COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51B
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 DECEMBRE 2022
N° RG 21/06035 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UYN4
AFFAIRE :
S.A. IMMOBILIERE 3F
C/
Mme [I] [E]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Août 2021 par le Juge des contentieux de la protection de SANNOIS
N° RG : 1120001206
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 06/12/22
à :
Me Jeanine HALIMI
Me Séverine COLNARD-WUJCZAK
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. IMMOBILIERE 3F
N° SIRET : 552 141 533 RCS Paris
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Jeanine HALIMI de la SELARL JEANINE HALIMI, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 397
APPELANTE
****************
Madame [I] [E]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Maître Séverine COLNARD-WUJCZAK, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 247 - N° du dossier 212991
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/017623 du 25/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence TARDIVEL, Vice présidente placée chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Laurence TARDIVEL, Vice présidente placée,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 4 janvier 2012, la société d'H.L.M. immobilière 3F a donné à bail à Mme [I] [E] un appartement à usage d'habitation, n°27, sis [Adresse 4].
Par acte de commissaire de justice du 9 décembre 2020, la société immobilière 3F a assigné Mme [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sannois aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de Mme [E], responsable du fait de son enfant qu'elle héberge, auteur d'une agression physique contre le gardien de la résidence,
- ordonner l'expulsion de Mme [E] ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec dispense du délai de deux mois prescrit par l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution et, si besoin, avec le concours de la force publique et sous astreinte de 10 euros par jour de retard au cas où elle ne quitterait pas les lieux dans les dix jours de la signification du jugement,
- autoriser la séquestration des biens et objets mobiliers se trouvant dans les lieux lors de l'expulsion soit sur place soit dans un garde-meuble au choix de la requérante et aux frais, risques et périls de qui il appartiendra,
- condamner Mme [E] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle égale au prix du loyer et des charges courantes majoré de 50% jusqu'à parfaite libération des lieux,
- condamner Mme [E] au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire rendu le 26 août 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sannois a :
- débouté la société immobilière 3F de sa demande de résiliation du bail conclu le 4 janvier 2012 avec Mme [E] portant sur un appartement à usage d'habitation n°27 situé [Adresse 4],
- débouté la société immobilière 3F de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société immobilière 3F à payer à Mme [E] la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,
- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
- dit que la société immobilière 3F conserverait la charge de ses dépens qui seraient recouvrés selon la loi sur l'aide juridique,
- rappelé que la décision était exécutoire de droit par provision.
Par déclaration reçue au greffe le 4 octobre 2021, la société immobilière 3F a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 28 octobre 2021, elle demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sannois le 26 août 2021,
Statuant à nouveau,
- prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de Mme [E], responsable du fait de son enfant qu'elle héberge, auteur d'une agression physique contre le gardien de la résidence,
- prononcer l'expulsion de Mme [E] ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec dispense du délai de deux mois prescrit par l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution des lieux situés [Adresse 2]) en la forme ordinaire et accoutumée et même avec l'assistance du commissaire de police, d'un serrurier et de la force publique en cas de besoin,
- condamner Mme [E] au paiement à son profit d'une astreinte définitive de 10 euros par jour de retard au cas où elle ne quitterait pas les lieux dans les dix jours de la signification de la décision à intervenir,
- autoriser la séquestration des biens et objets mobiliers se trouvant éventuellement dans les lieux lors de l'expulsion, soit sur place, soit dans un garde-meuble au choix de la requérante, aux frais, risques et périls de qui il appartiendra,
- condamner Mme [E] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle majorée de 50 % égale au prix du loyer et des charges courantes et ce, jusqu'à son départ définitif,
- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Jeanine Halimi, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 21 septembre 2022, Mme [E] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris dans l'ensemble de ses dispositions,
- débouter la société immobilière 3F de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre et à l'encontre de son fils,
Subsidiairement,
- lui accorder ainsi qu'à son fils, des délais pour quitter les lieux,
- condamner la société immobilière 3F à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en faisant application des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,
- condamner la société immobilière 3F au paiement des entiers dépens de l'instance.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 septembre 2022
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société 3F indique que Mme [E] héberge dans son logement son fils majeur, M. [C] [J], qui a agressé physiquement le gardien de la résidence, M. [O], et qui a été reconnu coupable de cette agression par le tribunal pour enfants.
Elle soutient que ce fait suffit à justifier le prononcé de la résiliation du bail, dès lors que le bailleur a des obligations vis-à -vis de l'ensemble des locataires, afin d'assurer la jouissance paisible des lieux loués et qu'en outre, en qualité d'employeur du gardien, elle a une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ce dernier.
Mme [E] expose en réponse qu'elle subit, avec son fils [C], qui souffre d'un handicap mental, les agressions verbales de leur gardien d'immeuble.
Elle soutient qu'il appartient au bailleur de démontrer que son fils n'occupe pas paisiblement les lieux et trouble la jouissance des autres locataires, ce qui n'est pas le cas.
Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement déféré, faisant valoir en outre que son fils désormais est hébergé chez un oncle.
Elle sollicite subsidiairement les plus larges délais pour quitter les lieux.
Sur ce,
Conformément aux dispositions de l'article 1728 du code civil applicable au contrat de location liant les parties, le preneur est tenu, outre le paiement du prix aux termes convenus, d'une obligation essentielle consistant à user de la chose louée en bon père de famille et suivant la destination donnée par le bail.
Aux termes de l'article 7 b de la loi du 6 juillet 1989, le locataire a l'obligation d'user paisiblement des locaux suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location et aux termes de l'article 2 du contrat de bail, le locataire s'engage à user paisiblement de la chose louée.
Le bailleur est fondé, en application combinée des articles 1728,1729 et de l'article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989, à obtenir la résiliation du bail, à charge pour lui de démontrer que le preneur a manqué à son obligation d'user de la chose en bon père de famille et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, peu important que le manquement ait ou non cessé.
La société Immobilière 3F produit aux débats pour justifier que le fils de Mme [E] a été, à l'origine de faits de violences à l'encontre du gardien :
- une plainte pour violences volontaires de M. [O], gardien de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 3], en date du 5 novembre 2020, qui indique notamment : 'Il s'agissait de ce jeune [C] [[J]], je lui ai demandé d'arrêter de faire le bazar dans la résidence et je lui ai lancé son téléphone. Il s'est vexé, s'est avancé vers moi et m'a administré un coup de poing dans les lunettes et dans le visage.'
- un jugement rendu par le tribunal pour enfants de Pontoise le 15 avril 2021 qui condamne [C]
[J] pour violences volontaires sur M. [O] le 5 novembre 2020.
Il y a lieu de rappeler que le preneur doit répondre, non seulement de ses propres manquements aux obligations nées du bail, mais également de ceux commis par les personnes de sa maison.
Ces violences commises par M. [C] [J] constituent une violation grave à l'une des clauses essentielles du bail qui impose au locataire de n'importuner quiconque par son attitude et de quelque façon que ce soit, de nature à justifier à elle seule la résiliation du bail. Mme [E] n'apporte pas la preuve en effet que M. [O] se serait lui-même montré violent à l'égard de son fils ou aurait eu une attitude inappropriée, un simple différend avec son concubin en 2012 n'étant pas susceptible d'excuser les violences commises par [C] [J] en 2020.
Cependant, Mme [E] versant aux débats une attestation de M. [Y] [E] datée du 7 juillet 2022 déclarant sur l'honneur héberger [C] [J] à son domicile à [Localité 5] depuis le 1er janvier 2022, il convient de dire que cette circonstance justifie de ne pas prononcer la résiliation du bail, aucun autre manquement de Mme [E] à ses obligations contractuelles n'étant allégué. Le jugement déféré sera donc confirmé.
Sur l'indemnité procédurale et les dépens
Succombant en son recours, la société 3F sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Immobilière 3F aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,