COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58E
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 DECEMBRE 2022
N° RG 21/00110
N° Portalis DBV3-V-B7F-UH2P
AFFAIRE :
S.A. AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de la Société MODICOM
C/
SA AIG EUROPE venant aux droits de la société AIR EUROPE LIMITED
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2020 par le TJ de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 18/05231
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT
Me Romain BOUVET de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de la Société MODICOM
N° SIRET : 722 057 460
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0372 - N° du dossier 18348
Représentant : Me Audrey DELIRY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0372
APPELANTE
****************
SA AIG EUROPE venant aux droits de la société AIR EUROPE LIMITED
N° SIRET : 838 136 463
[Adresse 2]
L-1835 LUXEMBOURG
Représentant : Me Romain BOUVET de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0503 N° du dossier 42010194
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
FAITS ET PROCEDURE
M. [C] [Z], salarié de la société Manpower de travail temporaire, a été mis à la disposition de la société Modicom en qualité de maçon du 3 au 25 novembre 2008.
La société Modicom était assurée des conséquences de sa responsabilité civile professionnelle et chef d'entreprise auprès de la société Axa France Iard (ci-après, Axa), incluant les dommages subis par les préposés en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Le 7 novembre 2008, M. [Z] a fait une chute en démontant un échafaudage.
Par jugement du 29 mars 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes a :
- dit que l'accident dont M. [Z] a été victime le 7 novembre 2008 était imputable à la faute
inexcusable de l'employeur, la société Manpower,
- fixé en conséquence au maximum prévu par la loi la majoration de la rente allouée à M. [Z],
- alloué à M. [Z] une provision de 1 500 euros,
- condamné la société Manpower à rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'Ille-et-Vilaine (la CPAM) la majoration de rente et la provision accordée à M. [Z],
- dit que la faute inexcusable était exclusivement imputable à l'entreprise utilisatrice, la société
Modicom, substituée dans la direction de la société Manpower,
- ordonné une expertise avant dire droit sur la liquidation des préjudices,
- déclaré le jugement commun à la société Axa.
Par arrêt du 18 mai 2016, la cour d'appel de Rennes a :
- liquidé les préjudices de M. [Z] comme suit :
au titre des souffrances endurées.............................................................2 500 euros
au titre du déficit fonctionnel temporaire..................................................516 euros
au titre de l'assistance tierce personne.......................................................540 euros
au titre de l'article 700 du code de procédure civile................................1 000 euros
- condamné la société Manpower à rembourser ces sommes avancées par la CPAM d'Ille-et-Vilaine ainsi que les frais d'expertise de 600 euros,
En exécution de ces décisions, la société AIG Europe Limited, en sa qualité d'assureur de la société Manpower, indique avoir versé à la CPAM d'Ile et Vilaine les sommes suivantes :
- au titre du capital représentatif de la majoration de rente...................................31 900,97 euros,
- au titre des frais d'expertise.........................................................................................600 euros,
- au titre de la provision...............................................................................................1 500 euros,
- au titre de la réparation des préjudices personnels de M. [Z]..........................2 056 euros,
- au titre de l'article 700 du code de procédure civile....................................................2 500 euros,
Par acte du 24 mai 2018, la société AIG Europe Limited a fait assigner la société Axa devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de la voir condamnée à lui rembourser ces sommes, outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société AIG Europe, venant aux droits de la société AIG Europe Limited,
- rejeté les fins de non recevoir tirées du défaut d'intérêt et de qualité à agir de la société AIG Europe,
- condamné la société Axa, ès qualités d'assureur de la société Modicom, à payer à la société AIG Europe la somme de 37 056,97 euros,
- condamné la société Axa à payer à la société AIG Europe la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par acte du 7 janvier 2021, la société Axa a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 7 avril 2021, de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
À titre principal,
- déclarer la société AIG Europe irrecevable en ses demandes pour défaut d'intérêt et de qualité à agir, et en tant que de besoin la déclarer mal fondée, le principe de l'existence d'une action récursoire de l'entreprise de travail temporaire n'ayant pas été reconnu par les juridictions de sécurité sociale, seules juridictions compétentes en la matière ;
- déclarer la société AIG Europe dépourvue du moindre titre l'autorisant à poursuivre une quelconque action à l'encontre de la Société AXA France ;
- déclarer que la société AIG Europe ne peut se prévaloir des dispositions du droit commun à l'encontre de la société Axa France ;
En conséquence,
- débouter la société AIG Europe de l'ensemble de ses demandes, et rejeter l'ensemble de ses moyens ;
- condamner la société AIG Europe à verser à la société AXA France IARD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Cabinet Beaumont, Avocats aux offres de droit,
A titre subsidiaire,
- déclarer la société AIG Europe irrecevable en ses demandes pour défaut d'intérêt à agir en l'absence de preuve de sa subrogation dans les droits de son assuré, la société Manpower. ;
En conséquence,
- débouter la société AIG Europe de l'ensemble de ses demandes et rejeter l'ensemble de ses moyens ;
- condamner la société AIG Europe à verser à la société AXA France IARD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Cabinet Beaumont, Avocats aux offres de droit,
À titre plus subsidiaire,
- déclarer que la société AIG Europe ne rapporte pas la preuve de la déclaration de créance de la société Manpower,
En conséquence,
- débouter la société AIG Europe de l'ensemble de ses demandes et rejeter l'ensemble de ses moyens,
- condamner la société AIG Europe à verser à la société Axa la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Cabinet Beaumont, Avocats aux offres de droit,
En tout état de cause,
- déclarer qu'aux termes de l'article 2.17.2.2 des conditions générales du contrat, la garantie de la société Axa, au titre de la faute inexcusable de la société Modicom, s'applique, d'une part, aux seules conséquences pécuniaires prévues à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale et, d'autre part, à l'indemnisation des seuls chefs de préjudice prévus par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale,
- déclarer les conditions générales de la police opposables à la société AIG Europe,
- déclarer que n'entrent donc dans le champ de la garantie de faute inexcusable que les postes de préjudices expressément visés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, et non les postes de préjudices non couverts par le livre IV du même code tels qu'ils sont visés par la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010,
- déclarer que la réclamation au titre des préjudices personnels devra être limitée aux seules souffrances endurées évaluées à la somme de 2 500 euros,
- déclarer que la franchise contractuelle de 5 000 euros est opposable à la société AIG Europe et qu'elle devra être déduite des sommes réclamées,
- débouter la société AIG Europe du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
Par dernières écritures du 28 mai 2021, la société AIG Europe, venant aux droits de la société AIG Europe Limited, prie la cour de :
- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré notamment en ce qu'il a condamné la société Axa à verser à la société AIG Europe une somme de 37 056,97 euros,
En conséquence :
- débouter la société Axa de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la société Axa au paiement à la société AIG Europe d'une somme de 5 000 euros
au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Axa aux entiers dépens avec recouvrement direct.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juillet 2022.
SUR QUOI :
Devant le tribunal des affaires de sécurité sociale saisi en janvier 2012 par M. [C] [Z], la société Manpower, employeur de ce dernier, a appelé en la cause la société Modicom représentée par son mandataire liquidateur pour voir dire que la faute inexcusable avait été commise par l'entremise de l'entreprise utilisatrice, substituée dans la direction du salarié au sens de l'article 26 de la loi du 3 janvier 1972 devenu l'article L 412-6 du code de la sécurité sociale, et déclarer le jugement commun à Axa, représentée au litige.
Axa avait notamment fait valoir que l'action récursoire exercée par Manpower était irrecevable dès lors que Modicom avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire par jugement du 11 décembre 2009, que Manpower aurait dû diriger sa demande contre le liquidateur et déclarer sa créance préalablement. Elle lui déniait le droit d'exercer une action directe dans les conditions de l'article L 124-3 du code des assurances, action réservée selon elle au seul tiers lésé, c'est-à-dire la victime directe, M. [C] [Z].
La CPAM a été condamnée le 29 mars 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale à faire l'avance de la majoration de la rente ainsi que d'une provision versée à M. [C] [Z] et a obtenu la condamnation de l'employeur Manpower à les lui rembourser, dans la limite des montants récupérables, outre les indemnités réparant les préjudices extra patrimoniaux de M. [C] [Z].
Le même jugement a déclaré que la faute inexcusable était entièrement imputable à la société Modicom, décision rendue commune à son liquidateur, présent en la cause.
Devant la cour, Axa expose essentiellement :
- que la société Modicom n'a jamais été condamnée par les juridictions de sécurité sociale, à garantir la société Manpower des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable, condition pourtant indispensable à l'exercice de l'action récursoire,
- que cette action récursoire de l'entreprise de travail temporaire ne peut pas relever de la compétence des juridictions de droit commun comme l'a par erreur affirmé le tribunal dans la décision critiquée mais de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale,
- qu' il doit être "statué dans la même instance sur la demande du salarié intérimaire et sur la garantie des conséquences financières d'une reconnaissance éventuelle de faute inexcusable" (article L241-5-1 du code de la sécurité sociale).
Elle se fonde sur les dispositions du code de la sécurité sociale pour justifier l'irrecevabilité des demandes adverses, en raison du défaut d'intérêt et de qualité à agir et en tant que de besoin , son caractère mal fondé.
Sur les fins de non-recevoir :
En arguant du défaut d'intérêt et de qualité à agir, la société Axa vise expressément dans ses écritures, à la fois à titre principal et à titre subsidiaire, plusieurs moyens : d'une part, le fait que l'action récursoire de la société AIG Europe ne peut se soutenir devant la juridiction de droit commun et d'autre part, le fait que la société AIG Europe ne prouverait pas qu'elle est subrogée dans les droits de son assuré.
Dans son premier volet, cette argumentation relève du fond comme l'ont justement estimé les premiers juges. Elle sera examinée plus tard en tant que telle.
En ce qui concerne la qualité de subrogée de la société AIG Europe mise en cause du fait que celle-ci ne produirait que les conditions générales du contrat d'assurance de sorte que l'obligation de garantie en exécution de laquelle elle aurait été tenue de régler la CPAM ne serait pas démontrée, il y a lieu de constater les faits suivants:
- il est produit par la société AIG Europe les justificatifs de ses paiements à l'agent comptable de la CPAM d'Ile et Vilaine par le biais du relevé du compte CARPA affecté à la présente affaire ce qui établit son intérêt à agir,
- et c'est bien en tant qu'assureur 'responsabilité civile, faute inexcusable' de la société Manpower qu'elle y a procédé, ce qui prouve sa qualité à agir.
Le rejet de ces fins de non-recevoir est confirmé.
Les moyens de fond de la société Axa doivent être maintenant examinés.
Sur l'existence d'une action récursoire de AIG Europe à l'encontre d'Axa et la compétence d'attribution de la juridiction du contentieux de la sécurité sociale :
En vertu de l'article L412-6 du code de la sécurité sociale, l'employeur se voit reconnaître une action récursoire contre l'auteur de la faute inexcusable pour le remboursement des sommes auxquelles il est tenu envers les organismes sociaux aux termes des articles L. 452-1 à L. 452-4 du même code.
Mais cette action ne pouvait se soutenir en l'espèce en raison du fait que la société Modicom était en liquidation judiciaire au moment où la société Manpower a mis Axa en la cause devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, ce qui ne permettait pas l'exercice d'une action en paiement contre la société utilisatrice comme l'énonce l'article 622-21 du code de commerce en ces termes :
" Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; "
C'et pourquoi cette action récursoire n'a pas été intentée par AIG Europe.
Seule la détermination des fautes respectives entre l'employeur et la société utilisatrice pouvait et devait être tranchée dans une instance unique devant le tribunal des affaires de sécurité sociale comme l'exige l'article L 241-5-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale,
En disant que seuls les manquements commis par la société Modicom étaient à l'origine de l'accident du travail subi par M. [C] [Z], le tribunal a définitivement établi le principe de la répartition de la charge financière de l'accident, le jugement de cette juridiction spécialisée en date du 29 mars 2012 étant définitif et commun à Axa .
Si seule la juridiction du contentieux de la sécurité sociale pouvait procéder à la répartition des parts respectives de responsabilité entre l'employeur et la société utilisatrice et à la détermination de la faute inexcusable, en revanche, l'assureur de l'employeur conservait le droit d'exercer l'action directe visée à l'article L 124-3 du code des assurances contre l'assureur 'responsabilité civile ' de la société utilisatrice devant les juridictions de droit commun, tel que cela est admis de façon constante en jurisprudence.
C'est ainsi que selon l'article L 121-12 du code des assurances :
" L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. "
L'article L.124-3 du même code ajoute que :
" Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré ".
Pour exercer son action directe, le tiers lésé doit établir d'une part, l'existence de la dette de responsabilité de l'assuré, et d'autre part, l'existence d'un contrat d'assurance et enfin le paiement effectif de la créance.
Si la responsabilité de l'assuré est d'ores et déjà établie par une décision de justice, la victime peut s'en prévaloir à l'encontre de l'assureur, puisque selon la jurisprudence, cette décision lui est pleinement opposable (Cour de cassation civ. 1re, 12 juin 1968). C'est le cas de l'espèce.
Dans ce cadre juridique, aucune irrecevabilité tirée du défaut de vérification et de déclaration de sa créance dans le cadre de la procédure collective ne peut être opposée à AIG Europe dès lors que sa demande est tournée vers l'assureur de l'entreprise utilisatrice sur le fondement de l'action directe (Cass. 2ème, 12 mai 2004, n°01-12293).
Il est paradoxal de constater que devant la cour d'appel de Rennes statuant en appel de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale par arrêt du 14 janvier 2015, Axa avait soutenu l'incompétence de la juridiction du contentieux de la sécurité sociale pour statuer sur la garantie d'Axa à l'égard de Manpower et que dans la présente instance, elle affirme que 'la particularité du présent litige tient au fait que la société Manpower n'a pas demandé aux juridictions de sécurité sociale de se prononcer sur son action récursoire à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, rendant dès lors irrecevables toutes demandes ultérieures.'
En l'espèce, la société AIG ne sollicite pas du juge l'exercice d'un recours en garantie sur le fondement des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, mais la mise en 'uvre d'une action directe sur le fondement de l'article L. 124-3 du code des assurances. Or, cette action ne présuppose pas l'établissement de l'existence d'une action récursoire de l'entreprise de travail temporaire à l'égard de l'entreprise utilisatrice, mais seulement la reconnaissance d'un principe de responsabilité de cette dernière dans la survenance de l'accident de travail.
Le rejet de la fin de non-recevoir et de la demande de débouté sur le fond formées sur le fondement de ce moyen de la part d'Axa sera confirmé et l'action subrogatoire intentée par la société AIG Europe sera accueillie dans son principe par la cour comme elle l'a été par les premiers juges.
Sur l'étendue du recours à l'encontre d'Axa :
L'entière responsabilité de l'accident ayant été imputée à la société Modicom par une décision définitive, celle-ci est redevable du remboursement à l'employeur des sommes exposées pour les soins apportés à la victime.
En cas de faute inexcusable, la victime, au-delà de la majoration de la rente, peut demander la réparation de certains préjudices énumérés par les dispositions de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale. Il a été décidé par le Conseil constitutionnel que ce texte ne faisait pas obstacle dans ce cas à la réparation intégrale de l'ensemble des dommages non couverts par le Livre IV du même code.
En exécution des décisions intervenues pour fixer les préjudices de M. [C] [Z] et rendues communes à Axa, la société AIG, assureur de la société Manpower, a procédé aux règlements suivants :
- 31.900,97 euros à la CPAM au titre du capital représentatif de la majoration de la rente allouée à M. [C] [Z],
- 600 euros à la CPAM au titre du remboursement des frais d'expertise,
- 1.500 euros à la CPAM au titre de la provision,
- 2.056 euros à la CPAM au titre de la réparation des préjudices personnels de M. [C] [Z],
- 1.000 euros à M. [C] [Z] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du jugement entrepris, le pôle civil du tribunal judiciaire de Nanterre a notamment condamné la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur de la société Modicom, après avoir constaté, comme la cour elle-même, la réalité des virements effectués via le compte CARPA de son conseil les 5 et 30 septembre, 26 octobre 2016 et 9 mars 2017 pour un total de 37.056,97 euros au titre d'une police d'assurances responsabilité civile professionnelle de la société Manpower couvrant l'année 2008 dont elle a versé l'attestation aux débats.
* Sur le remboursement des préjudices personnels de M. [C] [Z]:
La société Axa demande à la cour de constater que le contrat BT Plus souscrit par la société Modicom à l'époque des faits ne couvre que les postes de préjudices mentionnés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. Elle prétend de ce fait ne pas être redevable des sommes versées à M. [C] [Z] au titre du déficit fonctionnel temporaire et de l'assistance tierce personne, postes non visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Elle verse aux débats les conditions générales mais il n'est pas établi que la société Modicom en ait eu connaissance .
Or,il incombe à l'assureur d'établir qu'il a porté à la connaissance de l'assuré les conditions générales et particulières du contrat avant la survenance du sinistre (Cass. 2ème Civ, 3 juin 2010, n°09-15010 ; Cass. 2ème Civ, 16 juin 2011, n°10-22780).
Il ne suffit pas, pour que les conditions du contrat soient opposables à l'assuré, que le contrat signé renvoie expressément aux conditions générales et particulières ou qu'il précise qu'un exemplaire de ces conditions a été remis à l'assuré (Cass. 2ème Civ. 22 janvier 2009, n°07-21530) .
Il faut que l'assurée, la société Modicom, ait signé ces conditions générales et particulières avant la survenance du sinistre, au moment de la souscription du contrat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.Ces conditions générales ne sont donc pas opposables à la société assurée et par voie de subrogation, à la compagnie d'assurance.
En outre, il doit être rappelé qu'aux termes de sa décision du 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel a notamment indiqué que la liste de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale n'était pas limitative en matière de postes de préjudices.
Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point, de rejeter les demandes de la société Axa visant à limiter l'étendue de la garantie et de dire qu'elle devra rembourser à ' la société AIG l'intégralité des conséquences financières de la faute inexcusable de l'employeur et notamment du déficit fonctionnel temporaire et de l'assistance tierce personne.
* Sur la franchise opposée par Axa :
Pour les mêmes raisons que précédemment exposées, les conditions particulières du contrat ne peuvent être opposées par Axa au porteur de la police ou au tiers subrogé dans les droits de ce dernier. Elles ne sont pas signées par la société Modicom.
Dès lors, Axa devra rembourser l'entière somme de 37 056, 97 euros et le jugement déféré en date du 10 décembre 2020 sera confirmé dans toutes ses dispositions, en ce compris celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Succombant, la société Axa sera tenue aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit du conseil de la société AIG Europe et sera condamnée à payer à celle-ci la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du pôle civil de tribunal judiciaire de Nanterre du 10 décembre 2020,
Déboute la société Axa France IARD de l'intégralité de ses demandes ;
Condamne la société Axa France IARD au paiement à la société AIG Europe d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Axa France IARD aux entiers dépens avec recouvrement direct au profit de la SCP Michel Ledoux & Associés.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Florence PERRET, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,