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07/12/2022 | FRANCE | N°20/02599

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 07 décembre 2022, 20/02599


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 DÉCEMBRE 2022



N° RG 20/02599



N° Portalis DBV3-V-B7E-UFEV



AFFAIRE :



[G] [C]

...



C/



Société DENTSU AEGIS NETWORK LTD

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section

: E

N° RG : F17/03690



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Me Franck LAFON







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

la ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 DÉCEMBRE 2022

N° RG 20/02599

N° Portalis DBV3-V-B7E-UFEV

AFFAIRE :

[G] [C]

...

C/

Société DENTSU AEGIS NETWORK LTD

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F17/03690

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Franck LAFON

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

la cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans le délibéré initialement prévu au 23 Janvier 2023, puis avancé au 07 Décembre 2022, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [C]

né le 01 Novembre 1957 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Hervé TEMIME de la SELARL TEMIME AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1537 substitué par Me Margaux MATHIEU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [J] [K]

né le 29 Avril 1956 à [Localité 9]

[Adresse 10]

[Localité 11]

78990 ROYAUME UNI

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Hervé TEMIME de la SELARL TEMIME AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1537 substitué par Me Margaux MATHIEU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

La société DENTSU INTERNATIONAL LIMITED (anciennement dénommée ' AEGIS GROUP PLC', puis 'DENTSU AEGIS NETWORK LTD' immatriculée au Registre des sociétés sous le numéro 01403668)

[Adresse 1]

[Localité 11] (ROYAUME UNI)

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Claire DE BUSSY de l'AARPI DE BUSSY GIANCARLI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0384

La socété DENTSU FRANCE

(anciennement dénommée 'AEGIS MEDIA FRANCE', puis 'DENTSU AEGIS NETWORK FRANCE')

N° SIRET : 352 567 986

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Claire DE BUSSY de l'AARPI DE BUSSY GIANCARLI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0384

S.A.S. CARAT FRANCE

N° SIRET : 399 093 129

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Claire DE BUSSY de l'AARPI DE BUSSY GIANCARLI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0384

La société IPROSPECT CONSEIL FRANCE (anciennement dénommée 'S.A.S. VIZEUM FRANCE')

N° SIRET : 348 633 462

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Claire DE BUSSY de l'AARPI DE BUSSY GIANCARLI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0384

La société DENTSU EXPERTISE venant au droit de la société DENTSU EXPERTISE & CONSULTING (anciennement dénommée 'CARAT EXPERT')

N° SIRET : 384 342 424

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Claire DE BUSSY de l'AARPI DE BUSSY GIANCARLI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0384

S.A.S. IPROSPECT FRANCE (anciennement dénommée 'CARAT INTERACTIVE')

N° SIRET : 432 250 116

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Claire DE BUSSY de l'AARPI DE BUSSY GIANCARLI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0384

S.A.S. GRANIT PRODUCTIONS

N° SIRET : 303 858 096

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Claire DE BUSSY de l'AARPI DE BUSSY GIANCARLI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0384

Société GROUP CARAT NEDERLAND BV (venant aux droits de la société SICC, 'Société Internationale de Conseil pour la Communication')

[Adresse 4]

[Localité 2] (PAYS BAS)

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Claire DE BUSSY de l'AARPI DE BUSSY GIANCARLI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0384

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

Appelée à l'audience collégiale, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Septembre 2022, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

qui que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE

M. [G] [C] et M. [J] [K] ont été embauchés à compter du 31 juillet 1991 (avec reprise d'ancienneté au 1er décembre 1985) selon contrats de travail à durée indéterminée, chacun en qualité de codirecteur général, par la société Carat, appartenant au groupe international AEGIS, spécialisé dans la publicité et l'achat d'espaces publicitaires pour les annonceurs.

MM. [C] et [K] ont été par ailleurs titulaires de divers mandats sociaux au sein de sociétés du groupe AEGIS.

À compter du 1er septembre 1995, MM. [C] et [K] ont chacun conclu, en sus, un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel avec la Société Internationale de Conseil pour la Communication (SICC), appartenant au groupe AEGIS, en qualité de conseiller en management et stratégie de diversification.

Par avenants du 21 décembre 1999, des clauses de protection de la clientèle et des salariés du groupe AEGIS, applicables en cas de rupture, ont été ajoutées aux contrats de travail de MM. [C] et [K] du 31 juillet 1991.

Par lettres du 14 novembre 2003, la société SICC et la société AEGIS Media France, venue aux droits de la société Carat, ont notifié leur licenciement à MM. [C] et [K].

Le 19 novembre 2003, M. [C], d'une part, et les sociétés AEGIS Media France, SICC et AEGIS Group plc, d'autre part, ont conclu une transaction relative à l'exécution et à la rupture des contrats de travail, contenant notamment des clauses de protection de clientèle et de salariés du groupe AEGIS et une clause de confidentialité, applicables au-delà de la rupture.

Le même jour, M. [K] et les mêmes sociétés ont conclu une transaction identique.

Au début de l'année 2004, MM. [C] et [K] ont créé la société KR MEDIA agissant dans le même domaine d'activité que les sociétés du groupe AEGIS.

Sur requête de la société AEGIS Media France et d'autres sociétés du groupe AEGIS, le président du tribunal de commerce de Nanterre a, par ordonnance du 8 décembre 2004, ordonné une mesure d'instruction in futurum et a désigné un huissier de justice aux fins de rechercher dans les locaux de la société KR MEDIA tous documents relatifs à d'éventuels actes de concurrence déloyale de cette société et à des violations de leurs engagements contractuels par MM. [C] et [K].

Le 16 décembre 2004, un huissier de justice a appréhendé divers documents au sein des locaux de la société KR MEDIA en exécution de cette ordonnance.

Le 28 décembre 2004, la société KR MEDIA ainsi que MM. [C] et [K] ont saisi le tribunal de commerce de Nanterre d'une action en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés du groupe AEGIS.

Le 14 avril 2005, la société AEGIS Media France et d'autres société du groupe AEGIS ont, à leur tour, saisi le tribunal de commerce de Nanterre aux fins notamment d'engager la responsabilité délictuelle de la société KR MEDIA sur le fondement d'actes de concurrence déloyale ainsi que la responsabilité délictuelle et contractuelle de MM. [C] et [K].

En 2014, la société DENTSU AEGIS NETWORK France est venue aux droits de la société AEGIS Media France.

Par jugement du 2 mars 2017, non frappé d'appel, le tribunal de commerce de Nanterre a, notamment :

- déclaré son incompétence au profit du conseil de prud'hommes de Nanterre pour statuer sur les demandes formulées à l'encontre de MM. [C] et [K] au titre de leur responsabilité contractuelle ;

- condamné in solidum la société KR MEDIA et MM. [C] et [K] à payer une somme de 5 000 000 d'euros à la société DENTSU AEGIS NETWORK France ' à charge pour elle de les répartir entre les sociétés demanderesses' ;

- débouté la société KR MEDIA de ses demandes.

Le 20 avril 2017, le greffe du tribunal de commerce de Nanterre a transmis au greffe du conseil de prud'hommes du même lieu le dossier de l'affaire en conséquence de la décision d'incompétence partielle.

Par jugement du 28 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

- dit que MM. [C] et [K] ont violé les protocoles transactionnels du 19 novembre 2003 ;

- condamné M. [C] à payer à la société DENTSU AEGIS NETWORK France, 'à charge pour elle de les répartir entre les sociétés demanderesses', la somme de 1 632 784,71 euros à titre de dommages-intérêts pour les préjudices subis, avec intérêts à compter de la saisine du tribunal de commerce de Nanterre par la société KR Media le 28 décembre 2004 ;

- condamné M. [K] à payer à la société DENTSU AEGIS NETWORK France, 'à charge pour elle de les répartir entre les sociétés demanderesses', la somme de 1 632 784,71 euros à titre de dommages-intérêts pour les préjudices subis, avec intérêts à compter de la saisine du tribunal de commerce de Nanterre par la société KR Media le 28 décembre 2004 ;

- débouté MM. [C] et [K] de leurs demandes ;

- condamné in solidum MM. [C] et [K] à payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum MM. [C] et [K] aux dépens.

Le 19 novembre 2020, MM. [C] et [K] ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société DENTSU AEGIS NETWORK France et des autres sociétés du groupe.

En cours d'instance d'appel, la société DENTSU AEGIS NETWORK France est devenue la société DENTSU FRANCE.

Aux termes de leurs conclusions du 2 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, MM. [C] et [K] demandent à la cour de :

1°) à titre principal, infirmer le jugement attaqué sur les condamnations prononcées à leur encontre et sur le débouté de leurs demandes et, statuant à nouveau, débouter les sociétés intimées de l'ensemble de leurs demandes ;

2°) à titre subsidiaire, requalifier les demandes des sociétés intimées en une demande de résolution des protocoles transactionnels du 19 novembre 2003 et déclarer cette demande prescrite ;

3°) à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse d'une condamnation à leur encontre aux fins de restituer les sommes qui leur ont été versées dans le cadre des protocoles transactionnels, condamner in solidum la société DENTSU AEGIS NETWORK FRANCE et la société CARAT Nederland BY, ou toute société venant aux droits des entités AEGIS MEDIA France et SICC, à payer à M. [C] une somme de 2 532 463,80 euros au titre du préjudice résultant du caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement et condamner les mêmes sociétés à payer la même somme à M. [K] sur le même fondement, et 'ordonner la compensation entre les sommes qui seraient dues aux sociétés employeurs et celles dues par ces dernières' ;

4°) en tout état de cause :

- débouter les intimées de leurs demandes ;

- juger que l'effet relatif des transactions empêche l'octroi d'une réparation aux personnes non signataires des protocoles transactionnels du 19 novembre 2003, qui n'ont consenti aucune concession ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le report du point de départ des intérêts à compter de la saisine du tribunal de commerce ;

- condamner in solidum les sociétés intimées à leur payer respectivement une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner les intimées aux entiers dépens.

Aux termes de leurs conclusions du 13 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société DENTSU FRANCE, la société CARAT France, la société IPROSPECT CONSEIL FRANCE, la société DENTSU EXPERTISE, la société IPROSPECT FRANCE, la société GRANIT PRODUCTIONS, la société de droit étranger GROUP CARAT NEDERLAND BV (venant aux droits de la société SICC), la société de droit étranger DENTSU INTERNATIONAL LIMITED (venant aux droits de la société AEGIS Group plc) demandent à la cour de :

1°) confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que MM. [C] et [K] avaient violé les protocoles transactionnels, en ce qu'il a condamné MM. [C] et [K] à payer chacun une somme de 1 632 784,71 euros en réparation de la violation des protocoles et, statuant à nouveau, y ajouter un montant complémentaire de 1 369 690,29 euros à la charge de chacun, en prononçant ces condamnations in solidum à l'encontre de MM. [C] et [K] ;

2°) confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que les condamnations prononcées à l'encontre de MM. [C] et [K] devaient être réglées à la société DENTSU FRANCE à charge pour elle de les répartir entre les sociétés intimées et si par impossible, la cour venait à réformer le jugement de ce chef, dire que les condamnations prononcées à l'encontre de MM. [C] et [K] devront intervenir au seul profit de la société DENTSU FRANCE, de la société GROUP CARAT NEDERLAND BV et de la société DENTSU INTERNATIONAL LIMITED ;

3°) confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts sur les condamnations au 28 décembre 2004, date de saisine du tribunal de commerce et si par extraordinaire la cour réformait le jugement sur ce point, fixer le point de départ des intérêts sur les condamnations prononcées à l'encontre de MM. [C] et [K] au 14 avril 2005, date de leur assignation devant le tribunal de commerce par le groupe AEGIS ;

4°) en tout état de cause :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté MM. [C] et [K] de leurs demandes ;

- débouter MM. [C] et [K] de leurs autres demandes ;

- confirmer le jugement sur l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, y ajouter un montant complémentaire de 30 000 euros au titre des frais d'appel ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné MM. [C] et [K] in solidum aux entiers dépens et y ajouter les dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Franck Lafon.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 20 septembre 2022.

SUR CE :

Sur les demandes de dommages-intérêts au titre des manquements aux obligations prévues par les transactions :

Considérant que MM. [C] et [K] concluent au débouté des demandes de dommages-intérêts formées à leur encontre au titre de la responsabilité contractuelle par les sociétés intimées aux motifs que :

- ces demandes se heurtent au principe de non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles ;

- les manquements aux obligations de confidentialité, de restitution de documents, de protection de la clientèle et des salariés des sociétés du groupe AEGIS, prévues par les transactions, ne sont pas établis ;

Considérant que la société DENTSU France et les autres sociétés intimées demandent la condamnation de MM. [C] et [K] à leur payer des dommages-intérêts aux motifs que :

- le moyen tiré du non-respect du principe de non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles est inopérant ;

- la clause de confidentialité prévue par l'article 9.1 des transactions et la clause de restitution des documents appartenant aux sociétés du groupe prévue à l'article 11 du même acte ont été violées en ce que MM. [C] et [K] ont, en 2004, conservé, utilisé et divulgué de nombreux documents commerciaux et financiers réalisés par les sociétés du groupe ;

- la clause de protection de clientèle prévue par l'article 6.2 des transactions a été violée en ce que MM. [C] et [K] ont sollicité indirectement les clients et prospects des sociétés du groupe AEGIS en orchestrant à partir de juin 2004 une campagne de presse relative à l'annonce de la création de la société KR Media et contenant une offre de services et, d'autre part, en ce qu'ils ont réalisé activement des actes de prospection au cours du second semestre 2004 envers les clients et prospects du groupe ;

- la clause de protection des salariés du groupe AEGIS prévue par l'article 6.2 des transactions a été violée en ce que MM. [C] et [K] ont activement débauché une vingtaine de dirigeants, cadres supérieurs, directeurs et chefs de service du groupe AEGIS dans le courant de l'année 2004 ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige : ' Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites' ; qu'aux termes de l'article 1147 du même code, dans sa version applicable au litige : 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part' ;

Qu'en l'espèce, en premier lieu, sur le manquement à l'obligation de confidentialité et de restitution de documents, il ressort des transactions du 19 novembre 2003 que l'article 9.1 est ainsi rédigé : ' Monsieur [C] [ou Monsieur [K]] s'engage dès à présent et pendant une durée de cinq (5) ans à compter de son départ tel que convenu au 31 décembre 2003, à respecter la plus stricte confidentialité quant aux informations, données chiffrées, données commerciales, données financières, documents de quelque ordre qu'ils soient relatifs à AEGIS MEDIA FRANCE, SICC, AEGIS GROUP plc et/ou aux autres sociétés du groupe AEGIS (en ce compris leurs clients, dirigeants et/ou salariés) et s'engage à ne jamais révéler ni utiliser, pour son compte ou pour le compte d'autrui, les informations confidentielles concernant la situation financière, économique, commerciale, administrative, les clients, les prospects et les méthodes commerciales, etc de AEGIS MEDIA FRANCE, SICC, AEGIS GROUP plc et/ou de toutes autres sociétés du groupe AEGIS auquel elles appartiennent, dont il a eu connaissance dans le cadre ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et/ou de ses mandats sociaux' ; que l'article 11 est ainsi rédigé : 'Monsieur [C] [ou Monsieur [K]] s'engage à restituer au plus tard lors de son départ l'ensemble des matériels, effets, documents (quel qu'en soit le support) et moyens de paiement appartenant à l'une quelconque des sociétés du groupe AEGIS, se trouvant encore en sa possession. Il s'engage en outre à ne conserver aucune copie ou reproductions desdits documents. (...)' ;

Qu'il ressort des débats et des pièces versées par les sociétés intimées, qui ont été appréhendées en exécution de l'ordonnance du président du tribunal de commerce dans les locaux de la société KR Médias le 16 décembre 2004, que si les documents en cause ont été effectivement établis par les sociétés du groupe AEGIS et contiennent des données notamment commerciales et financières relatives aux sociétés du groupe et à leurs clients, ces documents ont tous été rédigés dans le courant de l'année 2004, soit postérieurement à la rupture des contrats de travail de MM. [C] et [K] et à leur départ effectif des locaux de leurs employeurs ; que MM. [C] et [K] sont donc entrés en possession des documents en cause et ont donc eu connaissance des informations s'y trouvant après leur départ des sociétés du groupe AEGIS et la cessation de leurs fonctions ; que les sociétés intimées ne sont donc pas fondées à invoquer, d'une part, un manquement à l'obligation de restitution des documents se trouvant en leur possession lors de leur départ ni à l'obligation de non conservation de copies de tels documents, prévues à l'article 11 des transactions, ni, d'autre part, à invoquer un manquement à l'obligation de ne pas révéler ni utiliser les informations confidentielles dont ils ont eu connaissance dans le cadre ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions au sein des sociétés du groupe AEGIS prévues par l'article 9.1 de ces actes ;

Qu'en deuxième lieu, sur le manquement relatif à la clause de protection de la clientèle des sociétés du groupe AEGIS, il ressort des transactions que l'article 6.2 est ainsi rédigé : 'Monsieur [C] [ou Monsieur [K]] s'engage envers chacune des parties au présent protocole et envers toutes les autres sociétés du groupe AEGIS à respecter scrupuleusement la clause de protection de clientèle et l'obligation de non-débauchage prévues par son contrat de travail (et rappelées à l'annexe 3 aux présentes) et ce jusqu'au 1er janvier 2005, étant précisé que la clause de protection de clientèle porte sur la partie de l'activité du groupe AEGIS pour laquelle les clients et prospects ont ou auront effectivement bénéficié de services ou de propositions écrites de services par le groupe AEGIS dans les 12 mois précédant le 31 décembre 2003. Une liste de prospects en cours à la date des présentes est annexée au présent protocole. Il est expressément rappelé que tout manquement à ces obligations avant le 1er janvier 2005, mais dont les effets ne se produiraient qu'ultérieurement, sera considéré comme une violation par Monsieur [C] [ou Monsieur [K]] de ses engagements' ; que la clause de protection de clientèle contenue dans les contrats de travail de MM. [C] et [K] et annexée aux transactions est ainsi rédigée : ' En cas de rupture du présent contrat par l'une ou l'autre des parties, pour quelque cause que ce soit, Monsieur [G] [C] [ou Monsieur [J] [K]] s'interdit (...) : (i) de solliciter ou prospecter, directement ou indirectement, tout client (y compris tout prospect) qui aurait eu des relations d'affaires avec le Groupe ou ses filiales dans les douze (12) mois précédant la date de cessation en vue de fournir audit client des services similaires aux services fournis par le groupe ou ses filiales à la Date de Cessation. Pour les besoins de cette clause, 'Prospect' sera défini comme toute entreprise à laquelle le Groupe ou ses filiales auraient fait une offre commerciale écrite dans les six (6) mois précédant la date de cessation et figurant sur une liste établie à ladite date de cessation.' ;

Que, sur les actes de sollicitation indirecte imputés aux appelants, il ressort des débats et des pièces versées qu'au milieu de l'année 2014 de multiples articles de presse présentant, en des termes généraux, la société KR MEDIA nouvellement créée au grand public ont été publiés, sans qu'il soit démontré que les appelants ont été à l'initiative de ces articles et d'une campagne de presse ; que les sociétés intimées ne sont donc pas fondées à soutenir que MM. [C] et [K] ont sollicité de manière indirecte les clients ou prospects des sociétés du groupe AEGIS par le biais d'une campagne de presse ;

Qu'ensuite, sur les actes de prospection imputés aux appelants, il ressort des débats et des pièces versées que la clause de protection de clientèle en litige interdit seulement aux appelants de solliciter ou prospecter, directement ou indirectement, des clients ou prospects de sociétés du groupe AEGIS pendant une durée donnée, c'est-à-dire de démarcher de leur propre initiative ces clients ou prospects ; qu'elle ne contient aucune interdiction pour les appelants de répondre à une demande préalable d'un de ces clients ou prospects, étant rappelé que la clause de protection de clientèle en litige tend à restreindre la liberté de travailler et la liberté d'entreprendre et doit donc être interprétée restrictivement ; que MM. [C] et [K] justifient, par divers courriers, que l'ensemble des clients et prospects en litige a d'abord pris l'initiative de les contacter et que les rendez-vous et séances litigieux de présentation de l'activité de la société KR Médias, accompagnés de documents de présentation de cette société et de son activité, qui ont été réalisés par les appelants, ne sont que la conséquence de ces demandes préalables ; que les sociétés intimées ne sont donc pas fondées à soutenir que MM. [C] et [K] ont commis des actes de prospection directe ou indirecte contraires aux stipulations des transactions ;

Qu'en troisième lieu, sur les manquements à la clause de protection des salariés des sociétés du groupe AEGIS, il ressort des transactions que cette clause également insérée à l'article 6.2 transactions mentionné ci-dessus, renvoie à la clause contenue dans les contrats de travail et interdit aux appelants 'd'engager, chercher à engager, aider ou faciliter qu'une autre société engage, tout individu qui aurait été durant ladite période de douze (12) mois (ou qui fut à tout moment durant les douze (12) mois précédant la Date de Cessation un dirigeant, un cadre supérieur, un directeur ou un chef de service du Groupe, c'est-à-dire un directeur de niveau A, B ou C du Groupe ou de ses filiales, défini selon les critères du Groupe' (sic) ;

Qu'il ressort tout d'abord des débats et des pièces versées, et notamment des stipulations contractuelles elles-mêmes rappelées ci-dessus, que la clause de protection de salariés en litige ne s'applique qu'aux directeurs des niveaux A, B ou C employés par les sociétés du groupe AEGIS, tels que ces niveaux sont définis par les règles internes du groupe en matière de paiement de bonus, et non pas, contrairement à ce que soutiennent les intimées, à, d'une part, tous dirigeants ou cadres supérieurs du groupe et, d'autre part, à tous directeurs ou chefs de service du groupe c'est-à-dire à tous directeurs de niveau A, B ou C ; qu'en effet, les mots ', c'est-à-dire un directeur de niveau A, B ou C du Groupe' sont en facteur commun des mots 'dirigeant', 'cadre supérieur' et 'directeur ou chef de service' ;

Que cette interprétation est corroborée par la pièce n° 99 versée par les appelantes, relative au paiement de leurs bonus pour l'année 1998, qui mentionne que MM. [C] et [K], dont il est constant qu'ils étaient parmi les plus hauts dirigeants au sein du groupe AEGIS, sont classés comme des directeurs de niveau A ; qu'elle est également corroborée par les conclusions récapitulatives devant le tribunal de commerce déposées par les sociétés du groupe AEGIS (pièce n°29 des appelants, page 12), dans lesquelles elles soutiennent que MM. [C] et [K] s'étaient engagés à ne pas 'embaucher, débaucher ou inciter à embaucher des cadres supérieurs ou dirigeants du groupe (à savoir des dirigeants de niveau A, B ou C) y compris au sein des filiales';

Qu'ensuite, les sociétés intimées ne versent aucun élément établissant que les salariés des sociétés du groupe AEGIS en litige , débauchés par MM. [C] et [K], étaient des directeurs de niveau A, B ou C selon la classification interne du groupe AEGIS, étant précisé que la pièce n° 126, qui est invoquée par les intimées dans leurs conclusions pour établir qu'au moins trois de ces salariés relevaient de la catégorie C, ne contient aucun élément sur ce point ;

Que dans ces conditions, les sociétés intimées ne sont pas fondées à soutenir que MM. [C] et [K] n'ont pas respecté la clause de protection de salariés incluses dans les transactions ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que les manquements contractuels reprochés à MM. [C] et [K] par les sociétés intimées ne sont pas établis ;

Qu'il convient donc de les débouter de leurs demandes de dommages-intérêts et de leurs demandes relatives aux intérêts légaux formées à ce titre ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; que les sociétés intimées, parties succombantes, seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel et seront condamnées à payer in solidum à M. [C] une somme de 10 000 euros pour la procédure suivie en première instance et en appel et à payer la même somme au même titre à M. [K] ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que MM. [G] [C] et [J] [K] n'ont pas commis de manquements aux obligations contractuelles prévues par les transactions du 19 novembre 2003,

Déboute la société DENTSU FRANCE, la société CARAT France, la société IPROSPECT CONSEIL FRANCE, la société DENTSU EXPERTISE, la société IPROSPECT FRANCE, la société GRANIT PRODUCTIONS, la société de droit étranger GROUP CARAT NEDERLAND BV et la société de droit étranger DENTSU INTERNATIONAL LIMITED de leurs demandes,

Condamne in solidum la société DENTSU FRANCE, la société CARAT France, la société IPROSPECT CONSEIL FRANCE, la société DENTSU EXPERTISE, la société IPROSPECT FRANCE, la société GRANIT PRODUCTIONS, la société de droit étranger GROUP CARAT NEDERLAND BV et la société de droit étranger DENTSU INTERNATIONAL LIMITED à payer à M. [G] [C] une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Condamne in solidum la société DENTSU FRANCE, la société CARAT France, la société IPROSPECT CONSEIL FRANCE, la société DENTSU EXPERTISE, la société IPROSPECT FRANCE, la société GRANIT PRODUCTIONS, la société de droit étranger GROUP CARAT NEDERLAND BV et la société de droit étranger DENTSU INTERNATIONAL LIMITED à payer à M. [J] [K] une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Condamne in solidum la société DENTSU FRANCE, la société CARAT France, la société IPROSPECT CONSEIL FRANCE, la société DENTSU EXPERTISE, la société IPROSPECT FRANCE, la société GRANIT PRODUCTIONS, la société de droit étranger GROUP CARAT NEDERLAND BV et la société de droit étranger DENTSU INTERNATIONAL LIMITED aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02599
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;20.02599 ?
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