiée, présente une tonalité vexatoire.

Ces faits sont avérés.

S'agissant de la dégradation de son état de santé en lien avec ses conditions de travail, le salarié, né le 30 octobre 1954, fait valoir que sa santé s'est dégradée à compter de décembre 2015, qu'il a consulté le 15 décembre 2015 pour des céphalées et des sensations vertigineuses, qu'il a été arrêté le 17 février 2016, puis prolongé, qu'il a tenté de reprendre le travail du 14 au 24 mars 2016 mais a dû être à nouveau arrêté le 25 mars 2016, avec renouvellement jusqu'à son licenciement, qu'il a dû être hospitalisé en service de psychiatrie du 22 février au 17 mars 2017, que le 17 mars 2017 un cancer lui a été diagnostiqué et a fait l'objet d'une intervention chirurgicale le 24 mars 2017, qu'il est toujours suivi par un psychiatre et sous traitement anti-dépresseur.

La dégradation de l'état du salarié en lien avec ses conditions de travail est corroborée par les pièces de nature médicale numérotées 21, 29, 42, 43, 82 et 83 qu'il produit, notamment les certificats médicaux établis par le docteur [Z], psychiatre, décrivant des symptômes de 'burn-out' : fatigue, vertiges, surmenage, troubles du sommeil, anxiété.

Il ressort de ce qui précède que les éléments de fait présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il incombe donc à l'association de prouver que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Sur la modification unilatérale du contrat de travail portant une atteinte grave aux prérogatives du salarié dans l'exercice de ses fonctions de directeur général adjoint

L'association fait valoir qu'aucune modification du périmètre de responsabilités du salarié n'a eu lieu et qu'il n'a pas été mis à l'écart, le directeur général le consultant sur de nombreux dossiers ; qu'en réalité, le salarié s'est auto-attribué des 'prés carrés' ; que la réorganisation envisagée par M. [D] s'inscrivait dans la continuité des réflexions engagées avant son arrivée.

L'association relève encore que le salarié n'était pas membre de droit du conseil d'administration, que sa présence à cette instance n'était pas contractuellement prévue, qu'elle n'était pas prévue par l'organigramme présenté en juin 2015, cinq mois avant l'arrivée de M. [D] (pièce 64). Elle ajoute que M. [U], président du conseil d'administration, avait requis la stricte limitation du nombre de participants au conseil (pièces 31 et 32 attestations de M. [U]).

S'il ressort des différents échanges de courriels entre novembre 2015 et février 2016 entre le salarié et M. [D] produits par l'association en pièces 66, 80 à 86, 91 et 93 notamment que M. [D] sollicitait le salarié sur de nombreuses thématiques ayant trait à la gestion courante de l'établissement, pour autant le retrait de la supervision directe d'une direction stratégique comme celle des finances et son éviction de toute participation aux réunions du conseil d'administration alors qu'il y avait participé sans discontinuer depuis sa nomination dans ses fonctions illustrent dans les faits un retrait des prérogatives liées à l'exercice des fonctions de directeur général adjoint qui n'est pas objectivement justifié.

Sur la sanction disciplinaire abusive et vexatoire

Il ressort des développements précédents que l'association ne justifie pas du bien-fondé de l'avertissement notifié le 7 avril 2016 qui est par conséquent annulé.

Sur la menace de sanction pécuniaire et de refus de paiement pendant un an de la prime annoncée en février 2016 au titre du travail effectué pendant l'intérim de la direction générale

L'association fait valoir que compte-tenu des résultats alarmants de la trésorerie et des comptes de l'association et de l'absence d'alerte du salarié, l'administrateur judiciaire a souhaité suspendre momentanément le paiement des primes, que ces primes ont finalement été payées le 7 avril puis le 21 décembre 2016 et que par courrier du 21 décembre 2016, il a été justifié de cette décision au salarié.

Ce faisant, l'association ne justifie pas du retard mis dans le paiement de la prime d'intérim qui est de ce fait injustifié, alors que les reproches contenus dans l'avertissement notifié le 7 avril 2016 n'étaient pas fondés.

Il résulte de tout ce qui précède que le harcèlement moral est établi et que les manquements de l'association Hôpital [5] aux obligations résultant du contrat de travail du salarié sont établis. Ces manquements étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur sera par conséquent prononcée à la date à laquelle le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement du salarié est intervenue, soit le 12 janvier 2017 et produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse comme demandé par le salarié.

Le salarié a donc droit à une indemnité compensatrice de préavis qui sera fixée à six mois de salaire, soit 90 168 euros bruts au regard des dispositions conventionnelles applicables et du salaire mensuel brut moyen, calculé sur les douze derniers mois, incluant les primes de 20 000 euros et 10 000 euros versées avec retard, de 15 029 euros, ainsi qu'à une indemnité compensatrice de congés payés afférents de 9 016,8 euros bruts.

Le salarié réclame par ailleurs la somme de 16 312,24 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement en produisant un calcul fondé sur le salaire moyen de 15 029 euros, qui est exact. Il lui sera alloué la somme demandée à ce titre.

Le salarié a en outre droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois.

Eu égard à son âge au moment du licenciement (62 ans), à son ancienneté (25 années complètes), aux circonstances de la rupture, à sa situation postérieure au licenciement (inscription à Pôle emploi suivie d'une demande de faire valoir ses droits à retraite), il convient d'allouer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 240 000 euros.

Le jugement sera infirmé sur tous ces points.

Sur le solde de jours de Rtt

Le salarié conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre du solde de 8,5 jours de Rtt qu'il a été dans l'impossibilité de prendre du fait de sa surcharge de travail et sollicite une somme de 3 819,13 euros bruts de ce chef.

L'association conclut à la confirmation du jugement sur ce point en faisant valoir que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence des Rtt dont il sollicite le paiement et qu'il ne pouvait en sa qualité de dirigeant ignorer que les jours de Rtt non pris au 31 décembre 2015 étaient perdus.

Au regard de la surcharge de travail à laquelle a été confrontée le salarié du fait de l'employeur, ce qui ne lui a pas permis de prendre ses jours de récupération, il convient de faire droit à sa demande au titre du solde de jours de Rtt et de lui allouer la somme de 3 819,13 euros bruts à ce titre. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les gratifications dues au titre des médailles du travail

Le salarié sollicite une somme de 1 479,50 euros au titre des gratifications dues par l'employeur pour les quatre diplômes (médailles d'argent, vermeil, or et grand or) qui lui ont été délivrées par le ministère du travail le 1er janvier 2017 et qu'il a remis le 2 mars 2017 à l'employeur.

L'association fait valoir que les gratifications en cause n'étaient pas dues alors que le salarié n'était plus salarié de l'entreprise à la date du 14 avril 2017 à laquelle il lui a transmis les quatre diplômes en cause.

Au regard des quatre médailles d'honneur du travail argent, vermeil, or et grand or attribuées au salarié le 1er janvier 2017 par le ministère du travail, à une époque où le salarié faisait partie des effectifs de l'entreprise et les gratifications correspondantes versées par l'association Hôpital [5], il y a lieu de faire droit à la demande à hauteur de la somme de 1 479,50 euros demandée. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le remboursement des indemnités de chômage versées à [I] [J]

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement aux organismes sociaux concernés par l'association Hôpital [5] des indemnités de chômage versées le cas échéant à [I] [J] du jour du licenciement à la date du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et infirmé en ce qu'il statue sur les frais irrépétibles.

L'association qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à [I] [J] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il statue sur les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

ANNULE l'avertissement notifié le 7 avril 2016,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de [I] [J] aux torts de l'association Hôpital [5] à la date du 12 janvier 2017,

DIT que cette résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l'association Hôpital [5] à payer à [I] [J] les sommes suivantes :

* 16 312,24 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 90 168 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 9 016,8 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents, 

* 240 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 819,13 euros à titre d'indemnité de Rtt,

* 1 479,50 euros au titre des gratifications dues au titre des médailles du travail, 

ORDONNE à l'association Hôpital [5] le remboursement aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage versées le cas échéant à [I] [J] du jour du licenciement à la date du présent arrêt, et ce, dans la limite de six mois d'indemnités,

CONDAMNE l'association Hôpital [5] aux dépens d'appel,

CONDAMNE l'association Hôpital [5] à payer à [I] [J] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01285
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.01285 ?
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